
* i t T A U
roi de Perfe ; & que le roi de ce peuple fut urt
de ceux qui s’affemblèrent pour délibérer fur cette
armée qui venoit envahir la Scythie. Selon le
même hiftorien, les Taures avoient la coutume
d’immoler à Iphigénie, fille d’Agamemnon , les
étrangers qui écliouoient fur leurs côtes, & tous
les Grecs qui y abordoiént & qui tomboient entre
leurs mains. Après les ceremonies ils le&afl’ommcient*
d’un coup de mafliie fur la tête. Il ajoute que
quant à leurs ennemis, fi un Taure fàifoit un pri-
fonnier dans le combat, il lui coupoit la tête &
l’emportoit chez -lui : il la mettoit enfuite au beut
d’une perche, qu’il plaçoït fur fa maifon. Selon
le même auteur, ‘ce peuple fubfiftoit du butin qu’il
fàifoit à la guerre.
T auri staGn um , étang de la Gaule. Ceft
afîuellement l’étang de Tau, ou plus exaâement
dfc Taur.
T AU R IA , île de la mer Méditerranée, entre
Carthage la neuve & Céfarée de Mauritanie, félon
l’itinéraire d’Antonin.
TAURI AN A , ville de l’Italie, dans la partie
de la grande Grèce, appelée le Brutium.
T auriana r eg io , contrée de l’Italie, dans la
Lucanie, au-defiiis du pays de Turii, félon
Strabon.
TAURIANUM, ville de l’Italie, dans le Brutium
, au voifinage du port d’Orefte, félon Pline
& Pomponius Mêla
TAURIÀNUS SCOPULUS, rocher de l’Italie,
fur la côte de la mer Tyrrhène, dans le Brutium,
félon Ptolemée.
TAUR ICA CHERSONESUS ( lu Crimée ).
Cette prefqu’île eft l’une des^parties orientales de
J’Europe, à laquelle elle, eft jointe par un ifthme
fort étroit. Elle à la figure d’un triangle, & fa
partie orientale eft fort montagneufe.
Sur l’ifthme qui la joignoit à la terre-ferme étoit
la ville de Taphnz (Or-Capi), à l’extrémité oppofée,
ap fud, étoit le promontoire-appelée Criu-metopon,
ou le front du bélier ( Karadgé-bouron ) ; à l’eft,
étojt un autre promontoire qui reflerroit à l’oueft ,
le détroit appelé Bofphore Çimmérien ou Bofphorus \
Cimmerius. Je ne trouve pas de nom ancien à ce j
c^p : à l’oueft étoit le Parthenium promontorium :
( Eski faros). L’ancienne hiftoire de la Grèce
pjaçoit à ce lieu, chez les Tauri, la retraite
d Iphigénie enlevée par Diane, & la reconnoif-
fance de cette princeffe & de fon frère Orefte.
Comme cette partie de l’Europe eft devenue, de- ;
puis quelque temps, l’objet des voeux de deux grand^
puifiances ; comme même les prétentions de
deux vafte empires,, la Rulfie & la Turquie , ont
fixé l’attention des politiques de ce côté & fur
tout ce qui environne la mer Noire, je préfenterai
d’abord ici ce qui appartient plus particuliérement
à la Cherfonèfç Tauriqne : mais à caufe de l'importance
de toutes les. côtes de la mer Noire, je
mettrai à la fin de cet article de la Taurique, des
détails qui devroient plus partiçuliérexnnt fe trqiiver
T A U
à l’article Pontus Euxinus , & que les èdîteut$
de cet ouvrage, fi jamais il eft réimprimé, jugeront
certainement convenable d’y reporter. Je
les y invite même, parce que je crois que ces
détails y feront plus à leur place. Je les tire d’un
ouvrage fort favant, dont j’ai connu fauteur, &
qui s’étoit, pour cet objet, beaucoup aidé des
recherches faites par fon père : c’étoit le favant
M. PeyiTonel, qui depuis a écrit fur le commerce
de la mer Noire & fur la fituation politique de
l ’Europe. Son ouvrage ne me paroiiTant pas de
nature à être réimprimé, deviendra de plus en
plus rare : d’où je conjeâure que c’eft rendre
fervice aux amateurs de la géograhie & de l’hif-
toire ancienne, que de leur conferverrier ce que
cet ouvrage renferme de plus intéreffant. Voyez
Obfervadons hifioriques & géographiques fur les peuples
barbares qui ont habité Aes bords du Danube & du
Pont-Euxin, &c. Il s’en trouve encore en ce
moment (feptembre 1791 ) , quelques exemplaires
chez M. Tiilard, rue de la Harpe. *
«La Cherfonèfe Taurique, aujourd’hui la Tar-
tarie-Crimée, après avoir été gouvernée dans les
temps les plus reculés, par des fouverains particuliers
, conquife par les Taures, peuples de la
Scythie européenne, qui lui donnèrent leur nom,
prife fur eux par Mithridate , roi de Pont, reprife
par les Romains, & foumife aux rois du Bofphore ,
demeura enfin fous le pouvoir des empereurs d'O-
rient dans le partage de l’empire. Les Chazares|
.barbares Orientaux, défignés par Procope fous
. le nom de Huns, s’y établirent enfuite, &. y
étoient. déjà connus du temps de Juftin. Nous
voyons dans cet hiftorien que Gyrgène, roi
d’Ibérie, ayant imploré la proteâion des Romains
contre les Perfes, l’empereur envoya Probus pour
faire une levée de Huns à Bofphore , ville maritime
, que ceux qui navigoient fur le Pont-
Euxin avoient à leur gauche; elle étoit fituée à
vingt journées de Cherfon, qui *étoit la dernière
frontière de l’empire Romain. Le pays entre ces
deux villes étoit occupé & pofledé par les Huns ;
il avoit autrefois appartenu aux habitans du B o fphore
, qui depuis fe fournirent à l’empereur Juftin.1
Ces Huns ou ces Chazares qui avoient envahi la
Cherfonèfe Taurique, & qui y étoient encore
établis du temps de Conftantin Porphyrogénète ,
donnèrent aufli à cette prequ’île le nom de Cha^arie,
qu’elle îportoit encore dans le quatorzième fiècle ,
^Quoiqu’elle fût déjà occupée pâr les Tartares d’au-
purd’h ui. L’an 1333, le pape envoya à Conftan-
" tinople deux millionnaires , dont l’un, appelé
François di Camerino, fut fait archevêque de Vojpo
ou Bofphore dans la Chazarie; l’autre, nommé
Richard, fut nommé évêque de Cherfone, & eut
ordre d’y bâtir une églife de S. Clément, & d’y
fixer fon fiège, parce que l’on croyoit que ce
faint pape y avoit fouffert le martyre.
On peut déduire du chapitre 53 de ConÇantia
Porphyrogénète, que h prefqu’île çe Crimée étoita
T a u
fon temps j divifée en deux peuples, lesCher-
ionites & les Bofphoriens.
Les Cherfonites étoient fidèles & fournis aux
empereurs d’Orient ; ils étoient gouvernés par un
officier appelé Protevon, qui avoit pour confeil
des fénateurs ou vieillards, que l’on appeloit les
pères de la ville. On leur envoya dans la fuite des
prêteurs ; Pétronas, qui, fous le règne de Théophile,
bâtit la ville de S-arcel, fut le premier prêteur
de Cherfone. Ces peuples étoient commer-
çans , & faifoient toiit le trafic de la mer Noire ;
il leur convenoit de vivre en paix avec les Romains
, leurs vaiffeaux étant comme un gage perpétuel
que ceux-ci avoient de leur fidélité ; auffi
Conftantin Porphyrogénète donne pour avis, que
s’ils venoient à fe révolter, il n’y auroit qu’à faire
arrêter fur le champ leurs bâtimens fur les côtes
d’Arménie, de Paphlagonie & des Bucellariens.
Il fe fonde fur ce que «es peuples ne fauroient
fubfifter s’ils ne faifoient les voyages de Romanie
pour vendre leurs cires & leurs cuirs, dont ils
trafiquoient avec les Patçinacites, & s’ils ne tiroient
des denrées à'Amin fu s , de la Paphlagonie, des
Bucellariens & de’s autres peuples qui confinent*-
avec l’Arménie. On peut obferver ici en pafîànt,
que le commerce de Crimée étoit, des ce temps-
là , à peu près le même qu’il eft aujourd’hui ; les
cuirs & la cire en font encore les. plus importans
articles.,Les habitans de cette contrée font encore
un grand commerce avec la Romanie & la côte
méridionale de la mer Noire, qui-comprend ce
qu’on appeloit autrefois la Bythinie, la Paphla-
goniê & le Pont ; ils n’ont plus, à la vérité,
fcefoin des grains de cette régions, qui croifient
chez eux en très-grande abondance ; mais ils en tirent
encore des fruits & une infinité d’autres denrées.
Les Bofphoriens, rivaux des Cherfonites dans
la Cherfonèfe Taurique, habitoient la ville de
Bofphore, capitale d’un royaume qui comprenoit
autrefois tous les Sarrr.ares des environs du Palus
Mccotide ou de merde Zabache. On trouve dans
Conftantin Porphyrogénète une hiftoire abrégée
des guerres qu’il y a eues en divers temps entre
les "Cherfonites & les Bofphoriens. Sous le règne
de Dioclétien ceux - ci s’étant avancés dans la
Colchide ou pays des Lazes, jufqn’au fieu Ve Halls,
fous la conduite d’un certain Crifcon", Confiance ,
depuis empereur, qui avoit été envoyé pour s'opr
■ pofer à leur progrès, ayant de la peine à les contenir,
fe fervit fort à propos contre eux d’une
diverfion des Cherfonites. Ces derniers prirent la
ville de Bofphore, & ne la rendirent que lorfque
Crifcon eut fait fii paix avec les Romains. Le
Protevon de Cherfone étoit alors Chrifius, fils
de Papias , fous le protevon Diogène , fils
de Diogène ; le même Conftans, devenu empereur,
employa encore les Cherfonites à une -autre
diverfion •contse les Scythes de la petite Scythie \
&leur accorda en rcconnoiiîànce un grand nombre
d’exemptions & de privilèges. Sous Byfcus, fils
T A. U 213
de Supolichusj les Cherfonites battirent les Bofphoriens
, & les firent jurer de ne plus fortir à
l’avënir de leurs limites, qu’ils fixèrent à Caffa.
Sous Pharnàce, les limites des Bofphoriens furent
reftràintes à Cybernicum, & les Cherfonites ne leur
laiflerent que quarante milles d’étendue en-deçà du
détroit. Ces limités fubfiftoient encore du temps de
Conftantin Porphyrogénète. Il y eut dans la fuit© une
çonfpiration des Bofphoriens contre les Cherfonites ;
les premiers s’étant introduits & cachés dans Cherfone,
dévoient y mettre tout à feu & à fang. Cette conjuration
fut heureufement découverte par une fille nommée
Gy cia: on lui érigea des ftatues ,fur le piédeftal
defquelles étoit gravé le précis de cette aventure.
Le féjour que j’ai fait en Crimée en qualité de
conful de Sa Majefté auprès du Khan, dit M Peyfi
fon d , m’a mis à même de faire diverfes obfervations
géographiques , qui me paroifîent trouver ici
naturellement leur place..
11 y avoit dans la Cherfonèfe Taurique une
infinité de villes grecques & d’autres, dont lès
noms font rapportés par divers géographes. Pour
tâcher de les placer dans leur ordre, je commencerai
par la côte occidentale de la Cherfonèfe.
Cherfone étoit la principale des villes grecques* de
cette partie de la prefqu’île & le chef-lieu des
Cherfonites. Elle eft connue des anciens fous le
nom de Heraclea Cherfonefus ; Pline prétend qu’elle
a auffi été appelée ‘Mégarice, & qu’elle fut rendue
libre par les Romains ; Scylax la range au nombre
des villes grecques , & Strabon la donne pour une
colonie des habitans d’Héraclée du Pont. Cette
ville devoit être habitée par les Taures & les
Grecs, puifque Mêla compte dans la Cherfonèfe
trois peuples ; les Satarches, qu’il place vers le,
feptentrion ; les Grecs feuls, fur la côte maritime ;
& les Taures confondus avec les Grecs du côté
du midi. Après l’invafion des Huns ou des Chazares,
les Barbares y habitoient fans doute auffi
en communauté avec les anciens Taures & les
Grecs, fous la domination des empereurs d’Orient.
Ce fut vraifemblablenient ce qui engagea les
Chazares à prendre, le .parti des Cherfonites lorfque
l’empereur Juftinieii II forma le projet de les
exterminer. Le pape Martin, exilé à Cherfone, fait
une peinture ,peu avantageufe du féjour de cette
ville, a Nous fournies , dit-il , non-feulement fé-
» parés de tout le refte du monde, mais même
» privés de la vie*; les habitans du pays font tous
» payens, & ceux qui y viennent d’ailleurs en
jj prennent les moeurs , n’ayant aucune charité
jj pas même la compaffion naturelle qui fe trouve
jj parmi les Barbares. II ne nous vient rien que
jj de dehors par les barques qui arrivent pour
jj charger du fel ; & je u’ai pu acheter autre
» çhofe qu’un boifieau de bled pour quatre fols
jj d’or jj. II paroît que dès ce temps-là le fri des
fiüines de - Tapra & de Cherfone , doivent être,
comme aujourd’hui, une des principales branches
du commerce de ce pays-là. Cherfone doit être