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de Jcnikalé, anciennement le Bofpkore Cimmèrien,
& les branches du fleuve Couban. Ils obéifîoient à
un prince qui avoit le titre de cagara, qui n’eft
autre chofe que le mot de khan mal prononcé.
Ils étoient divifés en plufieurs tribus, dont l’une
étoit celle des Cathares, qui fe joignirent aux Turcs
proprement dits, & firent leur demeure dans le
grand & le petit Cabarta, deux provinces orientales
de la Circaflie, qui s’étendent le long du
mont Caucafe jufques vers le Dague fan ; elles
étoient anciennement foumifes au khan des Tar--
tares, cogime tout le refte de la Circaflie ; elles
font demeurées neutres & indépendantes par le
dernier traité de Belgrade, & ont formé une
efpèce de république. Les habitans des deux Ca-
bartas ont aufli aujourd’hui le nom de Tcherkcs,
qui leur eft commun avec tous les autres Cir-
cafliens : il y a cependant encore au nord de la ;
Géorgie une tribu de Tartares qui a confervé le
nom de Chazares ; Adil - Schah , fucceffeur de
Thamaz-Keulikan, combattit contre eux au commencement
de fon règne : j’en ai parlé dans la
fécondé partie de mon Effai fur les troubles de
Perfe & de Géorgie, imprimé à Paris en 1753.
Conftantin Porphyrogénète fait l’énumération
d’une infinité d’autres tribus de Chazares : les Necés ,
les Madgiards, les Ordoudjtrmdk, les Tartans, les Ge-
nach, les Cares & les Cafés, toutes ces diverfes races
de Chazares fe confondirent avec les Turcs & leur
donnèrent leur langue, qui devoit être la langue
Circaffienne, comme je tâcherai de le prouver
dans la fuite.
L’an 6*5, Héraclius fe ligiia avec les Chazares
contre Chofroès, roi de Perfe. Ces Barbares,
commandés par un nommé Ziébil, lieutenant de
leur cagan, pafTèrent la Porte Cafpieniie , & fe
jetèrent dans la Médie, où ils commirent d’affreux
défordres. Héraclius partit du pays des Laziens
pour les joindre, & porter, de concert avec eux,
la guerre dans la Perfe. L’accueil que ces peuples
firent à l’empereur, étoit une preuve indubitable
de leurs bonnes difpofitions. Ce prince , pour en
■ témoigner fa reconnoifiance à Ziebil, lui fit de
fiches préfens, & s’engagea à lui donner en mariage
fa fille Eudoxie ; il lui tint parole, & la
princeffe fe mit en voyage l’année fuivante pour
aller remplir fa, deftinée ; mais Ziebil mourut
pendant qu’elle étoit en route, & lé mariage
n'eut pas lieu.
Il ne fe paflâ rien de mémorable fous les règnes
d’Héraclius Conftantin, d’Héfacléonas & de Conf-
tans. Les fucceffeurs d’Héraclius eurent principalement
affaire aux Bulgares. J’ai déjà traité affez
au long de l’origine de ces peuples ; je les regarde
comme une tribu de Scythes nomades & payens,
errante aux environs du Danube, & groflie par
quelques reftes des Goths, qui pouvoient s’être
joints à eux. Leurs courfes dans la Thrace commencèrent
l’an 681. L’empereur Conftantin Po-
gonat, fils Cooftajis a fut forcé de faire aveç
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eux une paix hontenfe, & même de leur paye#
un tribut. On leur accorda par le même traité ,
des terres de -la première Mcefie, où Ttmobum,
aujourd’hui Terne va, devint enfuite leur capitale.
Juftiaien II*, fils. de Conftantin Pogonat, rompit
le traité que fon père avoit conclu avec-les Bulgares
; mais il fut pareillement réduit à demander
la paix, '& ne put l’obtenir qu’en leur rendant tout
ce qu’il leur avoit pris. Ce prince, au rapport de
Dioclès, remporta une vi&oire mémorable fur
les Sclavons ; après les avoir vaincus, il fut tirer
parti d’eux, & en employa trente mille dans la
guerre qu’il fit aux Sarrazins, commandés par Ab-
dumaleck, khalife de Damas. Mais Mahomet,
général du khalife, voyant que le corps des Scla-
I vons faifoit la principale force de l'armée de l’empereur
, corrompit les chefs , & parvint à en attirer
j environ vingt mille dans fon parti, avec le fecours
I defquels il défit & tailla en pièces l’armée de
Juftinien. Ce prince fe vengea fur les - Sclavons
qui lui étoient demeurés fideles, de la défeâion
des autres, & il les fit exterminer avec leurs
femmes & leurs enfans. Le mauvais fuccès de cette
guerre entraîna la ruine de ce prince; Il revint à
Conftantinople honteux de cette malheureiïfe expédition
, & bientôt après il eut le nez & la
langue coupés, & fut relégué à Cherfone par les
intrigués de Léonce qui lui fuccéda, & ne tarda
pas de fubir le même fort : car Tibère Abfimarc
fe faifit de lui, lui fit couper le nez, & le renferma
dans le monaftère de Dalmate.
Tibère ayant été déclaré empereur, voulut
faire mourir Juftinien dans le lieu de fon exil 3
mais celui-ci trouva le moyen de s’échapper , & fe
réfugia chez Bi.firis, cagan des Chazares, qui le
reçut avec bonté, & lui donna en mariage fa
fille Théodora; mais enfuite' ce barbare écouta lés
propofitions de Tibère, qui, à force de préfens &
de promeffes, vint à bout de le corrompre, & de le
porter à violer Jes droits de Phofpitalité, en attentant
à la vie de Juftinien. Théodora, qui fut informé du
complot, en avertit fon mari ; & celui-ci, après s’être
débarraffé des perfonnes qui avoient ordre dë le
faire périr , s’enfuit chez les Bulgares, & demanda
du fecours. à Terbelle leur prince , auquel il
promit de faire époufer Théodora fa fille T rix lie
accepta fon offre, & lui fournit une nombreufe
armée qui i’aida à remonter fur le trône. L’an 706 ,
Théodora, fille du cagan de Chazares, fut proclamée
impératrice à Conftantinople. Quelque temps
après Juftinien voulut porter la guerre chez les
habitans de Cherfone, les exterminer & détruire
leur v ille, pour fe venger de leur trahifon ; mais
ces Chazares s’y oppofèrent & l’obligèrent à reve. ir
fur fes pas. L-\s Cherfonites élurent pour empereur
8a: done , gén :ral grec , que Tibère Abfîmare
avoit exilé chez eux ; & Juftinien trahi par fes
foldats, fut maffacré l’an 710. Ceci prouve en
quelque manière, que les Cherfonélites & les
autres peuples habitans de la Cherfonèfe Tau ri que,
quoique;
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quôlqn’originairemènt Grecs , dévoient y être confondus
& mêlés avec les Huns de la même nation
que les Chazares, puifque ceux-ci prenoient leur
défenfe côntre l'oppreftion des empereurs d’Orient.
Origine des Athingans ou Bohémiens.
Dans le cours des cinq amiées qui fuivirent la
mort de Juftinien I I , Dardânnè, éonnu ‘ fous le
nom de Pbilippique, Anaftafe & Théodofe, occupèrent
le trône de Conftantinople,1 Si firent' place
a Léon l’Ifaurien. Celui-ci fe fervit utilement des
Bulgares dans la guerre qu’il eut à foutenir contre
les Sarrafins, qui vinrent afliéger Conftantinople,
& furent obligés d’en lever le liège l’an 718. Il
ne fe paffa rien de remarquable entre les Romains
& les Barbares depuis cette époque, jufques au
règne de Conftantin Coproiiyme. L’an 7 5 5 , ce
prince ayant pris Theodofiopolis & Melitine, près
de l’Euphrate, ramena arec lui des Syriens & des
Arméniens, auxquels il donna des habitations dans
la Thrace. Ces étrangers étoient la plupart Pau-
liciens, efpèce de Manichéens defquels font fortis
les Athingans ou Bohémiens qui fubfiftent encore
dans la Bulgarie, & dont je parlerai plus au long
ci-après. Ceft aufli de cette migration des Arméniens
que les familles arméniennes établies aujourd’hui
à Caffa & dans les autres villes de
Crimée, prétendent tirer leur origine. Ils avoient
déjà dans leur pays fubi le joug des kaliphes. En
1755 , lorfque le khan voulut augmenter la capitation
des chrétiens, les Arméniens de Baktcne-
faraï me montrèrent un diplôme original en arabe ,
du kaliphe Moavia, qui régloit la perception de
ce droit, mais qu’ils produifirent inutilement. L’an
76 3 , les Bulgares déclarèrent la guerre aux Romains;
elle duroit encore en 7 7 5 , lorfque Conftantin
mourut d’ün charbon à la cuiffe, dans une
expédition qu’il avoit entreprife contre ces peuples
dans la même année.
Léon IV , qui lui fuccéda, fut furnommé Cha-
zare, à caufe d’Irène fa mère, fille du roi des
Chazares. Conftantin Porphyrogénète rapporte qu’il
avoit aufli époufé une femme de la même nation,
& qu’il mourut d’une fièvre chaude, précédée
de charbons, pour avoir porté une couronne,
prife dans le temple de fainte Sophie, fans Le
confentement du patriarche. Ce fut fous fon règne,
eri 7 7 7 , que Téleric, prince Bulgare, s'étant réfugié
à Conftantinople, y fut baptifé, & époufa
Irene, parente de l’empereur, qui avoit été fon
parrain. Conftantin fuccéda à Léon , & régna avec
Irène fa mère. Il attaqua mal-à-propos les Bulgares
en 790, par le confeil de quelques aftro-
logues. Il fut battu & perdit plufieurs perfonnes
confidérables dans cette expédition.
Bardanne, furnommé le T u rc , refufa l’empire,
dont le patrice Nicéphore s’étoit mis en poffeflïon
l'an 802 , après avoir fait enfermer Irène fa bien-
feitripe. En 811 , Nicéphore étant entré en BulÇéçraphie
ancienne, Tome III, •
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gafie'L refhfâ. la -paix qitê le rçi Criimne lui offrit ;
il fui' enfériné attaque, & tùé dans ‘ fà tente , &
le roi des Bulgares1 fit faire une coupe de fon
crâne. C’eft fous le-règne dé ce prince que commencent
les faftes de cette étrange efpèce d’hommes
que nous connoiffons fous le nom de Bohémiens,
& que les Turcs appellent ' Tchinghenès.
L’empereur Nicéphore étoit ami paflionné des
Pauliciens ou Manichéens , qui habitoient dans ltr
Phrygie & la’ ' Lycaonie, fon pays natal ; leurs
fupemitiohs-, connues de tout le monde , étoient
de fon goût ; il leur donna la liberté de s’établir
dans tout fon empire. Conftantin Copronyme les
avoit déjà établis dans la Thrace. Cette feéte prit
de nouvelles forces en Arménie fous Michel; on
les appel Oit Athingans, d’où eft venu par corruption
le nom du Tchinghenès que leur donnent
encore les Turcs & les autres nations de l’Orient.
M. de Fleury rapporte en effet l’origine des Bohémiens
aux Juifs & aux Athingans, qui étoient
en très-grand nombre dans la haute Phrygie fous
le règne de Michel-le-Bègue. Cet empereur étoit
lui - même né à Ammonium , ville de la même
province. Les Athingans étoient, à ce que l’en
croit, les mêmes hérétiques que les anciens Mel-
chifédéchiens, & ce nom étoit aufli commun aux
Pauliciens 8c aux Manichéens d’Arménie. De ces
deux feéies des Juifs & des Athingans , donc
je viens de parler, il s’en étoit formé une troi-
fième dont Michel-le-Bègue avoit embraffé les
erreurs , qui lui avoient été tranfmifes par la tradition
de fes ancêtres. Les Athingans de cette
troifième fefte recevoient le baptême, & rejetoient
la circoncifion ; mais ils obfervoient pour tout le
refte la loi mofaïque ; & chacun d’eux avoit chez
lui un juif ou une juive , qui gouvernoit fa
maifon, tant pour le fpirituel que pour le temporel.
L’empereur Jean Zimjfcès les plaça dans la
Thrace, aux environs de Philippopolis, à la folli-
citation du moine Théodore, que ce prince avoit
élevé au fiège d’Antioche, en reconnoiffance de
ce qu’il lui avoit prédit l’empire. Ce prélat pria
l’empereur de tranfporter en Occident, & de confiner
dans des lieux déferts, les.Manichéens qui
infe&oient tout l’Orient de leurs infâmes fuperfti-
tions. Ils habitèrent dans la Thrace avec allez
de tranquillité jufques à l’an 1 1 12 , que l’empereur
Alexis les pourfuivit fous le nom de Bogomïles,
ou gens implorant la miféricorde de Dieu. Bafile,
leur chef, fiit brûlé à Conftantinople. Euthymius
Zygabène a parlé au long de leur héréfie dans
fa Panoplie. Ces Bogomiles étoient une branche
des Pauliciens tranfplantés aufli comme les Manichéens
dans la Thrace. Le prince Cantimir, dans
fa préface, explique le caractère des peuples qui
habitoient l’Arménie majeure & la Turcomanie;
recevant un prince de la main du Grand-Seigneur,
& vivant comme les Tartares fous des tentes ,
changeant de demeures, & ' fe tranfportant fans
ceffe d’un lieu dans un autre, profeffant en Kk