
gine de la langue fclavonne que j’ai mife a la
tête de mon ouvrage fur ces Barbares.
La nécefîîté où Te trouvèrent les Romains, de
repouffer les Barbares qui les inondoient de tous
côtés, donna lieu aux usurpations de trente tyrans
qui prirent leYitre d’empereur, pendant que Gallien
joniffoit paifiblement des délices de Rome.
Les incurfions maritimes des Scythes continuèrent'
fous l’empereur Gaude-le-Gotbique ; ils avoient
remonté le Danube fur deux mille barques. Ce
prince remporta fur eux une vi&oire mémorable
dans laquelle il écrivit lui - même avoir tué ou
pris trois cens mille hommes, & s’être emparé de
deux mille barques. Ses lieutenans chaffèrent les
Barbares de la Th race, de Theffalomque & de
Byfance, dont ils s’étoient rendu maîtres. Aurélien,
qui avoit eu la plus grande part à cette vi&oire,
fuccéda à Claude, mort de la pelle. Comme il
étoit occupé à la guerre de Syrie contre Zénobie,
il accorda la paix aux Scythes qui la lui demandèrent.’
Ce prince, après des victoires que leur
rapidité rend prefque incroyables, fut affafîiné par
fon fecrétaire, l’an 275, dans un lieu nommé
Ccenofurium, entre Héraclée & Byfance.
Tacite défit les Scythes dans une a fi ion; &
Florien régna trop peu de temps pour avoir rien
à démêler avec eux.
ÇonceJJîons de terres faites aux Barbares par les empereurs.
Le ChriJUanifme introduit chc% les Scythes.
J’ai déjà dit qu’il y avoit eu fous Gallien deux
incurfions de Barbares, l’une du ƒ ôté du fepten-
trion faite par les Goths mélés' avec les Huns
& les Alains, l’autre du côté de l’orient par les
Scythes venus du Pont-Euxin & de l’Afie mineure.
L’empereur Aurélien accorda aux premiers des
établiffemens au midi du Danube, dans ta première
Mcefie, où fe forma cette province que l’on appela
nouvelle Dacie. Probus, à fon exemple,
après les avoir battus, jugea à propos de fe les
attacher en leur donnant des terres dans la province
qui porte aujourd’hui le nom de Bulgarie.
Quelques-uns demeurèrent fidèles, mais la plupart
trompèrent la politique de l’empereur. Ce prince
permit aux Gaulois & aux Pannoniens de planter
des vignes ; il en fit planter lui-même fur le mont
Atmus, auprès de Sirmium, & fur le mont Aureüs,
dans la Moefie fupérieure. Nous lui femmes redevables
des vins de Bourgogne & de Hongrie.
C ’eft à ces concédions de terres „aux Barbares
qu’il faut rapporter l’époque du premier établiffe-
mént des Serviens & des Bulgares, dont les noms
n’étpient pas encore connus lors de cet événement.
Ces deux nations qui venoient toutes les deux de
la Scythie, font-cependant bien difiinguées par
les différentes routes qu’elles prirent, & même
par les dates des donations que les empereurs leur
firent de ees terres en-deçà du Danube.
Oès concefiions continrent pendant quelque
temps le plus grand nombre de ces Barbares dans
le devoir ; on n?entendit prefque point parler
d’eux fous les règnes de Carus , de Carin, de
Numerien ; Dioclétien même n’eut à faire qu’aux
Gaulois, aux Marcomans & aux Barbares occidentaux
; & après fon expédition d’A fie , étant
retourné en Europe, il y trouva les f cythes, les
Alains, les Sarmates, les Baftarnes, les Carpes,
& tous les Barbares en paix. Si quelqu’un d’entre
eux remuoit, les mouvemens étoient de fi peu
d’importance, que Dioclétien ayant fait afficher
un édit contre le chriftianifme, un chrétien de
qualité eut la hardieffe de le déchirer 1 fe moquant
des victoires de l’empereur contre les Goths
& les Sarmates, dont il y étoit fait mention, &
que ce chrétien ne jugea pas fans doute dignes
d’être citées.
Je dois examiner ici l’idée que l’empereur Cor.f-
tantin Porphyrogénète donne de la fituation de ces
pays du temps de Dioclétien. Il fuppofe que ce
prince- avoit établi dans la Dalmatie & les autres
provinces qui font entré le Danube & la mer Adriatique
, plufieurs colonies romaines ; il prétend que
ces Romains, entièrement féparés des Barbares par
le D anube, ignoroient même quels pouvoient.être
les peuples qui habitoient au-delà de ce fleuve ;
il ajoute que la curioficé les engagea a le traverfer
pour reconnoître les habitans de l’autre rive ; mais
que ceux-ci les furprirent, les battirent, & vinrent
eux-mêmes en - deçà du fleuve ravager les
provinces romaines. Ce narré ne me parcît pas
jufte. Il eft vrai que Dioclétien., peu content du
féjour de Rome, établit fa demeure à Nicomédie;
il eft vrai auffi qu’après fon abdication il paffa le
refie de fes jours dans la Dalmatie fa patrie ;
cet empereur peut avoir établi des colonies dans,
cette province ; mais ces colonies n’étoient pas
féparées des Barbares par le Danube; ceux-ci
poffédoient déjà des terres en-deçà du fleuve, &
l’on fe feroit èftimé foit heureux s’ils avoient
voulu s’en contenter. Les tentatives qu’ils venoient
faire de temps en temps en-deçà du mont Hoemus,
& même -du mont Rhodope dans la Thrace & la
Macédoine , fornioient le fujet des guerres que
fon étoit obligé de foutenir contre eux. Conf-
tantin-le-Grand réprima les efforts de ces Barbares,
mais il n’entreprit point de leur faire repaffer lé
Danube ; au contraire’, lorfqu’il fit de la Scythie
Pontique une province féparée de la Moefie, il
les confirma dans la poffeffion des terres que fes
prédéceffeurs leur avoient données en-deçà de ce
fleuve.
Les Goths & les autres peuples voifins du Danube
étoient déjà chrétiens, & la religion leur
avoit donné des moeurs plus douces. Ces nations
avoient commencé de fe convertir dans les incurfions
qu’elles firent environ foi'xante ans auparavant
fous l’empereur Gallien ; les évêques qu’ils
tenoient captifs leur avoient infpiré l’amour de la
religion par leurs vertus & leurs miracles; les
avoient inflruits, & fondé chez eux, des églifes.
Philoftorge remarque que fous l’empereur Conf-
tantin une grande multitude de Gètes ou de
Goths furent chaffés de leur pays à caufe de leur
religion, & que l’empereur les plaça dans la
Moefie. Protogène affifia an concile de Nicée en
qualité d’évêquè de Sardique , & il paroît que^fa
jurifdiClion s’étendoit fur la Dacie, la Dardanie
& les pays voifins, & par conféquent fur les
peuples barbares à qui Aurélien avoit permis de
s’établir en-deçà du Danube; mais l’évêque de
Theffalonique fut chargé de faire publier les dé-
cifions du concile, non-feulement dans la Grèce
/ & la Macédoine , mais encore dans les deux
Scythies; & l’on ne voit point qu’il foit fait
mention de Totni, qui a été depuis métropole de
la Scythie Pontique, & qui devoit être encore1
alors une efpèce de diocèfe in partibus... Les Scythes
, qui, fous l’empereur Probus, vinrent s’établir
dans la fécondé Moefie, étoient encore des hôtes
trop nouveaux pour avoir embraffé la religion
chrétienne. Le concile de Nicée ayant décidé que
la pâque devoit être célébrée le dimanche, &,
non pas le 14 de la lune , Audius, auteur du
fchifme, fut relégué par Confiantin dans la Scythie
; il y demeura plufieurs années, paffa fort
ayant chez les Goths, où il inflruifit plufieurs
perfonnes dans le chriftianifme, & établit des
vierges, des afcètes & des monaftères très-réguliers.
Ces Goths étoient ceux qui s’étoient établis en-
deçà du Danube dans le pays des anciens Gètes
& des Daces. Théophile, leur évêque, qui afîifta
au concile de Nicée, n’eft point qualifié évêque
d’une ville particulière , niais feulement ...évêque
des Goths. Cette nation errante ne ponvoit pas
indiquer un fiège à fon évêque, n’ayant point
elle-même d’habitation fixe ; l’évêque étoit celui
de la nation. En 36011 parut au concile de Conft-
tantinople un nommé Ulfilas fous le titre d’évêque
des G.orlys, qui alors étoient encore catholiques.
Les chofes demeurèrent à-peu-près dans le même
état fous Conftantin, Conftans & Confiance, fils
de Conftantin-ie-Grand. L’an 355, fous le règne
de Confiance, après la défaite & la mort de
Sylvain , les Quades & les Sarmates ravagèrent
la Pannonie & la Moefie fupérieure. Le 6 de
novembre de la même année, Julien ayant été
déclaré Céfar, fut envoyé dans les Gaules pour
y calmer les troubles caufés par la révolte des
Barbares occidentaux. Après avoir vaincu & pris
Çnodomaire , roi des Allemands, & terminé cette
guerre avec beaucoup de fuccês, il paffa dans la
Pannonie, & reçut, à Naijfie en Dacie, la nouvelle,
de la mort de Confiance, quirevenôit de fon
expédition contre les Perfes. Il prit alors la réfo-
hition de venir à Conftantinople, & il y arriva
le 11 décembre de l’année fiiivante ; il paffa de-là
en Perfe , où un coup de flèche termina fes jours.
Sous le règne de ce prince & celui de Jovien fon
fucceffeur, les Barbares ne firent aucun mouvement
; ils commencèrent à remuer fous Valentinien
& Valens , qui s’étoient partagé l’empire.
Les Huns commencent à paroître.
. Les Goths s!étoient déjà fi bien établis dans,
l’ancienne Dacie & dans le pays des Gètes, qu’ils
y formoient deux peuples, les Oftrogoths qui
occupoient la région orientale depuis le Pruth
jufqu’au Pont-Euxin, & les Vifigoths qui habitoient
la partie occidentale jufqu’au Tibifc ; les. premiers
avoient pour roi Eritigerne, allié des Romains; les
autres étoient gouvernés par Athaaaric, ennemi
de l’empire. Comme ce prince étoit encore pay.en
& perfécuteur des chrétiens, il y eut fous fon
règne plufieurs martyrs.
Les Goths fe trouvant encore trop refferrés àù-
delà du Danube, tentèrent de paffer le fleuve?
Valens, avant de- marcher contre eux, voulut
être baptifé ; il le fut par un Arien, dont il adopta
les erreurs. Ce prince, après trois ans de guerre,
réduifit les Barbares à demander la paix, & la
leur accorda, à condition qu’ils ne paroîtroient plus
en-deçà du fleuve. Au retour de cette expédition
il paffa a Tomi, métropole de la Scythie'Pontique;
1 eveque des Scythes, nommé Vetranion, y étoit
alors établi ; l’emperear n’ayant pu attirer'ce prélat
a l’arianifme, l’exila, & le rappela peu de temps
apres, afin de ne pas irriter les Scythes, peuples
courageux, & néceffaires aux Romains pour la
defenfe de fes frontières. Les troupes que les Romains
eiitretenoient dans cette proyince étoient
commandées par un général qui avoit le titre de
duc de Scythie. Junius Sauranus étoit revêtu de
cette dignité, lorfque les Goths firent fouffrir le
martyre à S. Sabas ; il fit retirer du Danube le
corps du martyr qui y avoit été jeté, & l’envoya
dans la Cappadoce fa patrie.
Les Goths qui avoient perfécuté les chrétiens
ne tardèrent pas d’en être punis par les! Huns ,
qui pafferent le Palus Moeotide, les attaquèrent
& les défirent entièrement. Une partie de ces Goths
appelés Tervinges envoyèrent demander à Valens
la permifîion de venir en-deçà du Danube s’établir
dans la Thface. Le chef de la députation
étoit leur évêque Ulfilas, qui, pour plaire à l’empereur
, embraffa l’ariafnime, & inftmifit dans
fes erreurs tout fon peuple, qui dès-lors devint
arien. Ce fut cet Ulfilas qui donna aux Goths
l’ufage des lettres; fes caractères étoient formés
fur ceux des Grecs.; il traduifit en leur langue
l’ecriture fainte. Nous en avons encore les évangiles
imprimes ; & l’on-y voit qu’elle étoit alors la langue
des peuples Germains. Valens accorda aux Goths
la permifîion de former des établiffemens dans la
Thrace; mais les vexations des officiers Romains,
{eur donnèrent bientôt tm prétexte de révolte,
& ils ravagèrent cette province. L’empereur fe
hata de terminer la guerre de Perfe, à laquelle