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lucculente que nous connoiflions, comme on peut
le remarquer en ouvrant les beftiaux qui en font
nourris. Les Scythes ont donc en abondance les
chofes qui font les plus néceflaires à la vie.
Quant à leurs loix 8c à leurs coutumes, les
voici, dit Hérodote ( L. î v , ch . 59 ) , telles qu’elles
font établies chez eux. Ils cherchent à fe rendre
propices principalement Vefta, enfuite Jupiter &
la Terre, quiis croient femme de Jupiter; o c après
ces trois divinités, Apollon, Vénus, Uranie, Hercule,
Mars. Tous les Scythes reconnoiflent ces
divinités ; mais les Scythes royaux facrifient aufli
à Neptune. En langue Scythe, Vefta s’appelle T a h iti;
Jupiter, P a p o u s , nom. qui, à mon avis, ajoute
Hérodote, lui convient parfaitement; la Terre,
A p i a ; Apollon, OE to f ir o s ; Vénus Uranie, A r titn -
p a f a ; Neptune, T ham im afa da s . Ils élevoient des
autels, des ftatues & des temples à Mars, & n’en
élevoient qu’à lui.
Les Scythes focrifioient de la même manière
dans tous les lieux facrés ; ces facrifices fe faifoient
ainfi: la vidime eft debout, les deux pieds de
devant attachés avec une corde. Celui qui doit
l’immoler fe tient derrière, tire à lui le bout de la
corde & la fait tomber. Tandis qu’elle tombe, il
invoque le dieu auquel il va la focrifier ; il lui met
enfuite une corde au cou, & ferre la corde avec
un bâton qu’il tourne: c’eft ainfi qu’il l’étrangle, fans
allumer de feu , fans faire de libations, & fans
aucune cérémonie préparatoire (1). La vi&ime
étranglée, le facrificateur la dépouille, & fe difpofe
à la faire cuire.
Comme il n’y a point de bois en Scythie, voici
comment ils ont imaginé de faire cuire la vi&ime.
Quand ils l’ont dépouillée, ils enlèvent toute la
chair de deiTusles os, 8c la mettent dans des chaudières,
lorfqu’ils en ont. Les chaudières de ce pays
reffemblent beaucoup aux cratères de Lesbos, excepté
qu’elles font beaucoup plus grandes. On allume
déflous du feu avec les ©s de la viétime. Mais s’ils
n’ont point „de chaudières, ils mettent toutes les
chairs, avec de l’eau, dans la peau de l’animal, &
allument les os deffous. Ces os font un très - bon
feu & cette peau tient aifément les chairs défof-
fées; ainfi le boeuf fe fait cuire lui-même. Pareille
chofe s’obferve à l’égard des autres viâimes. Quand
le tout eft cuit, le facrificateur offre les prémices
de la chair des entrailles, en les jetant devant
lui. Ils..immolent auffi d’autrés animaux, & principalement
des chevaux.
Telles font les efpèces d’animaux que les Scythes
facrifient à ces dieux,. 8c tels font les procédés ;
mais voici les rites qu’ils obfervent à l’égard du dieu
( 1 ) On voit qu’Hérodote met. ici en oppofition la
{implicite des facrifices des Scythes , avec ce qui fe
pratiquoit dans la Grèce. Je n’en dis rien ic i, parce
q u ç je penfe que l’article des S a c r i f i c e s fera traite
{avâmment & amplement dans le dictionnaire d’Anti-
qpitçs*
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Mars. Dans chaque nome on lui confacre un temple
de là manière l’uivante. Dans un champ deftiné
aux afl'emblées de la nation, on entafl'e des fagots
de même bois , & on en fait une pile de trois
fiades en longueur & en largeur ; mais moins en
hauteur. Sur cette pile on pratique une efpèce de
plate - formé carrée j, dont trois côtés font inac-
ceflibles ; le quatrième va en pente, de manière
qu’on puifle y monter. On y entafl'e , tous les ans,
cent - cinquante charretées de ce même bois,, pour
relever la pile qui s’affaifl'e par les injures des foi-
fons. Au haut de cette pile, chaque nation Scythe
plante un vieux cimeterre de fer, qui lui tient lieu
de fimwlacre de Mars ; ils offrent, tous les ans, à
ce cimeterre, des facrifices de chevaux, & d’autres
animaux, .& lui immolefit plus de victimes qu’à tous
les autres dieux ; ils lui facrifient aufli le centième
de tous les prifonniers qu’ils font fur leurs ennemis ;
mais non de la même, manière que les animaux. La
cérémonie en efl bien différente.
Ils font d’abord des libations avec du vin, fur
la tête de ces -victimes humaines, les égorgent èn-
fuite fur un vafe, portent ce vafe au haut de la
pile, & en répandent le fang fur le cimeterre. Pendant
que l’on porte ce fang au haut de la pile,
ceux qui font en bas coupent le bras droit, avec
l ’épaule, à tous ceux qu’ils ont immolés, & les
jettent en l’air. Lorfqu’ils ont ainfi mutilé toutes
les victimes, ils fe retirent : le bras refte où il tombe,
8c le corps demeure étendu dans un autre endroit.
Tels font les facrifices établis parmi ces peuples;
mais ils n’immolent jamais de pourceaux, & ne
veulent pas même en nourrir dans leur pays.
Quant à la guerre, voici les ufages qu’ils, obfervent.
Un Scythe boit du fàijig du premier homme
qu’il renverfe, coupe la tête a tous ceux qu’il tue
dans les combats, 8c les porte au roi. Quand il
lui a préfenté la tête d’un ennemi, il a part à
tout lé butin ; fans cela il en feroit privé. Pour
écorcher une tête $ le Scythe fait d’abord une
incifionà']’entour, vers les oreilles; 8c la prenant
par le haut, il en arrache la peau en la fecouant (2L
Il pétrit enfuite çette peau entre fes mains apres
en avoir enlevé la chair avec une côte de boeuf ;
8c quand il l’a bien amollie, il s’en fert comme
d’uné ferviette. Il la fufpend à la bride du cheval
qu’il monte, 8c s’en fait honneur: car, plus un
Scythe, peut avoir de ces fortes de ferviettes, plus
il efl: eftimé vaillant 8c courageux. Il s’en trouve
beaucoup qui coufent enfemble plufieurs peaux
humaines, comme des capes de bergers, 8c qui
s’en font des vêtemens. Plufieurs auffi écorchent,
jufqu’aux ongles inclufivement, la main droite des
ennemis qu’ils ont tués, 8c en font des couvercles
à leurs carquois. La peau d’homme efl en effet
épaiflé; 8c, de toutes les peaux, c’eft prefque
(2.) C’eft auffi ce que pratiquent les fauvages de
l’Amérique feptentrionale, pour enleverj ce qu’ils appeb
ent une chevelure.
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i là plus brillante par fa blancheur ; d’autres enfin
[écorchent les- hommes depuis la tête jufqu’aux
I pieds 8c lorfqu’ils en ont étendu les peaux fur
Ides morceaux de bois, ils les portent fur leurs
[chevaux. Telles font les. coutumes reçues parmi
t e s peuples. S , | , . . \
[ Les Scythes ( ib t d . g. 65 ) , n’emploient pas a
[mfâeë que je vais dire, toutes fortes de tetes
• indifféremment, mais celles de leurs plus grands
[ennemis. Ils feient le crâne au-deflbus des fourcils
[& les nettoient. Les pauvres fe contentent de le 1 revêtir par dehors d’un morceau de cuir de boeuf,
[fans apprêt : les riches, non-feulement le couvrent
[d ’un cuir de boeuf en-dehors, mais ils le dorent
[aufli en-dedans , 8c s’en fervent, tant ,le,s pauvres
[que les riches, comme d’une coupe à boire. Ils
[font, les mêmes chofes des têtes de leurs proches,,
[ f i , après avoir eu quelques querelles enfemble,,
[ils ont remporté fur eux la viftoire en préfence
[d u roi. S’il vient chez eux quelque étranger dont
[ ils faflent cas, ils lui préfentent ces têtes, lui content
[comment ceux, à ’qui elles appartenoient les ont
| attaqués, quoiqu’ils fuflent leurs parens, 8c com-
[ ment ils les ont vaincus. Ils en rirent vanité, 8c
[appellent Cela des aérions de valeur.
I Chaque gouverneur donne tous les ans un feftin
[ dans fon nome , où l’on fert du vin mêlé avec de
0’l’eau dans un crâne. .Tous ceux qui ont tué des
[ennemis, boivent de ce vin; ceux qui n’ont rien
[ fait de femblabb, n’en goûtent pas. Ils font -hon-
[teufement aflis par terre, 8c c’eft pour eux une
[grande ignominie. Tous ceux qui ont tué un grand
[nombre d’ennemis, I boivent en même temps dans
[ deux coupés jointes enfemble.
[ Les devins font en grand nombre parmi les
[Scythes, 8c fe fervent de baguettes de faille pour
[exercer la divination. Ils apportent des foifeeaux
de baguettes, les pofent à terre , les délient ; 8c
[lorfqu’ils ont mis à part chaque baguette, ils pré-
[difer.t ( ou du moins ils croient prédire ) l’avenir.
[Pendant qu’ils font ces!prédirions, ils reprennent 1 les baguettes l’une après l’autre, 8c les remuent
[enfemble. Ils ont appris de leurs ancêtres cette
[manière de deviner. Les Enarées (1) , qui font des
I hommes efféminés, difent qu’ils tiennent de Vénus
[ l e don de la divination. Us fe fervent, pour
.É exercer leur art, d’écorce de tilleul. Ils fendent
§ én trois cettç écorce , l’entortillent autour de leurs
I doigts, puis ils la défont, 8c devinent enfuite. ;
I . Quand le r.oi des Scythes tombe malade, il
[ envoie chercher trois des plus célèbres d’entre
[c e s dévins, qui exercent leur art de la manière
[ que j’ui dit. Ils lui difent ordinairement que tel
' (1) Ce nom, qu’Hérodote dit être feythe , a fort
emb.arfaffé les commentateurs , & le P. Bouhier croyoit
,que c’étoit une faute, & qu’il falloir.corriger lé texte.
[ Ce nom Te trouve dans les . îles dè la mer du fud,
pour dire, un homme puijfant dans la nation.
Géographie ancienne. Tome III,
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& tel, dont ils difent les noms, . ont fait un faux,
ferment,, en. jurant par l e s lares du- palais.. Les
Scythes,, en effet, jurent aficz ordinairement par
les lares du palais., quand ils veulent-foire le plus
grand des fèrmens (2).
Àuflkôt on faifit l’accufé, l’un d’un côté, l’autre
de l’autre : quand on l’a amené, ils lui déclarent
que par l’art de la divination , ils font fûrs qu’il
a fait un feux ferment en jurant par les lares dia
palais, 8c qu’àinfi il eft la caufe de la maladie
du roi. Si l’acçufé nie le crime, 8c s’indigne qu’oa
air pu le lui imputer, le roi fait venir le double
d’autres devins.' Si ceux - ci atteftent vrai le fait
avancé par les premiers devins, alors on regarde
l’accufé comme convaincu, 8c on lui tranche la
tête, & fes biens font confifqués au profit.des
premiers devins. Si les devins que le toi a mandé? ,
en fécond lieu déclarent l'acculé innocent, du
en fait venir d’autres , puis d’autres encore ; 8ç_s’iî
eft déchargé de l’accufation par le plus grand
nombre,, la fentence qui l’abfout eft l’arrêt de mort
des premiers devins (3).
Voici comment on les fait mourir. On remplit
de menu bois un chariot, auquel on attèle des
b oeufs ^ on renfermé les. devins au milieu de ces
fagots, les mains liées/derrièVe le dos, 8c un bâillon
à la bouche. On met enfuite le feu aux fagots ,
puis on chaffe les boeufs en lés épouvantant. Plufieurs
de ces animaux font brûlés avec les devins,
d’autres fe fauvent à d uni-brûlés, lorfque la flamme
a confumé le timon. C’eft ainfi qu’on brûle les
devins, non-feulement pour ce crime, mais même
d’autres caufés, 8c on les appelle alors f a u x d ev in s .
Le roi fait mourir lés enfons mâles de ceux qu’il
punit'de mort ; mais il ne fait aucun mal aux
filles. Lorfque” les Scythes font un traité avec
quelqu’un , quel qu’il puiffe être, ils verfent da
vin dans une grande coupe de terre, & les cou—
traélans y mêlent de leur fang , en fe faifant de
légères incifions au corps avec un couteau ou une
épée ; après quoi ils trempent dans cette coupe
un.‘ cimeterre, des flèches jjjune hache & un javelot.
Ces cérémonies achevéesi, ils prononcent une
' longue formule de prières, & boivent enfuite une
partie de ce qui eft dans cette coupe P & , après
eux, les perfonnes les plus diftinguées de leur
fuite.
Les tombeaux 7 1 ) ^eurs r0^s f°nt dans
un canton qu’on appelle G e rrhe s , où le Boryf-
éiénes commence à être navigable. Quand le roi
vient à mourir,, ils font, en cet endroit, une grande
(2) On obferve que les Turcs jurent auffi par la
Porte Ottomane.
(3) Ainfi, dans tous pays, il s’eft trouvé des hommes
qui ont abufé de la rfoibleffe des princes pour vexer
les peuples, & s’enrichir de leurs dépouilles. On fient
bien qu’en Scythie , à moins que. les Enarées ne fuffent
ennemis., les- féconds donnoient rarement le démenti
aux premiers1.