664 G É O G R A P H I E
de Strabon, c’eft-à-dire, par 700 ftades, & l’on obtiendra pour réfultat, une graduation
qui approchera beaucoup de celle que l’on connoît à préfent.
Un exemple éclaircira encore ceci.
Ptolémée met 146 degrés d’intervalle entre le cap Sacrum & l’ embouchure orientale
du Gange : il s’eft par conféquent trompé , diaprés nos obfervateurs modernes, de 46°,
36', 15"; mais, comme on vient de v o i r , que les 146° convertis en ftades, à raifon de
500 pour chacun, donnent 73,000 ftades; fi l’on réduit maintenant ces 73,000 ftades
en degrés de 700 ftades chacun , on trouvera, pour l’intervalle ci-deffus, 104°, 17 ', 8";
& l’erreur de la carte que Ptolémée copioit ne fera plus que de 40, 53', 2.51'.
Il exifte dans la conftruftion des cartes de Ptolémée, un renverfement de principes
plus étrange encore , puifqii’il tient à l’oubli des premières connoiflances, & du premier
foin qu’un Géographe doit avoir ; celui de réduire toujours les mefures qu’il emploie aux
mêmes élémens.
En adoptant l’évaluation du degré à 300 ftades, on devoit en effet s’attendre que Ptolémée
la porteroit fur les méridiens, comme fur l’équateur , c’eft-à-dire, que fon degré
de latitude feroit égal au degré de longitude fur ce cercle , puifque les degrés des grands
cercles font néceffairement égaux dans l’hypothèfe de la terré fphérique ; mais , quand il
vint à tracer fes parallèles fur la carte qu’il vouloit copier , il s’apperçut qu’il ne pouvoit
plus faire tifage des intervalles de 500 ftades pour un degré, parce que toutes les latitudes
feroient devenues beaucoup trop hautes, c’eft-à-dire, que chaque degré n’atteignoit pas
le lieu qu’il auroit dû atteindre. Et comme toutes ces latitudes étoient fixées par des
obfervations ou des approximations aftronomiques, qu’il ne pouvoit pas refufer d’admettre
, il changea de méthode , & traça fes degrés à 700 ftades de diftance. Il fentit vraisemblablement
que s’il continuoit de leur donner la même proportion que pour; fes
longitudes , Alexandrie, qui ne devoit pas s’éloigner de 3 10 de latitude, fe feroit trouvée
à plus de 43 degrés ; & que Marfeille, qu’il fa v o it, comme Eratofthènes , être à 43
degrés & quelques minutes, auroit été portée au-deffus de 60 degrés.
Ptolémée étoit donc ainfi prévenu , que l’évaluation du degré qui avoit fervi de bafe
à la carte qu’il prenoit pour modèle, n’étoit pas la même que celle qu’il cherchoit à y
fubftituer. Dès-lors il devoit favo ir, que fi cette évaluation étoit fufceptible d’une réduction
quelconque , elle devoit être portée fur toutes les dimenfions de la carte ; ou que, fi
elle ne pouvoit pas être adaptée aux latitudes, il devenoit inconféqnent de la porter fur
les longitudes, parce qu’en l’ifolant ainfi, une des dimenfions reftoit néceffairement
défeâueufe.
Au refte, il paroît p rouvé, au citoyen Goffelin, que le texte grec de Ptolémée & fa
traduâion latine , ont été altérés féparément : on trouve des variantes très-confîdéra-
bles, dans le texte gre c, fur les parties orientales de la Méditerranée ; & beaucoup de
variantes fur les parties occidentales de cette même, dans la ttaduâion latine , ce qui
prouve que les Latins & les Grecs,- o n t, dans leurs différeras voyages, travaillé féparément
les uns des autres.
Au
CHEZ LES GRECS 6 63
Au temps de Strabon, les connoiflances géographiques, dans la partie feptentrionale
de l’Europe, ne s’étendoient que jufqu’à l’Elbe. -Au temps de Ptolémée on avoit paffé le
Sund, &c 1 on etoit parvenu jufqu’au fleuve Chejinus, qui paroît, au citoyen Goffelin,
répondre à la Duna, puifque Ptolémée ne compte que trois fleuves principaux, entre
■ celui-ci & la Wiftule, & qu’on les retrouve aujourd’h u i; favohr :
Le Chronus, dans le Pregel, qui paffe à Konisberg ;
Le Rhubon , dans le Niémen ;
Le Turuntus, qui ne peut être que la rivière de Windaw.
A l’orient de la Cherfonèfe Cimbrique ou Jutland , Ptolémée place quatre île s , fous
1? nom de Scandia ïnfulce.
Les trois plus petites répondent à celles de Laland, de Funen, & de Seîand, qui font
partie du Danemarck. '
La quatrième , probablement, repréfentoit la Scanie. La grande étendue de la Baltique
n,ayoit pas encore permis aux Romains de la parcourir en entier. On croyo it, d’après
.Pythéas , que la Scandinavie ne tenoit pas à la terre-ferme : cette quatrième île repréfente
donc celle que Pythéas nommoit Bafilia ou B'aliia.
Le nom de RhuU reparoit dans les Tables de Ptolémée ; mais ce n’eft plus la Thule de
Pythéas : le récit de ce dernier fait voir que celle dont il parloit étoit très-voifine du pôle ;
,ap lieu que Ptolémee place Thule près des Orcades, ce qui prouve qu’alors les connoif-
fances s étendoient peu au-delà. La route de l’Iflande étoit perdue, & l’on avoit tranfporté
le nom de Thule & le fouvenir de fon exiftence à la petite île de Schetland.
LHibernie ou Ieme, que Strabon avoit indiquée au nord de la Bretagne, quoique fous
fa ,yrai,e latitude, eft remife , dans Ptolémée, à l’occidènt de cette île , mais à cinq degrés
plus au nord qu’elle ne doit être.
L Angleterre , les cotes occidentales de la Gaule , & le nord de l’Hifpanie , préferîtent
un accroiffement de connoiflances de détail, étonnant pour le temps écoulé depuis Strabon,
qui avoit a peine des notions fur l’exiftence de ces contrées.
Les details de la Mediterranée offrent des efforts pour arriver à une plus grande perfection.
On en peut voir le détail dans l’ouvrage du citoyen Goffelin.
Dans le temps que Scipion Emilien gouvernoit l’Afrique, Polybe fut chargé d’aller en
reconnoître les côtes occidentales. Il avoit rapporté les noms des caps, des fleuves & des
nations quil avoit rencontrés, Pline nous en a confervé un petit extrait ; on voit le voyageur
s avancer jufqu au fleuve Darat ou Daratus, qui eft le Sénégal d’aujourd’h u i, &
parvenir jufquau promontoire des Hefpérides, au-delà d’une chaîne de montagnes, qu’il
appelle le char d e s D ieu x , & qui paroît répondre à celle de Sierra-Leona. Les Romains
n’ont pas pouffé leurs découvertes au-delà de ce p oin t, & il eft le terme des connoif-
fances de Ptolémée.
Strabon penfoit que la côte occidentale de l’Afrique , après avoir couru un certain
elpace au midi, fe courboit & alloit rejoindre la côte orientale de cette partie de la terre ,
ans atteindre 1 équateur.. . . . Ptolémée qui n’admettoit pâs la communication de l’Océan
Géographie ancienne. Tome III. P P PP