
donnent encore aujourd’hui ; le Donet{ quî eft le ,
véritable Tanaïs; le Don , appelé aulli Tanaïs par
les anciens, & dans le moyen âge Gétk ; le Bo-
ryjlhène, connu d’abord fous le nom d’Olbia , ensuite
de Boryjlh'ene, & enfin fous celui de Danapris
ou Dnieper, dans lequel feN jette YAxiace, aujourd’hui
appelé Bog par les Ruffes , & Akfou par
les Turcs , & que l’oft ne doit pas confondre avec
le Danàjlris, appelé actuellement par les Ruffes
Dniejler, & par les Turcs Tourla. Strabon appelle
petite Scythie toute la région qui s’étend depuis
l’ifthme formé par la mer Cafpienne & le Pont-Euxin,
jufqu’au Boryjlhène ; & Hérodote donnoit déjà le
nom de vieille Scythie à toute l’étendue de terre
qui eft depuis le Danube jufqu’à la ville de
Carcinite. Cette ancienne ville étoit fituée à l’occident
de l’ifthme de la Cherfonèfe Taurique,
au fond du golfe du même nom, qui eft aujourd’hui
îe golfe d'Akmefchid, & à l’embouchure du Gerrhus,
dans lequel venoit fe jeter YHypacaris. Ces deux
fleuves dévoient être néceflairement deux rameaux
du petit ruifléau que les Tartares appellent Ca-
nilfchak , qui eft à üx heures de chemin de l’ifthme
de Peifecop vers l’occident, & où les voyageurs
trouvent à peine de l’eau pour fe défaltérer. Dans
la campagne que j’ai faite avec le khan des Tartares1
en 1758 y j’ai eu occafion de parcourir toute
cette côte, & je puis afliirer qu’il n’y a point
d’autre eau courante depuis l’ifthme de Perecop
jufqu’au Boryfthène, & que le Gerrhus & Y Hypacaris
ne peuvent être autre chofe que ce petit
ruiffeau. Les anciens géographes ont placé dans
cet efpace une infinité de villes; il eft cependant
difficile de croire que les peuples de l’antiquité
enflent choifi, pour fonder des villes, un pays
où il n’y a point d’eau courante, & où tous les
puits que l’on peut pratiquer ne donnent qu’une
eau très-mal faine & dégoûtante à l’excès. On ne
trouve pas les moindres veftîges de ces anciennes
villes, à moins qu’il n’y en ait eu quelqu’une dans
'le lieu appelé Kipkoïou, où l’on voit encore un
grand nombre de puits qui paroiffent avoir été
creufés dans des temps reculés : l’eau qu’ils four-.
niflent eft moins mauvaife que celle des autres.
Cet endroit pourroit être la place de l ’ancienne
Tamyraca, dont le golfe Carcinite a auffi porté
le nom.
C ’eft dans ces contrées qui environnent le Pont-
Euxin, que l’on trouvé les veftîges des peuples
de la Colchide & de la Scythie afiatique', dés
Huns, dès A va re s ,• des Alains, des Turcs Hongrois
, des Bulgares , des Patzinacites des autres
venus en différens temps faire des incurfions fiir
les bords du Danube, qui avoient- été envahis
avant eux par les Gaulois, les Vandales, les
Baftames, les Gothsy lês'Gépides , les Slaves,
Jfes Croates , les Sérviens & tous- les: périples def-,
cendus du feptentrion au midi.
Les Gètes occupoient la Beffarabie : depuis le
Pont-Euxin jufqu’au Pruth, appelé alors Hyerajfus,
où font aujourd’hui les Tartares du Bondjak ; plus
au nord étoient les Britologes, & ce qu’on appeloit
Getarum folitudo s’étendoit depuis le Tyras, aujourd’hui
Dniejler, jufqu’à YAxiace ou le fleuve Bog.
Cette région étoit occupée par les Roxolani, que
l’on trouve aufli au feptentrion du PalusMoeotide dans
la Sarmatie européenne ou la Ruflie méridionale.
Les Daces habitoierit toute l’étendue qui eft
entre le Pruth, le Danube, le Tibifc & les monts
Carpates. C ’étoit ce qu’on appeloit Dacia vira ou
Provincià Trajani ; elle comprenoit la Moldavie,
laValaquie & la Tranfylvanie. Strabon nous apprend
que les Athéniens avoient tiré des Gètes & des
Daces, appelés anciennementDavi, les noms de
Geta & de Davus, fi communs parmi leurs efclaves.
Les Daces étoient connus fous différens noms:
les plus voifins des Gètes étoient les Jafcii, qui,
au rapport de Cellarius, ont donné leur nom à la
ville de Jafîi, capitale de la Moldavie, & fituée
dans le même lieu où Ptolemée place l’ancienne
Petrodava, principale ville des Jafliens. A l’occident
de ceux-ci étoient les Teurifcy , & après eux les
Anartes dont le pays étoit borné au couchant
par le Tibifc. Au-delà de ce fleuve, & dans
l’angle qu’il forme avec le Danube , étoient placés
les Jaçyges Metanajloe , peuple Sycthe ou Sarmate ,
defeendu par les monts Carpates dans cette partie
de la Pannonie : on les appeloit Metanajlat pour les
diftinguer des Ja^yges Mototce qui habitoient fur la
côte feptentrionale du Palus Moeotide. Ils forent
détruits dans le treizième fiècle par les rois de
Pologne.
An feptentrion des monts Carpates étoient
les Bajlarnes , qui s’étendôient vers la Pologne
jufqu’au Boryfthène; & les Slaves, qui, fous Te
nom de Chrobates, tiré des monts Carpates d’ou
ils étoient fortis, vinrent s’établir dans la Croatie
& la Servie. L’origine des Bajlarnes eft affez incertaine
; les uns les croient defeendns des premiers
peuples Germains ou Tudefques qui ont envahi
l’occident ; d’autres croient qu’ils viennent des
Vendi ou Finni , peuples Sdavons venus du nord
de la Sarmatie , & qu’il ne faut pas confondre
avec les Vandales, peuples Germains, comme on
le voit dans ma differtation fur l’origine de la- langue
fclavonne. La plupart des favans regardent cependant
les Bajlarnes comme une colonie que les
Gaulois laiflerent au-delà des monts Carpates,
lorfqu’ils pâffèrent, fous la conduite de Brennus,
d’orient en occident.
Obfetvations géographiques ■ fur la navigation des
Ruffes.
Les Rufles faifoient partie des Sclavons fepten-
trionaiix. Conftarttin Porphyrogénète les place
depuis Kiovi & les monts-Carpaths ; il fait l’énu-
meration de divers peuplés Sdavons, leurs tributaires,
tels que les Berbiani, les Drungutitoe,
les Cribüçoe, les Cribitani, les Langeant, 6v. -
le s Rufles, fuivant cet auteur,' n’avolent I
Chez eux ni boeufs ni moutons, & vendent les
acheter des Patzinaces. Les Sclavons tributaires
des Rufles, coupoient tous les hivers de grands
arbres dont ils formoient des momxyles, ou bateaux
d’une feule pièce de bois, qu’ils feifoient paffer par
les lacs jufqu’au Boryfthène, appelé Danapris
( Dnieper). Us s’embarquoient fur! ce fleuve pour
venir jufqu’à Kioba (K iov ie ). l a ils vendoient
leurs bateaux aux Rufles, qui, des vieux bateaux de
l’année précédente, faifoient des rames & d’autres
inftrumens néceffaires pour les nouveaux. Les
Rufles s’embarquoient dans le mois de juin fur
le Danapris & defeendoient. à Bkttrcic , place
qui leur étoit tributaire. Là ils raffembloient tous
leurs bateaux pour paffer, en forme de convoi, les
fauts du fleuve. Ces fauts font formés par des
rochers fous l’eau, qui rendent le courant extrêmement
rapide en cet'endroit. Us étoient obligés
de décharger leurs bateaux peut les faire palier
comme ils pouvoient par-deffus les rochers, en
les pouffant avec des pieux. On remarquoit le
long de ces fauts du Danapris, fept places ; la première
s’appeloit EJJupé ( qui lignifie en fclavon ,
ne pas dormir ) la fécondé, Ulborfi, en ruffe &
en fclavon Oftrobuniprach, c’eft-à-dire, Vile di1
lieu efcarpè ; la troifième, Gélandie, qui veut dire
en fclavon, truie du lieu efcarpè; le nom de la
quatrième, en ruffe, étoit Aiphar, & en fclavon
Jfeajfet, parce que les pélicans y font leurs nids.
Dans cet endroit-là les Rufles étoient obligés de
porter leurs marchandifes eux-memes pendant près
de fix mille p a s ,,& de traîner après eux leurs
bateaux, en feifant bonne garde contre les Patzi-
itâcitest La cinquième place étoit connue des Rufles
fous le nom de Baruphorum, & des Sclavons fous
celui de Bulneprach ; le fleuve y formoit un lac
; où les Rufles remettoient leurs bateaux à l’eau,
pour aller jufqu’à la fixième place, appelée Leanti
en ruffe, & en fclavon Bcruntçè, comme qui
diroit foürce d’eau. La feptième place étoit dé-
fignée en ruffe par le nom de Strubun, & en
fclavon par celui de Naprefi, qui fignifie une petite
élévation, ou un petit endroit efcarpè. Ceux qui
favent la langue fclavonne , peuvent rechercher
ces étymologies , dont les cartes modernes ne
■ font aucune mention. On peut obferver que l’on
faifoit du temps de Çonftantin Porphyrogénète
-quelque différence de la langue ruffe à la fclavonne ,
puifque ces diverfes places avoient des noms différens
dans l’une & dans l’autre langue. Ces fauts
du Boryfthène ont été appelés par les Ruffes Porogt,
& ont donné, • à ce que l’on croit, le nom aux
Cofaques Zaporowski, ou Zaporoviens ; ils font
défignés aujourd’hui par douze noms différens, qüi
font Kudac , Surski, Luchan , Swonel^, Sinalava,
Ntvafint{ , Volna , Tovoljïeni, Budik, Limai ,
Sternik, Zobora. Ces noms font conformes à la
lifte qui m’en a été donnée par M. Mierowitz ,
colonel Cofaque, ci-deyant au fevvice de Pologne,
établi depuis long-temps à Baktcheféraï, & ils fe
trouvent écrits de même dans la carte dreffée par
les Ruffes en 1736. -
Les Ruffes, après avoir paffé les fauts du Boryfthène
, vendent ‘ dans un lieu appelé Trajcttus
Çrajii, ou le pas de Crafius: c’eft par-là que les
Cherfonites, peuples qui habitoient la Crimée , &
dont j’ai déjà parlé fort au long, paffoient pour entrer
en Ruflie. Ce paffage, fuivant le rapport de Conf-
tantin Porphyrogénète, n’étoit guère plus large que
l’Hyppodrome ou la grande place de Conftàntinople.
Les Patzinacites y vendent pour fe battre avec les
Ruffes, lorfqu’ils étoient en guerre , & pour traiter
avec eux en temps de paix. Ce pas devoit être
dans, l’endroit où les Turcs fe réfervèrent de bâtir
un bourg pour faciliter le paffage de ce fleuve,
lorfqu’ils confentirent, parle traité de 1700, que
les terres limitrophes des Mofcovites demeurercient
défertes & inhabitées. Les Ruffes defeendoient
de-là à I’île de Saint-George, qui ne peut être
autre chofe que cette grande île que l’on voit
dans le Boryfthène, vers l’embouchure du Bog.
Dans cet endroit-lâ, la bouche du fleuve s’élargit
& forme une efpèce d’étang qui va jufqu’à la mer,
& au bout duquel fe trouve l’île à laquéîle les
Grecs donnoient le nom de Saint-Ethcre. Les Ruffes
s’arrêtoient dans cette île pour y radouber leurs
bateaux, & fe mettre en état de naviguer fur la
mer. Enfuite, lorfque le. vent étoit favorable, ils
partoientde cette île, & venoient au fleuve Blanc,
où s’étant de nouveau radoubés, ils s’avançoient
à l’île de Selina, qui étoit devant l’une des bouches
du Danube appelée Paraclitus, ou Paracladion.
L’île de Saint-Ethere mentionnée par Çonftantin
Porphyrogénète, doit être celle qui fe trouve di-
reélement à l’embouchure du Boryfthène, entre
la pointe d'Okçakow & celle de Kilbouroun; &
l’étang dont parle le même auteur, doit s’entendre
de l’étendue que le Boryfthène même fe trouve
avoir entre ces deux places, & qui eft d’environ
quatre lieues, ou bien du lac Bereçcn, qui eft à
deux lieues au fud-oueft d’Okçakôw, & qui communiqué
à la mer par une embouchure fort étroite.
Ce lac eft formé par une petite rivière qui prend
fa fource à quelques lieues de cette ville. C ’eft
vis-à-vis de ce lac Bereçen que fe trouve cette île ,
que je crois avoir eu le nom de Saint-Etherè. Il
ne faut pas la confondre avec d’autres îles limées
plus à l’orient vers la Crimée, & appelées par
Çonftantin Porphyrogénète, Adara, d’ou les Tartares
ont tiré par corruption le nom de T enterê,
qu’ils leur donnent aéluellement. Le fleuve Blanc,
où les Ruffes alloient fe radouber après être partis
de l’île de Saint-Ethere, doit probablement fe
trouver à la moitié du chemin entre le Boryfthènè
& le Danube, & ne peut être que le Dniejler],
que l’auteur appelle ailleurs Danajlris. O11 peut
conjecturer qu’il lui donne ici j d’après-les Ruffes,
le nom de fleuve Blanc, à caufe rde la ville appelée
Afpron, ou la ville blanche, qui étoit fituée