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nation, qui s* étoit emparé de Strumiqa, & afoit
■ établi fa réfidence dans le château de Profaea.
Cette dernière place ètoit extrêmement forte ; la
nature & l’art Tavoient rendue imprenable ; mais
elle étoit depuis Ion g-temps négligée par les Grecs,
qui n’y avoient, laiffé qu’une foible garnifon. :
Chryfus y fit entrer fes meilleurs foldats, eut foin
de s’y pourvoir de toutes les munitions de guerre
& des provifions néceffaires pour foutenir un long
liège, & s’y enferma enfuite, bien rèfolu de faire
une vigoureufe réMance. Les généraux les plus
■ expérimentés dans l’art de la guerre, confeilloient
â : l’empereur de ne pas attaquer; d’emblée cette
place, dont la ■ prife étoit extrêmement dputeufe ;
de commencer au contraire, d’encourager les troupes,
len s’emparant des bourgs 8c des villages du domaine
de Chryfus ; ils lui repréfentôient que les
foldats, animés par les premiers fuccès & par
le goût du pillage , attaqueroient alors Profaea
avec plus d’ardeur & de bonne volonté. Les jeunes
gens foutenoient au contraire qu’il étoit important
d’entamer la campagne par le. fiège de cette place ,
dont la prife affuroit la conquête de tout le relie.
Cette dernière opinion prévalut ; l’empereur affiégea
Profaea, fes foldats firent des prodiges de valéur,
tentèrent plufieurs affauts, niais ils furent repouffés
toujours avec beaucoup de perte : l’empereur re-
çonnoilïànt enfin l’impoffibilité de prendre cette
importante fortereffe, leva le fiège, & fit avec
Çhryfiis un accommodement, par lequel il lui
abandonna entièrement Strumifa & Profaea, avec
leur territoire ; il Jui promit de le marier avec une
fille de fon clioix. En effet , à fon retour à Conf-
' tantincple, il lui envoya- la fille du protofpathare ,
qui avoit été-féparée de fon mari1; un nommé
Conftantin Sébafie fut chargé de la conduire ;
anais elle fût allez mal reçue de fon nouvel époux,
©ans la même année les Scythes, divifés en quatre
corps, fondirent fur .la Macédoine, avec plus. de
fureur qu’ils, n’a voient jamais fait; ils étoient en
fi grand nombre, que perfonne n’ofa s’oppofer à
<eux ; ils paffèrent le : mont Ganus\ attaquèrent
plufieurs places fortifiées, forcèrènt les monaftères
fini es fur le fommet des montagnes les plus élevées,
pillèrent les églifes, & maffaçrèrent une infinité
de religieux.
Les Walaques & les Comains firent, l ’an 1200,
une nouvelle irruption dans la Thrace, ravagèrent
les plus belles contrées de cette, province, & fie
retirèrent avec une. entière liberté, fans que per-
fonne osât mettre obffacle à leur paffage. Ils fè-
roient venus jufques aux portes cle Conftantiiiople,,
fi les Rufi'es, quùétoient alors chrétiens, n’avoient
eu compaflion des :Grecs opprimés, & ri’avoient
arrêté' les progrès de ces Barbares, Romain , diic
de Kalitz , ramafïa à la hâte une nombreufe armée,
& fit une diverfian fur les terres des Comains
ou il répandit la défolation ; il y mit tout;à feu
& à fang, fans rencontrer le moindre obfiacle,
tk. il.amena un fecours imprévu aux Grecs, qui
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ètoient réduits à la plus affreufe extrémité. Lé*
Comains, habitoient alors le pays qui eft entre le
Danube , la mer Noire 8t le Dniefter, c’efi-à-
dire, la Moldavie 8c la Befiarabie. Ils ètoient
encore payens; & ce ne fut qu’en 1227, que le
pape Grégoire IX envoya l’évêque de Strigonie
avec la qualité de légat, pour travailler à la propagation
de la foi chez ces peuples, dont le
prince , appelé Boris, avoit demandé d’enobraffer
la religion chrétienne. Ces Barbares n’avoient encore
ni villes, ni villages, ni habitations fixes ;
ils étoient fans celle campés fous des tentes de
feutre, qu’ils tranfporteient d’un lieu dans un autre ;
ils étoient parfaitement femblahles aux Nogaïs d’aujourd’hui
, qui font à-peu-près la même nation.
Les Comains jouèrent un rôle important dans
les guerres des . latins contre les Grecs. Après que
Baudouin , comte de Flandres , eut été élu empe-,
reur , & fe fut rendu maître de Confiantinople,
les Grecs implorèrent le fecours de Jean,.roi de
Bulgarie. Celui ci empreffé de profiter de ce démêlé,
pour ccrafer les deux partis, & s’élever fur leurs
ruines, fit d’abord agir les Comains contre les
Latins. Ces. Barbares, au mois de mars de l’an
1205, s’avancèrent vers le camp des François 8t
des Vénitiens, qui afliégeoient Andrinople* 8t
ils enlevèrent des troupeaux & des beftiaux dans
le voifinage. Les Latins offenfés de cette infolence.,
voulurent châtier leur témérité ils montèrent à
cheval, 8c les pqurfuivirent. Les Comains prirent
la fiiite, en fe contentant fie faire de temps en
temps quelques : décharges de flèches, par derrière
, fans arrêter leur marche, comme font encore
les Tartares' d’aujourd’hui. Les Latins ne
purent atteindre ces ennemis , qui étoient armés
plus légèrement qu’e u x , '& avoient des-chevaux
plus vîtes & mieux exercés'à la courfe. Pendant
cet intervalle , Jean , roi fie Bulgarie, occupa les
pafiàges & les défilés , & fit cacher, fies troupes
dans les montagnes; il expédia enfuite un fécond
détachement de Comains, fous la conduite de
Cozas, pour continuer d’amufer Jes. Latins, 8c
faire énforte de les attirer dans le..piège qu’il .leur
avoit tendu. Les Latinsrayant apperçu une fécondé
fois les Barbares , firent fie nouveaux efforts pour
les joindre, mais ils pouffèrent la poutfiiite trop
loin;. ceux-ci ménagèrent fi bien leur fuite, qu’ils
les .amenèrent infeufiblement dans, l’ einbufcade,
où ils fe trouvèrent enveloppés par fie nouvelles
troupes de Barbares , tontes fraîches, qui les
chargèrent avec vivacité. Déjà fatigués d’une longue
coudé, 8c accablés par une énorme multitude,
ils fe virent forcés de fucccmber, & furent taillés,
en pièces ,i après avoir fait des. prodiges de valeur.
Le comté de Blois périt dans l’aèlion , l’empereur.
Baudouin fut fait prifonnier, 8c amené chargé, de
chaînes à Ternobe , où le toi fies Bulgares : lui fit
fubir quelque temps après la mort la plus affreijfe,
-Le doge de Venife, Dandolo , qui connu an doit
l’arrière-garde, ,8c qui fe trouvoit par. conféquenc
iftôins avancé, fe fauva avec fes tfôüpes, & fe
retira dans le camp , qu’il abandonna la mit meme.
Il alla à Rodoflo avec Henri , frere de Baudouin ,
Sc retourna de-là à Confiantinople, où il mourut
à la fin de la même année. ‘ ,
Jean, roi des Bulgares, apres la défaite dqs
Latins, fongea à tomber fur les Grecs, ce le
rendit maître en peu de temps de plufieurs provinces
de l’empire. Il continua de fe fervir utilement
des Comains, qui, animés parlant de
fuccès , & fur-tout par la viSoire fignalée qu’ils
venoiént de remporter -, ne voyoient plus rien qui
pût les arrêter, & commettoient impunément lés
plus affreux ravages. Henri avoit fuccédé à fon
frère Baudouin, &. s’efforçoit de rétablir les affaires
des Latins, qui étoient dans un horrible défordre.
Il remporta de grands avantages fur les Bulgares .
& les Walaques, & délivra la ville à ’A n d r in o p le ,
dont ils vouloient former le fiege; les troupes
qu’il envoya contre eux les mirent en fuite, &
reprirent vingt mille prifonniers &. trois mille
chariots chargés de butin, qne ces Barbares em-
menoient chez eux en fe retirant. Ce prince porta
même la guerre jufques en Bulgarie, démufit
plufieurs villes, & retourna dans fa capitale chargé
de dépouilles. Quelque temps après le roi de
Bulgarie revînt mettre le fiège devant A n d r in o p le ,
à la follicitation de l’empereur Grec Théodore
Lafcaris , qui implora fon affrflance contre Henri,
pas: lés troupes duquel il fe voyoit attaqué en
Afte. Les Comains étoient encore de moitié avec
les Bulgares & les Walaques dans cette expédition
; ils ravagèrent toutes les ï campagnes, &
pouffèrent même leurs courfes jufques à Conf-
tantinöple'. Mais ils.abandonnèrent leurs alliés,
& fetournèrent chez eux, dans un temps où la
ville A’Andrinople étoit réduite à Ta dernière extrémité.
Leur retraite fauva la place, & les Bulgares
furent forcés de lever le fiege.
Gengkizkhan , reconnu èmpereur des Tartares
en 1106 , commençoit d’affervir l’Afie, & fes
progrès dans cette partie du monde annonçoient
l’otage qui devoit bientôt fondre fur l’Europe. Ce
prince , ni chrétien, ni mufulman, & l’effroi des
. uns & des autres, poùffoit fes conquêtes vers le- -
midi de l’Afie. Dès l’année 112.5 , il s’étoit déjà
rendu maître de la Chine en partie, du Maou-
rennhaar, du Mazanderan, & d’une infinité d’autres
provinces de'la Perfe & de l’Inde ; il avoit fournis
lès villes célèbres d'O t r a r , de B o k h a ra & de S a marcande
, dont il avoit fait paffer le plus grand
nombre des habitans au fil de. l’epee, 8c difperfe
le refte ; il s'étoit rendu principalement 'redoutable
aux Mahométans, par les cruautés qu’il avoit
exercées contre les Sarrafins, les Ruffes meme
avoient déjà reffenti les effets de fa puiffance, 8c
fon fils Toufchi-ihan les avoit vaincus dans une
bataille. Enfin fa domination s’étendoit, en 12 2 6 ,
dans tout le nord de l’Afie , depuis la Chine
jufqués à laMofcovié, lorfque lamort vint arrêter
lé cours rapide de fes conquêtes. Tous les princes
de la maifou impériale réunis, élurent pour fon
fucceffeiu* Qélaï - khan. Tonfchi étoit mort peu
de temps avant Genghizlchan; & celui-ci avoit
donné à Baftou fon. fils, le titre de lthan de
Kapfchak ; Ofiaï-kiian le confirma dans la pof-
feflion .des états de fion père, le mit à , la tête
d’une formidable, année, & lui .ordonna de tenter
la conquête des pays feptenmonaux de l’Europe.
Dans le cours des années 1140 & 1241, Battou-
khan attaqua les Rufi'es, les Bulgares & les Slaves.
Ses Tartares , au nombre .de cinq cens mille, entrèrent
en Ruffie, prirent Kiovie, défolèrent la
Pologne & la Bohême, & ravagèrent la Hongrie.
Bêla IV , qui y régnoit alors, ayant voulu tenter
- le fort d’une bataille , fut mis en fuite auprès.
à'Agria , .& repouffé jufques. dans les .iles.de la
mer Adriatique. Il fut enfuite remis en poffcflïos
de fes états, par le fecours des chevaliers de
Rhodes, auxquels il donna en reconnoiilànce un
grand nombre de bourgs & de villages, avec
une infinité de beaux privilèges. Les Tartares
pouffèrent leurs courfes jufques-à Winidin, & furies
frontières de l’Autriche, & Battoir - khan retourna,
l’an 1243 , à Sara'i, ville fituee fur le.
Volga, dans laquelle il avoit établi fa réfidence,
& qui a été depuis la capitale de. l’empire de
Kapfchak. Ce prince , dans fon expédition en
Europe, défit suffi Cuthen, roi des Comains, Sc
força ces Barbares d'abandonner leurs demeures.
Ils fe réfugièrent chez Bêla IV , roi de Hongrie,
qui leur donna un afyle. Mais ils rie tardèrent
pas d’en abufer ; ils .firent de très-grands maux
dans le pays, & caufèrent un mécontentement
extrême des peuples contre le roi Bêla , qui, par
fa facilité , avoit donné lieu à ces dèfordres. J’ai
déjà dit que l’an 1227, le pririce des Comains
avoit demandé au pape, d’être influât dans la
chriftianifme, & que le fouvêrain pontife lui
avoit envoyé l’éveque de Strigonie avec la qualité
de légat. Mais les foins que ce prélat fe donna'
pour leur converfion, furent alors prefque entièrement
infructueux, & jetèrent à peine le premier
germe.de la religion chez ces Barbares. L’an 1279,
Ladiflas , roi de Hongrie, promit de leur déclarer
la guerre, ou de leur faire obferver les articles
qui avoient été accordes dans les traités conclus
avec leurs princes Uzuc & Tolon. Ces articles
portoient que les Comains recevraient le baptême,
quitteraient leurs montagnes & leurs mations de
feutre, & viendraient habiter les'villes. Ladiflas
rendit un édit en conféquencc ; mais fes ordres
ne furent point exécutés , ce prince fut même
maffacré quelques années après par ces Barbares
auprès du château de Kerej\eg. Les Comains ne
fe convertirent que dans le uecle fùivaut, feus
Louis d’Anjou, roi de Hongrie , qui leur fit enfin
embra'ffer le chriffiar.ifme. Ils habitoient alors la
Moldavie & la Beffatabie jùfques au Pont-Euxin,
& aux bouches du Danube. Cette région a été
N a a