
Ces trois nations s’étoient réunies Cofitre les Hutls
par le commun intérêt quelles avoient de s’op-
pofer à leurs entreprifes. C’eft cette marche d’Attila
qui obligea divers peuples de fe retirer dans les
îles de la mer Adriatique, & donna lien à la fondation
de Venife. Attila, après fa défaite, ramena
le refie de fon armée dans la Pannonie.
Q n commence à connaître les B u lg a r e s , q u i . ju fq u e s -là ,
a v o ien t été compris f o u s le nom général des S cy th e s .
Il faut fe former à préfent un nouveau tableau
de. la fituation des peuples qui habitoient les pays
dont je traite. Ils étoient, en ce temps-là, divifês
en trois nations bien diftinéles.
En-deçà du Danube étoient les Scythes, que
nous allons bientôt v o i r ' p a r a î t r e J o l i s le nom de
Bulgares, fans qu’il y ait eu aucune nouvelle
migration de; ces peuples dans le pays qu’ils habitoient,
c’eft-à-dire, dans la Scythie Pontiqné,
dont T om i étoit la métropole.
Au-delà du Danube on trouvoit les Goths,
que l’on'commençoit d’appeller O flrogo ths ou G o th s
orientaux-, pour les diftinguer de ceux qui avoient
paffé dans l’occident & dans la Pannonie.
• Enfin le refie de ces Huns, qui, après le mauvais
fuccès de leur expédition d’Italie., étoient r e t
o u r n é s dans leur pays. Il y a lieu de croire qu’ils
y cherchèrent à réparer leurs pertes, en fe procurant
des alliés dans le nord;. & ils s’affocièrent
aux Hérules .& aux Lombards, dont les premiers
oceupoient.Ie Meklembourg, & les autres le Brandebourg.
Ces peuples imitèrent les Huns, &
firent route vers [’Italie; les Oflrogoths, âi’exemple
des Goths prirent le parti' des Romains contre
ces nouveaux aventuriers. Ceci eft très - remarquable
, & lie parfaitement les événemens de
l’hiftoire de ces temps là. -
G o th s . Marcièn,. qui régna après Valentinien,
ménagea les Oflrogoths comme des peuples dont
les fervices „dans la dernière guerre contre Attila ,
méritoient de la reconnoiftânce. Léon, fonfuccef-
feur, fit auffi avec eux une alliance ; & lorfque
Odoacre j Ruge de nation, & chef des Hérules
mêlés avec lès débris des Huns, eut pris le chemin
de l’Italie, & par le feul bruit de fa marche eut
porté Auguftule, le dernier des empereurs d’Oc-
çident, à abandonner l’empire; Zenon, empereiir
d’Orient, employa utilement des Goths contre cette
nouvelle troupe de barbares, comme on s’en, étoit
fervi fous Les règnes précédons contre Attila &
les Huns.
Théodoric, roi des Oflrogoths, qui avoit été
élevé comme ôtage à la cour de Conflantin.ople,
f z qui, depuis fon avènement au trône, avoit toujours
vécu en bonne intelligence avec les -.Romains *
yint, Pan 476, demander à Zenon la permiffion
de paffer en Italie contre Odoacre.- ,11 fut obligé
fur la route d p livrer combat aux Bulgares, qui
s’oppofoîedt à fon paffage. Il rencontra Odoacre
à Vérone, le vainquit, le fit prifonnier & le mit
- à mort. Il s’empara enfuite de l’Italie., & y fonda
le royaume des Oflrogoths fur les débris de celui
des Hérules.
B u lg ar es . Il faut obferver que ce n’eft qu’en ce
temps-là que l’on commence à voir les Bulgares
dans l’hifloire. Quelques auteurs ont conjeéluré
que ces Bulgares étoient de nouveaux peuples
venus dans la Moefie en 499 ; mais cette opinion
n’a pas de fondement, puisqu’il étoit déjà parlé
d’eux fous ce nom dès l’an 476 , lorfqu’ils voulurent
empêcher Théodoric, roi des Oflrogoths, de paffer
fur leurs terres, & de traverfer la Moefie pour
aller combattre Odoacre, roi des Hérules. Il efl
vrai que l’an 5 00. on voit ce nom donné à des
peuples de la Moefie ; & que.l’an 514 ou environ
ils conclurent un traité avec l’empereur Ànaflafe ;
mais cela ne prouve point qu’il y ait eu en ce
temps-là aucune nouvelle incurfion de peuples
orientaux dans la Moefie ; 8*ç ce fait n’étant nullement
démontré, j’ofe hafarder encore la conjecture
que j’ai déjà avancée ; & il me paroit'que
l’on doit regarder les Bulgares comme les mêmes
Scythes qui, dès le deuxième fiècle, étoient venus
par le Pont-Euxin & le Danube, s’établir dans
cette région ; ils étoient demeurés tranquilles
depuis ce temps : j’ai dit même que la plupart
avoient déjà reçu les lumières de.la foi, & que
leur évêque avoit fon fiège à T o m i , métropole
de la Scythie Pontiquè ; ce qui fuppofe que le
chriftianiline étoit la religion dominante dans cette
province: mais j’ai obfervé aufîi qu’il y avoit
encore des Scythes nomades & payens qui vivoient
errans & ambulans fiir les bords du Danube, &
que l’on travailloit à leur converfioïi: ce font
probablement ces Scythes que l’ça appela Bulgare^,
pour les difiinguer des autres : ce nom étoit relatif
au pays d’où ils- étoient venus, c’eft-à-dire, à la
grande Bulgarie, qui efl aujourd’hui le royaume de
Bulgare , fitué à l’orient duYdlga, entre le royaume
de. Gafan &, celui d’Afiracan. Cette origine étoit
commune aux Scythes chrétiens & aux nomades ;
auffi les voit-on très-fouvent confôndus dans l’hif-
tôire , qui les appelle tantôt Scythes & tantôt
Bulgares^ C’étoit en effetla même nation, & qui
ne fbrmoit peut-être qu’une même fcciéré; avec
cette différence, que tant que les Scythes, chrétiens
& policés y prédominèrent, ils ne furent
connus que, fous iè nom des Scythes, ail lieu que
lorfque les Scythes payens, groffis par le.'refte
des Goths qui étoient reliés dans le pays, jouèrent
le premier rôle, on les appella Bulgares. C’eft
fous ce nom qu’on les verra dans la fuite de cet
article, donner beaucoup d’inquiétude aux empereurs
Grecs, & devenir, indépendaris dans la-
Moefie, qui, de.nouveau couverte des ténèbres du
paganifme, ne rétourna-à la foi de Jefus-Chrift que.
dans U . huitième fiècle. Dans le temps dont, je
parle à préfent, les Scythes chrétiens tetioient d co fç
le premier rang dans la nation, puifque l’on va
voir que la première guerre de ces peuples contre
les empereurs Grecs, fut une guerre de religion
occafionnée par un excès de zèle de la part des
Scythes orthodoxes. .. . . | '
Le patriarche Thimothée, après, avoir d’abord
adhéré au concile dé Calcédoine,, - avoi t enfuite
chanté la palinodie, pour complaire à l’empereur.
Les chrétiens de Scythie- refnf cient. de communiquer
avec lu i, >& ce refus- les expofoit à une rude
perfécution. Leur patience étant pou fiée à bout,
ils fe vrévoltèrent, & prirent pour chef le Comte
Vitalien leur compatriote , qiii fe chargea de
leur vengeance. Il fe mit en campagne, s’empara
de la Moefie , dé la Thrace & de. lTUyrie, &
l’an 510 s’avança fort près de Conftantinople.. Ses
fuccès obligèrent l’empereur Anaftafe de demander
la paix, qui fut conclue en 514. L’empereur
promit de rappeler les prélats exilés, de rétablir
Macédonius dans le fiège pa marchai de Conftantinople
, & de faire ceffer les vexations qu’on
avoit exercées contre les catholiques. A ces conditions
Vitalien, vainqueur, mit bas les armes;
niais l’empereur ne remplit aucun de fes engagement.
Dans la fuite, Juftin, fucceffeur d’Anaftafe,
attira Vitalien à Conftantinople , le .créa con-ful ÿ
& le fit maffacrer le 7 mars de l’année 52.0, à
l’inftigation de fon neveu Juftinien , v qui craignoit
en lui un rival dangereux, aimé des peuples,
jouiffant d’une haute réputation & d’un crédit
fans bornes, partageant même avec l’empereur
toute l'autorité. ;
On voit par ce que je viens de dire,- que les
Scythes chrétiens prédominoient encore ; mais
fous, l’empire de Juftinien , qui monta fur le
trône après fon oncle Juftin, les Scythes.payens
ou nomades prirent le deffus dans la nation , fous
le 'nom de Bulgares, & furent du nombre des
peuples que Bélifaire fournit aux Romains. Ce
général travailla plufieiirs années à fubjuguer les
Goths d’Italie. L’eunuque Narsès. termina enfin
cette guerre, dont la durée avoit- été de dix-
huit ans; & comme on s’étoit fervi des Oftro-
goths pour détruire en Italie la domination des
Hérules', on fe fervit enfuite contre les ôftrogoths
de ces mêmes Hérules, qui, étant retournes en
Pannonie, s’y étoient affociès avec les Lombards.
Narsès ayant compris par des lettres de Juftin I I ,
qui fuccèda enfuite à Juftinien, 'que l’empereur
étoit jaloux de fon autorité St, de fes vi&oires ,
n’ofa plus retourner) à Conftantinople ; & pour fe
rendre néceffaire, engagea les Lombards à venir faire
des courfes en Italie. Ceux-ci s’établirent en effet
dans cette contrée, à laquelle ils ont donné leur
nom ; & il ne refta plus aux empereurs en Italie
que l’exarchat de Ravenne. Les conquêtes de ces
Barbares , & les opérations des généraux Romains
de ce côté-là, n’ont, pour le préfent, rien de
relatif à mon fujet,
L e s refles des H u n s av ec leurs a l l i é s , connus f o u s ■
\ les nom s d 'A v a r e s & de S la v e s . ,
On a déjà vu que les Huns ayant paffé en
occident fous Valentinien II , y furent battus par
les.Romains, les Goths & les• François réunis.
Ceux qui échappèrent de cette défaite retournèrent
dans la Pannonie s’allièrent avec les Hérules,
8c les Lombards , peuples du Meklembourg & du.
Brandebourg. Les Hérules étant allés en Italie.,
y furent-fui vis & vaincus par les Oflrogoths; 8c
pour fubjuguer ces derniers,. Narsès fe iervit des
Lombards, qui fe fixèrent dans la Lombardie.
C’eft à-peu-près là le .refumé de ce que j’ai dit
plus en détail.
Suivant le rapport de Paul Diacre ; Alboin
roi des Lombards, en quittant la Pannonie pour
paffer en Italie, y laiffa en poffeffion de ce pays-
quelques reftes des Huns qu’il y avoit trouvés;
& ces Huns parurent dans la fuite fous le nom d’A-
vares, qu’on leur donnoit indifféremment. On voit
donc par tout ce qui précède, qu’il faut chercher
l’origine des Bulgares chez les Scythes Poétiques,
& celle des Avares, chez les Huns. Paul Diacre
en effet s’exprime en ces tenues: Huiini qui &
Avares- funt : on les appeloit auffi Avarici. Ce fu£-
l’an 31 du règne de Juftinien;, 558 de i’ère vul-<
gaire, que. l’on vit paroître les Avares, qui fe
tenoient depuis long-temps dans leurs habitations-
vers Singidon & Sirmium, fans avoir encore été
connus fous ce nom. L’auteur de l’hiftoire mêlée
rapporte que , l’on vit entrer dans Conftantinople'
une nation inconnue, qu’on appeloit les Av aresv>
Tous les habitans de la ville accouroient pour les
examiner, n’ayant jamais vu d’hommes de. cette
efpèce. Jufqu’à ce temps-là ces barbares n’avoient-
fait aucune entreprife fur les. provinces romaines,
& ils étoient tout-à-fàit inconnus, hors des limites
de leur territoire. Dans l’année 563 , trente-fixième
du règne de Juftinign, ils envoyèrent à ce prince
une ambaffade folemnelle, & parurent vouloir,
rechercher fon amitié,
Conftantin Porphyrogénète fait descendre les
Avares des Goths, & dit qu’ils étoient compris
comme eux fous le nom dé Sclavons > qui étoit le
nom générique ,,;tiré d e là langue qui leur étoit-
commune ; mais ce n’eft-Ià abfolmnent qu’une
queftion de noms. Il .efl vrai que fous les règnes
précédens , Tes Scythes ou Bulgares qui étoient-
en-deçà dm Danube , les Goths 8ç les Oflrogoths
qui habitoient au-delà, & les Huns qui étoient
venus fondre fur ces derniers , étoient trois nations
différentes & bien diftincles ; mais dans les temps
dont je parle, comment pouvoir débrouiller Je
mélange de ces diftèrens peuples? il eft vraifem-
blable de croire que les débris de tous les Barbares
qui étoient demeurés dans la Pannonie
ou y étoient retournés après le mauvais fuccès
de leurs expéditions, doivent tellement s’y être