
les-enlaflant 5 c en pofant les pierres à fec les unes
fur les autres. Les ornemens les plus incohérens
y font môles fans ordre & fans mite, dans une
confufion telle, que les uns font placés en travers,
& les autres entièrement renverfés.
Ces ornemens, dit M. Hoüel, dans cet état de
confufion , foit ceux d’architeélure ou de fculpture,
foit les flatues , quoique très - défigurées, foit les
fimples fragmens , confervent encore un caraôère
qui élève Famé du fpe&ateur, & qui lui donne
des idées de fubfime. Us rappellent fortement le
fouvenir des beaux fiècies où. ils ont été produits,
& les édifices dont ils fàifoient partie. Les belles
mofaïques que Fon découvre à chaque pas à côté
de ces débris, achèvent d’offrir à la penfée, comme
aux yeux, un luxe d’architeélure dont aucun édifice
ne nous offre aujourd’hui le modèle.
■ Lorfqu’on réfléchit fur ce qu’étoit une ville qui
nous prélente encore tant 'de magnificence dans fes
ruines, l’imagination s’enflamme, & rétablit idéalement
cette cité fuperbe. Elle relève les débris
des maifons, des palais, des temples, des théâtres ,
des cirques, 8cc. Elle fait plus, elle fe rappelle
ces temps de luxe 8c de grandeur que Diodore de
Sicile 8c plufieurs autres hiftoriens fe font plu à
nous retracer. Elle fe rappelle avec tranfport que
cette ville étoit habitée par un peuple ami des
talens, de la gloire, 8c fur-tout des plaifirs. 11
fèmble que fes citoyens étoient tous animés par le
dieu de la guerre, dés arts 8c du commerce ; car,
c’eft fur-tout à fon commerce que cètte ville a
dû fa fplendeur. Le goût du lucre n’enleva point
à fes habitans le goût de la poéfie, de la mufique ,
de la peinture, de l’archite&ure , qu’ils cultivèrent
avec enthoufiafme.
Tous lés talens feûîblent y avoir été honorés
depuis Fart utile de l’agriculture, jufqu’à Fart funefte
de la guerre ; depuis la fcience menfongère de la
mythologie, qui fit élever des temples fi magnifiques,
jufqu’à la recherche de la vérité pure, qui
produifit des philofophes fi renommés. D’immenfes
rickeffes-, un luxe prefque incroyable, une gloire
éclatante, un fouvenir que vingt fiècies n’onr pu
éteindre, ont été la récompenfe des talens 8c de
F activité de ce peuple indufirieux.
Mais à quoi, fur-tout, dut-il fes progrès?
Diodore de Sic'il: nous en inftruit. Agrigente étoit
nne des plus heureufes habitations du monde. Ses
vignes hautes, élevées fur des arbres , félon la
coutume de l’Italie, etoient à la fois un objet d’utilité
8c d’agrément. La plus grande partie de fon
territoire étoit plantée en oliviers : les vins 8c les
huiles fe vendoient à Carthage , où, félon la
remarque de cet auteur, il y avoit peu de plantations
, ainfi que fur toute la côte de la Libye.
Voilà donc l’origine de fes richeffes 8c de fa
fplendeur. Elle avoit plus de vingt mille citoyens,
oc, en comptant ceux qui ne l’étoient pas, 8c
que les anciens appeloient étrangers, elle avoit plus
ee dèiix cens mille habitans. Diodore ne- compte
pas les efdfaves, qui, chez les anciens, n’ètoieat
guère moins nombreux que les hommes libres :
ce qui fait monter tout le peuple cFAgrigente à
plus de quatre cens mille hommes. Cette ville,
bien moins grande que Paris 8c que Londres, étoit
donc relativement beaucoup plus peuplée, 8c les
habitans plus difpofés au luxe, parce que les befoins
de première nécefîité font moins nombreux dans
les pays chauds.
Aulfi, félon Diodore de Sicile, le luxe y étoit-il
fort grand. On y élevoit, dit-il, les enrans dans
une propreté qui tenoit de la molleffe : leur vêtement
étoit yn tiflii d’une fineffe extraordinaire,
8c ce tiffu étoit broché ou orné d’or ; leur toilette
étoit compofée de vafes d’or 8c d’argent.
L’hofpitalité y étoit en honneur. On y accueilloit
Ies.etrangers avec joie 8c empreffement. J’ai parlé,
à l’article A g r ig tn tum , de ce fimple citoyen, nommé
G é l ia s , qui avoit plufieurs efclaves, dont les fonctions
étoient de relier aux portes de la ville, ou
à celles de fa maifon, pour y iiiviter les étrangers
à venir loger chez lui. Cinq cens cavaliers de
Géla paffèrent, un jour d’hiver, dans la ville
d’Agrigente. Gélias les reçut 8c les logea tous chez
lui; 8c, à leur départ, il fit préfent, à chacun
d’eux, d’une tunique 8c d’une robe. Polyclite, cité
par Diodore, affure avoir vu, dans les caves de
Gélias, trois cents tonnes, dont chacune contenoit
cent urnes. Ces tonnes étoient creufées dans la
pierre : elles étoient pleines de vin. Au-deffus étoit
un réferveir d’où Fon faifoit couler le vin pour
remplir ces tonnes. Il paroît donc que Gélias,
quoiqu’il ait été ambafîadeur ou député de la ville
à celle de C en tur ipoe , devoit fes richeffes à fes
vignes 8c à im très-grand commerce de vin.
Antiflhène étala un luxe prodigieux aux noces
de fa fille. Il donna des feflins aux citoyens dans
toutes les rues : il les fit illuminer, en faifant allumer
des feux fur tous les autels élevés dans les places
publiques, dans les carrefours, devant les grandes
maifons 8c les temples. Sa fille alla, de chez lui
chez fon mari, fuivîe de huit cens çharriots qui
portoient fa dot, 8c accompagnée d’une multitude
de cavaliers qui portoient des flambeaux.
Quoique cet excès de fafle, puifqu’il efl cité,
ne fut probablement pas commun, il en réfialte
toujours que les Agrigentins étoient très-riches 8c
très - heureux ; que leur manière de vivre étoit
grande 8c faftueufe ; que les plaifirs y abondoient,
que les arts y fleurifloient, 8c que l’agriculture 8c
le commerce étoient la fource de leurs richeffes
8c de leur félicité.
Parmi ces excès de luxe qui peignent les Agri-
gentins, on ne doit pas oublier celui d’Etoenète ,
qui, ayant remporté le prix de la courfe aux jeux
olympiques, rentra, à fon retour, dans Agrigente,
placé dans un char. Une fi grande quantité d’autres
chars le fuivoient, que Fon en compta trois cens,
attelés, chacun de ’deux chevaux blancs. Ces trois
cens chars étoient Agrigentins; ce- qui fuppofe
qu’il ÿ èn avoit plufieurs qui appartefioient à
»’autres villes de la Sicile.
N . B . Les débris de cette.ville font aujourd’hui
au milieu d’une riche campagne très-bien cultivée :
©n la parcourt avec plaifir, comme un beau-verger,
©ù tout annonce l’abondance.
En. remontant vers la fource de Y A g r a g a s , on
trouve , fur la gauche de ce petit fleuve, à quelque
diftance , la ville d'HerbaJ Jus, célèbre dans ion
temps. Marcellus la jugea digne de fes efforts,
8c envoya contre elle le tiers de fes troupes. Elle
fut prife.
N . B . Cette ville étoit près, de Racalmuto ,. Sc
dans le pays que l’on nomme les G r o t t e s , parce
que Fon y en voit une très-grande quantité.
Tout près de la pofition ÜHerbaJJus, M. de la
Borde indique un emplacement fous le titre de
vo lcan de boue. Comme on pourroit croire , en
voyant cette indication fur une carte ancienne,
que ceci rappelle quelque fait phyfique,. cité par
les anciens, je crois devoir dire ici, en quelques-
mots, ce qu’il me femble que Fon a voulu indiquer.
Dans l’endroit à-peu-près défigné fur la carte entre
A ra g o n a 8c G i r g tn t i , il y a un endroit circulaire,
d’environ quinze toifes de diamètre, que l’on
appelle M a c a lu b b é , mais qui s’efl formé depuis
environ quinze ou feizé ans. Voici ce qu’en dit
M. Hoüel.
«Le 30 feptembre 1777, une demi-heure après
le lever du foleil, on entendit en ce lieu un
jtong murmure fouterrem, qui fembloit s’approcher,
8c qui augmentoit de moment en moment. Il
devint fi fort, qu’à la fin il furpaffa le bruit du plus
affreux tonnerre. La terre trembla dans ce lieu 8c
dans tous les environs. Il s’ouvrit différentes cre-
vaffes, d’où il fortit une épaiffe fumée. De la
plus grande de -ces crevaffes il s’éleva une pr.o-
digieufe quantité d’eau 8c de boue, qui s’élancèrent
en colonnes, à la hauteur d’une quinzaine de toifès ,
8c, entraînant avec elles des morceaux de glàtfe
8c de terre, produifirent une maffe qui, retombant
fur elle-même, fè répandit à-peu-près également
dans l’étendue d’environ quinze toifes, 8c donna
à tout ce terrein une forme bombée dont le
milieu efl de huit à dix-pieds plus élevé que ne le
font les bords en tout fens.
Cette première éruption dura une demi-heure,
8c, après un quart d’heure de tranquillité il en
revint une fécondé , 8c trois autres lui fuccédèrent
encore , toujours à. égale'diflance. Sous ce terrein
foulevé on entendoit lin bruit affez femblable à
celui que feroit une montagne en s’écroulant. Il
fe fit entendre à plus de trois milles,.Les gens qui
travailloiênt dans la campagne furent fi épouvantés,
qu’il$ crurent que toute l’ile alloit s’abîmer dans le
fond de la mer. Un curé, propriétaire de ce lieu,,
accourut avec de l’eau bénite, 8c ne manqua pas
de faire des exofeifines.. Voici quel efl.l’état, aéluçl.
de ce local,*
“ /« vis,. dit M. Hoüel, au milieu de la’plainé •
un endroit dont le fol, plus élevé, paroiffoit nou*
■ ve ement remue& reffembloit à un terrein nouvellement
labouré: l’étendue en étpit circulaire , fon
diamètre pouvoir avoir quinze toifes ; bombé dans
je milieu , il a une forme convexe affez irrégulière
le centre s’en élève de huit à dix pieds plus haus
que les bords. Je remarquai, ajoute-t-il, avec .fur-'
prile , que de toutes les parties de ce terrein-
convexe, il for,toit une multitude de petites fources-
qui ne donnoient d’eau que çe qu’il en falloir pour
reparer la perte qu’occafionnoient l-’évaporation 8t
le loi, qui en abfôrboit une partie..
Autour de cette enceinte oit voit jaillir beaucoup
de fources iemblabies. ■ >
Lëau de ces fources efl. trouble & contient
beaucoup de particules d’une terre blanche qu’elle
a delayee & qu’elle dépofe. L’eau de ces fources
le gonfle a-peu-près tous les quarts d’heure, &
alors, elle s’épanche & coule le long des petites,
monticules.. C’eft. alors qu’elle y dépofê la terre
manche qu elle contient ; terre dont le dépât accroît
fans, celle ces monticules.
J ÇettJ- eaü a nne odeur légère,
de fouffre En fe regonflant, elle préfente une ou.
plufieurs bulles d air, en fdrme de cloche, à fa fur-'
lace. Ces bulles fe crèvent „ après avoir duré une.
minute ou meme davantage. Il paroît que ces,
S UXtTVle,nnent f une, »es-grande profondeur.
M. Houel y a plonge un bâton de plus dé’, douze
pieds de long, & il n’en a. pas trouvé le fond ,
J e paffe, M o ru ca „ Prauor'm & Cena , dont on ne
laitnen, pour arriver k H è r a c la n M in o u , appelée
d abord M a ca ra . x r
Affez près de la mer, un, peu. à Feft de l’embouchure
du fleuve appelé autrefois. Camicus, actuellement
P la ta , il y a, àl’eft, un grand rocher
Plane, eleve d environ cent pieds au-deffus du
rivage de la mer. Il efl efearpé à L’orient, au '
midt & a l’occident. Sa partie fupérieure efl affez-.
régulièrement placée : elle a environ trois , cens,
toiles d étendue en tout fens.
On n’y peut parvenir de l’orient & de l’occident
que par des chemins très-efearpés 8c fort- difficiles ■
Le côté du nord efl, à-peu-près., de plain-pied-
avec les terres- qui s’éloignent du niveau de la-,
mer.. La ville d H u a c h z a étoit fur ce rocher.
Cette ville, avoit été , dit-on, bâtie par Hercule
mats on ajoute, lorfqu’il vint en Sicile. C’eft en’
dire affez pour les bons.efprits. qui favent ce qu’il1
faut penfer de l’exiftence & des. voyages de ce
demi-dieu. Elle étoit déjà détruite lorfque Minos
rot.de Crète, vint en Sicile vifiter le roi, Cocale•
de fon nom, la ville fut appelée M in o u . . Elle Art-
détruite une fécondé fois. Un Héradide vint, en,
Sicile, la rétablit, lui. ôta fon nom de M in o à , &.
lui rendit celui qu’elle tenoit cl’Hercule. fon. aïeul
auquel elle devoit Ton origine..
5 ous ce nom . elle devint célèbre ;• elle abondai
en. richeffes.. & en population. Mais tant. de. profit