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vri autel avec des bois de cerf entrelacés. On
eut tant de refpeâ pour cet autel, que, dans
la fuite du temps , on éleva un temple, dans lequel
il fe trouva renfermé. Plutarque avoit vu cet
autel.
« En confidérant, dit - il ( de Solertia Anim. )
le nid de l’Alcyon , il m’eft fouvent venu dans
la penfée de dire & de chanter avec Homère.
Te l eft l?autel de bois de cerf que j’ai vu à Delos
dans le temple d’Apollon, & qu’on met au rang des
fept merveilles ». Il faut obferver que Plutarque,
en dil'ant qu’il lui vint dans l’efprit de chanter avec
Homère , cite réellement un vers de ce poète
( Odyf. L. v i , v. 762) , auquel il fait un léger
changement. Le fens eft : « Telle eft cette plante
» de palmier, que je vis à Delos, près del’autel d A-
n pollon ». sy
Le temple d’Apollon étoit donc près du lac
Trochoîde. On peut en donner encore la preuve
fuivante. Théognis ( Theogn. Jent. v. 5 , &c. )
dit : u lorfque la vénérable Latone , vous enfanta
(Apollon) furies bords du lac Trocheis ,elle faifit
avec fes mains un palmier ». Or , ce palmier étoit,
félon Homère , près de l’autel d’Apollon , &
félon la tradition des Déliens , ce dieu étoit né
dans l’endroit même où l’on avoit bâti ce temple.
C e ft ce qui fait dire à Cicéron ( in Ferrent, L. I ,
g 17) efl, tarda , apud cos ( Delios) ejus fani religio ,
atque antiquitas , ut in eo l&co ipfiim Apollinem
natum ejje arbitrentur.
On ne peut douter après cela que ce lac ne foit
le même qu’indique M. Spon. (T . I , p. 106),
& c’eft certainement bien à tort queM.de Tour-
isefort (T . I , p. 290 6* 291.) reprend M. Spon;
car il indique un marais qu’il avoit trouvé au nord
de l’île ; mais il le falloit trouver auprès des ruines
du temple pour établir l’identité.
TROE SOS, village de l’Afie , dans la Car-
raanie & fur le bord de la mer, félon Arrien.
TROEZEN owT rezen (Damala), ville fituée vers
l’extrémité du fud-eft de la prefqulle de l’Argolide.
Elle étoit aune petite diftance de la mer, oc à la
jonâion fie deux petits fleuves, le Chryfarrhoès &
YHylycus. Cette ville avoit pris fon nom d’un
héros, fils de Pélops, & frère de Pithée. Ce
dernier y régna , & y fit admirer fes vertus & la
douceur de fon gouvernement. C’eft de lui que
Racine a fait dire à Hippolite, dans fa belle tragédie
de Phèdre:
»* Pithée , eftimé fage entre tous les humains, .
„ Daigna m’inftruire encore au fortir de fes mains.
La vénération qu’avoit infpiré ce prince , fubfifi-
toit encore au temps de Paufanias. On y montroit
comme un monument de la fage fie & de la bienfaisance
de ce bon roi, trois fieges de marbre, fur
lefquels, accompagné de deux affeffeurs, il s’af-
foyoit pour rendre lui - même la juftice à fon
peuple ; un peu plus liant on voyoit un lieu où
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| il ne dédaignoit pas de donner des leçons dans
l’art -de parler & de difcuter les affaires. S’il en
faut croire Paufanias, ou fi lui-même n’a pas été
trompé par les gens du pays, il avoit vu un livre
compofé par Pithée.
Entre autres monumens que renfermoitTrézen,'
il ne faut pas omettre le tombeau de Pithée lui-
même, dans un temple élevé à Diane Confervatrice,
par Théfée, à fon retour de Crète, en reconnoiffancç
de ce qu’il avoit échappé à la fureur du Minau-
taure.
Un portique orné de fiatues repréfentant des
femmes & des enfans. Ces fiatues rappeloient un
événement honorable pour les Trézéniens, lorfque
Xerxès étoit venu afîiéger Athènes, & que les
Athéniens, par le confeil de Thémiftocle, s’étoient
retirés fur leurs vaiffeaux , leurs femmes & leurs
enfans avoient été envoyés à Trézene, où ils
avoieiit été bien reçus.
Je dois faire obferver que lés habîtans d’H aly-
carnaffe en Carie, regardoient Trézène comme
leur métropole.
Malgré le témoignage de la fable, qui préten-
doit qu’Hyppolite avoit péri par l'effet de la malé-
diâion de fon père, & traîné par fes chevaux,
les Trézéniens le regardoient comme une divinité,
& prétendoient qu’ayant été changé en eonftella-
tion , c’étoit lui que l’on défignoit fous la figure
du Cocher : ils lui avoient élevé un temple. Peut-
être cette affertion n’étoit-elle que dans la bouche
des prêtres, car les gens du pays montrèrent à
Paufanias un olivier fauvage, fur le bord de la
mer, du côté de Celenderis, autour duquel on
affuroit que les chevaux d’Hippolite s’étoient era-
baraffés.
Cette ville, portoit aufli les noms de Pofedonia
8c de Saronia ; le premier, parce qu’elle étoit
confacrée à Neptune , nommé en grec crocrg/JW ;
le fécond, fans doute, à caufe du voifinage du
marais Saronique, formé par les eaux de la mer.
Paufanias s’eft étendu fur la defcription de cette
ville, qui même eft intéreffante pour nous, à caufe
de l’hiftoire d’Hippolite. Je vais donner un peu
de développement à ce qui a été dit plus haut.'
Dans la place de Troezen, Ptolemée dit Troezeae ,
on voyoit, dit l’auteur grec, un temple & une
ftatue de Diane confervatrice. Les Troezéniens
affuroient que ce temple avoit été confacré par
Théfée, & que l’on avoit donné ce furnom a*Ia
déeffe, lorfque ce héros fe fauva fi heureufement
de Crète, après avoir tué Aftérion, fils de Min os.
Dans ce temple il y avoit des autels ; confacrés
aux dieux infernaux. Ces autels cachoient, à ce
qu’on difoit j deux ouvertures, par l’une defquelles
Bacchus retira Sémélé des enfers ; 8c par l’autre,
Hercule avoit forcé Cerbère de le fuivre, & l’avoic
emmené fur terre.
Derrière le temple étoit le tombeau de Pithée,
fur lequel il y avoit trois fiéges de marbre blanc ,
oul’oG dit qu’il rendoit la juftice avec deux hommes
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8e mérité, É jjï’affiftoient dans cette ângufle fonc-
10près de là on voyoit une chapelle confacrée aux
Mufes; c’étoit un ouvrage d’Ardalus, fils de Vul-
cain, que les Trézéniens difoient avoir inventé la
flute: de fon nom on nommoit quelquefois l e s
mufes Ardalides. Ils affuroient que Pitthée ènfei-
gnoit dans ce lieu l’art de bien parler, & l’on
voyoit un livre compofé par ce premier roi. Au-
delà de cette chapelle il y avoit un autel fort
ancien : une vieille tradition portoit qu’il avoit ete
confacré par Ardalus. On y facrifioit aux mufes
& au fommeil ; car de tous les dieux, difoient les
Troezéniens, c’eft le fommeil qui eft le plus ami
des mufes. Auprès du théâtre on voyoit un temple
de Diane Lycea, bâti par Hippolite.
Paufanias préfumoit que ce furnom de Diane
avoit fon origine de ce qu’Hippolite avoit purgé
le pays des loups, dont il étoit infeâe, ou bien
de ce que ce héros defcendoit, par fa mere, dune
des amazones, lefquelles avoient dans leur pays
un temple de Diane fous ce même nom.
Devant la porte de ce temple il y avoit une
groffe pierre, appelée la pierre J ac ré e, & fur laquelle
on prétendoit qu’Orefte avoit été purifié du meurtre
de fa mère par d’illuftres perfonnages de Tcezène, |
au nombre de neuf. Affez près de la on trouvoit I
plufieurs autels peu éloignes les uns des autres ; ,
l’un confacré à Bacchus fauveur, en confequence
d’un certain oracle ; un autre a Themis , & que
Pithée lui-même avoit confacré : un troifieme avoit
été confacré au Soleil libérateur, par les Troeze-
niens, lorfqu’ils fe virent délivrés de la crainte
qu’ils avoient eue de tomber fous l’efclavage de
Xerxès & des Perfes.
On voyoit auffi un temple d'Apollon Theartus ,
& qûi paffoit pour avoir été rétabli ôc décoré par
Pithée : c’étoit le plus ancien des temples que
connût Paufanias. La ftatue que l’on y voyoit étoit
un préfent d’Aulufcus, & l’ouvrage du ftatuaire
Hermon , né dans le pays. On y voyoit encore
les deux fiatues des Diofcures: elles étoient de
bois , & auffi données par Aulufcus.
Dans la même place il y,avoit un portique orné de
plufieurs ftatues de femmes 8c d’enfans ; ces ftatues
étoient de marbre. Elles rappeloient le fou venir de
ces femmes 8c ces enfans que les Athéniens avoient
confiés 1 la fidélité & au courage des Tuoezéniens,
lorfqn’ils prirent la réfolution d’abandonner Athènes ,
dans l’impoffibilité où ils fe trouvoient de la défendre
contre les fprces de terre & de mer de leurs
ennemis. On n’érigea des ftatues qu’aux plus confide',
râbles d’entre elles. Devant le temple d’Apollon
on remarquoit un vieil édifice, appelé la maifon
d’ Orefie, 8c dans laquelle on croyoit qu’il avoir
demeuré féparé des autres hommes, jufqu’àce qu’il j
fût lavé de la tache qu’il avoit contraâée en trempant
fa main dans le fang de fa mère; car on difoit
que jufqucs-là aucun Troezénien n’a voit ofé le recevoir
chez foi, de forte qu’il avoit été obligé de J
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palier quelque temps dans cette foîitude \ où l’on
prenoit foin de le punir & de le purifier, jufqu’à
ce que fon crime fût entièrement expié. Au temps
de Paufanias, les defeendans de ceux qui avoient
été chargés de cette purification, fe réuniffoient
à certains jours de fête pour manger enfemble dans
cette maifon.
On difoit qu’auprès de cette maifon, dans l e
lieu où l’on avoit enterré les chofes qui avoient
fervi à cette purification, un laurier étoit forti de
terre, & qu’il s’étoit toujours confervé- depuis.
Ceci rappelle le laurier du tombeau de Virgile ,
que les Ciceroni Napolitains montrent perfévéram—
ment aux voyageurs , & qui s’y trouve réellement
toutes les fois qu’on l’y a placé.
Les Troezéniens avoient aufli une fontaine Hyp-
pocrène, au fujet de laquelle ils avoient une tradition
différente de celle des Béotiens ; car quoiqu’ils
rapportaffent comme eux que Pégafe ayant
frappé du pied contre terre , il en fortit une fontaine
, ils difoient de plus, que Bellerophon étoit
| venu à Troezène pour demander à Pithée fa fille
Ethra en mariage ; & qu’avant d’avoir pu l’époufer ,
il fut banni de Corinthe.
On voyoit auffi dans le même lieu une ftatue
de Mercure Polygius, devant laquelle ils affuroient
qu’Hercule avoit confacré fa maffue, faite de bois
d’olivier. Quant à ce qu’ils ajoutoient, dit Pau-
fanias, que cette maffue avoit pris racine & pouffé
des branches, c’eft une merveille que le îééteur
auroit peine à croire. Nous conviendrons, nous,
que l’on offroit affez d’autres objets à la foi des
voyageurs, pour efpérer.qu’ils ne rejetteroient pas
cette petite fable, après en avoir adopté tant
, d’autres. Il me femble que l’on auroit pu dire de
Troezène , ce que Racine dit des temps où vivoient
Athalie 8c Jofas :
Et quel lieu fut jamais plus fertile en miracles ?
On voyoit auffi à Troezène un temple de Jupiter
Soter ou Sauveur, bâti, à ce que l’on difoit, par
Aëtius,. lorfqu’il avoït pris poffeffion du royaume ,
après la mort de fon père Antha.
Les Troezéniens donnoient 'encore pour un©
merveille , leur fleuve Chryforrhoès, qui, pendant
uneféchereffe de neuf années qu’il ne tomba pas
une goutte de pluie, & que tous les autres fleuves
j tarrirent, fut le feul qui conferva fes eaux , &
I coula comme à l’ordinaire.
Ils avoient un fort beau bois confacré à Hjppo*
Eté, avec un temple où l’on voyoit une ftatue
d’un goût très-ancien. Ils croyoient que ce remplie
avoit été bâti par Diomède, qui, le premier ,
avoit rendu des honneurs divins à HippoKte; ils
honoroient donc Hippolite comme un dieu. Le
prêtre chargé de fon culte étoit perpétuel, & la
fête du dieu fe célébroit tous les ans ; entre autres»
cérémonies, les jeunes filles coupoient leur chevelure
& les lui confacroient dans fon temple. A«