
trouvé une colonne militaire de Tétrîcus, dont il eft
parlé dans les mémoires de1 l’académie des belles-
lettres (t. x iv , kift. p. i$4 ; & t. XXIII, hift. p. 206),
& qui étoit pofée à un e lieue gau Lotie de la capitale
(L. / ), c’eft-à-dire, Leuga prima.
La ville de Bayeux étoit celtique dans ion origine
; on ne fera point étonné de voir au i v c fiècle ,
une famille de druides établie dans cette cité ; on
fait qu’ils étoient les prêtres, les philofophes 6c
les légülateurs des anciens Gaulois. L’empereur
Augufte avoit défendu à tout citoyen romain de
s’engager dans cet ordre. Tibère les avoir chaffés
-de la ville de Rome. Claude avoit fupprimé une
partie de leurs fu perdition ; cependant leur autorité
& leur philofophie, du moins quant à la devina*
lion , fubfiftèrent encore long-temps dans les
Gaules.
A l’avénement de Vefpafien, les druides fomentèrent
la révolte des Gaulois, en prédifant une
prochaine révolution dans le gouvernement. (Tacit.
kift. L. i v , c. 33 j. On dit qu’une femme-druide
( Larnprid. in Alex. p. 135. c. ) , prédit à Sévère
Alexandre, fa mort prochaine; l’ayant rencontré
dans fa marche, elle lui cria en gaulois : Gallico
fermant, vadas, me viEloriam fperes, nec milite tuo
endos. Une fènune druide du pays de Tongre,
( Vopif. in Numer. p. 252. c. ) prédit à Dioclétien
qu’il parviendrait à l’empire lorfqu’LL aurait tué
Aper : Imperator tris cum Aprum occideris. Pour
accomplir cette prétendue prophétie , Dioclétien ,
après qu’il eut été élevé à l’empire, tua de fa main
Aper, le beau-père de Numérien. Nous favons
actuellement à quoi nous en tenir quant à toutes
ces belles prophéties. Il s’enfuit feulement que
les miniftres de la religion des Gaulois abufoient
de la crédulité des peuples ; & malheureufement
nous avons éprouvé que ce charlatanifme n’a pas
celle avec eux.
Ainfi, on voit que les druides étoient établis en
différentes cités de la Gaule. Àufone, qui écrivoit
à la fin du i v e fiècle, nous apprend ( Aufon. Profojf.
num. 4 ) , qu’une famille de druides habitoit la cité
de Bayeux. En. parlant d’Avims Patefa, qui avoit
été profeffeur d’éloquence à Bordeaux, il dit :
DoEtor potentum rhetorum
Tu Bdiocajfes ftirpe druidarum fatus.
Il eft probable que le chriftianifme acheva de
détruire la feâe & le nom des druides.
La ville de Bayeux étoit une place importante
dans les Gaules, à caufe de fon voifinage de la
mer. Les empereurs y entretenoient , comme à
Coûtance, une gamifon fédentaire de Bataves &
de Suèves, enrôlés au fervice de l’empire, fous
le commandement d’un général Romain : Magifter
militum pretfentalium, comme on lit dans la notice
des dignités de l’empire, dreffée d’après le règne
d'Arcadius & d’Honorius : P reefetfus Latorum B atavorurn
& Gentium Suevorum, Bajocas & Gonftantld
Lugduhtnfté fecundec,
La côte maritime de la fécondé Lyonnoife étoit
•expofée , depuis plus d’un fiècle , aux incurfions
& aux pirateries des Saxons ; c’eff pourquoi cette
cote eft nommée, dans la même notice de l’empire,
Littus Saxonicum. Les Romains y entretenoient un
autre corps de troupes, dans le lieu appelé Gran-
norui, fous le commandement du duc du département
de l’Armorique, & du pays des Nerviens:
Sub dijpbjitione viri fptElabïlis diicis traflus Annonçant
& Nervîcani , tribitnus cokortis prima nova
Armorient , Grannona in littore Saxonico. Nous
verrons bientôt qu’une peuplade de Saxons étoit
établie dans la cité de Bayeux ; 6V de—là on infère
que le lieu de Grannona étoit fur la côte maritime
de la même cité, fur un ancien havre, à
l'embouchure de la rivière de Seule, près dit
village de Gray, à quatre flieues au nord-eft de
Bayeux. M. de Lavergne, ingénieur de Caen , a
levé le plan de cet ancien p or t, 6c d’un camp
romain, qui n’ert étoit pas éloigné. M. le comte
de Caylus a inféré ces plans, 6c en donne l’explication
dans le cinquième volume de fon recueil
d’antiquités.
Les Saxons qui infeftoient les côtes maritimes
de la Gaule, depuis la fin du 111e fiècle, redou-!
blèrent au Ve leurs incurfions & leurs pirateries.’
Le gouvernement Romain, qni étoit alors foible Ü
fut obligé de leur abandonner des quartiers : ce?
fut alors, probablement, que les Saxons' s’établirent
dans'la cité de Bayeux. Cet établiffemenfl
fut permanent; ils durent paffer fous la domination
des François, lorfque les provinces Armori-
ques fe fournirent à Clovis. Il eft certain que les
Saxons de Bayeux, Saxones BajocajjiniJ obéiffoient
aux ordres de fes petits-fils. Le roi Chilpéric les
envoya dans la Bretagne Armorique en 578
contre le comte Varocb , qui les fiirprit & les
défit : Dolofe ( dit Grégoire de T ours, hift. L. v , ’
c. 27 ) , fuper Saxones BajocaJJinos miens-, maximum
exindè partem. ihterfecit. La reine Frédégonde
pendant la minorité1 de Clotaire II fon fils , par
des motifs particuliers ; envoya au fecours du même
Varoch, vers l’an 59Ô, un corps dë Saxons de
Bayeux , FeredegUrrdis ' ( Id. L; x \ c. 29 ) . . . . Bajo-
cajjinoes Saxones. . . ..'. in joladùm Varochis abire
pracepit. On voit que. ces Saxons étoient fournis
aux rais de France , comme les anciens habitans
du pays.
Ces Saxons pofledoient dans la cité de Bayeux,'
un canton particulier, qui eft appelé, dans les
capitulaires de Charles-le - Chauve de l’an 853 ,
Othingua S oxonia, c’eft-a-diré, en langue Tudefque
& Anglo-Sa^one, la pofleftion des Saxons. Voyez
le Glojftaire Germanique ae PFaéter. M. Huet dans
fes origines de Caen, place cepagus ou pays des
Saxons, Otlingua Saxonia, fur la côté du diocèfe
de Bayeux, entre les rivières d’Orne & dé Dive ;
& il dérive de leur langue plufieurs noms de lieux,
0
V A D
C$f particulier celui de Caen, ville Nouvelle , qui
n’étoit qu’un bourg fous les premiers ducs de Normandie.
Le nom de Caën , félon ce favant ( Huet,
origine de Caën, p. 417 & fuiv. ) , vient de Cathim,
qui fignifie la maifoh du confeil, d’où s’eft formé
le nom de Cahen, enfuite Caën, de deux fyllabes ,
comme on le voit dans ce vers du roman de Rou :
A Caën longues converfui.
On a enfuite prononcé Caën, Can , d’une fyl-
labe. On ne fait pourquoi M. l’abbé Lebeuf ( Mém.
de l'acad. des B. L . , t. x f/, p. $oçj), a placé le pagus
Otlingua Saxonia à Saon (1) , 6c Saonet dans les
terres au fud-oueft, & à deux lieues de la ville
de Bayeux. Le nom de Saxon s’eft perpétué jufqu’à
nos jours, dans le nom de plufieurs familles de
ces pays-ilà, le Saifjit ou le Sefne., c’eft-à-dire,.
le Saxon. En effet, les anciennes chroniques de
Normandie traduifent les mots Saxones Bajocafftni,
par ceux-ci, les Sefnes de Bayeux.
Si les incürfions des Saxons cauferent de grands
maux fur cette côte, les Danois ou Normands y
commirent les plus horribles excès & les plus grandes
cruautés au IX e fiècle : ils ravagèrent non-feulement
les côtes , mais ils portèrent la défolation dans
prefque toutes les provinces du royaume , où ils
pillèrent, mirent a feu & à fang les campagnes
oc la plupart des villes. Le diocèfe de Bayeux
en particulier, fentit les effets de leur fureur; ils
maflacrèrent à Livri ( Livibriacum) , paroiffe à trois
lieues dé Bayeux, Sulpice , évêque de Bayeux,
en 844. Baltfrid, fon fucceffeur , eut le même fort
en 858. Sur la fin du même fiècle, la ville de Bayeux
fut pillée & brûlée : Rollo Bojacas petit, eatnque
violenter cepit totamquè funditus fubvtrtit.
Après que Rollon ou Raoul (2) eut embraffé
la religion chrétienne, & que le roi Charles-le-
Simple lui eut cédé cette partie de la Neuftrie en
propriété, in alodo & infundo in femper tenum,
iauf l’hommage & la fouveraineté, la ville de
Bayeux fe releva de fes ruines, 6c fut bientôt
[1 ) Le nom de Saon, qu’on prononce San, doit
venir du latin Sadunum, comme de Laudunum on a
fait Laon, prononcé Lan. Le nom de Saxones a été
traduit Saifnes ou Sefnes.
(2) On trouve dans les chroniques du Nord, que les
Normands qui infeftoient alorsles côtes de France, étoient
j°^ruits Par un des fils de Rongwald, comte des Or-
cadès. 11 fe nommoit Hrold ou Hérold. Ayant d’abord
wifefte les côtes de la Norvège, il avoit été banni,
& s etoit retiré dans les îles de Sodoroé (ou Wefternes),
11 y trouva une foule de bandits qu’il conduifit le long
«es cotes de l'Angleterre, de l’Allemagne & de la
France, jnfqu’à l'embouchure de la Seine , où il arriva
en 876. On lui céda la partie de la Neuftrie, qui prit
le nom de Normandie en 9x2 ; il reçut le baptême,
« prit le nom de Rollon ou Raoul. Je me fuis permis
? ei^ xTeriCl ce trait* parce qu’il ne fe trouve pas à l’ar-
** od« ° RMANDIE * t^ans diftionnaire de géographie
Géographie ancienne. Tome U J,
V AD 46,
rétablie ; mais elle fut préfque entièrement habitée
par les Danois ou Normands: on y parloit la
langue danoife, comme on parloit la langue normande
à Rouen : c’eft pourquoi Guillaume premier,
dit Longue^épée, duc de Normandie, envoya le
jeune Richard, fon fils, à Bayeux, pour y être
élevé. ( Vyyeç Dud. p. 112 ) : Quoniarn Rothoma-
gtnfis civitas Romand potius quàm Dacifcd utitur
eloquentia , & Bajocajfenfis fruitur frtquentius Dacifcd
linguâ quam Romand : volo igitur ut ad Bajocajfcrifea
dèferatur quamociùs rmxnia, ou, comme dit un
autre écrivain ^ Wilkl. Gemet, p. 2 3 7 ) , Bajocasr"
mittenæ , ut ibi lingua eruditus Danicâ, &c. Quoique■
la langue danoife & le faxon fufl’ent des dialeftes
de la langue tudefque, il paraît que les Saxons
n’entendoient pas le danois. Quis tibi Dacifectrer-
gionis linguam Saxonibus inexpertam docuit. ( Dud*
p. 100 ).
La ville de Bayeux reçut de grands biens fous
Guillaume-le-Conquérant. Son frère utérin Odon ,
ou Eudes, évêque de cette ville, enrichit fon
églife, & y fit beaucoup-- de fondations : ce fur
apparemment dans ce temps-là que l’on donna à cette
églife la tapifferie qui s’y voit encore , & qui r.e-
préfente les principaux exploits du duc Guillaume;.
M. Lancelot (Mém. de l'acad. des B. L . , t. v i ,
P- 39 i S* 2 31. v i n , p. 602), en adonné une favante
explication. Peu de temps après la mort de l’évêque
Odon, pendant la guerre que Henri ï , roi d’Angleterre,
faifoit à fon frère aîné, Robert, duc de
Normandie, le rai Henri n’épargna pas la ville
de Bayeux, qui tenoit le parti de fon frère ; il
brûla la ville & la cathédrale. Gette ville fe rétablit
encore, & l’églife cathédrale fut réédifiée dans
l’état où elle eft aujourd’hui, par les foins de
Philippe de Harcourt, évêque de Bayeux, l’an
1160. On frappoit monnoie en cette ville fous la
première & la dernière race de nos rois. Le Blanc
( T raité h ift. des monnoies , p . 81, &c.) , a rapporté des -
monnoies d’or de la première race, avec l’infeription
BAIOCAS t 6c les deniers d’argent de Charles-le-
Chauve avec cette infeription : BAIOCAS CIVITAS.
M. l’abbé Belley finit ce mémoire par
quelques réflexions fur l’étendue a&uelle du diocèfe
de Bayeux (3).
VI. On fait qu’en général les anciens diocèfes
de France répondoient aux territoires des cités
de la Gaule. Il y a cependant des exceptions ;
lorfque les cités étoient peu étendues, on en cora-
prenoit deux dans un même diocèfe, fous la jurif-,
di&ion d’un évêque. Les cités de Térouènè &
de Boulogne, diftinguées dans la notice des provinces
& des cités de la Gaule, ne compofèrent
qu’un feul diocèfe , fous la jurifdiétion de l’évêque
( 3 ) Ces réflexions font d’autant plus préçieufes &
dignes d’être confervées, que l’étendue de tous les dio*
cèfes n’a plus de rapport avec les anciens peuples
la Gaule.