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consentant avec joie, elle l’époulâ. De ce mariage,
. naquit un fils nommé Galatès, qui fut Supérieur
à tous les habitans de ce pays par fa force &
par Ses vertus. Quand il fut devenu grand, il
monta fur le trône de Ses- pères. Il augmenta
Son royaume de plufieurs états voifins, & s acquit
beaucoup de réputation à la guerre. Enfin, il
donna à fes Sujets le nom de Galates, 8c au
pays de fa domination, celui de Galatk ou de
■1Gaules.
Quelques-uns ont affuré, lit-on dans Ammien
Marcellin, que les Gaulois étoient nés dans les
pays où ils font ; qu’ils ont été appelés Celtes,
du nom de leur roi, & Galates, du nom de fa
mère; car, le mot de Galates, en grec, fignifie
Gaulois. D ’autres ont dit que les Dorlens ayant
Suivi le vieil Hercule, avoient habité les lieux
voifins de l’Océan. Les Druides racontent qu’à
la vérité une partie du peuple étoit née dans
le pays ; mais que d’autres auffi y étoient venus
des îles éloignées & des contrées d’au-delà du
Rhin, contraints de quitter leur pays à caufe des
fréquentes guerres qu’ils y avoient à foutenir, &
à caufe des violens débordemens de la mer. R
s’en trouve qui difent qn’après le fie de T ro y e ,
une poignée de gens, fuyant les Grecs, qui
étoient répandus par-tout, trouva ces lieux vuides,
& y fixa fa demeure. Mais, ce que les gens du
pays affurent par-deffus tout, & que nous avons
lu nous - mêmes , gravé fur leurs monumens,
c’efl qu’Hercule, fils d’Amphytrion, fe hâta de
venir combattre les cruels tyrans, Géryon &
Taurifcus, dont l’un ravageoit les Efpagnes,
l’autre les Gaules ; & que les ayant défaits l'un
& l’autre, il eut de plufieurs femmes de la première
qualité, plufieurs enfens qui donnèrent leurs noms
aux pays où ils régnoient.
Ces deux anciens écrivains, comme on v o it ,
s’accordent à dire que les Gaulois defcèndoient
d’Hercule. Mais-on peut d’abord ohfefver que
Diodore de Sicile ne donne pas comme une
chofe incontefiable ce qu’il rapporte. Son ex-
preffion , on raconte ( i ) , eft garant dé ce que
j’avance. Enfuite, on ne petit difeonventr qu’Am-
mien Marcellin ne foit d’un fentiment oppofé ,
puisqu’il allure que c’étoit uné opinion généra-,
Iement adoptée des habitans des Gaules ; & , ce
qui eft bien plus fort, qu’il l’avoit vu de fes
propres yeux gravée fur les monumens qui fub-
fiftoient encore de fon temps. Pour détruire une'
opinion de cette nature, il fuffit de feue obferver
que les Gaules étoient habitées, avant que le
héros de la fable y eût mis le pied. La preuve,
c’eft que, félon Diodore'de Sicile, il y épotifa la
fille du roi, & félon Ammien Marcellin, il y prit
plufieurs femmes de la première qualité; ce qui
fuppofe, fans contredit, des habitans antérieurs à
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l’arrivée d’Hercule, & conféquemment que ce*
habitans ne pouvaient tirer de lui leur origine.
Quant à cette autre opinion rapportée par le
même hifîorisn, qu’il y en a qui donnent aux
Gaulois une origine Troyenne, elle eft très-ancienne,
ayant été en vogue du temps de Tima-
gènes, duquel Ammien l’a voit empruntée, c’eft-
à-dire, qu’elle remonte au moins jufqu’au règne
d’Augufte. M. l’abbé Dubos croit que les Romains
avoient donné cours à,cette opinion pour cimenter
leur union avec les Gaulois ; car ils fe difoient
auffi originaires des Troyens. Mais, de la manière
dont s’exprime Lucain, il ne fem'Êle pas que les
Romains en fuffent les auteurs ; car ce poète
trouve que les Arvernes, aujourd’hui Auvergnats ,
fe donnoient trop de liberté de prétendre frater-
nifer avec eux. Quoi qu’il en foit du commencement
de cette opinion, il eft certain qu’elle étoit
établie dans les Gaules long-temps avant que les
François y entraffent. Il eft vrai que quand ils
s’y furent établis , ils voulurent auffi defeendre
des Troyens pour avoir la même origine que les
anciens habitans de leur nouvelle patrie. Mais
examinons fi ceux-ci defeendoient, en effet, des
Troyens.
Ç’eft une opinion qui ne porte fur aucun fondement
folide. En voici la preuve. La prife de
Troye fe place, félon les uns, à l’an*du monde
2816, & avant Jefns-Chrift 1184 ans; & félon
d’autres, à l’an du monde 2.718, & avant Jefus*
Chrift 1282 ans, c’eft-à-dire, qu’elle n’arriva qu’en-
viron 1816 ou 1718 après le déluge. En conféquence,
ces fertiles provinces des Gaules feront demeurées
incultes pendant près' de deux mille ans, fans
qu’il ait pris envie à aucun peuple d’aller s’y
établir, puifque les Troyens (2) qui s’y retirèrent,,
après la ruine de leur patrie, ' trouvèrent le pays'
défert & fans aucun habitant. Y a-t-il quelqu’un
qui fut perfuadé d’un pareil fentiment ? Ajoutons
qu’Hercule, qui vécut dans le. fiècle- qui précéda
1 la ruine de r roy e, trouva, comme nous l’avons
' obfervé cl-deffus, les Gaules pleines d’habitans,
lorfqu’il y paffa. Elles n?étoient donc pas alors dé-
fertes, encore moins quelques années après. Ainfi
i l’opinion touchant l’origine Troyenne des Gaulois
eft une chimère. Paffons à une autre qui
lui reffemble. .
Nous lifons dans Céfar que tous les Gaulois fi;
difent defeendus de Dis, autrement Pluton, ce
qu’ils ont appris des druides , leurs prêtres. Cette
expreffion de Céfar, félon M. de la Nauze,jointe
à un paffage d’Antôniuus Libéràlis , qui nous apprend
qu’il y avoît vers l’Epire un peuple appelé
Celtes, qui prit les armes pour Géryon, contre
Hercule, jette quelque foupçon qu’il pourroit fe
( 2 ) Quidam aiunt paucos poft excidium Trojae
fugitantes Græcos ubique difperfos , loca hæç occu^
pâlie tune vacua» Amin, Marecll, L, x r , c. 9.
* faire ( l ) a i
faire que lés’ Gaulois fuffent originaires de ce
pays , & que Thefprotus ait été le D is , auteur
de . leur origine. /.
C’eft d’après des principes établis par M.^ de la
Nauze, qu’on peut montrer que le témoignage
d’Antoninus Libéràlis, rapproché même de la trà-
dition générale des Gaulois, ne lauroit faire naître
lé moindre foupçon que ces peuples \defcendif-
fent de Thefprotus, qui eft un ancien roi d’Éjpire. En
effet, au rapport de M. de la Nauze,^l’etabliffe-
.nient des Thefprotes, ainfi nommés de Thefprotus
leur fondateur, fuivit de près celui des Chaoniens ,
qui, félon le même M. de la Nauze, arriva environ
deux cens ans avant le fiège de Troye. Ainfi les
Thefprotes n’ont commencé à exifter que dans le
fiècle qui précéda celui de la ruine de Troye.
11 faut maintenant fuppofer de toute neceffité
un certain efpace'de temps, pendant lequel les
defeendans de Thefprotus deviennent allez nombreux
pour envoyer des’ colonies dans d’autres pays.
Quelque courte durée qu’ait eue cet efpace, on
ne pourra, ce me feinble, lui donner guère moins
d’un fiècle; ce qui nous conduit déjà à celui de
la ruine de Troye. Mais, j’ai montré que dans
ce fiècle, c’eft-à-dire, fous le règne d’Hercule , -
on trouvoit dans les Gaules un grand nombre
d’habitans, gouvernés par des rois. G r , ces habitans
exiftoient fans doute depuis plus d’un
fiècle; par conféquent, leurs commencemcnsfcnt
antérieurs aux commçncemens des Thefprotes. Ils
ne defeendoient donc pas de Thefprotus, père
de ces derniers.
Mais, dira-t-on peut-être, d’où fortoient ces
Celtes qu’Antoninus Libéràlis place en Épire à
côté des Thefprotes & des Chaoniens, du temps
d’Hercule ? Voici ma réponfe. Il faufc-Temarquer
■ que les anciens ne donnoient pas le nom de
Celtes aux Gaulois feulement, mais aux Germains,
aux Cimbres,. aux peuples des îles Britanniques,
aux Allobroges, aux Éfpagnols, aux Illyriens &
à beaucoup d’autres. Il ne feroit donc pas étonnant
que les Celtes qu’Antoninus Libéràlis compte
au nombre des nations qui fe déclarèrent contre
Hercule , fuffent un effaim ou de Gaulois ou
d’autres peuples, compris fous le nom général de
Cèltes , qui étoient allés vraifemblabkment s’établir
dans quelque canton vers l’Epire. On fait
•d’ailleurs que les Gaulois , & en particulier ceux
qu’on appeloit Celtes, étoient dans l’ufage d’envoyer
des colonies dans les pays étrangers.
Etant démontré que les Gaulois ne tirent leur
origine ni d’Hercule, ni des Troyens, ni de
Dis ou Thefprotus, qui ont vécu cependant dans
les fiècles les plus reculés, de qui fera-t-on defeendre
ces anciens peuples ? Pour trouver leurs
commencemens, nous allons rapprocher quelques
autres paffag.es, lefquels, après ce qui vient d’être
expofé , paroîtront, finon fans répliqué, du moins
beaucoup vraifemblables. Ammien Marcellin, comme
on l’a déjà vu., rapporte qu’il y en a qui ont
Géographie ancienne. T ome I I I ,
affuré que les Gaulois étoient nés dans les pays
où ils font. Il ajoute encore que les Druides racontent
qu’une partie du peuple etoit née dans
le pays. Ces deux témoignages, qui donnent aux
Gaulois une origine auffi ancienne que le monde ,
du moins depuis le déluge, ne me paroiflent pas
Pour être, tout —à —fait hors ,de vraifemblance.
Convaincu de ce que j’avance, plaçons à côté
de ces deux témoignages, ceux . de quelques
autres écrivains, dont l’autorité d’ailleurs ne laiffe
pas d’être d’un certain poids.
Jofephe, parlant de la manière dont les defeendans
de Noé fe clifperfèrent en divers endroits
de la terre , s’exprime ainfi: « La diverfiîé des
» langues obligea la multitude prefqiie infime du
» peuple à fe répandre en diverfes colonies, félon
» que Dieu les y conduifoit par fa providence..
>? Ainfi , non-feulement le. milieu des terres ,
» mais les rivages de " la mer furent peuples
j> d’habitans.. . ."Les enfans de Noé , pour no-
jj norer leur mémoire, donnèrent leurs noms aux
S j pays' où ils s'établirent. C’eft pourquoi les iept fils
jj de Japhet qui s’étendirent dans l’Afie , depuis
I les /noms Taurus & Aman, jufqu’au fleuve du
jj Tqhaïs, & dans l’Europe jufqu’à Gades , au*
jj jotird’hui Cadis, donnèrent leurs noms aux
jj terres qu’ils occupèrent, & qui n’étoient point
" jj encore peuplées. Gomor ou Gomer établit la
jj colonie des Gomarites , que les Grecs nom-
» ment maintenant Galates, autrement Gaulois jj.
Voilà donc, au fentiment d’un des meilleurs .
écrivains que l’antiquité ait produits, les Gaules
peuplées dès les premiers temps qui fuivirent le
déluge, & fes habitans defcenclus immédiatement
de No é, par Gomer, leur père commun. Il eft hors
de doute que Jofephe ne forgea pas de lui-même cette
opinion , & qu’il falloit, comme lë préfume un
favant Bénédictin , qu’elle fut autorifée. de quelque
monument qui ne fera pas venu jufqu’à nous.
D’ailleurs elle a été adoptée par quantité d’il—
luftres auteurs, poftériéurs à l’hiftorien'des Jui:s.
Car Euftathe d’Antioche, ïfidore , faint Jérôme,
Jofeph, fils de Gorion , & autres, font venir les
Gaulois du petit-fils de Noé. On doit donc- l’ein-
braffer comme la plus vraifemblable , pour ne pas
dire la plus certaine. V . - m
Cette opinion reçoit encore un nouveau degré
d,e certitude , de ce qui fe lit dans la Gc r èfe, que
les fils de Japhet furent Gomer , Magog , Maciaï,
Javan, Thufcal, Mofoch &Thiras; les fils c'e Cerner,
Afcénès , Riphath & Thôgornià; les fils de
Javan , Elifa, Tharfis , Cetthim & Dodanim ; &
qu’ils partagèrent entre eux les îles des rations,
s’étcbüffant en divers pays, où chacun eut fa langue,
fts familles & fon peuple particulier. La feule
différence qu’il me.femble exifter entre,ce récit
de l’écriture fainte & celui de Jofephe , qui |’a
copiée dans fon hiftoire des Juifs, c’cft que i’-vm
détermine d’une manière particulière,, les lie
même où allèrent fe fixer les defeendans de
P P