
Tibre ayant autrefois débordé hors de fon lit ,
ruina plnfieurs édifices aux environs de cette porte,
ainfi qu’on le voit dans Tite-Live : Tibtris infefliore
quam frius impitu ittatus urbi, duos pontes, tcdificia
multa maxime circà portam Flumentdnam evertit. ( Liv.
XXXV. )
5°. Il faut cependant convenir qu’à préfent elle
n’eft plus fi près du Tibre qu’au temps de l’empereur
Aurélien ; d’autant que cet empereur voulant
mettre dans l’endos de Rome, le champ de Mars,
qui en avoit toujours été dehors jufques à fon
temps,- fut contraint de ruiner l’ancienne porte
Flumentane qui étoit tout près du champ de Flore,
& de la trànfporter ailleurs ; ce qui fit précifément
qu’elle reçut le nom de porte Flaminienne, parce
qu’elle fe trouve en face de cette voie. C’eft la
porte que l’on nomme afttiellement Porta delpopolo.
- 6°. C’eft donc à cette porte- que la voie Flaminienne
prenoît fon commencement pour tirer
du côté des champs. Comme Feftus Pompeius dit
que la voie Âppienne prend fon commencement
à la porte Capena, qui lui eft diamétralement
1 oppofée, ce n’eft pas cependant qu’elles n’ayent
eu leur origine dans la ville ; car la voie Flaminienne
s’avançoit de ladite porte bien avant vers
'le Forum Romànum, jufqu?à ce qu’elle fe joignît à
une autre grande voie appellée Via Lata, qui étoit
entre la voie Flaminienne & le Forum, & qui
par ce moyen la conduifoit affez droit jufqu’au
mille doré ( i ).
7°. Mais je paffe à la partie qui étoit hors de
la ville. Les auteurs ne s’accordent pas fur le temps
ni fur la perfonne du Flaminius qui fit faire cette
voie ; car les uns l’attribuent à ce Flaminius qui
fut tué à la bataille du lac deTrafimène, fous le
confulat de Lucius Veturius & de Caïus Lutatius,
l’an de Rome 533 : tel eft lefentiment de Feftus,
de Florus & de Caftiodore. Mais fefon Strabon ,
ce fut le fils d e . ce Flaminius. Il f it , félon cet
auteur , paver deux grandes voies en Italie ; l’une
alloit de Rome à Ariminium (Rimini) , ce fut
la voie Flaminia ; l’autre alloit à'Ariminium à
( 1 ) 1 2 Ce fut 5 dit-on, Caius Gracchus qui fit le premier
mefurer les grands chemins & planter des pierres à
chaque mille -, on ne fait pas bien de quel point de
Rome il partit pour déterminer ces diftances. Mais
•nousTavons pofitivement, par le témoignage des hif-
■ toriens, qu’Augufte fit- planter au milieu du Forum ou
place publique de Rome une colonne dorée, appelée
Milliarium Aureum , d’où l’on partit pour mefurer de
nouveau & à jamais tous les grands chemins de l’Italie.
Cette colonne cortimençoit à fe déplacer au temps
de Vefpafien, qui la fit rétablir & confolider. Nerva
la fit réparer auffi *, & fous Adrien, quelques particuliers
y firent auffi faire quelques réparations. Les ravages
: «es barbares dans Rome avoient renverfé & fait dif-
paroître cette colonne , qui a été trouvée depuis dans
des ruihes fur la voie Appienne. Elle eft de figure
'tonde, placée fur un piédeftal d’ordre corinthien , avec
un chapiteau tofean & une boule' au-deflus,
Bononia (Bologne), & à Aquileia ( Aquilée) ;
elle fut nommée via Æmilia.
Cette v o ie , quel qu’en fut l’auteur , s’étendoit
donc de Rome à Rimini, fur le bord de la mer
Adriatique , où elle fut conduite au travers l’Etrurie
& de l’Ombrie. Strabon ( L. v. ) le dit expreffé-
ment, & dit que ce fut l’ouvrage de M. Lépidus
& de Caïus Flaminius, après leurs viéioires fur
les Liguriens.
8°. De plus , lorfque Céfar Augufte entreprit
de la réparer, Suétone dit exprenément qu’elle
alloit jufqu’à Rimini : Defumpta Jibl Flaminia
via Arimino tenus munienda. Ce qui eft encore
confirmé par l’itinéraire d’Antonin , qui nous
décrit, entre autres chemins, celui qui s’étendoit
de Rome à Ariminum, & qui ne peut être
que la voie Flaminienne , quoiqu’il ne la défigne
que par ce nom. Il fe contente feulement de aire
route de Rome ( ab urbe ) , fans même ajouter
le nom de la place à laquelle elle fe trouve.
Voici les lieux qui, félon lu i, fe trouvoienf
fur cette route.
A b U r b e .
Rofiratam villam. n p . x x i v .
Ocrieolos civitatem. . . . . . . m p . x x v .
Narniam civ. . . .. .............m p . x i i .
Interamniam c i v . ............ m p . vm i
Spoletium civ.................... mp. x v t it .
Forum Flaminii vicum. . . . . m p . x i x .
Helvillum vicum............. m p . x x v u »
Callem vie................. m p . x xm .
Forum Sepronii.. . . . . . . . . m p . x v i i i .
Fanum Fortunce.......................... m p . x v i .
Pifaurum........................... m p , v in .
Ariminum.' . ...................................MP. x x iv .
Voici la même voie décrite par la carte de Peutinger^
V i a F l a m i n i a .
Ad Rubras. ^ . VI,
Ad Vicefimum. ........................x i .
Aqua viva..................................... vu»
Inter amnio.. . . . . ....................... ... . v î t .
Adrine Recine.......... ... ■. ........................ x i .
Fano fugitiVi............................... i l. -
Spoleto. . ......................................... .. • v.
Menavio. ' . ............................................xili
Fàro Fbamini. ........................... x v i .
Nucerio Camellaria. . . . . . . . . . . x i i ,
Halvillo. . . . . . . . . . . . . . . . . x v .
Ad Enftm. X»
rAd Cafem, \ ■» • • • • • • • • • • • • • VI1'
Ad Intercifa............................................ x i v .
Foro Setnpronii. . . . . . . . . . . . • x i i .
Fano Fortune. . . . . . . •• . . . . . x v i.
Pifauro. . . . ....................................... v u .
1Arimino. . . ......................................... x xm .
<f. Si l’on veut favoir la diftance précife de
Rome à Rimini par l’itinéraire d’Antonin, fur la
voie Flaminienne , il ne faut qu’ajufter tous ces
nombres, pour n’en former qu’un, & l’on trouvera
que cette route avoit 222 milles romains (1). Par
la carte de Peutinger, il n’y avoit que 194 milles.
Il y avoit donc quelque différence dans la direction
des deux routes.
io°. Panuinus dit qu’en plufieurs endroits du
duché de Spolette , mais principalement entre
Rome & Ocriculi, on en voit encore beaucoup
de veftiges , & que le long de cette voie il pa-
roiflbit, de fon temps, plufieurs tombeaux, que
leur vétufté empêchoit de diftinguer à leur inf-
cription. Entre autres il y avoit eu les tombeaux
de deux efclaves affranchis par leurs maîtres , &
qui leur avoient fait dreffer des tombeaux en
marbre. L’un étoit celui de Paris, joueur de flûte,
affranchi de Néron. C’eft de ce tombeau que parle
Martial, quand il dit-, ( L. 1 1 , epif. 14) :
Quifquis Flaminiam teris, viator,
Noli nobile preeterire marmor.
L’autre étoit celui de Glaucias , affranchi d’A -
tedius Melior, citoyen romain, qui mourut jeune ,
& auquel Papinius Stalius éleva un monument plus
durable que' celui de marbre que lui avoit fait
élever fon ancien maître. C ’eft le premier poème
du fécond livre- de Stace, par lequel il effaie de
confoler Atedius fur la perte qui l’afflige.
Quid mirum ? plebs cunSla, nef as ,6* preevia Aomina,
Flamino quoi limite milvius agger flerunt tranfvehit.
Martial dit auffi de ce tombeau, ( L. v i , ep, 28) :
Sub hoc marmore Glaucias humatus
Juntio Flaminia jacet fepulchro.
i l 0. C’étoit auffi fur la même voie qu’étoit
placée la inaifon de campagne d’Augufte , appelée
la maifon des poules ( villa ad Gallinas ). On la
nommoit auffi villa Cccfarum (2). Vefpafien, dans
(1) Je pourrois ben difeuter ic i , & j’aurois pu , dans
mille autres endroits, difeuter l’évaluation des milles en
lieues de France', mais ce rapprochement appartient
aux antiquités, & fe trouvera fûrement dans le dictionnaire
qui en traite.
(2) Cette maifon étoit à neuf milles de Rome. Je ne
fais pas quel fait véritable & raifonnable avoit pu
donner lieu à la petite fable que l’on a racontée ; quoi
la fuite ' .perça une roche auprès de Furlo , pour
continuer cette voie dans une ligne dr'oite de mille
pieds.
Quant à la différence des diftances données par
l’itinéraire & la table de Peutinger, elle a été
depuis bien du temps le fujet de plufieurs differ-
tations, mais qui entraîneroient trop de détails ici.
Chap. x x i i . L’hiftoire nous fait connoître neuf
chemins militaires, qui partoient de la voie Flaminienne.
De toutes ces voies, celle qui porte le
nom de vint Æmilia eft la plus ancienne, la plus
connue, & la plus grande de toutes ; car par
la longueur elle furpaffoit de beaucoup la voie
Flaminienne, & elle étoit auffi ancienne.
2°. Pour l’antiquité, on voit, par le témoignage
de Strabon, qu’elle fut faite en même temps que
la voie Flaminienne. Quant à la dignité, Andrea
Palladio la met au rang des trois plus renommées
& des plus excellentes de toutes , favoir , la voie
Appienne, la voie Flaminienne, & la voie Emi-
lienne. Quant à fe longueur, elle s’étendoit depuis
Ariminum jnfqu’à Bononia , .& de-là à Aquileia.
On va voir quels lieux s’y trouYoient.
' V 1 a Æ m i l i a .
Selon ritinéraire c Antonin..
Ab Arimino C'cefenam civ. . . - M P . X X .
Favéntiam. . . .................... x x iv .
Forum Cornelii c iv ... . . . . M P . X .
Bonôniam'civ. . . . . . . . X X IV ,
Mutinam civ. . . . . . . . . M P . X X V .
Regium civ. . . * . . . . . x v iir .
P armant civ. . . . . . . . . X I X .
Fidantiolam vicum. . . . . . X X .
Platentium cW. . . . . . . . X X IV .
qu'il en foit, voici ce que Suétone, en rapporte. « Il y
avoit peu de temps qu’Augufte avoit époufé Livie,
lorfque cette princeffe, fe trouvant à la maifon de
campagne dé fon époux , un aigle, qui emportoit une
poule encore vivante, la laiffa tomber fur fes genoux.
La p.oule étoit blanche, & tenoit dans fon bec un
rameau de laurier ’avec fes petits grains. Les Arufpices,
confultés fur cet événement, répondirent qu’il falloir
nourrir la poule , & planter en terre le rameau de
laurier. La poule donna dés oeufs, le rameau produifit
des branches. Mais comme on refpeâa -les oeufs de la
poule & les poulets qui en étoient éclos, il en vint
une fi grande quantité-, que la maifon en prit le nom
de Villa ai Gallinas. Le laurier auffi produifit fi abondamment
, qu’il put fournir une branche pour couronner
tous les généraux qui triomphèrent alors. L’hxf-
torien ajoute que l’on obferva que peu de ..temps avant
la mort de Néron , le dernier de la famille des Céfar,
le laurier fe flétrit, & tous les poulets moururent. On
voit bien que par le fond de cette fable,. on.a voulu
fe jouer de la crédulité du peuple romain. Mais quel
étoit' le but d’Augufte ? quel étoit celui de ceux qui ont
terminé i’hiftoire des prodiges : c’eft ce .que je ne fais
pas,