
de nos jours fous le nom de Kirkinos-Bçumou
c’eft le feul cap notable que l'on trouve depuis
la pointe d’Aïa jufqu’à Caffa. L’étymologie du nom
me paroît décifive; ce promontoire Corax aura
été nommé par les Grecs du bas empire Kopcuinvoc
*cx.poç y promontorium Coractnum , & les Tarrares
en auront kit par corruption Kirkinos-Boumou, ou
le cap Kirkinos. Le mot turc Bouroun, dit aufli Bour-
nou, qui, dans fa véritable acception lignifie le nez,
fè prend aufli pour cap s & toute pointe ’de terre
avancée dans la mer.
Quant au fleuve Jfrianum, IçpicLvoç, dont Pto-
lemée place l’embouchure après la ville de La-
gyra, je puis afliirer que c’eft un être de raifon : *
car il n’y a très-rcertainement depuis Baly-Klava,
€>u le cap Criumetopon, jufqu’à Jenikalé, que je
crois être Panticapceum, aucun fleuve, rivière ni *
ruiffeau qui fe décharge dans la mer Noire. Les
rivières qui arrofent la Crimée font, Boulganak,
Alma y Tchuruk-Sou, Katchi, Cabarta & Kafklu-
cuçcn , qui fe jettent dans la mer Noire entre
Baly-Klava & Gufievé, & Salghir, Sari- Sou y le
grand Kara-Sou, le petit Kara-Sou , le Kourou-
Indaly XIndaly &un fécond Tchuruk-Scui y qui ont leur
embouchure dans la mer Pourrie, dont je parlerai
ci-après; ainfi l’erreur de ce géographe eft mani-
fefte, à moins de fuppofer l’abfolu deffécheinent
de ce fleuve prétendu.
Après le caf? Corax, doit fuivre, fuivant mon
Opinion, la ville de Cytctum, que Ptolemée a ,
je penfe, rangée mal-à-propos dans la clafle des
villes Méditerranées ; c’eft le bourg appelé aujourd’hui
Soudag, dont la pofition répond parfaitement
à la place qu’Ortélius a donnée dans fa carte
de la Taurique, à l’ancienne ville de Cytctum ;
il l’a feulement un peu trop avancé dans les terres,
en fuivant l’indication de Ptolemée. Soudag eft
fitué fur une élévation aflez éloignée de fon port ;
c’eft peut-être à caufe de cela que les géographes
en ont fait une ville Méditerranée. Cette place
paroît avoir été autrefois de quelque confidération ;
on y voit les débris d’une ancienne forterefle, &
fine tour encore exiftante que l’on a contenue avec
des cercles de fer pour en empêcher l’écroulement.
L ’étymologie du mot Soudag peut fovorifer mon
hypotfièfe. Ptolemée l’écrit K uTit/W,Scylax Kotmci ,
& Voflïus le corrige par KvS'oûa,, l’t/ prononcé
ou y 8c. le k comme un c par les Latins & les Génois
qui ont long - temps poffédé cette v ille , doivent
avoir fait Coudea ou Couda, & les Tartares venus
après eux auront infenfiblement converti cè nom
en Soudag y mot fignificatif qui veut dire montagne
de l’eau, & qui a rapport à la pofition de cette'
ville , fur une montagne auprès de la mer. Tous
les Orientaux font extrêmement portés à changer
les noms géographiques en noms fignificatifs de sic
rriv nroKiv, cis ttn ou tin polin, les Tures ont d’abord
fait lflambooly nom qu’ils donnent# la ville de
.Conftantinopie leur capitale ; ils l’ont enfuite converti
en Jfamboole , qui fignifie la foi abondante a
ou l’abondance de la foi : c’eft ainfi qu’on le volt
écrit aujourd’hui fur toutes les monnoies de l’em1-
pereur Turc frappées dans cette ville.
Pline parle très-fuccin&ement de la côte orientale
de la Cherfonèfe Taurique; il fe contente de
dire qu’âprès le promontoire Criumetopon les Tau-
riens ont plufieurs' ports, & il pafle tout de fuite
à Thèodofia. Scylax compte cette ville au nombre
des villes grecques ; il la place à 125 milles de
Criumetopon y & à 145 milles de Cher font; c’eft
bicn-là l’éloignement exaét de Baly-Klàva ou Criumetopon
, & de Gujlevé ou Cher fie ne, à Caffa, qui
eft lancienne Thèodofia. La première diftance eft
fixée aujourd’hui à 25 lieues communes, qui font
les 125 milles; & la fécondé à 29 lieues, qui
reviennent aux 145 milles de Scylax, en évaluant
toujours la lieue commune à 5000 de ces enjambées
naturelles par lefquelles les anciens comptoient
leurs milles. Caffa eft encore aujourd’hui une ville
grande & dormante, & l’on y fait un immenfe.
commerce. Les Turcs l’appellent la Conflantinople.
de Crimée. On n’y voit aucun monument d’une
antiquité bien reculée, & les édifices anciens qui
y reftent, font, ou du plus bas empire , ou du
temps des Génois. En 13.21 le pape Jean XXIL
érigea cette ville en évêché, & détermina les
bornes de ce diocèfe depuis Varna dans la Bulgarie
jufqu’à Saraï, qui étoit alors la capitale de
l’empire de Kaptchak, & le féjour des khans*
Cet évêché s’étendoit par confisquent depuis la
rive occidentale du Pont-Euxin jufqu’aux frontières
de la Ruflie. Le premier évêque fut un nommé
frère Jérôme. Thèodofia avoit déjà depuis plufieurs ’
fiècles un évêque grec. M. Fleury dit qu’il y
en a aujourd’hui un du rit arménien : cela eft
vrai ; mais les limites du diocèfe ne font plus les
mêmes; il a été divifé & partagé entre deux
évêques : l’un eft celui de Caffa y qui fait fa réfi-
dence au monaftère de Smpa^ya^afin ou de la
fainte Vierge ; fon diflrift s’étend depuis Caffa
jufqu’à la province de- Cabarta dans la Circaflie»
L’autre réfide au monaftère de Surpkhatche ou de
la fainçe Croix , à cinq lieues au couchant de
Caffa ; fon diocèfe comprend toute la partie
occidentale de la Crimée & des états du khan
-en Europe jufqu’à Kawchan ou Kaouchan dans la
Moldavie Tartare. Ces deux évêques font à la
nomination du patriarche de Conftantinople.
Pline place Cita ou Citceum après Thèodofia ;
mais il fe trompe, & je crois l’indication de. Ptolemée
plus exa&e.. J’ai déjà déduit, au long les
raifons qui me déterminent à. penfer que ’Çytceum
eft le bourg de Soudag, qui précède Caffa en
allant d’orient en occident.
Ortélius, dans fa carte de k Cherfonèfe Tau-
rique, marque immédiatement après Thèodofia y.
un lieu qu’il appelle Ca\eca. Je ne fais de quel
auteur il a tiré ce nom. Strabon, Pline & Ptolemée
n’en parlent point. La place qu’Ortélius lui
donne répond à Zavita au-defliis de Caffa, que
je crois être le Zephyrium de Pline.
Strabon, Ptolemée & Scylax placent entre
Thèodofia & Panticaphotum, la ville de Nimphoeum,
Kup.qccjoi' y que ce dernier appelle Nijpqcua. , &
qu’il dit avoir été bâtie par les Grecs. Pline l’indique
après Acra & Zephyrium. Strabon la qualifie
ville ayant un bon port ; ce qui ne me laide pas lieu
de douter que ce doit être la ville de Kerche
d’aujourd’hui : car au-defliis de Caffa il n’y a absolument
point d’autre port que celui de Kerche,
où tous les bâtimens de Jenikalé & de Taman
vont remifer en hiver ; & il n’y a aucun autre
lieu qui parôifle avoir été autrefois de quelque
importance. On y voit encore les débris d’une
ancienne forterefle : la ville eft petite ; on y k it
un grand commerce de poiflon falé & de fel que
’•on tire des falines voifines.
Acra y dont Pline fait mention, devoit être une
place peu considérable ; car Strabon l’appelle
’ Ax/jet Kecpuov, Ac ra, petit village des Panticapéens.
Ce devoit être quelque hameau placé fur la pointe
de Nimpheum ou Kerche y &.qui avoit pris de-la
le nom de *Ax.pa,, qui fignifie pointe , promonoire.
Hiéroclès, dans fon .Syncedeme de l’empire
d’Orient, parle d’une ville d'Acra dans la province
de Scythie ; il l’appelle VAxpeu, mais peut-
être a - t - i l voulu défigner quelqu’autre ville du
même nom.
Je ne vois point où pouvoit être la ville de
Via que Pline indique après Nimpheum. Je crains
bien qffil n’y ait ici une erreur'de ce géographe.
Le père Hardouin l’a fenti, & s’en eft expliqué
dans ües notes, où il dit qu’Etienne de Byfance
renvoie cette ville beaucoup plus loin, & en fai.t
une place de la Scythie, vers le Phafe.
Ptolemée eft le feul qui cite une Tyri&ata après
Nympheum : ce devoit être un lieu aflez obfcur,
puifque les autres géographes n’en ont rien dit.
On n’a pas encore décidé fi Bofphore, ville
capitale des Bofphoriens, eft la même que P anticap
ceum. Le favant Cellarius paroît pencher pour
cette opinion, qqoique divers auteurs anciens fem-
blent les diftinguer : Etienne de Byfance en fait
deux articles feparqs ; mais c’eft peut-être fimple-
mént à caufe des deux noms : car ce qu’il dit de
l’une & de l’autre n’établit pas une différence bien
marquée: Eutrope en fait deux villes réparées ;
il dit qu’Augufte ajouta à l’empire toutes les
places maritimes du Pont, entre autres les villes
remarquables de Bofphore & de P anticap ceum. Je
penfe cependant que Strabon, Ptolemée, Pline &
Procope décident ce point. Strabon parle de Pan-
ticapaum, & ne dit rien de Bofphore, de même
que Ptolemée ; Procope ne fait mention que de Bofphore
y Sc garde un profond filence fur Pantica-
poeum ; d’où l’on doit conje&urer que ces deux
noms appartiennènt également à une même ville ,
diverfement appelée en différens temps. Celui de
Panticapceum, que l’on*trouve dans S trabonPline ,
Ptolemée & les autres géographes* anciens, doit
être le premier nom qu’elle portoit dans l’antiquité
la plus reculée. Celui de Bofphore, fous lequel
elle eft défignée par Procope, hiftorien du moyen
âge , ne lui a été donné fans doute que depuis
l’établiflement du royaume de Bofphore dont elle
étoit la capitale. Pline dit en effet, que Pantica-
patum eft aufli appelée Bofphore par quelques-un*.
Il paroît donc que ce dernier témoignage doit
réfoudre la queftion. Le même auteur dit que
cette ville étoit originairement une colonie de
Miléfiens, & par eonféquent une ville grecque;
mais les Tauro-Scythes, les Satarches, les peuples
du Pont & de la Colchide, les Huns ou les Cha-
zares, & tous les autres barbares qui envahirent
fucceflivement la Cherfonèfe, s’y confondirent
dans k fuite avec les Grecs. Elle devoit même *
dans les derniers fiècles, être poffédée par- les
Huns dont parle Procope, qui s’en étoient fans
doute emparés après la deftruftion du royaume
du Bofphore, & qui fe fournirent à Juftin. Procope
rapporte une harangue des Arméniens contre
cet empereur, dans laquelle ils s’écrient : « N’a-t-il
» pas'impofé le joug de la fervitude aux Tzaniens ?
» N’a - 1 - il pas établi un gouverneur au - defTus
» du roi des Laxiens ? N’a-t-il pas envoyé des
» capitaines aux Bofphoriens., fujets des Huns ,
» pour fi? rendre maîtres d’une^ville fur laquelle il
» n’avoit point de droit » ? La ville de Bofphore.
fuivant le calcul de Pline, devoit être incontef-
tablement où fe trouve aujourd’hui le fort de Jenikalé
bâti par les Turcs. Ce géographe la place à
l’entrée du Bofphore , à ûne diftance de. 87 milles
pas de Thèodofia ou Caffa. On compte en effet de
Caffa à Jtnikale 16 lieues tartares, qui font à-peu-
près 17 & demie de nos lieues communes de 3000
pas géométriques, ce qui revient exaftement au
compte de Pline, en évaluant, comme je l ’ai dit,
plufieurs fois les milles des anciens à raifon de
cinq pour une de nos lieües. M. de rifle, dans
fag.carte dreflee fur le thème de Conftantin Porphyrogénète
, pla*ce en effet Bofphorus où eft à
prefent Jenikalé, vis-à-vis de la ville .que ce prince
appelle Tamatarca, qui eft inconteftablement Taman
d’aujourd'hui, & le Phanagorium de Pline. C’eft
1a première ville de la province du Coubân ; elle
eft fttuée fur la rive orientale du Bofphore &
dire&ement oppofée à Jenikalé. La province du
Couban a pris le nom cf’un grand fleuve qui
l’arrofe, & qui fe jette dans la mer de Zabache &
dans la mer Noire ; c’eft le VarJanus des anciens ,
& je penfe que deux de fes branches forment le
Chader & le Burlic de Conftantin Porphyrogénète.
A 20 ftades de 1a ville de Panticapceum, le
long du flanc occidental du Bofphore, on trouvoit,
fuivant l’indication de Strabon , la ville de Myr—
meciouy rapportée également par Pline, A.éla
Ptolenfée & Scylax. Ptolemée en fait un promontoire
, & l’appelle p,vçp.nKtov clkçov ; cependant
j Strabon, Pline & Mêla la qualifient de oroAmjoy
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