
qu’à Ton premier voyage il Te Toit égaré avec Tes
compagnons.
Croyons plutôt que l’Inde & l’Océan qui la
baigne -, étoient aufîî bien connus en Egypte, qu’il
le font à préfent ; & la magnificence qui accompagna
Eudoxe dans Ton ambafi'ade, femble démontrer
, foit que l’hiftoire de l’Indien trouvé fût vraie
ou non, que l’ambafladeur n’avoit d’autre but que
de détruire ies funeftes impreflions qu’avoient faites
fur les nations commerçantes les extorfions & les
injufticés dont le roi s’étoit permis d’accabler les
étrangers au commencement de Ton règne.
Quand Eudoxe revint de .l’Inde, Ptolemée VII
n’étoit déjà plus. Cependant Cléopâtre, veuve de
ce prince , fentit fi bien l’importance de l’am-
baflade d’Eudoxe, qu’elle projeta d’en envoyer une
fécondé, & fit foire en conféquence des préparatifs
encore plus confidérables que pour la première.
'
Mais Eudoxe voulant apparemment tenter des
expériences relatives aux vents alifés, manqua Ton
paffage , & Ait jeté fur la côte d’Ethiopie. U
y aborda, Te rendit très-agréable aux gens du
p ay s , & rapporta en Egypte une defcription a fiez
particulière .de ces contrées & de_^leurs productions
, pour fournir aux Prolemées toutes les cir-
conftances qui avoient rapport à l’ancien commerce
de l’Arabie. .
Dans le cours de Ton voyage, Eudoxe découvrit
pne partie de la proue d’un vaiffeau qui avoit été
brifé par la tempête. La figure du cheval, fculptée
fur cette proue, l’engagea à s’informer d’ou il
pouvoit être, & quelques-uns des matelots qui
etoient avec lu i, & qui avoient été employés dans
les voyages d’Europe, reconnurent anfli - tôt que
la proue qu’ils voyoient, appartenoit à un de ces
navires qui naviguent fur l’Océan Atlantique. Eudoxe
, dit Pline ( L .U , c. 67) , fentit tout de
fuite l’importance de cette découverte, qui ne
prouvoit rien moins que l’exiftence d’un paffage
autour de l’Afrique , de l’Océan Indien dans l’A tlantique.
Plein de cette idée, à Ton retour en Egypte,
il montra la proue qu’if avoit trouvée à plufieurs
navigateurs européens. Tous déclarèrent que c’étoit
çelle d’un vaiffeau de Gadès dans la Bétique.
Cette grande découverte ne pouvoit être plus
intéreffante pour qui ce fût autant que pour Eudoxe ;
car peu de temps apres, étant tombé dans la
difgrace de Ptolemée Lathyras, le huitième des
Ptolemées, & fe trouvant en danger de perdre
la v ie , il s’embarqua fur la mer Rouge, fit le
tour de la péninfule d’A frique, traverfa l’Océan
Atlantique, & arriva heureufement à Gadès.
Ce voyage d’Eudoxe réveilla bientôt, en Egypte,
fe goût des découvertes, & le defir de parcourir
le monde. Difiêrens voyageurs portèrent leurs
recherches dans l’intérieur du p ays, où l’on trouva ,
dit-on, des nations fi ignorantes, qu’elles ne con-
ppiffoient pas même î’ufoge du feur chofe qui
nous paroîtroît prefque incroyable, fi l’exempt^
ne s’èn étoit pas renouvelé de nos jours.
Ce fut fous le règne de Ptolemée IX, qu’Agaw
tharcidès compofa fa defcription de la mer Rouge,
Quoique les règnes des autres Ptolemées, qui
finirent avec le treizième de ce nom , foi en c
remplis de grands événemens, ils n’ont rien qu{
fe rapporte au fujet que nous traitons à préfent.
Leur magnificence cpiuinuelle, leurs profufions ,
doivent fans doute avoir fait confommer une
grande quantité d’objets de commerce, & il n’en
falloit pas davantage ; ou fi le commerce avoit eu
fcefoin de plus grands encouragemens, il les aurait
fans doute obtenus. Lorfqu’il arriva à fon haut
point de profpérité, fous le règne de la célèbre
Cléopâtre , que fa magnificence, fa beauté & fes
taleps rendirent plus admirable qu’aucune des mer-»
veilles de fa capitale. De fon temps toutes les
nations fe rendoient à Alexandrie, où la curiofité ,
ainfi que le commerce', les attirait également. Arabes,
Ethiopiens, Troglodytes, Mèdes, Juifs, étoient
accueillis & protégés par la reine d’Egypte , qui
leur parloit à tous leurs différens langages.
La découverte de l’Hifpanie, la poffeflion des
mines d’Afrique, d’où les Egyptiens tiroient leur
argent, & la révolution qui furvint au fein de
l’Egypte .même, interrompirent le commerce de
la côte d’Afrique. Du temps de Strabon, peu de
ports de l’Océan Indien, même ceux qui étoient
les plus près de la mer Rouge, étoient connus*
Je croirois volontiers que dès le moment où Céfap
fit la conquête de l’Egypte, le commerce qu’Alexan*
drie faifoit avec l’Inde , commença à décroître,
Les mines que les Romains poffédoient dan$
l’Hifpanie, près des fources du Bétis (félon Strabon,
L. n i ), ne leur rendoient pas plus de 3 52,500 livres
par an, & cette fomme n’étoit affurément pas fiif?
fifante pour faire le commerce de l’Inde : aufli le$
immenfes richeffes des Romains femblent plutôt
être provenues des prix excefiifs des marchandifes,
que de l’étendue du commerce. Nous voyons en,
effet par Pline ( L. v i , c. 2 3 ) , que J’on faifoit
cent pour cent de bénéfice dans le négoce ordinaire ,
fur tout ce qui venoit de l’Inde.
L’Egypte & les pays circonvoifins commencé«*’
rent alors à fe voir livrés à la guerre, dont ils
avoient été exempts depuis très-long-temps. Le
nord de l’Afrique fut fans ceffe rempli d’étrangers
après le premier renverfement de Carthage ; de
forte que nous pouvons penfer que le commerce
de l’Inde commença encore de ce côté-là à fe
faire à-peu-près de la même manière qu’avant le
règne d’Alexandre ; mais il s’étoit beaucoup étendu
du côté de la Perfe, & il avoit trouvé^ un paffage
court & facile dans le nord de l’Europe, où s’établit
dès-lors un marché d’épiceries.
Néantmoins je dois avouer que, s’il eft vrai
comme le dit Strabon ( Z. rir), que les Romains
employaient au commerce de l’Inde cent vingt
vaiffeaux , il avoit fort peu perdu de fa vigueur,
Mais ckds cê cas , nous devons croire, que les
Voyages fe.faifoient pour le compte des marchands
étrangers & avec leurs fonds. Jufques au règne
de Ptolemée Phyfcon , les Juifs d’Alexandrie
firent une grande partie du commerce de l’Inde.
Toute la Syrie étoit remplie de marchands, &
le plomb ,1e cuivre, le fer, fuppléèrent en quelque
forte l’or & Tardent , qui ne reparurent plus
qu’en petite quantité , jufqu’au moment où l’Amérique
fut decouverte.
Mais l’ancien commerce de l’Inde qui fe faifoit
par le golfe d’Arabie & par l’Afrique, & dont
l ’or & l’argent étoient les feuls moteurs, continua
chez les Ethiopiens, & ne fouffrit point de diminution.
Ces peuples, défendus par de vaffes dé-
ferts , étoient heureux de pouvoir jouir de leurs
richeffes avec fécurité , jufqu’à ce qu’une nouvelle
découverte leur eut donné des rivaux & des
maîtres peur leur commerce.
Une des raifons qui me font imaginer que le
commerce des Indes n’étoit pas floriffant , où
du moins en grande eftime , quand les Romains
eurent envahi l’Egypte ,- c’eft que bientôt après
Augufte tenta la conquête de l’Arabie. Il y envoya
Elius Gallus, qui partit d’Egypte avec une
armée , & quiMje trouva en Arabie qu’un peuple
timide , efféminé, à peine capable de fe mettre
en défenfe lorfqu’il y étoit réduit par la violence,
& ignorant abfolument tout ce qui avoit rapport
à la guerre.
Elius ou Ælius découvrit par-tout bientôt que
les Arabes étoient plus . rufés que les Romains ,
& qu’ils l’emportoient fur eux par une connoif-
fance du pays, que leur avoit donnée l’ufage de
charier dés marchandifes. Les guides que prit le
général Romain le conduifirent de défaftre en
défaftre , jufqu’à ce que fon armée eût prefqu’en- '
tiérement péri de faim & de foif , fans avoir
Vu la moindre partie de ces' richeffes, dont fon
maître vouloit s’emparer, j*
Telle eft cette expédition d5Augufte , conçue
avec le même efprit, & aufii juftement malbeu-
reufe que celle de Sémiramis, de Cyrus & de
Cambyfe l’avoient été. ,
On voit dans Strabon ( L. i ï ) , que le commerce
de l’Afrique fut perdu , comme celui de
l’Inde ; carparlant du voyage d’Eudoxe, cet auteur
le traite de fable. Mais fon raifonnement
prouve précifément qu’il put n’en pas être une ; &
ce voyage dèvoit fervir d’encouragement, pour que
l’on dût chercher à rouvrir le commerce, & qu’on
effayât à connoître parfaitement la côte. L’abandon
du commerce d’Afrique paroît aufii claire-
nient , par ce qu’a écrit Ptolemée (X. iv , c. p Y ,
qui , en parlant du promontoire oppofé à nie
de Madagafcar , dit que la côte d’Afrique étoit
habitée par des anthropophages ; que tout ce qui
etoit au - delà du 8e degré étoit inconnu , &
que la côte s’étendoit depuis ce cap jufqu’au
continent de l’Inde, auquel elle étoit jointe.
Ûu pays appelé dans Vécriture Saba, & du voyage
de la reine de ce pays à Jcrufalem. Extrait de
l’ouvrage de M. Bruce.
, Ceux des leéletirs qui font plus intimement pénétrés
du rapport des chofes entre elles, que ri-
goureufement attachés à l’ordre des mots ne
feront pas étonnés,
1°. Qu’à propos des Troglodytes, j’aie parlé
de tout ce qui concerne la partie de l’Afrique
ou ils étoient fifués, & qui alloit à les faire
encore mieux connoître.
2°. D e ce qui avoit trait au commerce de ces
memes contrées, 1 un des plus intéreflans objets
de la Géographie ancienne.
3°. Enfin de ce que je vais placer ici un morceau
fur le pays appelé Saba, puifqu’il s’agit encore
de la même partie du globe , 8c que l’on
doit regarder comme agréable d’avoir un moyen
de fixer fes idées à cet égard. J’entre donc en
matière.
Nous nq devons point être étonnés, fi le commerce
continuel, & l’importance des affaires que
les Tyriens & les Juifs faifoient avec les Cu-
shites & les, pafteurs de la côte d’Afrique
-les avoient fi bien fàmiliarifés les uns avec les
autres. Cela fut au point que la reine de Saba ,
fouveraine de ces contrées, conçut naturellement
le défit de voir par elle-même ce que devenoient
les trefors qu’on exportoit de chez elle depuis
tant d’années, & elle voulut connoître le prince
qui les entployoit avec tant de magnificence II
ne peut, dit M. Bruce , y avoir de doute fur fon
voyage. Payens , Arabes , Maures, Abyfliniens
tous les peuples d’alentour l’attefrent, & en par-
lent prefque dans les mêmes termes que l’Ecriture.
^
reine Arabe. Mais Saba étoit un royaume particulier
, & les Sabéens un peuple difrinS des Ethiopiens
& des Arabes ; & ils n’ont ceffé de l’être
depuis ce temps, L’hiftoire nous apprend que le<
Sabéens avoient coutume d’être gouvernés par une
reine plutôt que par un ro i, coutume qui fe con-
ferve encore parmi leurs defeendans.
• Médis levibufque Sahceis ,
Imperat hos Sexus Reginarumque fub armis '
Barbariß pars magna jacet,
dit Claudian , qui, par Barbaria défigne le pavs
finie entre le tropique & les montagnes d’Abyffi-
nie , le pays des pafteurs. J
Les Arabes prétendent que le nom de la reine
de Saba qui vint à Jerulalem étoit Belkis • les
Abyitiniens le nomment Maqueda. Dans l’évangile
elle eft nommée reine du midi. & on ne'Ju;
donne pas d’autre nom ; foais les paroles ntifes