
f Z O v X 7ÎS
Va jouer , Virgile & moi, nous allons dormir;
ear le jeu de paulme ne vaut rien pour les yeux
malades & pour les mauvais eftomacs. Nous fumes
onfuite reçus1 dans la riche métairie (9) de Cocceïus,
placée au-deflbus des hôtelleries de Caudium.
» Ic i, mufe, redis-moi en peu de mot$ les combats
du bouffon Sarmentus & de MefÏÏus Cicerrus
rappelle à ma mémoire de quel père étoit né l'un &
l’autre de ces deux champions ; Mefîius droit fon
üluftre origine du fan g des Ofques : mais la maî-
trefle qu’a fervi Sarmentus exifte encore. C’eft
avec la fierté que peut donner une fi illuftre origine
que tous deux entrent en lice.
» Sarmentus commence l’a&ion : oh ! que tu às
Bien l’encolure d’un cheval fauvage, dit-il.... Ce
début nous fit tous rire.... J’accepte le défi, dit
Meffius en branlant la tête..,.. Ah ! dit le premier,
fi l’on ne f’avoit pas fcié une Corne du front, que
ferois-tu donc, puifque tout écorné que tu es tu
menaces ?.... En effet, fon front hériffé comme celui
d’un fanglier, étoit défignè du côté gauche par
«ne cicatrice..... JPuis il le plaifanta fur la maladie
campanienne, fur fa figure s & lui dit de danfer
le cyclope , putfqu'il n’a voit befoin ni de maf-
que, ni d’échaffes pour en avoir l’air.
» C ice r ru sà ces mots , ne demeure pas muet.
Il demande à Sarmentus s’il a fait enfin hommage
de fa chaîne aux dieux Lares, & s’il croit, parce
qu’il eft écrivain, ne plus appartenir à fa maïtreffe ?
& enfin comment il a pu fonger à s’enfuir , lui fi
chétif qu’une livre de pain-fuffirait pour fa nourriture.
Nous eûmes du plaifir à prolonger cette fois
notre foiïper.
» De-là nous allâmes droit à Bénevent, où notre
Bote empreffé manque de mettre le feu à fa maifon,
Horaee ne parle pas du défilé-dcs fourches Caudines
où la voie paffoit, & où il duc paffer lui - même ce
fou venir n’étoit pas affez flateur pour les Romains.
« O n 'y reconnoîc la gorge, dit M. l’abbé Chauppi, à
» la feule levée dont les auteurs de la voie purent la
,»* rendre praticable ; & l’on apprend que ce fut*là la
» gorge de Caudium , par une pierre que je trouvai fer-
v> vant dé liège de vant une maiton de pauvre à Arpaia ,
» où le fragment d’infcription qui s’y lit offre le nom
»• de cette ville bien confervé. Ces fragmens portent :
’ Luvius M, -F.
C A ü D 1
S O U S
É p i ... m .
& P r ifc î.1
Le défilé des fbùrches Candines n’ a de longueur qu’un
petit . mille, au-delà duquel il va en s’élàrginant jufqu’a
acquérir plus de trois milles en tour, fens ; mais i l .y
avoir un bois -épais qui contribuent à rendre. le défilé
dangereux.
• (9) La métairie ou ïev château de Cocceiusdevoit être
fur la gauche de l’efpèce de plaine que préfente le défilé
en s elargiffant-, &.Jà il étoit placé au-deffus des
hôtelleries de Caudium,
en. voulant nous faire rôtir fur la braife des grives!
étiques. Car le feu qui avoit pris au vieux bâtiment
de la cuifine , fe répandoit par-tout & com-
mençoit à gagner le toit. C ’étoit un fpcdacle in-
térefîant que de voir les convives affamés & les
valets tremblans , occupés les uns à fauver les*
plats , les autres à éteindre l’incendie.
» En fortant de Bénevent (10) je commençai à
découvrir les montagnes de l’Apulie que brûle le
vent Atabulus, & dont nous aurions eu peine à
nous tirer, fans une métairie où nous fûmes régalés
d’une fumée qui nous fàifoit tous pleurer , 8c
que produifoit un bois trop verd & en feuilles*
nuancées.
» De-là nous fîmes en pofte, dans de bonnes
voitures, vingt-quatre milles pour arriver à une
petite bourgade (11) dont le nom ne fe prête pas au
mètre d’un vers. Maisileftaifé de le défigner. On y
vend l’eau , le moins rare des a!îmens ; , mais le
pain y eftfi bon-, que le voyageur prudent a ftin
d’en faire une petite provifion pour la luite. de
(10) Cette ville fe nommait d’abord Maleventum. On
le changea en celui de Boneventum, ainfi qu’on lé lit
fur une médaille de la famille dé S jribonia : on écrivit
enfuite Beneventum: elle étoit regardee comme la capitale
du Samnium. Dans la fuite el e devint colonie
romaine. On y voit les ruines d’un fuperbe théâtre
& de magnifiques thermes : de. tous côtts on ÿ voit des
fragmens de pierres anc ennes avec des infcr ptions ;
M. l’abbé Chauppi en vit même que l’on a voir employées
à paver a un chemin nouyellement-refait. On y.admire
lur-tout un bel arc de triomphe élevé à Trajan par le
fénat & le peuple Romain,
(11) Une,petite bourgade, le Tatin dit O'pidtdo.• Le
nom de cette petite ville , qui. ne convenoit pas à la-
cadence d’un vers-,- avoit fort embarralïé les'commenta
teu r Plufieurs croyoiens. que e’-stoft le heu nommé
Equo Tutieus (ta)ÿ mais M, l’abbé Chauppi a,prouvé que
les voyageurs n’avoient pas fuiyi la voie qui p .ffoit par
cette ville , & que le heu qui n’eft pas nommé par le
poète eft Afculam Appulum. Il a trouvé dans la ville
aéluclle d’Alcoli ie LXü , qui font jufte le terme des deux
journées qu’Horace avoit employées à fon voyage
depuis Bénevent, ayant couché près de Trevicum-, qui
fe trou voit fur l’ancien chemin de PApulie. Cette première
journée avoit été très-fatigante, a caufe des montagnes
qu’i! feut tra verfer, & ces mêmes inconvéniens
s'y retrouvent encore. Comme la fécondé journée ne
fut , félon Hor-ice, que de 24 milles, que la colonne
miliatre d'Âfculum portoit l x i i , il s'enfuit que dette
prem ère journée n fatigante dut être d’environ r4
milles plus longu'e que là féconde. Outre ce rappoit
de diftance M. l’abbé Chauppi remarque qli’encore
aujourd’hui le pain y eft d’une blancheur éclatante,
& beaucoup meilleur que dans toute cette partie, de
l ’Italie. Quant âT’eau, en effet elle y eft rare, parce
qu’il n’y a en tout qu’une fontaine au bas de la montagne
, au haut de laquelle eft la ville aétuelle d’Af-
coli, & l’on eft obligé de l’y faire rr..n(’porter fur te
dos .d’une bête de femme. Quoique l’on y voie deux
colonnes anriqdës attenant la porte de j ’églife, le peu
Ü’âfpace qu’occupent les ruines , font ' un ïncficè. fjù’en
effet Afculum méritoic le nom d'Oppidulum. •*
T ©ri M.-l’abbé Chauppi preuve qu’il n’éwlt pas far -cctto voie /
comme on Fa cru*
V I Æ
fon voyage. Car à Carnufe il eft pierreux, & l’eau
n’y eft pas moins chère. Ici Varus affligé quitta fes
amis , qui donnèrent des larmes à cette féparation.
» De-là nous allâmes, accablés de fatigues, juf-
qu’a Rubes (12) , car la pluie avoit prodigieufement
gâté les chemins.
n Le lendemain le temps fut plus beau , les chemins
plus mauvais , jufqu’à Barium (13) , port
fi abondant en poiflons. De-là nous allâmes à
Egnatia (14) , petite ville bâtie en dépit des nymphes
, où l’on nous donna matière à plaifanterie ;
car on nous affùra qu’il y avoit en ce lieu un
temple où l’encens brûloit fans approcher du feu.
A la bonne heure que le juif Appella le croie ;
mais ce ne fera pas moi, car je fais que les dieux
vivent là-haut fort tranquilles, & que fi la nature
produit quelquefois des faits extraordinaires , ce ne
font pas eux qui nous les envoient dans leur colère.
Enfin, nous arrivons à Brundufium (15) , terme de
cette route & de ma narration >V.
7°. Trois autres grandes voies dépendoient de
la voie Appienne. i°. Celle que Trajan fit con-
(12) La voie Romaine que fui voit Horace, paffoit au
pont de Canufum, ville qui fut le terme'de la t-rei-
fièrae journée. d Horace. Ce lieu eft remplacé par le
bourg de Cérignole, où fe voit une colonne milliaire ,
portant le nombre l x x x i . Ceft-là que la voie Appienne
recevoit la voie qui paffoit par Equotuticum,
voie qué n’avoit pas dû îùivre Horace, comme on
l’a cru. Canufium n’eft plus qu'un bourg bien peu confi-
dérable , fur la hauteur où étoit le château de la ville
ancienne. Les ruines occupent un affez grand efpace.
On y voit un'rrc de triomphe, l’ovale de l’arche d’un
amphithéâtre & les. reftes d’un aqueduc ; enfin on y
admire fur-tout fix grandes colonnes de vert antique,
telles qu’on n’en rencontre pas ailleurs de femblable, &c.
La ville appelée Rubi par les Latins , ou Rubes en
françois, n’eft plus qu’un village portant le nom de
Ruvi.
(13) Barium porte a&uellement le nom de Bari. On
y voit chez différens particuliers beaucoup de, vafes antiques,
nits ordinairement étrufques, mais qu’il faut
plutôt appeler Campaniens ; car c’étoit dans cette partie
de l’Italie qu’ils fe faifoient, & ils s’y failbient, parce
que c’eft-là que la nature a placé l’argile dont ils font
compofés.
(14) Egnatia ne conferve d’entier que l’enceinte de
fes murs, dans le lieu où eft une tour où fe tient une
garde pour veiller à la fûreté de la côte : elle fe nomme
Torrt d’Agna\\o'. elle eft fix milles avant Monopoli,
formée des débris d'Egnatia.
(15) Le nom de Brundufium étoit meffapien , & figni-
fioit tête de cerf. On l’avoit donné à cette ville à
caufe de la forme de fon port, qui confifte en un grand
ovale & en deux longues pointes qui en naiffent.
La ville préfente eft allez exactement embraffée par
ces cornes, & ne s’étend pas au-delà-, mais, l’ancienne
ville étoit plus confidérable. Le nom moderne eft
Briiitfijî, dont nous avons fait Brindes. Il n’y refte
que des inferiptions connues & deux colonnes de marbre
cipollin, qui ont cent palmes de haut, & qui font
fituées dans le lieu du port où devoit être le Forum
de la ville. Les chapiteaux en font ornés de groupes I
de Syrènes & de Tritons, divinités nées de tous les I
ports. .............. »
Géographie ancienne. Tome 111,
V I Æ 511
cluhe de Bénevent \ Brindes. 20. Celle que Nu-
micius fit aller aufti à Brindes, & dont Horace parle
quand il dit :
Brundufium Nùmici melius via ducat, ait Àpvi.
3°. La voie appelée Setina v ia , d’après une
ville de la Campanie , nommée Setia : j’en ai
parlé précédemment.
Chap.xxvi. (Hift. des gr. cbem. de l’empire. )
Je trouve une notable différence fur la voie que i’en
appelle Ardéatinè, confiftant en ce que les tins
la font partir de la voie Appienne , bien près
de la porte Capène , ainfi que l’on voit en la
charte d’Ambrofius Wambillus , faite en l’an 1582,
contenant les principales places , montagnes, rivières
, remparts & portes de la ville de Rome,
avec la figure des grandes voies qui en fortent.
On y voit la voie Ardéatinè prendre Ton commencement
à la voie Appienne, hors de la ville, &
tirer dans les champs à main droite. Mais d’autres
auteurs prétendent quelle commençoit dans l’enceinte
même de la ville , au - deftous du mont
Aventin, près des bains d’Antoine Caracalla. Ils
prétendent qué!dè-là elle fortoit dans la campagne
par une porte qui portoit fon nom : elle devoit
félon eux , aller aufti à la ville d'Ardca, paftant
entre la voie Appienne & la voie. d’Oftie.
. Onuphre dit expreffément : Hoec ( Ardcatina )
intra urbem fub Avcntino juxta thtrmas antonianas
prihcipiùm habebat. Quant à la porte Ardéatinè 1
elle eft indiquée dans pîufieurs chartes de l’ancienne
Rome , entre autres dans celles de Pyrrhus Lieo-
tius, romain, & 'd’Etienne du Pérac, françois ,
où fe voit là voie Ardéatinè fortant de ladite porte
eh tirant d’abord au fud, puis tournant vers l’orient
à quelque diftance de la ville.
29. Au-delà de la voie Ardéatinè, en continuant
à droite, on rencontre la voie Lamentane qu’Au-
lugelle nous afflue être placée entre la voie Ardea-
tine & l’Oftienfis. Cependant Pline le jeune, dans
une de les épîtres , nous indique que la voie
Lamentine étoit voifine de la voie Oftienfis, car
il dit que l’on pourroit aller à fa maifon Lau-
rentine par l’une où l’autre voie. Admis non una
via. Nam & Laurentina & O fiai f i s codèm ferunt. Sed
Laurentina à x y , lapides ; Ofiienfis ab x i relin-
quenda efi.
3°. La dernière porte de Rome à l’oueft du
Tibre , où eft celle que l’on appelle à préfent là
Porte de S. Paul, & que les anciens nommoient
porta Trigtmin<z \ parce que, dit-on , ce fut par-là
que fortirènt les trois frères jumeaux, fi connus
par le nom cl’Horaces. Cette porte avoit été d’abord
bâtie au pied du mont Aventin.; Tite-Liye
dit expreffément : Ædilcs extra portam Trigeminam
in Aventinum porticum ftraviffe. Mais depuis, [’empereur
Claude ayant enfermé le mont Aventin
\ dans i’cncêîhfe de la ville, cette porte fut tranf*