A l'extrémité méridionale d'Orthygie il y avoit J
un château , & de ce château, au côté oppofé, on
tendoit une chaîne qui fermoit l’entrée du grand
port. -•
En fuivant la côte occidentale pour remonter
vers le nord , on trouvoit la fontaine d’Aréthufe ,
fi célèbre dans la mythologie par Famour qu’elle
infbira au fleuve Aîphêe , qui vênoit, dit-on , des
côtes de l’Elide par-deffous la mer, pour fe joindre
à fon amante. L’origine de cette fable n’étoit pas entièrement
due au génie des poètes: la nature ,
comme dans mille autres circonftances, en avoir
fait les premiers frais. Je l’ai déjà dit à l’article de
la Sicile : ce côté de l’îîe préfente auprès de la
côte, une fuite de plufieurs fources qui s’élèvent
du fond de l’eau ,*& forment .des efpèees de champignons
d’eau à la furface. C’eft une de ces fources
que l’on diftingue. très-bien être de Peau douce,
qui fe voit en face de la fontaine Aréthufe, & elle
porte encore le nom d'Alphée.
Le temple de Minerve étoit un peu à l’eft ( i) .
Le temple dê Diane.
Fins au nord étoit un pale Are pour des athlètes.
Et fur le bord de la mer , à l’oueA, étoient- des
bains que l’on appelok bains dp Daphné.
A Feft, était une porte qui conduifoit au petit
port. On fait que Denys ayant appris que Dion
avoit formé un parti contre lui, difïimula , lui
prodigua les exprimons de la plus tendre amitié ;
mais , arrivé au port, il le fit monter fur une barque,
qui le trafporta en Italie.
Le petit port étoit suffi appelé îë port de
marbre , à caufe de la quantité de figures, d’obé-
fifques, de portiques de marbre, &c„ dont il étoit
embelli : deux obélifques détermioient fon entrée.
L'Acradine. Ce nom, formé évidemment du
grec axfet, pointu, élevé, mdiquok la partie la plus
élevée de la ville. Elle occupoit en effet un rocher
qui fbrmoit la partie du nord-eft de la villle ; &
comme elle s’avançoit à l’eft, elle avoit k mer
au nord, à l’ëfi r & au fud , dont une partie fermoit
le petit port.
En‘entrant dans l’Acradine , on trouvoit fuccef-
fivement des murs faits par les Syracufains, lorf-
qu’ils eurent' chafle Th rafy bille. C ’étoit alors que
les dix mille Mégariens que Gélou avoit fait recevoir
au nombre des citoyens de Syracufè
s’éteient foulevés, pour parvenir aux mêmes honneurs
dont jouiffeient les anciens habkans. Cette
muraille s’étendoit depuis l’ifthme & le grand
portr jufqù’à l’extrémité du rocher, au nord.
Une porte établifleit ou défendoit la communication.
entre Orthygie & FAcradine , elle étoit
ornée de fept fiatues de marbre. Au - deflùs de
cette porte il y avoit une tête d’homme, célèbre par
fà beauté.
( i) Je reviendrai, d’après M. Hoüel, fur quelques-
uns de ces, maoumeos.
Un peu au-delà, vers le nord-eft, on trouvoit
réunis dansjun efpace, il eft vrai, confidérable :
Une ftatue équeAre de Verrès, en bronze doré.
Il y en avoit plufieurs autres de cette efpèce.
Derrière la ftatue de Verrès, étoit une fphère
de bronze : elle étoit dans la place de la Concorde.
Je n’ai*pas trop l ’idée de cette fphère ; elle étoit
peut-être perfectionnée d’après celle qui avoit été
imaginée par. le philofophe Anaximandre. On a
dit que cette fphère repréfemoit la marche des pla-
' nètes , leur naiffance & leur difparition,. les étoiles
& d’autres objets de la région eélefte.
Afl'ez près étoient plufieurs ftatues de tyrans
qui avoient régné à Syracufè. Ces ftatues furent
renverfées lorfque Timoléon, aidé des Corinthiens,
eurent chafle 'Dénys le jeune , Magon & Icétas
de Leontiuni, dont la mémoire étoit en exécration.
Affez près étoit un portique avec une vafte
galerie où les athlètes s’exerçoient pendant l’hiver
& pendant les jours de pluie. Comme ces galeries
étoient ouvertes, il eft probable que le peuple
jôuiflbk de la vue de ces effais. en attendant le
jour du fpeétacle-complet.
Un peu à l’oueft:, étoit l’autel de la Concorde.
Il étoit dans une belle place, en face de la
ftatue de cette divinité , fous une coupole portée
par quatre colonnes. Et puifque je parle de cette
place de la Concorde, j’ajouterai:
Que Cicéron nous apprend qu’elle renfermoit
les ftatues de plufîeursi^livinkés,. entre autres celle
de Jupiter, de Diane, ae Marfias, de Mercure, &c.
lefquelles ftatues furent enlevées par ordre de
Verrès.
Depuis la prife de Syracufè par Marcelîus, on
avok inftitué une fête en mémoire de ce jour.
Au premier coup - d’oeil Finftitution de cette fête
] parok être une fuite de ce penchant ^des Grecs à
l’adulation.. Ce qui les juft'ifie cependant, c’eft
qu’elle avok été infpirée par k reeonnoiflànce. On
ne célébroit pas le triomphe d’un ennemi, mais
fà. modération, k manière humaine & fage dont
il avoit ufé de k vi&oire. On lui avoit auffi élevé
plufieurs ftatues , monumens également honorables
pour les vainqueurs & pour les vaincus.
Mais ces mêmes Syracufains , préfervés des fléaux
qui accompagnent ordinairement le fuccès d’un
afiaut, par la modération d’un général ennemi,,
eurent bien à. fe plaindre dans 1a mite du magiftrat
qui devok les protéger au nom d’une république
dont ils étoient en quelque forte les. membres. Le
préïetir Verrès enleva ces ftames.
Ce fut auffi dans les édifices de cette place que
les féroces foldats de Denys avoient mis le feu ,
dans l’intention d’incendier toute k ville.
Au temps de Denys le jeune , cette place étoit
devenue deltrte ,. au point que les herbes y croif-
foient. T e l eft l’effet de k tyranrie : les-hommes-
n’ofent fe communiquer, & ils abandonnent,.pour,
la retrake y les lieux qu’ils fiéquentoient le. plus.
On difûk. qu’autrefois Ducétius, rov. des Sicules ,
êtoît venu fe mettre dans cette place, feul &
fans armes, à la merci des Syracufains, qu’il laifloit
ainfi prononcer fur fon Tort & fur celui de fes
états. , . j i
Ce fait, vrai ou controuve, avoit rendu la
place un objet de vénération. Il étoit défendu
d’y .paraître en armes ou chargé d’armes. Je
foupçonne que l’on avoit ici fait un devoir religieux
d’une précaution qui n’étoit que fage en
politique. Il y a toujours du çlanger à laitier armés
les citoyens en temps de paix. Mais cela marquoit
bien davantage chez les Grecs & les Romains , qui
ne portoient leurs armes qu’à 1a guerre. Cette
défenfe, à laquelle on fe conformoit, parut en-fti
core plus inviolable après l’événement que rapportent
les hiftoriens. On dit que le légiflateur
Dioclès étant entré, par inadvertance, tout armé
fur cette place un jour d’aflemblée publique , fe
reflouvenant des peines qu’il avoit fait lui-même
fan&ionner contre ce facrilège, tira fon épée &
s’en perça, en difant, qu’il devoir plutôt mourir
pour avoir enfreint les lo ix , que de rifquer de
leur faire perdre de leur force. ~
Un peu au fud, étoit une ftatue de Verrès le
fils. Si ce n’étoit pas l’ouvrage de l’adulation ,
c’étoit celui de k foibleffe. Cette ftatue étoit fous
un arc.
Tout auprès il y avoit un gymnafe où des
lutteurs s’exerçoient au jeu que Fon nommoit paa
j !
. Le temple de Jupiter Olympien etoit vers le
nord-oiieft des monumens que je viens d’indiquer,
tout près de la muraille occidentale. Il y avoit
de chaque côté de ce temple deux grandes colonnes
pyramydales : elles étoient plus hautes que le
temple. Des trophées étoient attachés à ces colonnes.
Elles avoient été élevées par Hiéron, qui
y avoit fufpendu des armes enlevées aux Gaulois
& aux Illyriens, & dont le. peuple Romain lui
avoit fait préfent.
Plus à l’eft étoit le temple de Démétrius, où
Agathoclé fit le ferment de fàvorifer le gouvernement
populaire.
T ou t-à -fa it à l ’eft, près de 1a mer, étoit le
temple de Junon, célèbre par la fameufe viétoire
rie Gélon fur les Carthaginois, dont l’armée étoir
de cent cinquante mille hommes. On fait que ce
fut après cette viétoire qu’il fut foupçonné d’afpirer
a la tyrannie. Pour donner au peuple une preuve
de k pureté de fés vues, il fit aflèmbler fes foldats,
parut fans armes au milieu d’eux, »& expola
modeftement ce qu’il avoit fait jufqu’alors, & les
triions qu’il aveit en de le faire. Cet expofé
fimple & vrai fut reçu du peuple avec tranfport ;
on lui confia le gouvernement, & on lui éleva
mie ftatue. 11 avoit une maifon an nord & afl'ez
pres de cet emplacement.
fï) Voyc{\e Di&ionnaire d’antiquité; ceci n'eft pa‘s
de mon oojet.
Un peu au nord, vers l’eft, tout près des murailles
, étoit k maifon d’Archimède, où Platon
avoit demeuré pendant fon féjour à Syracufè.
Afl'ez près au nord de cette maifon étoit une
colonne où l’on flifpendit en triomphe le bouclier
de Nicias après fa défaite : on fait qu’il comman-
doit les Athéniens avec Démofthènes, & qu’ils
furent tous deux battus.
Un peu au nord étoit le temple d’Efcnlape. Il
étoit en fi grande vénération, & le concours du
monde y étoit fi confidérable, qu’il y avoit des
autels jufqu’à cent pas autour du- temple pour fa-
tisfaire complètement la piété de la multitude qui
s’y rendoit habituellement pour offrir des facrifices.
C ’étoit dans ce temple que l’on voyoit une ftatue
d’Efculape à barbe d’o r , que Denys lui fit élever.
A l’oueft, près de la muraille, étoit le temple
de Jupiter Libérateur. Les Syracufains avoient
élevé une ftatue *à ce dieu, en mémoire du jour
où ils chaflerent de 1a ville & du royaume le
tyran Thrafybule, frère & fuccefleur de -Denys
l’ancien. Ils le contraignirent de fe retirer: il alla
mener une vie privée à Locres.
Près de cette ftatue on célébroit tous les ans
des jeux en mémoire de k liberté recouvrée.
Plus à l’e ft, à-peu-près à égale diftance des
murs occidentaux & de 1a mer, étoit 1a maifon de
Simon, quefteur de Denys le tyran. Elle étoit
d’une beauté furprenante. On rapporte qu’un jour
Simon, fàifant voir fa maifon à Ariftipe le philofophe,
celui-ci cracha au vifage de Simon, en
lui difant que c’étoit-là qu’il avoit trouvé ce qu’il
y avoit de moins propre dans fes appartemens.
Un peu au nord étoit le temple de Bacchus.
On y voyoit 1a ftatue d’Ariftée, fils d’Apollon
& de Cyrène, & qui fut l’inventeur des ruches,
de l’art de recueillir le miel, de tirer l’huile des'
olives & de faire cailler le lait. Il y avoit auffi
dans ce temple une très - belle ftatue d’Epicharme,
célèbre Syracufàin.
Un peu à l’e ft, étoient deux temples , l’un du
facré Génie; l’autre, de k Fortune forte.
En remontant vers le nord-oiieft orç rencontroit
le temple de Vénus Callipygie, ou aux belles
feflès ( a ).
( a ) Comme l’antiquité nous a tranfmis une ftatue
de cette déeffe, & que ce nom eft très-connu des
artiftes modernes , j.e crois devoir donner l’origine de
cette épithète de Venus , d’après Atfienée , quoique
cet'e origine ait tout l’air d’un conte abfurde. Un
homme de la campagne avoit deux filles, qui, n’étant pas
d’accord fur la beauté de cette partie de leur corps dont
le furnom eft paffé à la déeffe , confentirent à prendre
pour juge le premier homme qui paffercit fur le grand
chemin. C’étoit un Jeune homme d’une famille riche.
Il prononça en faveur de l’aînée, & en devint amoureux.
Son frere, admis auffi pour juge de ce différend;,,
donna la préférence à la cadette, & en devint egalement
amoureux. Leurpere, qui fe refufoit d’abord à
cette union, y confentit enfuite. Ce fuient ces b .-liés
qui, les premières, firent bâtir un temple à Vénus
Calipygie ou Callipyge,