
enclaves foufflent dans ces os avec la bouche, tandis
que d’autres tirent le lait. Ils fe fervent de ce
moyen, par ce que, difent-ils, le fouffle fait enfler
les veines des jximens, & baiffer leurs mamelles.
Lorfqu’ils ont tiré le lait, ils le verfent dans des
vafes de bois, autour defquels ils placent leurs efclaves
pour le remuer & l’agiter. Us enlèvent la
partie du lait qui fumage, la regardant comme la
meilleure & la plus délicieufe, & celle de deffous,.
comme la moins eftimée.
De ces efclaves & des femmes Scythes, il étoit
né beaucoup de jeunes gens, qui, ayant appris quelle
étoit leur naiffance, marchèrent au - devant des
Scythes, à leur retour de la Médie. Us commencèrent
d’abord par couper le plat pays , en creufant un
large folié , depuis les monts Tauriques jufqu’au
Palus-Méotide, qui eft d’une vafte étendue. Ils
allèrent enfuite camper devant les Scythes, qui tâ-
choient de pénétrer dans le pays, & les combattirent.
U y eut entre eux des -aétions fréquentes,
fans que les Scythes puffent remporter le moindre
avantage. Ce fut alors que l’un d’eux confeilla de
prendre , au lieu d’armes, des fouets avec lefquels
on conduifoit ordinairement les efclaves.
Ce confeil fut fuivi. Les efclaves étonnés prirent
aüffi-tôt la fuite, fans fonger à combattre. C’eft ainfi,
dit Fhiftofien, que les Scy thes parvinrent à rentrer
dans leur pays. Il faut convenir que ceci a bien
l’air d’un conte ; ou ces efclaves commençoient à
fê repentir d’avoir entrepris de^ combattre , les uns
leurs maîtres, les autres leurs pères & leurs oncles.
Darius ( §. 93 ) , fit de grands préparatifs contre
les Scythes; Il dépêcha , dé toutes parts, des cou-
riers, pour ordonner, aux uns, de lever une armée
de terre, aux autres, d’éqüiperune flotte, afin de
conftruïre un pont de bateaux ( i) fur le Bofphore
de Thrace. Cependant Artabane, fon frère , n’étoit
pas d’avis que fon fît cette guerre; mais fes remontrances
furent inutiles, jjj
Darius ( §; 8y ) , fe rendit de Sufes à Çhalcé-
doine, fur le Bofphore, où l’on avoit fait le pont.
Il s’y embarqua, & fit voile vers les îles Cyanées, qui
étoient autrefois Eriantes, s’il faut en croire les
Grecs, ( j’en ai parlé à leur article ). Il s’affit dans
le temple (2), oc çle-là fe mit à confidérer le Pont-
Euxiii: c’eft de toutes les mers celle qui mérite
-Je plus notre admiration.
Lorfqtte Darius eut confidéré le Pont-Euxin, il
fevint, par mer, ati pont de bateaux, dont Man-
droclès de Samos étoit l’entrepreneur. Il examina
aufîi ie Bofphore; & fur le bord de ce détroit, on
érigea, par fôii ordre, depx colonnes de pierre
(1) Le grèc dit Amplement un pont *, mais ôn fent
bien qu’il fie ponVoit être que de bateaux, fl étôit
p moitié chemin deByfaïice au temple de Jupiter (§
(2) Ce temple lYet'oit pas dahs les îles Cyanées , friais
fur le rivage de l’Afie. Jupiter y étôit invoqué fotis le
nom d'U r ïu s y parce que l'on cfoyoit ce dieu favorable
4 M navigation: ovpoç fignifie un v.ent favorable.
blanche. Il fit graver, fur l’une, en cara&ères
Affyriens, & , fur l’autre, en carapières Grecs,
les noms de toutes les nations qu’il avoit à fa fuite.
O r , il menoit à cette guerre tous les peuples qui
lui étoient fournis. On comptoit, dans cette armée ^
fept cens mille hommes avec la cavalerie, fans y
comprendre la flotte qui étoit de fix cens voiles.
Darius, ayant récompenfé Mandroclès, pafla eu
Europe ; il avoit ordonné aux Ioniens de faire voile
jufqu'à l'Ifter, de jeter un pont fur ce fleuve, quand
ils y feraient arrivés, & de l’attendre en cet endroit.
Les Ioniens, les Etoliens, & les habitans
de l’Hélefpont, compofoient l’armée navale. La
flotte pafla donc les Cyanées, fit voile droit à l’Ifter,
& , après avoir remonté le fleuve pendant deux
jours, depuis la mer jufqu’à l’endroit où il lé partage
en plufieurs bras, qui foraient autant d’embouchures
, toute l’armée navale y conftruifit un
pont.
Darius , ayant traverfé le Bofphore fur le pont
de bateaux, prit fon chemin par la Thrace ; & ,
quand il fut arrivé aux fources du 'Téare ( 1 ) , il
y campa trois jours.
Les peuples qui habitent fur fes bords, prétendent
que fes eaux font excellentes contre plufieurs fortes
de maux, & particuliérement qu’elles guériffent les
hommes & les chevaux de la gale. Ses fources
fortenc d’un même rocher, au nombre de trente-
huit; les unes font chaudes, les autres froides: elles
font à égale diftance de la ville d'Henoeum, qui eft
près de Périnthe & d’Apollonie, ville limée fur
le Pont-Euxin. Il y a deux journées de marche de
l’une à l’autre de ces fontaines. Le Téare fe jette
dans le Contadefdus ; celui-ci dans l’Agrianès, qui fe
jette dans l’Hèbre , fe rendant à la mer près
d'Ænos.
Darius étant arrivé aux fources du Téare, y
établit fon camp ; il fut fi charmé de ce fleuve, qu’il
fit ériger, dans le même endroit, une colonne, avec
l’infeription fuivante :
u Les fources du Teare donnent les meilleures
» & les plus belles eaux du monde. Darius, fils
» d’Hiftafpe, le meilleur & le plus beau de tous
» les hommes, roi des Perfes & de toute la terre
» ferme ( il vouloir dire apparemment ce qu’il
» connoiffoit de l’Afie ), marchant contre les Scythes,
>y eft arrivé fur fes bords >?.
Darius partit de-là pour fe rendre fur une autre
rivière, que l’on nomme Artifcus , & qui coule
dans Je pays des Odryfes. Quand il fut arrivé fur
fes bords, il défigna à fes troupes un certain endroit;
où il ordonna que chaque foldat mît une pierre en
gaffant. L?ordre fut exécuté par toute l’armée ; &
Darius ayant laiffé, en ce lieu, de grands tas de
pierres, continua fa marche avec fes troupes.
Avant d’arriveipà l’Ifter, les Gètes, qui fe difent
immortels, furent les premiers peuples qu’il fub- 1
(1) M. d’Anvillé a écrit fur la carte Toearus ; greç
éft , ce qui doit fe rendre par Tearus,
juga. Les Thraces de Salmydeffus, & ceux qui
demeurent, dit Hérodote, au-deffus d’Apollonie
& de la ville de Mefambria, que Pon appel leScyr-
miades & Nipféens, s’étoient rendus à lui. fans
combattre & fans faire la moindre réfiftance. Les
Gètes, par un fol entêtement, fe mirent en dé-
fenfe ; mais ils furent, fur le champ, réduits en
efclavage ; ils fuivirent l’armée.
Darius { §. 7p. ) , étant arrivé fur les bords de
l’Ifter, avec fon armée de terre, la fit paffer de
l’autre côté du fleuve. Alors il commanda aux
Ioniens de rompre le pont, & de l’accompagner,
par terre, avec toutes les troupes de la flotte.
. Cependant, d’après les repréfentations fages de
Coès, fils_ d’Erxancfre , & chef des Mytiléniens ,
Je pont ne fut pas rompu ; au contraire, Darius
recommanda aux Ioniens de le garder jufqu’à ce
qu’ils euffent dénoué foixante noeuds d’une corde,
en n’en défaifant qu’un chaque jour.
La Thrace a devant elle la partie de la Scythie
qui aboutit à la mer, à l’endroit où finit le golfe
de Thrace. Là commence la Scythie ; l’Ifter en
traverfe une partie, & fe jette dans la mer du côté
du fud-eft.
Ici Hérodote dit qu’il va indiquer ce que l'on trouve
au-delà de lifte r , & dans l’étendue de la partie
de la Scythie qui eft au-delà de ce fleuve, & du
côté de la mer. Il fe fuppofe au nord, vers les
pays non habités.
L’ancienne Scythie eft fituée au midi jufqu’à la
ville de Carcinitis. Le pays d’au-delà de cette ville,
en allant vers la mer, eft montagneux ; il eft habité
par la nation Taurique, qui s’étend jufqu’à la
ville de Cherfonrièfe-Trâhée, & cette ville eft fur
les bords de la mer, à l’eft. Il y a en effet deux
parties de la Scythie, qui font bornées comme
l’Attique, l’une par la mer qui eft au fud, l’autre
par la mer qui eft à l’eft (1).
Les Taures font, par rapport à cette partie de
la Scythie, dans la même pofirion que ferait, par
rapport aux Athéniens, un autre peuple qui habiterait
le promontoire Sunium, qui s’étend depuis
le bourg de Thorique, jufqu’à celui d’Anaphlyfte, &
s’avance beaucoup dans la mer.
Au-delà de la Tauride, on trouve des Scythes
qui habitent le pays au-deflus des Taures, & celui
qui s’étend vers la mer, qui eft à l’eft, ainfi que
les côtes occidentales du Bofphofè Cimmérien , &
du Palus-Méotis, jufqu’au Tanaïs, fleuve qui fe
décharge dans ce Palus. A prendre donc depuis
: l’Ifter, & à remonter par le milieu des terres, la
Scythie eft bornée, premièrement, par le pays des
• Agathyrfes, enfuite par celui des Neures ; troifié-
(x) Je préfume que faute de bonnes cartes, Hérodote
n’avoit pas une idée auffi précifè que nous de la
configuration de ces côtes ; car il- eft probable qu’il
parle du Pont-Euxin, fans y joindre le Pal iis-Me otis,
a ce que croit M .Larcher. Je ferois prefque d’un avis
différent, à caufe de ce que dit le même hiftorien de
la Tauride, par rapport à la Scythie, { Voye{ ti-dejfus).
me'ment, par celui des Androphages, & enfin par
celui des Mélanchlènes.
La Scythie étant tétragone, & deux de les cotas
s’étendant le long de la mer, l’efpace qu’elle oc-
ctipe- vers le milieu des terres, eft parfaitement
égal à celui qu’elle a le long des côtes. En effet ,
depuis l’Ifter jufqu’au Boryfthènes, il y a dix journées
de chemin ; du Boryfthènes au Palus-Meotis,
il y en a dix autres ; & depuis la mer, en remontant
par le milieu des terres, jufqu’aii pays des
Mélanchlènes,.qui habitentati-dèfius des Scythes,
il y a vingt jours de marche. O r , je compte, dit
Hérodote , deux cens ftades pour chaque journée
de chemin. Ainfi la Scythis aura quatre mille ftades
de traverfée le long des .côtes quatre mille autres
ftades , à prendre droit par le milieu des terres.
Les Scythes, ayant fait réflexion qu’ils ne pou-
voient pas, avec leurs feules forces, détruire, en
bataille rangée, une armée .auffi nombreufe que
celle de Darius, envoyèrent des ambaffadeurs à
leurs-veifins. Les rois de ces nations s’étant aftein-
blés, délibérèrent fur cette armée qui venoit envahir
la Scythie. Ces rois étoient ceux des Taures,
des Agathyrfes , des Neures , des Androphages ,
des Mélanclènes, des Gélons, des Budins & des
Sauromates.
Ceux d’entre ces peuples .que l’on apelle Taures
( Tauri) , ont des coutumes particulières. Ils. immolent
à Iphigénie de la maniéré que je vais dira,
les étrangers qui échouent fur leurs côtes, & tous
les Grecs qui y abordent & qui tombent entre
leurs mains. Après les cérémonies accoutumées ,
ils les affomment d’un coup de maffue fur la tête.
Quelques-uns difent qu’ils leur. coupent enfuite la
tête, & l’attachent à une croix, . & qu’ils précipitent
le corps du haut du rocher où le temple
eft bâti. Quelques autres conviennent du traitement
fait à la tête ; mais ils affurent qu’on enlève le
corps, au lieu: de le précipiter du haut du rocher.
Les Taures eux-mêmes difent que la déeffe.à laquelle
ils font ce •facrifice eft Iphigénie, fille. d’A ga-
memnon. Quant à leurs ennemis,, fi. un Taure fait
dans les combats un ennemi . prifonnier, il lui
coupe le tête, & l’emporte chez lui ; il la met
enfuite au bout d’une perche, qu’il place fur fa
maifon, & fur-tout au-deffus de la cheminée. Ils
élèvent de la forte la tête d e . leurs prisonniers,
afin, difent-ils, qu’elle garde & protège toute .J.a
nation. Ils fubfiftent du butin qu’ils font à .la
guerre.
Les Agathyrfes portent,.la plupart du temps,
des ornemens d’or, & font, - de tous les hommes ,
ceux qui vivent le plus dans-la molleffe. Les femmes
font communes entre eux, afin qu’étant tous unis
par les liens du fang , & que ne faifant tous,
pour.ainfi dire, iqu’une-même famille, ils ne
foient fujets ni à la haine, ni à la jaloufie. Quant
au rêfte de leurs coutumes, elles ont beaucoup
de. conformité, avec. celles .des,Thraces.
Les. Neures rabfervent les :mêmes uftges que les