
on connoît, par les anciens titres & par la dénomination
de plufieurs lieux aâuels, le pays d’Or-
xois , entre O u r c h iq u i en étoit le chef-lieu ,
litué fur une voie romaine qui condiiifoit de Soif-
fons à Château - Thiéry : on connoît encore la
Ferté en Orxois, Neuilly-Saint-Frônt en Orxois ;
Chéfi en Orxois, Vaux en Orxois. Le pays
Urcifus prit, dans le x n e & X IIIe fiècle , le nom
dCUrceiits, d’où s’eft formé le nom d’Ofxois ou
d’Orçois ; comme le Pagus Vadifus fut nommé,
vers le même temps, VaUins , Valefus, le Valois.
Le pays de Valois, qui ne comprenoit primitivement
que le territoire des environs du château
de V é , Vadum, eft compofé aujourd’hui ( e’eft-à-
dire, avant la divifion par départemens ) , de fix
grandes châtellenies ; favoir, de Crépy, de la Ferté-
Milon, de Pierre-Fons, de Bétizy & de Verberie;
de One h y-le-Ch â teau, & de Neully-Saint-Front.
M. l’abbé Belley, qui a fait le fond de cet article ,
renvoie, pour une plus ample connoiflance de
tous ces détails, à la nouvelle hiftoire du duché de
.Valois.
L’auteur de la notice fur l’ancienne Gaule
( M. d’Anville) en plaçant les Vadicajfes dans le
pays de Valois, ne peut citer ni auteur, ni notice
, ni monument qui puiflent appuyer fon
opinion. Dans aucun temps on n’a connu aucune
cité intermédiaire entre les cités des Sùejfiones, des -
Silvant&es des Mddi. On fait que les anciens
diocèfes de la France ont été bornés & limités
fur lés territoires des anciennes cités de la Gaule";
& pour pouvoir déroger à ce fyftême général,
il faut rapporter des preuves, & non des conjectures
appuyées uniquement fur des apparences &
fîir des reflemblances de nom. En attendant ces
preuves1, nous devons penfer que les limites des
diocèfes de Soiflbns, de Senlis & de Meaux,
dans rétendue du duché de Valois, répondent
aux limites des territoires des cités des Sùejfiones,
des SîlvariçElts & des Mddi.
Mais, dira-t-on , le pays de Valois eft voifin
de Meauxcomme les VadicaJJes, félon Ptolemée ,
étoient voifins dés Meldce ou Mddi, & fur les
confins de la Belgique. On a déjà prouvé que le
Pagus Vadicus n’étoit point fur les confins de la
Belgique , mais dans la Belgique même. Si l’on fuit
à la lettre le texte & la graduation en longitude
& en latitude donnée par Ptolemée, les VadicaJJes,
relativement aux Meldce, dévoient plutôt être placés
à Château - Thiéry , comme l’a cru le P. Har-
douin. On ne doit pas trop infifter fur le texte
de Ptolemée qui place les peuples Meldoe. & les
Turon.es, dans le voifin âge des peuples Segujzani.
Voudroit-on, en-buvant Ptolemée, placer les cités
de Meaux & de Tours dans le voifinage du pays
de Forez?
Mais, dira-t-on, «il y a toute apparence que
» cette pofition fe rapporte au Valois, donr le
v nom eft Vadifus dans les capitulaires. On ne
Si fauroit difconvenir que ce qui diftingue le nom i
» de Vadicaffes, ne foit conferyé dans le nom de
» Vadijus ( i) ».
Mais cette apparence ne fubfifte plus, lorfque
l’on prouve que le nom Vadifus ne vient point
de Vadicaffes, mais du nom Vadum, un gué ,
comme il fera établi dans le quatrième article de
ce mémoire. Tout le fondement de l’opinion qui
place les Vadicajfes dans le Valois, eft donc appuyé
fur une faufle reflemblance de nom. Nous allons
voir que la reflemblance de nom fe trouve entre
les Bodiocajfes , les Vadicajfes de Pline, & les
Vadicajfes de Ptolemée.
II. On reconnoît que les Bodiocajfes de Pline y
ou, fuivant d’autres leçons, les Vadiocajfes, font
les peuples du territoire de Bayeux , par leur po-
fition entre -la cité des Viducaffes, Vieux , & la
cité des Unelli, qui eft le diocèfe de Coutances.
Il eft évident que le nom de Vadicajfes de Ptolemée
eft le même nom que celui des Vadicajfes
qu’on lit dans la plupart des éditions de Pline,
depuis Hermolaiis jufqu’à celles du P. Hardouin :
on croit même que ce nom, dans les éditions ,
à été emprunté de Ptolemée. Il eft également
évident que les variantes Bodiocajfes, Vadiocajfes.
de Pline, reflemblent à la leçon Vadicajfes des
éditions, & qu’elles défignent le même peuple.
On doit inférer de cette identité ou reflemblance
de nom, que les Vadicajfes de Ptolemée doivent
être les peuples du territoire de Bayeux.
Mais, dit M. d’Anville ( voyeç la note précédente
, page 4Sp) , « il feroit bien violent de
» tranfporter du fond des terres & des confins de
» la Belgique, jufques dans la partie maritime de
» la Lyonnoife fécondé, les Vadicaffes de Ptolemée,
» en les confondant avec les Bodiocajfes ». Cet
auteur donne lui-même ailleurs, les moyens d’expliquer
ou d’excufer ce violent déplacement : il
avertit dans la préface que « le défordre fe -trouve
»dans les pofitions données par Ptolemée » ; & il
le répète fouvént dans fa notice. En -parlant des
peuples Abrincatui (page 30 ) , il dit : « Ptolemée
»les a étrangement déplacés en les établiflant fur
» la Seine, loin de la mer & de l’Avranchim ».
A l’égard des Aulerci Eburovices, peuples d’Evreux,
il dit {page 130) : «Ptolemée étoit peuexa&ement
» informé de leur pofition, en l’établiflantfurla Loire
» d’un côté, comme fur la Seine de l’autre ». En
parlant des peuples Atrebates, peuples de l’Artois,
« Ptolemée les déplace étrangement-, en difant qu’ils
» font voifins de la Seine ». Sans parier des autres
exemples du défordre qui fe trouve dans les pofitions
données par Ptolemée, il fuffit de citer
encore les peuples Remi, de Reims. « Ptolemée,
» dit M. d’Ànville ( Notice , page $44 ) , les place
» fur la Seine, faute , apparemment, d’avoir connu
» la diftinélion de la Marne , qui traverfe la fron-
» tière des Remi, d’avec la Seine ». Après tous ces
(1) Expteffions de M. d’Aniville, Voye\ la note précédente.
Exemples, peut-on dire que la pofition des Vadicajfes
dans le territoire de Bayeux, feroit un
violent & un étrange déplacement, loin des confins
de la Belgique ? % ,
Il faut fe rappeler que , félon Ptolemee, le cote
oriental de la Lyonnoife joint à la Belgique, fuit
le cours de la rivi- re de Seine , « éT’ccW toAixo/
na>v orhevpav crvvîi'arfcu p.èv th BeKytxri kcctk rm
'EnK.Qcivciv oroTcipiov. (Ptolemée, L. i l , c. #) ,* &
il commence la defcription de la côte feptentrio-
nale de la Belgique, à l’embouchure de la Seine,
fASTci t as 'n 2 tiKoelvec oror. exCoKccç. Cela étant,
la pofition des Vadicajfes dans le territoire de ;
Bayeux, n?eft pas un déplacement étrange : des
limites de'la cité des Bodiocajfes à la rivière de
Seine, où , fuivant Ptolemée , commence la Belgique
, il n’y a d’intermédiaire que la cité de
Vieux, & celle de Lifieux, qui font un efpace
d’environ dix-huit lieiies communes. Les géographes
modernes, en tirant avec raifon les peuples
Meldce-des environs des Segufiani, pour les placer
à Meaux fur la Marne , font un déplacement plus
violent' & ’ plus côrifidérable ;; te déplacement eft
d’environ foixante-dix lieues 'communes de Fràncé.
Poiir réfiimer en-peu de mots les deux articles
précédens, on ne peut pas compter fur TexaéUtude
des pofitions données par Ptolemée. On a vu que
lés déplacemens y font fréquens & étranges ; que
les peuples Vadicaffes de Ptolemée ne peuvent être
fixés dans la province Lyonnoife , que dans ,1e
canton où Pline' a placé les Bodiocajfes , les Va-
dicajfes, entre les peuples Viducajfcs & les Unelli,
dans le pays de Bayeux. Il ne refte donc plus
de difficulté à placer, après le texte de Pline, les
Vadicajfes de Ptolemée dans le territoire de Bayeux:
il faut examiner quelle étoit la capitale de cette
ancienne cité. .
dira-t-oti, la pofition diArigenus, Âragenue de la
Table, eft liée à la rivière düArgenus, dont on lit
le nom dans la tradu&ion latine de Ptolemée; &
cette rivière doit être celle dû Ara ou dû Aura:, qui
pafle près de Bayeux, & qui a fon embouchure
dans la mer au grand V é ; d’ailleurs, ôn ne lit
point dans le texte de Ptolemée àv croAtc, qu’il
emploie ordinairement pour défigner la capitale
d’un peuple.
On a déjà remarqué que^ces mots- Argenus, fluv.
ojlia, de la yerfipn latine, ne fe trouve dans
aucun des textes grecs que nous connoifîons ; ainfi
l’induéfion que l’on tire de. la verfiop latine n’eft
pas certaine : d’ailleurs, fi Ptolemée avoit voulu
défigner l’embouchure çl’une rivière für cette côte
de i’Océan, il auroit plutôt nommé la rivière de
Vire , qui eft navigable , .comme il a. nommé
l’eiiibouchiire de là rivière, rd’C)rnè. L’Àure, qui
pafle à Bayeux, eft peu confidérable; elle eft appelée,
III. Depuis la découverte de l’ancienne capitale
des peuples Viducaffes Ç Voyeç mém. de l’acad. des
belles - lettres, tome L, hijl. p. 290 ) , il n’eft plus
douteux que cette cité n’ait été ' différente de la
cité des Vadicajfes ou Bodiocajfes, de Bayeux. Le
lieu Fins, Fines, que l’on connoît fur les limites
de ces deux territoires, prouve inconteftablement
l'ancienne diftinéVion des deux cités : elles ne'
furent réunies en une fous le nom dé cité des
Bajocajfes, qu’après le I V fiècle, lorfque la ville
des Viducaffes eut été ruinée. Ptolemée. nous donne
le nom de l’ancienne capitale de cette cité ; il
l’appelle , fuivant le texte grec de TéiUHon de
Bertius ', A’pyévvf, o u , fuivant ks manuferits de
la bibliothèque du roi, A ji’yst'xc. La pofition d’^ r
rigenus',;'capitale des Viducàjfes , que % table de
Peutinger appelle Araepemie, eft fixée a Vieil* par
l’infcription du marbre de Torighy , où elle eft
appelée Civitas l ' Iducaffum , découvert dans les
ruines de cette ville. îvl. rabbé Belley a établi
dans un mémciire lu à l’académie {tome, x x vm ,
page 47f )-9 que cètte pofition eft prouvée par les
«finances itinéraires de la table de Peutinger ; mais,
dans le cartulaire de Bayeux, Aura , Aure,
nota différent d'Ar^emJs'. Si le texte cle Ptolemée
ne porte pas les mots ay orohiç , que M. de Valois
cite comme faifant-partie du texte ,, Ptolemée ne
"les a pas employés non plus pour les villes de
KpoKicirovov, des peuples Unelli, & de Uoloptctyoct
capitale des peuples Lexovii ; & d’ailleurs, cette
omiffion n’empêche pas de regarder Arigenus comme
la capitale des peuples BajocaJJes.
Mais ce qui prouve que la ville d'Angenus étoit
la ville .capitale de;s . Viducaffes, Vieux, & non la
ville de Bayeux , c’eft la diftance de. vingt-quatre
lieues gaiildifes que la table de Peutinger donne
entre Augujlodurum, le pâflage de. la rivière, de
Vire, près de S. Fromont, oc entre Arigenus ou
Araegenue, capitale des Viducaffes, diftance qui
tombe préçifément fur Vieux.,
Pour faire cadrer la diftance à là pofition de
Bayeux, il faudroit changer le nombre de vingt-
quatre de là tablé., & y fubftituer .Celui de quatorze.
« La manière , dit M. d’Anville ( Not. de
» Varie. Gaule , p. 83 ) , dont l’indication eft inf-
» crite fur là table qui eft X|,XHI, divifée par la
» trace de la route , donne lieu de foupçonner que
» ce trait, partageant le nombre, a. tait partager
» mal-à-prôpos line dixaine ». Mais on ne change
pas d’autres nombres de la table qui font également
divifés par la trace de la route ; teis font le nombre
X L ! v u I I , entre Condate, Rennes en Bretagne ,
& Leztdia, dans un canton peu éloigné de celui
pii étoit fituée la ville dé Araegenue. Le nombre
X X ) V I , entre Riobe • & Agedncum, \a ville de
S e n s l e nombre x l x v m , entre Àndemantunno,
Langres , & le lieu File ou Tile : tous,ces nombres
ont été employés dans la. notice dans leur entier,;
& l’on n’a pas foupçonné que la ligne qui indique
, la trace de la route, dût les divifer ou les changer.
On doit donc çonferver le nombre x x iu i de
I la table entre Augufiodunum & Araegenue, & fixer
à Vieux, d’après,les diûances locales & pofitives',
la ville diArigenus', qui eft vifiblement la même