
fait par Nabuchodonofor, avoient capitulé avec
ce prince, car il leur donna Baal pour roi, & à
fa mort les Babyloniens n’y mirent plus que des
gouverneurs à temps, ce qui dura jufqu’au commencement
de la monarchie des Perfes. Ils furent
rétablis dans leurs anciens privilèges par Cyrus
ou par Darius , fils d’Hyftafpes: ils eurent encore
la liberté d’avoir un ro i, qu’ils confervèrent tant
que la monarchie des Perfes fiibfifta ; & comme
ils faifoient prefque feuls tout le commerce du
continent, ils égalèrent la grandeur, les richeffes
& la magnificence de l’ancienne T y r avant fa
deftruâion.
Jufiin, L. x v i i i , rapporte la révolution que cette
ville éprouva par la révolte des efclaves qui mâf-
facrèrent tous leurs maîtres, & époufèrent leurs
maîtreffes. Straton, feul de tous les Tyriens, fut
épargné par fon efclave, qui le cacha avec fa
famille. Ce Straton fut élu roi, & fa famille étoit
fur le trône de T y r quand Alexandre entra en
Phénicie. ■
Lorfqu’Hérodote alla à T y r , ceux qui gou-
vernoient étoient tributaires des Perfes. Cet auteur,
L. i l , p. 120, dit qu’il remarqua, dans le temple
confacré à Hercule, une colonne d’or très-pur &
une d’émeraude ; mais Ménandre d’Ephèfe dit que
ç’étoit Jupiter qui étoit adoré dans ce temple : il
ajoute que la colonne d’or y avoit été mife par
Hiram , roi de T y r , qui, félon Eupolème, cité
par Eufebe, l’avoit reçue de Saloinon. Il y avoit
aufli dans cette ville un temple dédié à Hercule
le Thafirn. T y r renfermoit une fiatue d’Apollon
d’une hauteur extraordinaire: c’étoit un préfent
que leur avoient fait les Carthaginois, & ils la
placèrent dans leur ville , où ils l’adoroient. Les
Carthaginois l’avoient prife dans la ville de Géla
en Sicile, 405 ans avant l’ère chrétienne, félon
Diodore de Sicile.
T y r pafîa de la domination des Perfes à celle
des Grecs, à la conquête de l’empire des Perfes,
par Alexandre : mais je vais reprendre le commencement
de T y r , pour développer ce premier
appqrçu.
Comme cette ville eft une des plus célèbres de
l'antiquitéil me paroît.efîentiel de rapprocher &
d’offrir dans cet ouvrage çe que l’on fait de mieux .
fur fes commencemens.
On ne connoît pas de rois de cette ville avant
'yîbibal, par qui Jofeph & Théophile d’Ephèfe
commencent la fuccemon des rois de T y r , qu’ils
avoient tirés de Ménandre , de la ville d’Ephèfe,
& de Drus , auteurs que Jofeph regarde
comme parfaitement dignes de foi.
Dius, qui .étoit Phénicien, écrivit l’hiftoire de
T y r , ayant fous fes yeux les annales publiques,
gardées foigneufement dans cette ville. De fon
côté Ménandre , comme le dit Jofeph , eut recours
aux archives des lieux dont il vouloit parler, lorf-
qu’il compila les vies de quelques princes, tant
Grecs que Barbares,
Abibal eff donc le premier roi de T y r , & doit
être le même que Théophile nomme Abeimal ;
mais on ignore la durée & les particularités de
fon règne. Il étoit contemporain de David ; on
préfume qu’il étoit ligué avec les nations voifines
contre ce prince, puifque par un paffage du
pfeaume l x x x i i ï , v. 7 , on voit que David le
compte entre fes ennemis. Quelques favans con-
jeéhirent que les officiers Tyriens qui fervirent les
Philiffins contre Samuel, avoient été _ envoyés
par Abibal.
Hiram lui fuccéda. Ce nom, purement oriental
a été défiguré par Théophile, qui dit-quelquefois
Hitromus, & d’autres fois Hieromenus. Tatien &
Zonare difent Chiramus : mais Jofeph dit Hiram ;
& fi l’on trouve aufli dans fon texte Irorn, c’efl:
que la différence des caraâères de l’écriture hébrai\
que & grecque a donné lieu à ces variantes.
Le roi Hiram fut lié d’une étroite amitié avec
David, auquel il envoya des ambafladenrs. On
croit qu’ils avoient pour million principale de fé-,
liciter le roi des Hébreux de fa viétoire fur les
Jebuféens, qui venoient d’être chaffés de la citadelle
de Sien, & de conclure une alliance au nom
de leur prince.
Lorfque David fut mort, & que Salomon fut
monté fur le trône, Paffe&ion qu’Hiram avoit eue
pour le père, le porta à envoyer une ambaflade
au fils, pour lui faire les complimens ordinaires
en pareille oçcafion. Salomon profita du retour
des ambafladeurs pour écrire à Hiram la lettre
fuivante,
u Le roi Salomon au roi Hiram, falut.'
v Le roi mon père avoit un defir extrême de
» bâtir un temple en l’honneur de Dieu ; mais il
» ne l’a pu, à caufé des guerres continuelles où il
. v s’eft trouvé engagé, & qui ne lui ont permis
v de quitter les armes qu’après avoir vaincu fes
» ennemis & les avoir rendus fes tributaires. Main-
» tepant que Dieu me fait la grâce' de jouir d’une
w profonde paix, je fuis réfolu d’entreprendre cet
v ouvrage , qu’il a prédit à mon père que j’aurois
>> le bonheur de commencer & d’achever, C ’efl:
v ce qui me porte à vous prier d’envoyer quelques-
» uns de vos ouvriers pour couper, avec les miens
77 fur les montagnes du Liban, le bois néceflaire
7) à ces travaux ; car nuis autres, à ce qu’on d it ,
7) ne font aufli habiles en ce genre que les Sido-
77 niens. Je laiffe à votre difpolition les conditions
77 du paiement ».
Le roi Hiram accueillit bien cette demande, &
y répondit la lettre fuivante.
« Le roi Hiram -au roi Salomon.'
77 Je rends grâce à Dieu de ce que vous avez
» fuccédé à la couronne du roi votre père, qui
» étoit un prince très-fage & très-vertueux ; &
77 je,ferai avec joie ce que vous defirez de moi;
' v je commanderai même que l’on coupe dans mes
forêt$
T Y R
„ïbfèts quantité de poutres de cyprès & de cèdre,
w que je-ferai conduire:par nier , attaches enlemkle,
„ jufqiies fur le rivage de tel lieu de vos états que
» vous jugerez le plus commode, pour etrede-la
»menés à Jérusalem. Je vous prie,-de vouloir, en
» récotiipeiife , permettre une traite de bled , dont
„ vous lavez que nous manquons dans cette -île »:
( Jofeph, L. y i n ,■ c. V ) •
Jofeph affure que les originaux de ces deux
lettres fie voyoîetit encore de fon temps, non-,
feulement dans les archives des Juifs , mais aufli
dans celles des Tyriens. Ce qui peut cependant faire
jeter quelque doute fur la realite de ces deux lettres ,
c’efl que de Ton côté Eufèbe , qui avoit fait des recherches
hiftoriques , nomme , le même roi Suron, &
rapporte de ce prince une lettre très - différente
de celle que l’on vient de lire. Il dit aufli que
Suron envoya à Salomon quatre-vingt mille Phéniciens
& Tyriens r il ajoute même quelques autres
particularités qui ne font pas dans Jofeph. Je pré-
fiume que les Orientaux ont traite & embelli
lhiftoire de Salomon comme celle d’Alexandre &
celle de Ruflan, On ajoutqit, eu l’on retranchoiî
certains faits, félon que cela convenoit a 1 imagination
ardente de l’écrivain. -
Il faut convenir que les lettres rapportées par
Jofeph s’accordent très-bien avec ce que dit l'Ecriture.
. v; .
Salomon fut très - fatisfait du. procédé du roi
Hiram. Pour lui en. marquer fa reconnoiflance , il
lui accorda un préfent annuel de vingt mille
niefures de froment, & vingt mefures d’huile.
Outre les' bois de cèdre & d’autres matériaux pour
la: conftru&ion du temple, Hiram envoya à Salomon
un homme célèbre à T y r , par fon talent
'.dans l’art de travailler l’o r , l’argent & les. autres
métaux : cet artifle eut la conduite des travaux de
ce genrè. Hiram donna 120 talens d’or pour
achever l’édifice.,
Salomon, de fon côté , fignala fa reconnoiflance
pàr de magnifiques préfens. Outre le don annuel
de froment & d’huile, il fit encore préfent à Hiram
de vingt .villes du pays -de Galilée; mais elles
étoient peu à la convenance de ce prince: il les
refufa. Ce fut-là l’origine' du nom de' Caboul ou
déplaifant, donné à cette partie de^jays.
Hiram ne fut pas moins utile à Salomon pour
lui procurer les moyens d’étendre le commerce que
faifoient fes. fujets dans la Méditerranée.. & la mer
.des Indes. Ayant appris que ce prince vouloit
conftruireUne flotte à Elath & • à: Èzion-Gaber fur
la mer Rouge , il lui fournit autant d’ouvriers
qu’il en avoit befoin. Il lui donna aufli des hommes
. de. mer< & des pilotes inftruits.
i Si l’on en croit D iu , que cite Jofeph, c’étoit
fur-tout l’amour de la lagefîe qui formoit le lien
, intime entre Hiram & Salomon. Mais la fageffe
de ce. temps - là a quelque .chofe d’un peu' puérile
aux yeux des philofùphes de .celui-ci : elle con- I
fiftoit à fe propofer des queftions obfcures. '
Géographie ancienne. Tome III.
T Y -R 4 4 9
On fait que la reine de Saba en'propofa à
Salomon. On dit qu’il y eut aufli de feinolables
défis entre Salomon j& Hiram : celui des deux
qui ne pouvoit réfoudre l’énigme payoit l’amende.
Le royaume de Tyr étoit alors , dans une condition
très-floriflante. ‘ Plufieurs villes, avoient été
réparées & embellies. La. capitale fur-tout reçut
un grand accroiffement. Elle étoit fur le continent.
Hiram joignit par une chauffée cette ville au temple
qui étoit dans une petite île en face. Il érigea
dans cette même île deux autres,temples, l’un en
l’honneur d’Hercule, l’autre en l’honneur d’Affarté :
ces deux temples furent enrichis de magnifiques
préfens. Il fit faire de plus une belle fiatue d’Her-
~cule. , ' • ' <.
On ne trouvé qu’une expédition militaire fous
fon règne ; c’eft celle ' contre les Eycéens , qui
refiifoient de payer le tribut auquel ils étoient im-
pofés ; mais ce prince les mit à la raifon. Trois
hiftofiens Phéniciens, Théodote, Hyficrate &
Mochus, cités par Tatien ( orat.- contra Grcecos ) ,
difent que lé roi Hiram donna fia fille en mariage
à Salomon.- Us ne- difent pas fi ce fut pour elle
un grand avantagé: elle n’avoit pas-là un mari bien
fidèle. Si cç qu’il ajoute eft vrai, elle,contribua
pour fa part aux égaremens que l’écriture reproche
à Salomon , en lui failànt adorer-Aftharaht ou
Afthoreth , déeffe des Sidoniens.
Hiram vécut cinquante-trois* ans, & en régna
trente-quatre.. ,
Baiéazar, appelé aufli Baleeftartus, & Bazor,
fils d’Hiram, fuccéda à fon père. On varie fur la
durée de fon règne ; mais on n’en dit rien d’iiir
tére fiant.
Abdaftartus fon fils lui fuccéda. Jofeph& Théo-r
phile ne font pas d’accord fur la durée de fon
règne : l’wn dit qu’il fut de neuf , l’autre de douze
ans. Quoi qu’il en fç>it , il paroît certain qu’il fut
, affafliné par les quatre fils de fa nourrice : l’aîné
d’entre eux s’empara de la couronne.
Cet ufurpateur -n’eft pas compté dans la fuite
des rois dé Tyr. On voit que fon règne fut de
1 douze ans:
Aftartas, frère d’Abdaftartas, réufiit à remettre
le feeptre dans fa famille. 11 régna douze ans. '
Un troifième. frère , qui devp.it alors être un peu
âgé, lui fuccéda, & au bout de douze ans il fut
tué par fon frère Phelles, qui s’empara du trône,
mais fut tué le huitième mois de Ton règne.
Ithobal, que Théophile nomme Juthobal, fils
d’Aflarimus & grand-prêtre de la dééfle Afiarté ,
poffédoit ainfi la fécondé place de l’état ; car ce
grarid-prêtre marchoit immédiatement après le roi.
Théophile & Jofeph ne font pas d’accord fur les
années de fon règne. Il eft donné dans récriture
pour roi des Sidoniens, & nommé Eth-Baal. Mais
comme Jofeph l’appelle roi de Tyr & de 'Sidon,
c’eft une preuve que cès deux villes obéifibient
alors à un même fouverain.
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