
âges ; conféquemment il auroit dû paroître de
grandes excavations. Cependant , dans aucun des
endroits dont on vient de parler, on ne trouve
de grande marque de l’exploitation d’aucune mine.
Les anciennes traces des mines d’argent qui étoient
dans l’Hifpanie, font peu confidérables, en com-
paraifon de ce qu’elles auroient dû être (i ), & il n’y
a pas eu de mines d’or.
Juan-Dos-Santos (voye^fon Voyage publié par le
Grand) , moine Dominicain, dit que fur la côte
d'Afrique , dans le, royaume de Sofala, fitué vis-à-
vis l’ile de Madagascar, il y a des mines d’or &
d’argent, plus abondantes qu’aucune autre mine
connue, fur-tout celles d’argent. Elles paroi fient
avoir été exploitées dès les premiers temps. Elles
étoient comme ouvertes, & on y travailloit, quand
les Portugais conquirent cette partie de la .pénin-
fule , & vraifemblablement . qu’on les „a abandonnées
depuis la découverte du nouveau monde,
plutôt, par politique *qüe par aucune autre raifon.
Juan-Dos-Santos raconte qu’il aborda à Sofala
dans l’année 1586, & qu’il remonta la grande rivière
de Cuama, où les moines de fon ordre délirant
toujours d’être dans le voifinage de l’or, avoient placé
leur couvent. De-là il pénétra à environ deux cens
lieues dsrns le .pays , & il vit les mines d’or que
l’on exploitoit. alors dans les montagnes d’Afura .*
à une diftance confidérable de ces mines étoient
les mines d’argent de Chicona. Dans les unes & dans
les autres on trouve des excavations qui paroiflent
très-anciennes j & auprès de ces divers endroits , les
maifons des rois font a&uellement faites de paille
& de boue , tandis qu’il y fubfifte encore des reftes
confidérables de bâtiment, conftruits- avec des
pierres & de la chaux.
Ceft une tradition généralement adoptée dans
ce pays, que ces ouvrages ont appartenu autres
fois à la reine de Saba, Sç qu’ils y furent-bâtis
dans le temps du commerce de la mer Rouge;
& à caufe de ce commerce, tous les Cafres conservent
parmi eux mémoire de ce fait.
Eupolemus * ancien auteur cité par Eufèbe, dit,
en parlant de David., qu’il fit conftruire des
vaifleaux à Eloth , ville d’Arabie, & qu’il envoya
des mineurs, ou., comme il les appelle, des hommes
p métal, à Orphi ou Orphir, île de la mer Rouge.
Mais parla mer Rouge, cet écrivain entend, fans
doute, l’Océan Indien ; & par Orphi, vraifembla-
blement il défigne l’île de Madagafcar. Orphi ou
Orphir paroît avoir - été le nom du continent,
au lieu de Sofala.
Les rois des îles- font fouvent cités dans ces
«voyages, Socotera , Madagafcar , les Commores
plufieurs petites îles des environ^, font appa-
(1) M. Bruce dit que 1 cm ne connoît aucune trace
ide mine d’argent en Efpagne. S’il veut fe convaincre
du contraire , il n'a qu’à lire l’ouvrage de Bowie ou ma
géographie ancienne de ’Efpagne.
remment ce que l’écriture appelle les îles. Tout
fe réduit donc alors à trouver un lieu , foit Sofala
, foit qiielqù'autre contrée adjacente, qui
"puiiïe fournir indubitablement de l’or, de l’argent
& de l’ivoire en grande quantité, qui ait de
vaftes excavations & qui, en même temps, foit
dans une pofition telle, en rapport aux moulions ,
qu’il faille abfolument trois ans pour en faire le
voyage, fans qu’il ,exige plus de temps, ni qu’on
pu» fie le faire en moins ; & ce . lieu eft Ophir.
Eflayons maintenant de nous rendre, à ces mines
de Dos-Santps;, avec les moulions que nous avons
déjà expliquées. Les flottes ou les vaifleaux partant
en juin d’Ezion-Gaber, fe rendoient à Moka avec
la mouflon du nord. Là, non la mouflon, mais
la (lire&ion du golfe change, ,& la violence des
vents de fud-oueft qui régnent dans l’Océan Indien,
fe fait quelquefois fentir dans la route de Moka.
Les vaifleaux mouillent alors dans ce port, &
y attendent un temps plus calme •& des vents
plus favorables qui les conduifent jufqu’au dehors
du détroit de Bah-el-Mandeb, dans le court paf-
fage duquel le vent eft toujours variable. S’ils
avoient befoin de fe rendre aux Indes, leur route
feroit à Teft-nord-eft, ôïi au nord-eft, quàrt-de-
nord , & ils trouveroient un vent très-fort de fud-
oueft s qui les porteroit dans quelque partie de
l’Inde- qu’ils vouluflent aller, dès qu’ils auraient
doublé le cap . Gardefan (a).*
Mais il en eft autrement, fi ces vaifleaux font
deft nés -pour Sofala ; leur route eft prefque au
fud-ou.ft, & ils rencontrent au cap Gardefan un
vent violent du fud-oueft qui leur eft direâement
contraire; étant obligés de retourner dans le golfe,
ils prennent ce vent pour un vent alifé , parce
qu’ils ne peuvent faire la route de Moka qu’avec-'
la mouflon d’éte, qui ne lés conduit que jufqu’au
détroit de Bab-el-Mandeb, & qui les laifle enfuite
. abandonnés à un vent contraire, à un courant
très-fort & à une mer orageufe.
Il étoit abfolument impoflible de tenter un pareil
voyage à la voile, parce que les vaifleaux ri’alloient,
dans les premiers temps, que vent-arrière. Si l’on
avoit voulu achever, il auroit fallu employer des
rames & beaucoup de dépenfes ; & la perte d’un
grand nombre d’hommes eût été les conféquence$
néceflaires de ces eflais. Ceci n’eft pas une fimple
conjecture.
Le prophète Ezéchiel décrit le fait, en parlant
des voyages des Tyriens, &« peut-être même de
celui que l’on vient de tracer. Il dit : u 'Tes ra-r
» meurs t’ont porté dans les grandes eaux ( l’Océan),
” & le vent d’orient t’a brifé dans le milieu des
»mers«. En un mot, lèvent d’orient, c’eft-à-dire .
(2) Ce-ft le véritable nom de ce cap: il fignifle cap
des funérailles ; comme Bab-el-Mandeb , porte des peines .
des afjiictions. Par ignorance du fens , on a altéré lç,$
n?ots , & l’on a dit Babrd-Mandpl, Gu^rdafui.
le vent du nord -.eft, étoit la vraie mouflon j
propre à les conduire à Sofala. Cependant, n’ayant
pas de voiles, étant fur une côte où le vent
donnoit en plein, fur une côte très-dangereifle &
dans une mer très-grùffe-, il leur eût été impoflible,
avec leurs rames, d’échapper au naufrage.
Enfin ia philosophie, l’obfervation, la perfévé-
rance infatigable de fhomme, qui cherche à exécuter
tous les projets que fon intérêt lui fuggère ,
triomphèrent de ces difficultés, & apprirent, aux
navigateurs du golfe d’Arabie, que ces vents périodiques
, qu’ils avoient d’abord regardés 'comme des
©bftacles invincibles au commerce de Sofala, étoient,
quand' on les connoifloit, les moyens les plus fars
& les plus prompts d’exécuter ce voyage. ^
Les vaifleaux qui alloient trafiquer à Sofala
partoient en été du golfe d’Arabie, ainfi que je-
l’ai -dît. Ils profitaient d’une mouflon du nord ,
qui les conduifoit à Moka. Là , la mouflon leur
manquoit, par rapport au changement de direction
du golfe.. Les vents du fud-oueft qui fonfflent
en dehors du cap Guardefan, dans l’Océan Indien ,
avoient tant de violence , qu’ils fe faifoient fentir
jufques dans la route de Moka, & rendoient cet
endroit allez difficile pour les vaifleaux. Mais
bientôt le vent changeoit, le temps devenoir calme,
& les vaifleaux ( j’imagine) étoient, dans le mois
d’août, tranquillement à l’ancre fur le cap Gardefan,
ou étoit le port que, long-temps après, on appela
pramonîenuni Aromatum.
L à , les vaifleaux étoient obligés de demeurer
jufqu’eù novembre , parce, que pendant tous les
mois de Tété , les vents, au fud du cap , fouffleient
du ll.d-Queft, & étoient, comme je l’ai expofé
plus haut,; dire&ement contraires au voyage de
Spfala. *
Mais le temps n’était, pas perdu ; on achetait
une partie des marchandises que l’on vouloit rapporter,
telles que l’ivoire, l’encens & la myrrhe ,
& les vaifleaux même étoient le lieu où i’ontenoit
le marché- de ces divers objets. ,
Je penfe, dit M. Bruce, qu’en novembre les
vaifleaux partoient avec un vent de nord-eft, avec
lequel ils avoient bientôt fait le voyage. Mais à
la hauteur de là côte de Mélinde, ils renéomroient,
au mois de décembre, une mouflon irrégulière du
fud-oueft, que, de nos jours , le doéieur Hallay
a obfervée le premier. Cette mouflon les empêchois
d’arriver à Sofala , & les obligeoit de relâcher dans
le petit port appelé, aujourd’hui Moka (1.), près.
(i.) On ne doit pas erre étonné dé retrouver ici un-
Meu nommé Moka ; on trouve trois lieux de ce nom dans
le Voyage de Sofala.
Le premier dans l’Arabie déferte y prefque par le 30*
degré de latitude nord , & non loin de l’extrémité du.
golfe de Suez.
Le fécond eft par les 13e degrés, à peu- de diftance
d» détroit de Bab-el-Mandeb.
Le troifième eft par 3 degrés de latitude fud, près
de Tarshish, fur la côte de Mélinde,-
de Mélinde ■, ou plus près encore , dans celui que
l’on nomme Tarhish, que nous trouvons ici par
ac c id ent& que nous regardons comme un puiflaigt
garant de la îeûitude de nos idées fur tout le refte
du voyage.
. Dans les annales de l’Abyfliriie , nous voyons
qu’Amda-Sion ayant porté la guerre fur. cette
côte , dans le quatrième fiècle , avoit dans le«
nombre de fes vaflaux rebelles , un chef de Tarshish
, pays défigné dans le même endroit où nous;
venons de le placer.
Les vaifleaux de Salomon étoient donc obligé»
de s’arrêter à Tarshish jufqu’en avril de l’automne;
fuivante. En mai le vent paiTort au . nor^lr-eft, &.
probablement il les portoit dans le. cours du'même-- -
mois à Sofala.
Tout le temps qu’ils pafloient;à Tarshish (z) ,7
étoit utilement employé. Une partie de leur car-
gaifon devoit être, prife là , & fans doute orr
l’achetoit , ou l’on en conclu oit le marché, pour
la prendre au retour’. Depuis lé mois de mai
la fécondé année jufqu’â. la fin de la mouflon en;
oélobre les vaifleaux ne pouvoient pas quitter le-
port. Le vent étoit nord-eft ; mais pendant. cir
temps, les navigateurs commerçans embarquent les»
marchandi-ies, que, j’imagine,, ils avoient trouvée»
toutes prêtes.
Les vaifleaux repart oient de Sofala, ou plutôt
d’Ophir, dans le mois de décembre de la fécondé;
année, avec les. mouflons du"fud-oueft, qui, en
peu de femalnes , les avoit portées dans le golfe-'
d’Arabie , fl , à la hauteur de Moka , près de;
Mélinde & de Tarshish, ils- n’a voient pas. rencontré
la mouffon de nord-eft, laquelle les ohlF-
geoit d’entrer dans- ce port jufqu’à ce qu’elle fût'
changée. Enfuite le vent de fud-oueft vendit &
leur fecours, au mois de mai de la troifième an-
négfl Avec ce vent ils franchiffoient- le détroit dç:
Ce nom,-, en langue éthiopienne, figtiifre une-prifon'-
II eft précifément appliqué aux. trois endroits dont je-
viens de parler, parce qu’un vaiffeau eft forcé de fé-
joumer quelques mois dans chacun d'eux pour attendre;
les changemens^de mouflons, ôc-avoir. la liberté de pour—
fiiivre fon voyage.. ,
A- Moka,- du golfe de Suezy un vaiffeau qui ab'efbioe
de faire voile au fud, refte emprifonné tout i’h ivery
jufqu’à l’inftant où la mouffon d’été vient à le délivrer^
A Moka,, de l’Arabie h e u reu fe il en arrive-jutanr
au vaiffeau qui veut fe rendre a Suez pendant k 3 mois;
d’ëté. 11 eft obligé d’attendre-que les mouflons du fad-
eft viennent lui- donner la facilité d’achever fa-'route*.
Après qu’on a doublé le cap, la mouffon- d’été, qui-
fouffle du nord-eft, porte le vaiffeau vers Sofala'; mais-
une mouffon anomale l’arrête à la. hauteur de Mélinde
& le fait aborder à Tarshish où il eft- emprifonné pendant
fix mois dans un- autre Moka.-
Ainfi l’on voit que par-tout où ce nom eft celui d’un;
lieu, il fert à-, défigner un lieu- de féjour-, oaune efpècc-
de prifon..
(a) On voir que le mot Tharsfîh eft. ici: celui d’un:
lieu ; mais il peut être pris ailleurs pour la mer eüe>-
même,, cooame je. L’a i dit à- l’article- T|îa r s îv