
elle & ies autres femmes grecques étoient devinées
, qu’elle perfuada à les compagnes de fe délivrer
de cet état douloureux, par le facrifice de
leur vie. Les Grecs, à leur retour, ayant pris terre,
vers le promontoire de Pallène, & ayant laide .
les femmes fur la flotte , elles y mirent le feu,
& périrent elles - mêmes dans cet embrafement. ,
Les Grecs furent alors très - embarraffés, n’ayant
pas d’antres vaifleaux pour continuer leur voyage.
Le feul fils de Laomédon qui vécût alors, &
qui, comme je l’ai dit, avoit été emmené avec fa
‘foeur Hefione, fe nommoit alors Podarcès. Il fut
racheté à prix d’argent & placé fur le trône. Ce
fut dè ce qu’il avoit été racheté, que les Grecs
lui donnèrent le nom de Priant (i) . Son premier
foin , après être monté fur le trône, fut d’entourer
de bonnes murailles la ville de T ro y e , affligée
de tant de calamités fous le règne de fon père.
Dans le même temps on découvrit une mine d’or
près d’Abydos , dont le produit fut* confacré à
là conftruâion de plufieurs monumens publics,
tels que châteaux , tours , aqueducs. Il entretint
fur pied une armée confidèrable, fubjugua plufieurs
petits états des alentours ; enfin, fa puiffançe devint
telle , qu’il fut regardé en quelque forte comme
le fouverain de l’Afie mineure.
Les hifloriens donnent à ce prince fucceflive-
ment deux femmes, dont la première, moins connue
& nommée Arisfcé, ne lui donna qu’un fils
appelé Æface ; la feconde fut la célèbre Héçube.
Sa famille fut nombreufe , & le nom de chacun
de fes enfans efl paffé jufqtfà nous avec un titre
plus ou moins marqué au fouvenir de la pofté-
tité.L
es fiîs-de Priam & d’Hécube, furent H e â o r ,
Pàns , qui porta aufli le nom d’Alexandre, Déi-
phobe, Helenus, Politès , Antdphus, Hipponoüs ,
Polydore & Troîle.
Les quatre filles furent Créufe, Laodicé , Po-
lyxène & Caffandre.
Mais comme Priam avoit encore, felon l’ufage
des fouverains de fon temps , un grand nombre
de concubines , on lui compte jufqu’à -cinquante
enfans.
Je n’entrerai pas dans le détail des événemens
qui' ont rapport au fiège & à la prife de Troye.
Cet événement à jamais célèbre par le grand nombre
de vaillans guerriers qui y eurent part , par
les fanglantes batailles qui y eurent lieu , par fa
longueur , par la prife enfin d’une ville puif-
fante, & par les colonies qui en furent les fuites,
appartient prefque autant à la poéfie qu’à l’hif-
toire. On doit d’ailleurs en chercher la defcrip-
îion ailleurs qu’ici. Je ne traiterai donc que quelques
faits principaux. Et d’abord il faut abandonner
la fable de Paris, jugeant de la beauté fur le mont
(i) Du verbe emo , rtdimo ; mais peut-être
avoit-il chez les Myfiens un autre nom,
•% >- entre trois déeffes qui y prétendolent égale-
ment.
On convient généralement que les Grecs ne
.s armèrent contre Troye que pour venger l’injure
faite à leur nation , par l’enlèvement d’Hélène
, femme de Ménèlas. Mais comment Priam,
plutôt que de s’expofer à toutes les horreurs d’un
fiège, 6c fur-tout d’une guerre injufte, ne força-
t-il pas fon fils a rendre une femme dont il étoit le
ravilfeur ? Connue il efl plus que probable que
cette femme y avoit confenti, les deux coupables
méritoient d’être punis & chafîês enfemblç. Mais
probablement les moeurs barbares 8c féroces de ces
temps reculés , admettoient ces fortes de traite-
mens de nations à nations ; & c’étoit une fuite de
vengeances réciproques , auxquelles , par cela
même , on attachoit de l’héroïfme. Ce qu’il y
eut de particulier dans cet enlèvement d’Helène,
c’eft qu’étant encore fille , chez fon père T yn -
dare, elle avoit été enlevée par Théfée , qui l’a-
voit enfuite rendue. Une foule de prétendans ne
s’en préfentoient pas moins pour obtenir fa main.
Tyndare leur fit promettre à tous , ne pouvant
la donner qu’à un feul , qu’ils refpeéferoient le
choix de la jeune princefle , & fe réuniroient
contre quiconque entreprendroit de l’enlever. C’en
etoitaffez, comme on le voit, pour les réunir contre
un raviffeur qui n’avoit aucun parti parmi eux ,
puifqu’il étoit étranger. De plus, Agamemnon-,
Frère de Ménélas, donnoit alors le ton à toute la
Grèce. Il dut donc alors fuffire qu’il voulût la
guerre, pour qu’elle fut entreprîfe;
Le nombre des vaifleaux employés à cette expédition
montoit à environ onze ou douze cens ’;
car les auteurs varient. Il efl vrai que ces feâti-
mens n’approchoient pas de la force des nôtres;
On en a la preuve par le peu d’hommes que
chaque bâtiment portoir. Les vaifleaux Béotiens ,
qui étoient les plus grands , n’avoient à bord que
120 hommes , & ceux de Philoâète, qui étoient
les plus petits, n’en portoient que cinquante. Tout
homme, à l’exception des chefs , étoit en même
temps matelot & foldat , de forte qu’en füppo-
fant la flotte de 1200 voiles, comme Thucydide
l’affure , & que prenant pour terme moyen le
nombre de 85 , l’armée grecque doit avoir été
forte de 102,000 hommes. Par la connoiflknce
que l’on a de l’état de la Grèce à cette époque ,
on voit qu’il eût été poffible d’y lever une armée
bien plus confidèrable.
Cette armée devoit paroître plus que fuffifante
pour réduire un petit état & prendre une ville ;
on pouvoit même craindre de ne pas trouver de
vivres pour un plus grand nombre. Cependant
ce fut un malheur de n’avoir qu’environ 100,000
hommes, parce qu’une grande partie des états de
l’Afie mineure , ayant entrepris de fecourir Priam ;
les Thraces eux-mêmes, fous la conduite de Rhéfus,
y étant venus avec un puiffant fecours ; Memnorç
y ayant amené des Aftyriens & des Éthiopien#
àu nombre de 20,000 , la défenfe fut néceffaire-
tnent vigoureufe 8c fur-tout bien longue.
* Avant de commencer tout a été d'’hoftiliré , les
Grecs envoyèrent redemander Hélène 8c les tréfors
qu’elle avoit emportés avec elle. Si le fait rapporté
par Hérodote efl: vrai, fait qu’il tenoit des
prêtres Egyptiens, qui lui apprirent qu’Hélène 8c
-paris avoient été jetés fur les côtes de leur
pays, 8c que Protée, alors roi d’Egypte, retint
Hélène 8c les tréfors pour les rendre à Ménélas,
en renvoyant feulement Paris ; on voit comment
les ambaflâdeurs des Grecs ont dû revenir fans la
princefle 8c les tréfors. Ce fait donne une apparence
de réalité au mécontentement des ambaffa-
deurs, qui revinrent, dit-on, fans avoir rien obtenu ,
& à la déclaration de guerre, fui vie de l’effet. Mais
d’un autre côté, eft-il poffible que les Egyptiens
aient ignoré les réfolutions des Grecs 6c leurs
préparatifs ; ou qu’en les fachant, ils n’aient pas
rendu la princefle, comme un premier moyen d’em-
pêcher la guerre ? Il faut bien , au refte,.que cette
princefle ait été envoyée à Troy e, puifqu’elle y
étoit pendant le fiège.
Dès la première attaque on perdit un des chefs
nommé Protéfilas | qui fut tué par Heâor. On
parvint cependant à camper ; mais bientôt on
manqua,de vivres. Ce qui prouve entre autre fait,
que la marine étoit encore à fon. enfance, c’eft
qu’au lieu d’établir des courfes régulières de bâ-
timens qui feroient venus s’approvifionner dans la
Grèce , une petite portion de l’armée paffa dans la
Cherfonèfe de Thrace, 8c y cultiva la terre, pour y
obtenir des récoltes. D’autres allèrent piller fur
les côtes les plus proches. Il efl vrai, que fur celles
de Thrace 8c tout le long de celles de l’Afie mineure,
ils trouvoient des ennemis , que ce pillage
étoit une véritable guerre. Aufli dit-©n que la
guerre eut lieu pendant neuf ans dans ces pays,
& que le blocus de Troye fut feulement d’un an.
Enfin on s’occupa avec beaucoup plus d’aéiivité
que jamais de la prife de cette viile. Tous les chefs fe
réunirent fous fes murs. On y combattit à outrance.
Patrocle fut tué par Heéfor, lequel, peu après*, fut
tué par Achille. Ce héros, percé au talon par une
flèche qu’avoit lancée Pâris , périt 8c priva l’armée
grecque de fon plus ferme appui. Cependant la
ville fut prife pendant la nuit. Quelques auteurs
difent qu’Enée 8c Antenor, qui commandoient les
Dardaniens, voyant que Priam ne vouloit fe prêter
à aucun accommodement, firent leur paix en particulier,
8c livrèrent la ville; ce qiîi préfente un
moyen plus vraifemblable que la fable du cheval
de bois, imaginé depuis par les auteurs grecs.
Il fe commit dans le fac de cette ville toutes
fortes de cruautés ; 8c fans diftinéïion de fexe ou
d’âges, on y maffacra tous les habitans, à l’exception
de ceux qui, échappés à ce premier mouvement
de fureur, furent emmenés en captivité.
, Ce qui peut être de plus intéreffant pour la
géographie dans ce douloureux événement, c’eft
la difperfion 8c les colonies qui en furent la fuite ;
car peu de ces héros eurent le bonheur Je retourner
clans leurs foyers.
Mnefthée , roi d’Athènes, mourut à Mélos.’
Teucer, fils de ce Télamon qui avoit emmené
la princefle Héfione , fixa fa demeure en Cypre,
où il bâtit une ville qu’il nomma Salamine,-
d’après la capitale des états de fon père.
Agapénor, qui commandoit les Arcadiens, bâtit
aufli dans 111e de Cypre , une ville qu’il appela
Paphos.
Pyrrhus, fils d’Achille, s’établit en Epire, &
y bâtit Ephyrâ.
A ja x , fils d’O ïlée, périt en chemin.
Quelques-uns des Locriens furent portés fur les
côtes d’Afrique, 8c d’autres fur celles de l’Italie.
Ceux-ci s’établirent au fud, fur la côte de Brutium,
près le promontoire Zephiâum, d’où ils reçurent
le nom de Locriens Epizéphyriens;
Plufieurs même, au rapport de Thucydide , de
ceux qui avoient gagné leur pays, le trouvèrent
occupé, par des ufurpateurs allez puiffans pour
s’y maintenir. Ils furent forcés d’aller chercher des
établiffemens ailleurs.
On fait le fort d’Agamemnon, brouillé avec fon
frère Ménélas ; fur le point de mettre à la voile,
ils féparèrent leur flotte. Une partie fe porta avec
Ménélas , à 111e de Ténédos ; pendant que l’autre,
commandée par Agamemnon , refta fur les côtes
de la Troade.
Ceux- qui avoient accompagné Ménélas n’étant
pas d’accord entre eux, fe féparèrent, 8c chacun
retourna dans fa patrie.
Agamemnon arriva a Mycènes, où fa femme
Clytemneftre avoit une liaifon criminelle aVec Egif-
thê. Dans la crainte que ce crime ne fût fu de
fon mari, elle Paffaffina. Cette mort entraîna d’autres'
crimes. Orefte , pour venger la mort de fon
père, tua fa mère Clytemneftre, l’adultère Eeif-
the 8c leur fille Hélène.
Quant à Ulyffe, dont les aventures font décrites
par Homère dans POdyffée , en n’admettant
pas tout ce qui fe lit dans ce poème, il en
réfui te au moins qu’il fut bien du temps à rentrer
dans fon île.
Les Troyens n’éprouvèrent pas de moindres
malheurs. Défaits , difperfés , le peu qui échappa
n’eut de reffcurce qu’à s’éloigner pour chercher
fortune ailleurs.
Anténor paffa en Italie ; le peuple qu’il y amena,
porta le nom de Hcneti ou Vtnttii, les Ve-
nètes.
f Hélénus, l’un des fils de Priam, paffa en Macédoine,
y fixa fon féjour 8c y bâtit une ville dn
nom d’Ilion. Quelques auteurs l’ont accufé d’avoir
paffe , pendant le fiege, dans le camp des Grecs
8c de les avoir éclairés fur les moyens de prendre
la ville.
Enée, comme on le fait , vint en Italie; du
moins c’étoit la prétention des Romains. Il y fonda,