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Atlantique avec la met Erythrée, penfoit, au contraire, que la côte occidentale de l’Afrique
, après avoir formé un golfe médiocrement enfoncé, & qu’il nomme Hefperieus ,
s’étendoit indéfiniment entre le fud & l’oueft : de même qu’il croyoit que celle de l’Afrique
orientale , après le cap Prafum , alloit rej oindre la côte de l’Afie , au midi de Caùgara.
Les connoifl'ances de Strabon , dans la partie orientale de l’Afrique, ne paffoient pas le
cap Gardefan, que Ptolémée nomme Aromata, du nom d’une ville qui y étoit fituée.
Marin de T y r avoit raffemblé les Journaux de plufieurs navigations faites depuis ce cap
jufqu’au promontoire Prafum, & avoit penfé que le Prafum devoit être fit lié fous le tropique
d’hiver. Ptolémée, d’après cette nouvelle évaluation de ces itinéraires, & des
notions plus pofitives fur les diftances & l’ojrdre dans lequel les différens ports de cette
côte dévoient être rangés, fixe le Prafum au quinzième degré de latitude auftrale ;. il y a
erreur de cinq degrés : ce cap répond à celui nommé Cabo-Delgado.
Marin avoit encore recueilli d’autres itinéraires, dont Ptolémée a fait ufage' pour les
parties feptentrionales & orientales de l’Afie. L’un d’entre eux donnoit les diftances le long,
d’une route tracée depuis les bords de la mer Egée jufqu’à la métropole de la Sérique,
Les marchands qui parcouraient ces contrées, paffoient ■ l’Euphrate à Thapfaque, ga-
gnoient les portes Càfpiennes par Ecbatane, & fe rendoient à Ba cires : là ,. ils abandon-
noient la route qu’Alexandre avoit fuivie, pour monter au nord chez les Co'medi, puis
traverfant une. branche dè l'lmaüs, & les déferts de la Scythie, ils arrivoient à Sera, la
dernière ville connue de la Haute-Afie.
Gn avoit parcouru la mer Cafpienne dans tout fon contour, on ne croyoit plus qu’elle
étoit un golfe de l’Océan feptentrional ; on favoit même qu’elle en étoit fort éloignée T
puifque l’on avoit remonté le V o lg a jufqu’à fes Tources. Cependant, en fupprimant les
gorges par lefquelles Eratofthènes avoit cru que la mer Cafpienne communiquoit à
l’Océan , on lui avoit confervé fa forme, comme prolongée de l’occident à l’orient. Ptolémée
lui donne , dans.cefens, 23°, 3o ', depuis Gagara, dans l’A lbanie, jufqu’au fleuve-
Polytimaïus, dans la Scythie ; il eft probable qu’alors on croyoit que le lac d’Aral faifoit
partie de la mer Cafpienne.
Mais une chofe fur laquelle on ne peut fe refufer de s’entendre ic i , c’eft fur la configuration
que Ptolémée & toute l’antiquité donnent àlaTaprobane, J’en ai parlé , d’après-
M. d’Anville ; je vais aûuellement expofer l’opinion favante du citoyen Goffelin.
Pour la Taprobane, il eft néceffaire de fe rappeler ce qui a été dit ci-devant fur les
notions géographiques que les Grecs avoient rapportées de l’Inde. Il faut aufli fe rappeler
la manière dont Eratofthènes avoit fait ufage de ces notions, en les foumettartt à la fauffe
.latitude des bouches de l’Indus , qu’il plaçoit beaucoup plus au midi qu’elles ne dévoient
l’être ; & à l’idée d’une zone inhabitable, que le cap des Coliàques ne devoit pas atteindre.
Les mêmes relations avoient indiqué une île qui étoit au fud de l’Inde ; & l’on pourroit
même foupçonner, d’après un paffage de Strabon, où il eft d it, que la Taprobane eft
dans la mer Adriatique, que. quelques auteurs la croyoient à l’orient du cap des Coliàques,
ce qui feroit infiniment plus jufte.
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Quoi qu’il en fo it , la Taprobane ne paraît pas , au citoyen Goffelin , devoir être
repréfentée que par l’île Ceylan , qui eft la feule grande île que l’on trouve dans les
parages de l’Inde, en-deçà du Gange ; elle a porté aufli le nom de Salice : ce. qui
étonne, c’eft de favoir comment Eratofthènes a pu lui donner 7. à 8000 ftades de longueur,
fur 500 ftades de largeur; & comment Ptolémée, venu 400 ans après lu i ,_ dans
un temps où la navigation de l’Inde étoit fort fuivie & fort connue, lui croyoit encore
15 degrés, ou 7,500 ftades d’étendue, du nord au fud ; & 12 degrés, où 6000 ftades , de
l’eft à l’oueft , tandis que Ceylan n’a tout au plus que 30, 50' de long , fur 20, 20' de large. -
M. d’A nville, & moi d’après lu i, nous avons cru que cette énorme étendue que les
anciens donnent à la Taprobane, ne provenoit que d’une fauffe évaluation des ftades employés
à fa mefure , mais en voici une autre caufe, dont on doit la connoiflance à la
fagacité du citoyen Goffelin.
Les navigateurs qui partoient des bouches de l’Indus, avec le projet de parcourir les
côtes de l’Inde, avoient à traverfer les deux golfes qui réfferrent la prefqu’île de Guziirat,
que Ton nommoit alors Larice ; ils trouvoient enfuite la côte de Malabar, qui s’étendoit
vers le midi ; & il etoit impoflîble qu’ils fe trompaffent fur cette direction. Tous les ren-
feignemens dévoient donc annoncer qu’il exiftoit une grande terre au fud-eft de Larice ;
mais l’opinion générale étoit que la côte de l’Inde étoit parallèle!à l’équateur , d’où l’on
concluoit, à l’école d’Alexandrie, que cette cô te , qui defcendoit au fud, n’étoit pas la
côte de l’Indey mais qu’en étant féparée, c’étoit l’île de Taprobane dont on avoit entendu
parler. L’enfoncement du golfe de Cambaye, qui eft au midi du Guzurat, a pu leur paraître
le commencement du détroit, qu’ils favoient devoir féparer la Taprobane de l’Inde ;
& l’efprit de fyftême leur a fait continuer ce détroit jufqu’au golfe du Gange, à laquelle
on a donné toute l’étendue que devoit avoir cette partie de l’Afie.
Si l’on remarque en effet que la côte de Malabar, prife depuis le cap Comorin jufqu’à
Surate eft de 7,500ftades, de 500 au degré, on y reconnoîtra la longueur précife que
Ptolémée donne à la Taprobane. Le refte de la côte du nord, jufque vers-Cambaye,
devoit difparoître dans fon opinion , ainfi que dans celle d’Eratofthènes , pour faire place
au prétendu détroit qu’fis y fubftituoient.
Ce détroit eft particulièrement indiqué dans Pline, comme devant traverfer la prefqu’île
de l’Inde à la hauteur de Cambaye. Il dit que la Taprobane eft à fept journées 3e navigation
de la Nation des Prafii, qui occupoient Paâbothra , ville fituée fur le Gange. Pline ,
en mettant les Prafii fur le bord de la mer, fuppofoit d onc, dit le citoyen Goffelin, que
1 enfoncement du golfe de Cambaye fe prolongeoif jufqu’à l’embouchure du Gange.
Le citoyen Goffelin ajoute une autre preuve empruntée de l’aftronomie , & finit en
concluant que 1 erreur des anciens eft-d’avoir confondu & décrit Ceylan dans le cadre que
devoit occuper la prefqu’île occidentale de l’Inde.
Le citoyen Goffelin prouve enfuite que Ton s’eft trompé, en croyant que la prefqifîle
de Malaca étoit la Cherfonèfe d’or des anciens. Il prouve que les connoifl'ances des anciens
ne s’étendoient pas au-delà de Tana-Serim.
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