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ia-Tj effet. Denjs fît un traité avec ces deux
Il fit enfuite les plus grands préparatifs contre
Carthage , tant par le grand nombre d’armes qu’il fit
conftruire, que par l’état'dans lequel il mit 1a flotte,
& il commença les hoftilités par un a&e digne-
{l’un tyran , en permettant à la populace de piller
1 ;s biens des Carthaginois , qui, fur la foi des
traités, s’étoient établis à Syracufe.
La première expédition importante fut la prife
de Moyté , à l’oueft, dans laquelle les Carthaginois
»voient établi leur magafin général: c’étoit la place
la plus forte qu’ils euffent dans Pile.
Peu après Imilcon prit Meffine, & la rafa
de fond es comble : il vint même mettre le liège
devant Syracufe. Mais les Syracufains remportèrent
fur lui un avantage allez- confidérable. Et perfuadés
que l’oppreflion où les tenoit le tyran nuifoit à
leurs fuccès, ils délibérèrent publiquement s’ils ne
le chafferoient pas. Le général Lacédémonien,
qui avoit amene des troupes au fecours de^Syra-
eufe, fe refufont à cette d ém a rch eD en y s ,
pour cette fois, n’en eut que la peur. Il répara
avantageufement les torts qu’on lui reprochoit de
fe laitier vaincre, & il défit entièrement les Carthaginois.'
Il eft vrai qu’au lieu de les pourfuivre
à outrance, comme il eût dû faire à l’egard d’im
ennemi puiflànt & irréconciliable, il reçut en fecret
de l’argent pour en laiffer échapper une partie,
compofée des feuls Carthaginois.
Délivré de la crainte des forces Carthaginoises,
Denys tourna fes forces contre Rhège, & ne fe
propofoit pas moins que de fubjuguer toutes les
villes de la grande Grèce. En effet , ayant battu Iss
troupes alliées, il força Rhège à demander la paix ; &
même peu-à-près la guerre ayant recommencé,
la ville foutint un fiège de onze mois, à la fin
dnoeiel le plus grand nombre des habitans périrent
de faim & de fatigue. 11 exerça la plus cruelle vengeance
contre Phiton,qui avoit commandé pendant,
k fiège.
Je_paffe fous filence tout ce qui concerne la
conduite privée de Denys. Ce tyran mourut,
& fon fils Denys le ' jeune lui fuccéda : fon
oncle Dion prit foin de lui pendant les premières
années de don règne: mais les confeils de ce fage
grec n’eurent pas l’effet qu’il en attendoit, &
Denys- fe plongea dans la débauche la plus cra-
puleufe. Les compagnons de fes plaifirs rendirent
fufpeâ: Dion , & même Platon, qui avoit été
-Appelé à la cour par Denys. Dion fut exilé: peu
après Platon fut renvoyé en Grèce d’une manière
honorable. Quoique Denys eût promis de rappeler
Dion , cependant lorsqu’il fut qu’il avoit été reconnu
citoyen de Sparte , & traité avec les plus
grands honneurs à. Athènes, il. le traira d’abord
avec indifférence-, & finit par ne lui. pas envoyer
fe penfton. Je paffe fous filence un troiffème
voyage de Platon à Syracufe. Denys maria la
femme de Dion à l’un de fes courtifàns» Mais
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Dion,.irrité de ce dernier cuîragî, & plus encore
enflammé du defir de remettre la patrie en liberté',-
rafle mbia des troupes , & , avec deux vaiffeaux
feulement, vint fe préfenter au port de . Minoa„ '
près d’Àgrigente. D e -là il fe rendit par terre à
Syiacufe , où il fut reçu comme te libérateur de la
patrie. Denys fe trouvoit alors abfent; il étoit à
Caulonie en Italie. Dion prit d’affaut le château, en
délivra tous les prifonniers, & entoura la citadelle.
Denys de retour , parvint cependant à y entrer.
Il y tint quelque temps, fit des propofitions de
paix , qui ne furent pas acceptées, & repaffa en
Italie; Cependant ce peuple , qui avoit tant d’obligations
à Dion, s’étant laiffé égarer par un ambitieux,
nommé Héraclide, Cbaffa Dion avec fes
troupes étrangères. Pendant ce temps, les troupes
qui étoknt dans la citadelle reçurent des vivres &
des fecours, & fe jetèrent fur les Syracufains,
que trop de fécurité laiffoit fans défenfe.
Le peuple alors fentit fa faute, & fa conduite
devroit fervir d’exemple à tout peuple qui chérit
fa liberté. On dépêcha de nouveau vers Dion ;
on le fupplia de venir. Ses ennemis avoient encore
mis obftacle à ce retour. Cependant Revint , &
fes troupes battirent celles de Nypfius,: qui conr-
mandoit pour Denys. On prit la citadelle, que
Dion laifîa au pouvoir des Syracufains: il n’avoit
pas voulu s’y loger pour ne pas leur donner de
l’ombrage. Ce grand homme s’occupa de k réforme
du gouvernement; & comme il avoit trouvé
tant d’inconfiance dans le peuple,’ il établit un
gouvernement arifiocratique. Ce même Héraclide ,
qui plus d’une fois avoit traverfé fes defleins, tira
parti de cette circonfianee pour le rendre fufpeél au
, peuple. Dion crut y remédier en le fàifant affaffiner.
Mais il en reffentit les plus vifs remords. Il eut
même d’autres chagrins. Enfin, il fut affaffinè par
un Athénien ambitieux ; qui, quoique lié d’amitié
avec lui, afpirok à s’emparer de l’autorité à Syracufe.
Cet affaflin nommé Callîpe, ne jouit pas longtemps
du fruit de fon crime. Aidé de quelques
foldats Zacynthiens, il s’empara bien de l’autorité ;
mais ayant voulu fe porter vers quelques autres
villes, il trouva par-tout de la réfifrancé, & fut
obligé de fe retirer à Rhège^, o ù , âpres une vie
miferable, il fut affaffmé.
Après des troubles affez longs, Denys trouva
moyen d’en profiter, revint à Syracufe, y recouvra
l’autorité, & s’y livra plus que jamais à fon ca-
raétère féroce.
D’un autre côté, les Carthaginois renonveflèrent
leurs prétentions contre Syracufe. On y étoit fans-
chef habile. Le peuple députa à Corinthe, d’où
l’on envoya Timoléon, guerrier habile, & l’ennemi
le plus déclaré des tyrans. Mais un certain frétas
cherchoit à s’emparer de ‘l’autorité à Syracufe.
Lorfque Timoléon arriva, cet frétas avoit force
Dçnys. de fe retiter dans la citadelle ; mais R
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5étoit' arrogé le pouvoir. Cependant ce grand
homme furmonta tous les obftadcs. frétas etoit
hirirre de la ville. Les Carthaginois qui agiffoient
de concert avec lui, étoient maîtres du port, &
Denys l’étoit de la citadelle. Celui-ci fit heureu- ,
fement propofer à Timoléon de la lui remettre, s’il
confentoit à le laiffer partir ; ce qu’il accepta.
Denys frit envoyé à Corinthe: après quelques
combats, Timoléon parvint à fe rendre entièrement
maître de Syracufe ; & fur la demande de
Corinthe, ayant raffemblé tous.les fugitifs & envoyé
une nombreufe colonie, repeupla entièrement
cette ville.
Timoléon étendit le bienfait de la liberté fur les
autres villes de la Sicile. Il chaffa frétas de Léon-
tini, de Leptine , d’Apollonie ; & les Carthaginois ,
de prefque toutes les places qu’ils occupoient, foit
fur la côte, foit dans Piutérieur de 111e.
De retour à Syracufe, il y établit des loix
propres au gouvernement démocratique. Il y avoit
entre autres établiffemens, un magiftrat annuel,
nommé Amphibole de Jupiter Olympien. On comptoit
les années de la date de leur magifirature, ufage
qui fubfifla long-temps.
Peu après Timoléon ayant entrepris de faire
renoncer toutes les villes de la Sicile à l’alliance
des Carthaginois, ceux-ci envoyèrent une armée
de 70,000 hommes, avec 200 vaiffeaux de guerre ,
& 1000 vaiffeaux de charge, pour prévenir
l’effet de ce deffein ; mais cet habile & courageux
général réuffit à les battre & à faire un. butin
immenfe. Les Carthaginois effrayés des fuites que
pouvoit avoir cette viâoire , demandèrent k paix ,
& l’obtinrent. Timoléon. en profita pour abolir
k tyrannie dans plufieurs villes grecques de la
Sicile : & vainqueur des tyrans , il les fit mettre à
mort.
Après tant de fuecès, Timoléon fit comme le
libérateur de l’Amérique , lé fàge Washington;
il fe démit de l’autorité, & paffa des jours tram
quilles, foit dans une belle rnaifon qu'on lui avoit
donnée à 1a v ille, foit dans une autre, très-commode
, qu’on loi avoit donnée à la campagne. Il
eut le malheur de perdre la vue dans fa vieil leffe^
Pendant le refte de fa vie, les Syracufains recon-
noiffans, ainfi qu’à fa mort , lui. accordèrent les
plus grands honneurs.
Pendant vingt années à-peu-près* Syracufe
fut heureufe & tranquille- Mais il n’y avoit pas
alors parmi les Grecs affez de philofophie, pour
fe choxfir la meilleure forme de gouvernement &
s y attacher. Un officier, d’une naiffanee obfcure,
d’un extérieur impofant, perdu de débauché &
dévoré d’ambition , étoit parvenu , du rang dè
nmple foldat, à l’un des grades les plus considérables
de l’armée. Ayant époufé k veuve très-riche
d’un homme dont il avoit été l’infame favori, il
fe trouva l’un des premiers perfonnages de Syra-
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Cependant il frit banni, de Cette ville par So-
filtra te , qui y domiiiQ.it à fon gré, parvenant à
faire éloigner tous ceux qui lui donnoient quelque
ombrage.
Agathocle, c’étoit fon nom, fe retira en Italie, où
fa réputation militaire lui procura un accueil diftingue
d’abord à Crotone, puis à Tarente : mais ayant voulu
fucceflivement s’emparer de ces deux villes, il
en fut chaffé honteufement ; aucune ville ne voulut
enfuite Je recevoir.
Il n’avoit avec lui qu’un petit corps de troupes.
Il s’en fervit avantageufement pour battre Sofif-
trate qui afliégeoit Rhège. Peu après les Syra-
eufains chaffèrent de leur ville Sôfiftrate avec environ
600 citoyens qui vôuloient abolir la démocratie.
Il appela à fon fecours les Carthaginois ; les
Syracufains appelèrent Agathocle, auquel on donna
le commandement de toutes les forces- Il fe conduifir
bien comble général, & très-mal comme citoyen ,
puifqu’après avoir battu les ennemis , il voulut
s’emparer de l’autorité. On s’en défia, il frit éloigné.
Mais il trouva le moyen de raffembler des troupes ,
de tromper les Syracufains par des fermens qu’il
étoit réfolu d’enfreindre : il finit enfin par abandonner
Syracufe à un maffacre général de rous les citoyens
honnêtes. Il ne refta qu’une foldatefque effrénée &
la lie du peuple, qui le déclarèrent roi.
Son premier aéle de fouveraineté fut. l’abolition
des dettes & le partage égal des terres entre les
riches & les pauvres. C’étoit une. injuftice révoltante.
Il la colora de l’amour du bien , public
& de l’égalité. Il avoit été cruel & injufte par
ambition ; cette même' pafîion le rendit doux Sc
humain. Sûr d’avoir terraffé fes ennemis, il s’occupa
du bonheur de ceux qui avoient furvécu
au maffacre général de la parti© la plus confidérable
des citoyens.
11 fe montra très-populaire, fit de bonnes loix 5
mais au lieu de ne fe propofer que le bonheur de l’état
dont il s’étoit rendu maître, il prétendit à la gloire
trompeufe des conquêtes. Ses premières expéditions
furent heureufe ; il fournit prefque toutes les villes
de la Sicile ; car il n’en faut excepter que quelques-
unes qui appartenoient aux Carthaginois.
Ils en prirent de l’ombrage, & envoyèrent en
Sicile une flotte confidérable portant une nom-
breufe - armée de terre. Une ' tempête affreufe
difperfa & detriiifit bientôt une grande partie de
, cet armement. Le général, avec ce qui lui reftoit
de troupes, campa près d’Himère. Agathocle f y
attaqua, força fes retranchemens, & tailla en pièces
la moitié des- troupes: cependant ceux qui avoient
pu s’échapper, ayant en ce moment reçu un
renfort confidérable , revinrent vers leur camp,
y maffasrèrent les Syracufains qui s’amufoienr à. le
piller , & forcèrent enfin Agathocle. de regagn&r
Syracufe, où ils rafliégèrent. Ses cruautés Pavaient
rendu odieux : il fut abandonné de fes alliés.
Dans cette fituation douloureufe, il conçut un
projet qui ne pouvoit entrer que dans la tête d\uà