
long-temps que les châteaux aéluels des Dardanelles
ont été bâtis fur les ruines de Sefios &
d'Abydos. Les châteaux font en face l’un de
l’autre, au lieu que Sejlos étoit beaucoup plus
près de la Propohtide qu'Abydos : suffi Strabon
( i . x i n ) , compte-t-il 3750 pas depuis le port
d’Abydos jufqu’à celui de Sefios. Ils'étoient fitués
fur le canal qui établit la communication entre
PHélefpont & la Propondde.
J’ai parlé à ^article Hel lespontus , d’une des
étymologies de ce nom , qui le fait defcendre
d’Helle, fille d’Athamas , & foeur de Phryxus,
avec lequel elle afpiroit arriver en Colchide.
Quant au nom de Dardanelles , il eft probablement
pris de la ville de Dardanus , -peu éloignée
autrefois des châteaux a&uels, & même toute la contrée
avoit porté le nom de Dardanie. Une grande
portion du détroit portoit le nom d’Héleipont ;
la partie orientale étoit nommée détroit d’Abyde.
N. B. L’ancien Hélefpont efl à préfent le détroit
de Gallipoli , & canal des Dardanelles ; le
détroit d* Abydos efl auffi appelé le bras de Saint-
Georges , à caufe d’une fàmeufe églife confacrée
à ce faint , dans un village nommé Perijlajîs, à
une petite diflance de Gallipoli. Les Turcs l’appellent
Boghaas , ou détroit de la mer Blanche.
L’entrée du canal efl défendue par deux bons
châteaux que Mahomet IV fit bâtir en 1659 pour
mettre fa flotte en fureté contre les infimes des
Vénitiens qui venoient l’infulter. Les eaux quipaf-
fent par ce détroit, coulent avec beaucoup de rapidité
en venant de la Propontide. Quand le vent
vient du nord, aucun vaiffeau ne fauroit y entrer
; mais quand il efl au fud , le courant ne
s’apperçoit qu’à peine. Tournefort affure quel’em-
houchure de rHélefpont a plus de quatre milles
& demi de Largeur ; le Brun ne lui donne qu’un
mille & un quart. Suivant Spon, dans l’endroit
où font les vieux châteaux, l’Hélefpont efl large
de près de deux milles. Le nom d’Abydos ou
d’Avido, efl inconnu aux habitans du lieu. D’un
autre-côté, le Brun affure que le détroit , à l’endroit
des vieux châteaux , n’a qu’un demi-mille ,
& qu’un d’eux s’appelle encore préfentement Scf-
tos , & l’autre Avido. Il ajoute que cette mer,
dans l’endroit où elle efl le plus large, n’a que
cinq quarts de lieue, & un demi - mille où elle
efl le plus étroite. Strabon lui donne environ un
mille dans l’endroit le plus étroit ; Pline & Hérodote
lui donnent fept ftades, & Polybe, feulement
deux.
Cette largeur, & fur-tout la force du courant
font affez fentir la puérilité de l’hiftoire de Héro
& de Léandre, qui, fe trouvant par une nuit obf-
cure & fur le point de fe noyer, s’écrjoit aux
flots agités , félon Martial,
Parcitc dum propero, mtrgitt dum redeo.
Il efl repréfenté fur les médailles de Caracalla
& d’Alexandre Sévère , nageant en travers de
la mer, & conduit par un amour qùî Vole devant
lui, tenant en main une torche allumée.
Les habitans d'Abydos fé défendirent coura-
geufement contre Philippe de Macédoine; & quand
3 leur fut impoffibte de tenir plus long'- temps ,
ils aimèrent mieux fe donner la mort que de fe
rendre.
Quelques critiques regardent le trait de Xerxês ,
rapporté par Hérodote, qui dit que le roi de
Perfe fit donner 300 coups de fouet à la mer,'
comme entièrement fabuleux. Gilles qui a écrit
fur le Bofphore de Thrace , foupçonne que ces
300 coups de fouet, font 300 ancres qui furent
jetées pour arrêter les vaiueaux formant le pont ;
& que par les fers, il font entendre les chaînes
de métal par le moyen defquèlles on avoit arrêté
les vaiffeaux les uns aux autres. Gilles penfe que
ce trait d’extravagance, de vouloir châtier la mer ,
lui fut attribué par les poètes Grecs, & qu’Hé-
rodote prit la chofe à la lettre.
Arisbe fut le lieu du rendez-vous général lorf-
que l’armée d’Alexandre eut paffé l’Héiefpont.
Dardanus ou Dardanum avoit été bâtie par le
roi Dardanus, près du promontoire de ce nom.
Elle fut la réfidence de ce prince & de fon fils
Erichtonius. Ce fut là que. fe fit la paix entre
Sylla ; traitant au nom des Romains, & Mithri*
date.
Retlmum étoit célèbre par le tombeau d’Ajàx ,
qui, félon Strabon ( L. xm ) , avoit été enterré
dans cette ville.
Sigeum formoit un promontoire fur lequel étoit
une ville de même nom; la mer même qui bai-
gnoit cette côte, en avoit pris le nom de mer de
Sigée ; ( Fïrg. Æneid. L. 1 1 , v. 312). Un tombeau
que l’on difoit être celui d’Achille , étoit fur cé
promontoire en grande vénération. Alexandre-,à
fon paffa.ge en Afie , alla le vifiter. Un auteur
( Salmafii Phniancz Excrcit ) dit qu’il y avoit eu
pendant long - temps en ce lieu une fia tue d’A chille,
ayant quelques ornemens de femme. Selon
Piine ( L. x v i , c. 4 4 ) , affez près delà étoit le
tombeau de Protéfilas entouré d’arbres .auxquels
il attribue une propriété fingulière. Quand ils
avoient affez gagné en hauteur , pour pouvoir
être apperçus de ' f ro y e , ils çommençoient à fout*
frir & mouroient peu après ; enfuite ils répoufi»
foient de nouveau , & croiffoient merveilleufe-
ment bien jufqu’à ce qu’ils euffent atteint leur pra-r
mière hauteur.
Ils féchoient enfuite , par recroître de nouveau.
Il affure que ce phénomène continua d’avoir
lieu depuis la mort & l’inhumation de Pro-
téfilas , qui, le premier des Grecs avoit alors mis
le pied fur cette terre ennemie , & fut auffi le premier
qui y fut tué. On peut mettre, ce me femble ,
cette merveille avec celle du tombeau de Virgile
' près de Naples , fur lequel on voit un laurier
éternel, c’efl-à-dire , à la volonté des hommes
du pays.
Troy e * -appelée auffi Ilion , avoit é té , dit-on l
.bâtie par Tros , roi du pays. Cette ville reçut
d’après lui le nom de Troye ; & d’après fon fils
celui d’Ilion.
Elle étoit fituéè fur une hauteur, au pied du
mont Ida, à environ cinq milles du rivage. Il en
refloit à peine quelques traces au temps de Stra-
bon ; & c’efl une chofe affez commune aux auteurs,
de confondre l’ancienne & la nouvelle ville de ce
nom.
La première , qui exifloit au teirips dont parle
Homère, étoit au fud du détroit appelé Hélef-
j)ont, & avoit fucceffivement porté lés noms de
ftucria, Dardania, Troja , Ilium , & même de Pcr-
gama , en donnant à fé ville le nom de la ci a-
{lelle. Selon les obfervations les plus récèntes ,
elle étoit fous ou très-près du quarantième degré
de latitude. Elle avoit, au nord , le Simoïs , qui
couloit de l’eft à l’ouefl , & au fud - ouefl , le
■ Scaman'dre, appelé auffi le. Xanthe : il venoit du
Jiid-efl. Ces deux rivières fe réuniffoient au nord-
©uefl de la ville : à peu de diflance à l’efl étoit
Je mont Ida.
Il paroît qu’elle eut pour fondateur , Teucer,
©11 Scamander, dont le règne remonte à l’an 1552
avant Jefus-Chrifl, félon la chronologie ordinaire.
Dardanus lui fiiccéda, pris Tros ou Troas, dont
©lie reçut le nom fous lequel elle efl le plus connue.
Ce fut d’Ilus qu’elle prit, dans la fuite , le
nom d’ilium Priant. Le dernier des rois de cetté
.ville y fit bâtir , fur une montagne, une forte-
reffe qu’il nomma Pergame. Du temps de ce prince
Troye étoit la capitale d’un royaume fort'étendu,
irès-floriffant, On peut croire cependant que les
richeffes & la puifiance de ce royaume paroiffent
avoir été un peu exagérées par Homère.
Long-temps après la prife 6c la deflruéliôn de
Troye , il fe forma de les ruines une nouvelle
Ville, non pas fur le même emplacement, mais un
peu plus au nord , au-delà de la jonélion du Simoïs
& du Scamandre , plus près des rives de l’Hélefpont
que n’avoit été la première. Ce n’étoit encore
qu’un bourg- quand Alexandre arriva dans
la Troade après-la bataille du Granique. Ce con-' |
cjuérant facriftâ à Minerve, dans- un temple que |
cette déeffe avoit à Ilium , & ordonna l’agrandif-
fement du bourg , qui reçut par la fuite , de très- " 1
grands accroiffemens fous les Romains, dont la
chimère étoit de fe croire defeendus d’Enée &
des Troyens tranfportés par lui en Italie.
Les édifices conftruits, & ceux qui avoient été
réparés par Lyfimachus, fôus les ordres d’Alexandre
, reçurent de nouveaux -accroiffemens de la
part de Céfar. Augnfle y envoya une colonie,-.,
embellit la ville de plufieurs. autres monumens ,
& lui prodigua les plus beaux privilèges. On crai-
gnoit même qu’il n’y voulût tranfport&r lé fiège
de l’empire Romain ; & fon ajoute que ce fut
pour affermir l’efprit de ce prince dans le déffein
de ne rien innover, qu’Horace compofa fa belle
■ be3e orde : Juflutn 6» tehacem propejîtl vïmm , L. m ,
od. 3 ; & plus fpécialement encore celle Paftor
curn traheret Heleham^ & c . L. 1 , od. 15.
Cette nouvelle ville efl quelquefois nommée par
les auteurs, Troas , & par d’autres, Altxandria ;
fon premier nom même étoit Antigonia, d’après
Antigonus, fon fondateur. Mais Lyfimaque , en
l’agrandiffant, lui donna celui d’Alexandre.
Les Turcs la nomment, ou plutôt en nomment
les ruines Eski-Stamboul , c’efl-à-dire, l’ancienne
Conflantinople.
N. B. Deux voyageurs Anglois ont été«fur les
lieux, il y a peu d’années, Sc l’Iliade en main ils
ont reconnu toute la difpofition du terrein décrit
par Homère : & ce n’efl pas là que fe trouvent
lès ruines. Celles que l’on voit appartiennent k
la nouvelle Troye. Du temps de Bellonius ( L . i i ,
c. 6) , on voyoit encore des murailles & quelques
refies de tours : il mit quatre heures à en .faire
le tour tant à pied qu’à cheval. Il vit autour de
ces murailles une grande quantité de tombeaux
de marbre d’un travail exquis, dont le deffus
étoit encore tout entier. li en refloit encore deux
quand M. Spon vifita cet emplacement. Ce voyageur
affure que ces tombeaux avoient été bâtis
dans le goût des Romains, & avoient beaucoup
de rapport avec ceux d’Arles.
D’où il infère que ce font les refies de cette
. Troye qui fut rebâtie par les Romains.' Bellonius
remarque auffi les ruines de trois grandes tours,
l’une au bas d’une montagne , à une (petite diflance
du rivage; l’autre, à m i-cô te ; & la troifième ,
au bas, avec un grand nombre de citernes, pour
recevoir l’eau de la pluie. Pour ce qui efl du
Xante & du Simoïs , il affure que cè font des
ruiffeaux, dont les eaux fe trouvent même taries
en été, Mais Sandys foutient qu’ils font plus grands
queie dit Bellonius, & préfume qu’il a vu quelques
ruiffeaux & n a pas yu les deux fleuves.
Spon apperçut au midi du port trois colonnes
entre des ronces ; deux étoient entières, chacune
d’une feule pièce, & longues de 30 pieds : la trbi-
fième étoit caffée'en trois endroits, & avoit 35
pieds de longueur , & 4 pieds 9 pouces de dia-,
mètre : elles étoient toutes de marbre grenu. Le
Brun vit les refies d’un fuperbe édifice à la distance
d’environ cinq milles de la côte. Les quatre
portes de cet édifice, encore entières alors, avoient
environ 45 pieds de hauteur , & près de là étoit
une muraille d’une épaiffeur extraordinaire , avec-
quatorze portes de grandeur convenable : les ruines
de ce bâtiment qui doit avoir été fuperbe, occu-
poient une étendue de 130 pieds de long, & dé
100 de large ;& peuvent , fuivant notre auteur ,
le -difputer en magnificence aux plus beaux monumens
de l’antiquité.
Le port de Troye , dont les anciens ont tant
parlé.,, eft à préfent bouché par le fable qui s’y
efl amaffé ; cependant on y voit encore des morceaux
de colonnes, auxquels on attache les vaif-
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