
pnyvvç^jtti , déchirer, d’après l’opinion que la
Sicile avoit été féparée du Bruùum.
Si l’on en croit les conjectures du favant Lefevre,
cet événement avoit eu lieu fous le règne d’A -
cafte, fils d’Eole, & roi de Sicile. Il s’appuie du
commentaire d’Eufthate, fur le vers 474 de Denys
le Périégète ; mais ce règne d’Acafte me paraît trop
incertain pour que je ra’y arrête.
Largeur 6* danger du détroit. Je remarquerai, par
rapport au détroit qui fépare la Sicile de l’Italie ^
qu’il eft fi peu large, que d’un côté à l’autre on
entend le chant des coqs, ou les aboiemens des
chiens. Silius le dit formellement, L. xiv> v. 10.
Sed fpatium, quod dijfociat confortia terra
Latratus fama ejl ( fie arEla intervenu unda )
Et matutinos volucrum tranfmittere camus.
Et M. Hoüel le dit dans fon voyage, que je vais
citer plus bas : « II arrive fréquemment qu’on fe
v parle avec un porte-voix d’une rive à l’autre.
» M. Andrea Gallo, homme grave & très-digne
» de fo i, m’a dit que de la pointe du Fare, le
» temps étant ferein & le vent venant de la
» mer à lui, il avoit entendu chanter les coqs de la
» Calabre. Les mariniers m’ont affuré que ce canal
» n’a que deux milles de largeur ».
C ’éft à caufe de cette proximité que Salufte traite
la Sicile de fuburbana pr.ovincia ; ce qui répond,
• à-peu-près, à notre expreflion de banlieue.
Pline ne donne que quinze Cents pas de longueur
à ce détroit.
Ce paflâge avoit été, pendant long-temps, regardé
comme très-dangereux , à caufe du gouffre
de Charybde, qui eft près des côtes de la Sicile,
tout près & au fud de Meffine, & du rocher de
Seylla, qui fe trouvoit fur la côte de l’Italie , à la
fortie du détroit. Sénèque, écrivant à un de fes
amis, l’engageoit d’examiner ce gouffre, & de lui
en donner quelques détails. ExpeElo, dit-il, epif-
tolas tuas, quibus mihi indices^ cireuitus. Sicilixz totius
quid tibi novi ojlenderit,. & omnia de ipfa Charibdi
certiora. Nam Syllam faxum ejfe, & quidem non
terribile navigantibus , optimè feio. Charybdis an ref-
pondeat fabulis preferibi mihi dejidero. Et f i forte ob-
fervaveris ( dignum eft autem ut obferves ), f ie nos
certiorts utritm uno t-intum vento agatur in yortices, an
omnis tempefias cequb mare illud contorqueat : 6» an
verum fit quidquid in freti turbine adreptum efi, per
multa millia trahi conditum & circà Tauromenitarum
litus emergere. J’ai tranferit ce morceau, parce qu’il
préfente les opinions reçues alors, & fur lefquelles
Sénèque defiroit des éclairciffemens. Quel dommage
ue l’on n’ait pas la réponfar qui probablement lui
it adreffée!
C ’étoit aufïi le même motif qui engagea, félon le
P. Kirker, le roi Ferdinand, à faire plonger dans ce
gouffre un plongeur affez habile pour avoir mérité
la nom du poilfon colat. Il en revint, dit-on, une
première fois, & périt à la fécondé. Quelques auteurs
afferent la vérité de cette hiftoriette, & je me
plais à croire qu’un prince n’a pas été affez barbare
pour fe jouer ainfi de la vie d’un de fes fujets.
Je vais placer ic i, à l’appui de ce qu’ont penfe
& écrit les anciens fur ce fameux détroit oc les
principaux objets qu’il renferme, ce que j’ai pu
emprunter de l’ouvrage, des lumières, & de l’amitié
de M. Hoüel, peintre du ro i, qui nous a donné
ce qui exifte de mieux à tous égards fur la Sicile ,
foit comme voyage, foit comme defeription (1),
Voici comment cet exaét & infatigable obfervateur
s’exprime, relativement au détroit ou Fare de Mé£
fine :
« J’ai obfervé, dit-fl, de ce lieu \le cap Pelore ) ,
les montagnes de la Calabre ; je les ai obfervées
bien mieux & de plus près, en tràverfant la mer ;
& en longeant le canal, j’ai obfervé avec le même
foin les. côtes de la Sicile. Il m’a paru qu’il n’y
avoit, ni de l’un ni de l'autre côté, aucune production
volcanique.
La portion de roches qui forment le promontoire
de Seylla & les montagnes de fes environs,
font, en grande partie , de quartz blanc & colorié.
Vis-à-vis d’elles, celles du cap Pelore leur font
femblables, ou n’en diffèrent qu’autant que des
roches diffèrent entre elles. Ce qui n’eft pas quartz
ou calcaire dans ces montagnes, n’eft fouvent qu’un
fable mouvant, dont les lits des terres fe rem-
pliffent, après les grandes alluvions qui lavent
l’immenfe raperficie de ces grandes montagnes, de
l’un & de l’autre côté du canal.
Le temps ne coûte rien à la nature : elle l’a prodigué
pour féparer la Sicile du continent. On ne
peut s’empêcher de croire, quand on regarde le
grand golfe qui s’étend au midi de ce canal, &
qui en fait l’embouchure, que ce golfe ne fe foit
creufé fon propre lit entre l’Italie & la Sicile, &
qu’il n’ait formé ce canal. OrC fent, en contemplant
ces montagnes, que les eaux des deux mers
ont facilement entraîné les terres & les fables mou-
vans.
Ce travail des flots étoit encore fécondé par
les pluies , qui creufoient des ravins profonds dans
les flancs de ces montagnes, & qui, s’amaffant dans
les angles de ces rochers, & emportant les fables qui
s’y trouvoient entre eux, ou qui en fupportoièntie
poids , finiffoient par les entraîner eux-mêmes dans
l’abîme que les ondes creufoient à leurs pieds. C’eft
ainfi qu’aujourd’hui les torrens tendent à détacher
du continent la montagne qui forme l’extrémité de
la Calabre ; & lorfque les flots des deux mers
agités par des vents alternativement oppofés , agif-
fant en fens contraire, attaquèrent également l’ifthme
qui imiffoit la Calabre à la Sicile, la violence des
eaux aura été facilement viétorieufe des obftacles
que lui offroit un terrein de fable mouvant de
( 1 )' Voyage pittorcfqne de Sicil: & de Malte, 4 vol.
in-fol. avec deux cartes, & un très-grand nombre de
gravures.
trois
trois lieues d’étendue ; & aufli-tôt qu’il y aura eu
la moindre communication entre les deux-mers,
elle aura acquis une double force pour entraîner
le refte de ces rivages qui leur réfiftoient encore-
La diftance de la pointe du promontoire de
Pelore au continent, eft de deux milles. En détendant
au midi, le canal tourne au couchant,
& la rive de la Calabre avance une pointe qui
jete le courant dans le port du Meflïne: if en reffort
en fàifant le tour extérieur de ce port. Là le canal
a douze milles de long, en comptant de Meffine
à Regio ; & de-là, en allant plus au midi de cette
ville j à l’extrémité de la Calabre, il a quinze
milles.
Les anciens ont beaucoup parlé des dangers que
couraient les navigateurs dans le canal de Meffine ,
entre Charybde & Seylla. Ces dangers, exiftent
encore ; mais ( ou le terrein a un peu changé de
configuration ) ils ,ne font pas fi terribles que les
anciens nous les ont repréfentés.
L’intervalle de mer contenu entre la côte, depuis
Meffine jufqu’au cap Pelore & la Calabre, eft continuellement
tourmenté par de nombreux courans(i),
dans des direéiions différentes. Le cours de quelques
uns eft fixe, celui des autres-eft variable.
Le principal de ces courans, eft celui qui fe
voit tout près de Meffine, depuis le fud de l’entrée
du port : le rocher qui forme cette entrée & le
courant qui s’ÿ trouve , fe noir.moient autrefois
Charybde ; on l ’appelle vulgairement le Garofallo.
La direétion du courant y eft, pendant fix heures,
du fud-eft au nord-eft. Il s’arrête fur la çôte de
la Calabre, près du rocher de Seylla. Il eft fi
violent pendant certains. <temps de l’année, qu’il
eft quelquefois impoffible aux vaifleaux de le fur-
monter. S’ils n’y parviennent pas, ils font infailliblement
naufragés fur Pune>ou l’autre de ces côtes,
la conformation des rivages ne leur offrant ni abri
ni reflojirces.
Plufieurs courans fe forment dans la direétion de
celui-ci. Prefque tous font dangeieux; mais aucun
ne l’eft autant que le premier. Le plus grand péril
eft dans le calme ; car les vaifleaux n’étant plus
foutenus par les vents, font emportés par le courant
qui les porte contre terre (2).
Comme je préfume que le port aétuel de Meffine
doit être un peu différent de ce qu’il étoit autrefois,
je vais transcrire ici ce qu’en dit M. Hoüel.
Le port de Meffine eft ce qu’elle a de plus in-
téreffant. Il a été creufé par la . nature, & elle 1 2
(1) Actuellement vingt-quatre pilotes, payés par le
rot de Naples, réfutent dans le port de Meffine & à la
tour du Fare, pour, conduire tous les vaifleaux qui
palient par ce détroit.
(2) Je conje&ure que le favant M. Defmarets expliquera
la caufe de ces courans dans la partie de cet
ouvrage qui renferme la géographie phyfique : elle a
tiensCîe foupçonûée par ■ quelques naturaliftes phyfi-
Géographie ancienne. Tome ///,
femble avoir voulu produire un chef-d’oeuvre en
ce genre. La ville - a été bâtie dans une petite
plaine, entre la mer & les montagnes. Près de
l’extrémité de cette plaine, une langue de. terre qui
fe détache du continent, s’avance, en circulant du
midi au nord : elle y forme line enceinte , ou plutôt
un petit golfe, dont on à fait le port: elle le rend
très - commode -, parce qu’elle j’abrite, & qu’elle
garantit les vaifleaux des dommages que les gros
temps leur cauferoit fans elles.
Ce port réunit à cet avantage celui d’une très-
grande profondeur, & de donner un afyle afluré
à ceux qui prennent le plus d’eau. Les plus gros
vaifleaux peuvent approcher du quai, ou du mole,
fans en être empêchés par les bas-fonds de la mer.
On dit qu’en certains endroits la fonde ne peut
trouver la terre.
Les roches qui forment cette enceinte, font
d’une folidité qui a paru .inaltérable, au point qu’on
y a bâti avec fuccès. des fortifications, pour empêcher
que ce port, l’afyle des vaifleaux, & qui
fait en même temps la richefle de cette v ille, ne
foit en proie à l’audace du premier ravifleur qui
voudrait s’eri emparer.
L’étendue de ce port eft de huit cens toifes,
& eft affez conficlérable pour qu’il réunifie encore
un grand avantage; c’eft celui d’avoir, dans un
endroit très - éloigné, un lazaret où s’arrêtent les
vaifleaux qui viennent du Levant.
C’eft en quelque forte à l’embouchure de ce port ,
qu’eft le Garofallo. Si on le confie!ère comme promontoire,
c'eft une roche qui s’étend du fud au
nord, & forme la partie fud de l’entrée du port:
c’e ft, fi l’on veut, l’extrémité d’une péninfule que
forme la langue de terre : plufieïirs parties s’avancènt
& s’étendent èn mer, lefquelles, parles difpofitions de
leurs formes & les élévations à des diftances di-
verfes, donnent lieu, avec d’autres roches encore,
aux courans de la mer, fi redoutables dans ce
détroit.
' Si on confidère Charybde feulement comme un
gouffre, c’eft un lieu à l’entrée & hors du port, où
l'eau tournoie , & qui devient lé centre de diffé-
rens mouvemensi
J’ajouterai ici un mot qui tient à la géographie
phyfique de la Sicile, & dont les anciens n’ont
pas parlé, & toujours d’après M. Hoüel.
A l’extrémité de la langue de terre prolongée
qui forme le port de Meffine, on trouve une
production de la nature, que'l’on connoît fous
le nom de Poulding. Il exifte en ce lieu, fous la
mer, une fource de bitume. Ce bitume, en s’échappant
de quelque roche au fond de l’eau, vient
à la îurfaçe, & eft jeté fur le rivage, où les courans
le divifent, & ce bitume perd fa propriété en
s’éloignant. Mais dans rendrait de la langue de
terre circulaire qui forme le port de Meffine, le
bitume fe dépofe & s’unit au fable aufli-bien qu’au
galet, gros ou menu, qui couvre le rivage : il remplit
les intervalles qui fe trouvent entre les cailloux 9