
phéties bien anciennes pour effrayer à l’approche
"d’iin peuple devant lequel les eaux fe féparoient,
les murailles tomboient d’elles-mêmes, & ce qui, peu
après,, ne fut pas moins étonnant, en faveur duquel
le foleil avoit donné un plus long jour, ce
que l’on appelle« alors s’arrêter. Car enfin ce long
jour avoit dû être fenfible pour toute.la terre,
& les gens du pays dévoient es attribuer la caufe
au peuple pour lequel ils avoient vu s’opérer des
merveilles fi étonnantes, qu’a&iellement elles nous
parodient à peine croyables.
Les divers peuples de ces états nombreux ,
mils foibles , qui parloient chacun un langage
différent, voyant un conquérant fuivi d’une armée
immenfe’, déjà en poffeflioii dune partie du
pays , & qui, loin de fuivre les loix ordinaires
des vainqueurs, faifoit périr les vaincus fous les
ïoes & les herfes de fer , exterminoit les hommes
, les femmes & les erifims , & fouveht même
le bétail;,ces peuples, dis-je , ne purent pas fe
déterminer à attendre plus-long-'temps l’arrivée
d’un ennemi fi redoutable. Ils durent chercher
leur fureté dans une prompte fuite. Les pafteurs de
l’Abyfiinie & l’Atbara étoient ceux chez qui ces
malheureux dévoient .le plus naturellement fe réfugier
; le commerce leur avoit depuis long-temps
fait connoître réciproquement leurs moeurs ; &ils
avoient droit de réclamer les loix dè l’hofpitalité ,
puifqu’ils avoient fouvent traverfé le pays les uns
des autres. . .
, Procope ( de B e l lo v in d . I . jj, cA. to) tait mention
‘ de deux colonnes qui, de fon temps , étoient
encore debout fur la côte de la Mauritanie , vis-
à-vis de Gibraltar, & fur lefquelles on lifoit des
inferiptions en langue phénicienne. Cette mfcrip-
tion, il efl vrai, citée par un auteur arabe , Ibn-al-
Rukike, dit qu’elle étoit dans des montagnes près de
Carthage. Peut-être, quoique rapportée par l’auteur
arabe & par l'auteur grec , n’étoit-elle qu’une tradt-
tiôn dont rien ne coriftatôit l’authenticité. Quoi qu’il
en foit, v,oici ce qu’elle portoit. « Nous femmes Ca-
» nanéens, fuyant devant là face du fils de Nun ,
»Jofué le brigand». Ils lui avoient fans doute
donné' ce titre à caufe dé fa violence & de fa férocité
& bien des gens s’étonnent qu’il en ait jamais
eu un'autre. Mais , fi ce que contiennent
ces infeiptipns eft vrai , il eft croyable que les
différentes nations qui s’enfayoient alors , cherchèrent
leur falut parmi-leurs amis, & ceux de leur
patrie , plutôt , dit M. Bruce , que^e traverfér
nn pays immenfe pour aller au fond, (il eut fallut
dire, M. Bruce, aux extrémités) de là Mauritanie
courir rifque d’éprouver un mauvais accueil
des éftangers qui y étoient, ou peut-etre
même de la trouver inhabitée.
On peut très-bien répondre à M. Bruce, que
les peuples de la côte qui dévoient être en relation
avec les Tyriens qui tenoient la place
de ceux que les Grecs ont appelés Phéniciens,
ont du s’embarquçr, & paffermème au loin , dans
des lieux ou fe trouvoient déjà des colonies* D’au-?
très, il eft vrai, ont pu fuivre la route de terre
par l’ifthme & le long de la côte de la mer
Rouge.
En examinant, dit M. Bruce, les diverfes con-
trées où ces nations fe font placées , il femble
évident que leurs établiflemens fe font faits paifi-
blement & de bon accord., Elles ne font point fé-
parées entre elles par de hautes montagnes , ni par
de larges rivières ; mais bien par de petits ruiffeaux,
qui font à fec la plus grande partie de Tannée $
par des éminences ou des levées dè terres, où des
lignes imaginaires de démarcation font tracées fur
le fommet de quelques montagnes éloignées. Ge$
bornes n’ont jamais été ni conteftées , ni changées
; mais elles font affermies par une très-ancienne
tradition. Les peuples dont nous parlons,
ont chacun leur langage différent , comme nous
apprenons , dans l ’écriture , que les petits états
de la Paleftine avoient chacun le leur : mais ils
^ne'connoiffent tous d’autre cara&ère d’écriture que
le D g i i , qui eft l’écriture que le Cusiiite pafteur
inventa & employa le premier , comme on le
prouvera dans .ce qui fuit.
je puis ajouter, dit M. Bruçe,. pour renforcer
encore les preuves que j’ai données de l’origine
de ces peuples , que la malédi&ion de Canaan
femble les avoir fuivis. Ils n’ont aucune fouverai-
' neté : mais ils ont fervi les rois des Agaazi ,
ou des pafteurs. Ils ont coupé du bois , ils ont
puifé de l’eau, & ils le font encore : tel eft un
des efforts de la critique de M. Bruce. Qu’eftt
ce que cette prophétie avoit befoin-là?
La première & la plus confidérable de ces
nations, occupa la province d’Amliara. Elle étoit
à fon arrivée aufti peu connue que les autres. Mais
il furvint une révolution dans le pays qui obligea
le roi de fe retirer à Amhara , & la cour
le tint plufieurs années .dans cette province. C’eft
là la caufe qui fit que le D g i { , ou langue des
pafteurs, cefta d’être parlée , & qu’on la conferva
pour l’écrire feulement, comme une langue morte.
Les livres facrés étant tous dans cette langue,
il en réfulta un avantage confidérable pour le D g i { 9
qui fut fauvé d’un oubli total.
La fécondé de ces nations étoit celle des Agows
( ou A g a s ) qui s’établirent à Damot ,■ l’une des
provinces du fud de l’Abyffinie, fituée immédiatement
au-deffous des fources du Nil.
La troifième eft celle des Agas de Lafta , ou les
Tchératz Agas, nom qui leur vient de Tchéra ,
leur principal établiffement. Leur langage eft différent
des autres. Us font Troglodytes, vivant dans
des cavernes. Us paroiffent adorer le S iris -, ou
Tacatze ( V AJlabûr a s ) , à peu près de la raeme
manière que les habitans de. Danos adorent le
Nil.
Je préfume , dit M. Bruce , que les anciens
noms de ces deux dernières nations fe confondirent
dans leur nouvel établiffemen, & que celui
Ïpfelïes portent depuis, n’eft qu’un compofé de
ces deux mots A g -C h a , qui, en oriental, fignifient
lés pafteurs du neuve. J’imagine aufti, ajoute-
t-il , que l'idolâtrie qu’ils introduifirent dans ces
contrées en adorant le Nil & le S ir is , eft une
preuve qu’ils fortent du pays de Canaan, où l’on
avoit remplacé par un matérialifme abfurde , le
pur fabéifme des pafteurs , qui fut long-temps la
feule religion de cette partie de l’Afrique.
La quatrième de ces nations eft celle qui vit
dans la partie méridionale du Nil , près de Da-
jnot. Elle s’eft donné le nom de G a f a t , mot
qui veut dire opprimé , arraché , repouffé , chaffé
par violence.
Si nous fiiivons l’idée que nous préfente le nom
de G a fa t , nous ferons portés à croire que cette
nation ; dit M. Bruce , faifoit partie de tribus persécutées
par Roboam, fils & fucceffeur de Salomon;
Je ne donne pourtant point ceci comme un
fait digne de foi. L’afpe& feul de ce peuple Sc ia.
tradition du pays, diffuadent de l’idée qu’il
ait jamais été juif, & qu’il ait blême eu quelque
affinité avec la colonie qui vint s’établir en Afrique
fous les aufpices de Menil'ekJ8c de la reine
de Saba , lefquels y fondèrent, félon M. Bruce,
îa hiérarchie hébraïque. Les G a fa t s difent qu’ils
font payens & qu’ils l’ont toujours été. Us difent
qu’ils partagent avec les Agas , leurs voifins , le
culte qu’ils rendent au Nil, culte dont il paroît
impoflible à M. Bruce d’expliquer l’étendue & la
particularités
Le cinquième peuple ëft une tribu, laquelle,fi
flous en croyons la reffemblance des temps , nous
feroit imaginer que nous avons découvert dans
ce canton de l’Afrique, une partie de cette grande
nation des Gaulois, qui s’eft fi prodigieufement étendue
en Europe & en Afie. Une comparaifon de
fon langage & de ce qui nous refte des Gaulois,
doit être certainement très-curieufe. Ce peuple
fe nomme G a lla ; il eft le plus confidérable d’entre
ces nations;- Dans cette langue le nom de G a lla
lignifie pafteur. Ils difent qu’anciennement ils vir
voient fur les bords du pays où tombent les pluies
d’été en-dedans du tropique du fud ; qu’ainfi
que les pafteurs de l’Atbara , ils faifoient les charrois
entre l’Océan Atlantique & l’Océan Indien,
& pourvoyoient des marchandifes des Indes, tout
l’intérieur de la péninfule.
L’hiftoire de ce commerce eft incortaue. Il de-
Voit être un peu moins ancien , biais prefque aufti
étendu que celui qui fe faifoit en Egypte. C’eft
fans doute , à l’époque de l’abandon des ruines
de Sofàîa , après la découverte du nouveau monde
quil, commença à déchoir. Les Portugais le trouvèrent
dans un état floriffant, au- temps de leurs
premières conquêtes fur cette côte : il fe fait
encore de la même manière, mais avec peu de
Vigueur du côté du cap Nègre, fur l’Océan Atlantique.
C’eft delà , c’eft des environs du eap-
Nègre , qu’il faudroit partir pour commencer les
découvertes dans l’intérieur de la péninfule d’A frique
, & fur les deux côtesoppofées du tropique
du fud. On, trouverait probablement partout
de la proteflion & des fecours dans ce grand
trajet, & l’on n’auroit befoin que d’un peu d’intelligence
du langage. r
Quand cette multitude d’hommes n’eut ulus
d occupation ni pour fes befliaux , ni pour elle-
meaie , elle abandonna fon pays natal, & fe 'ieta
du côte du nord , où elle fe trouva auprès de
la ligne , enveloppee par la pluie,.le froid &
des nuages qui ne lui laiffoienr prefque jamais
voir le foleil. Impatient de ces affreux climats
ces hommes s’avancèrent encore plus loin ; & vers
lan 1 537, ils fe débordèrent dans la province de
Bah, & quittèrent bientôt i’ufage de leurs chameaux
, pour monter à cheval. A préfent ils font
tous cavaliers.
Les Falasha font aufti un peuple de l’Àbyflmie '
qui a fon^ langage particulier. L’hiftôire de ce peu*
pie paroît très - cuneufe. Cependant je ne nuis-
pas plus dire d’eux, dit M. Bruce, que des Gada
iinon quils dévoient faire partie des nations qui
s enfuirent de la Palefiine aux approches de Jofiié
Ils ont toujours été & font encore juifs. Ils con-
fervent ces traditions de leur origine, & des cm-
fes qui les obligèrent de feféparer de leurs com-
patriotes. u
Parmi les divers liabitans qui poffédoient l’A -
byfijme depuis fes limites méridionales jufqu’au
tropique du cancer , ou aux frontières de I’fÜ
gypte , il y avoit d’abord les defeendans de Cufch
peuple police, demeurant dans les villes anrès
avoir ete troglodytes & avoir vécu dans des ca-
yernes ; enfuite les pafteurs.
Après ceux-ci venoiem enfin les nations que
nous croyons etre ' ferries de la Paleftine , fos
Angara les Agaff, les Damqts , les Agaff de
Tchera, les Cafets. 8 u
Les interprètes , moins inftruits des détails hif-
tonques de ces contrées que les prophètes par
ignorance.ou par matten.ion , ont répandu’ fur
leurs tradu&ons ; une obfcurité qui n’efFfurement
pas dans le texte. L’écriture, en parlant de tous-
ces peuples , les décrit d’une manière caraâérîf
tique', & qui auroit dû empêcher qu’on ne les
confondit. S ils ont occafionné des doutes & des
difficultés, ceft uniquement la faute des ttaduc-
teurs cc lur-tout des Septante.
Quand Moyfe revint avec fa femme Sephora '
ou ^félon l hebreu, Zippoah, fille dit fouverafo
des pafteurs de Madian , lefquels aljoient prendre
les marchandifes de l’Inde à Saba ,. pour les
por er dans la Paleftine , & qui étoient établis
dans lldumee , c’eft-à-d.re , dans l’Arabie , auprès
dEdon , ou ,1s tenoient leur principale foire .,
Aaron, & Mafie , ou Miriam, fa foeur , cherchèrent
querelle à Morfe , parce qu’il avoit pris
pknnt