
avec eux. Une maladie contagieufe, qui fe mit
dans leur armée, les obligea cependant de Longer
à leur retraite. Us furent attaqués, en retournant
chez eux, par les Bulgares & les Patzinacites, qui
les taillèrent en pièces, & cette innombrable
multitude fut prefque entièrement anéantie. Ces
Barbares firent pourtant encore beaucoup de mal
à Romain Diogene, lucceneur de Conftnntiii, par
leur jonélion ayec les Turcs aliatiques.
Les princes qui gouvérnoient la Croatie, avoient
toujours reçu l’invellitüre & le diademe des empereurs
de Conftantinople, qui envoyoient même
quelquefois des préfets dans les provinces, pour
les contenir fous l’ebéiffance, & empêcher qu’il
ne s’y palfât rien de contraire a leurs intérêts.
Démétrius Suinimir fut à peine inllallé, qu il
tâcha de s’attirer les bonnes grâces du pape, &
profita ' de la lâcheté & de l’indolence de Michel
Ducas Parapinace, pour fe rendre indépendant.
L ’empereur marcha contre lu i, & remporta quelques
avantages; mais il ne put parvenir a le fub-
juguer, & à le foire rentrer dans le devoir. Démétrius
s’affranchit entièrement du joug des empereurs
, & reçut à Salonc en 1076 , la couronne
royale pour les royaumes de Servie & de Croatie,
par les mains de Gébizoh, légat du pape Grégoire
VII /.auquel il promit l’hommage & un tribut
annuel de deux censbezuns d’or. Ce prince, avant
fon couronnement, n’avoit que le titre de duc
ou de ban de Croatie & de Dâlmatie, de meme
que Slavifa & Créftmir I I I , fes prédécefleurs. Démétrius
avoit époufe Helene, fille de Bêla, &
ferai- de Geyza & de Ladiflas, rois de Hongrie;
il n’en eut point de pofterite. Il eut pour fuc-
ceffeur Effienne, fils de Créftmir I I I , dont le
rèvne fut court, & après lequel la' Croatte & la
Dalmatie furent annexés au royaume de Hongrie,
comme on le verra ci-après* ,, ,
La guerre de Croatie fut fume de la révolté
d’un nommé Neftor, chef d’une tribu voifihe du
Danube. Celui-ci conclut une alliance avecTa t,
prince des Patzinacites ; & ils vinrent de concert
ravager les terres de l’empire. Il y a lieu de croire
• „ne c’eft ce même Tat qui donna fon nom a
fine tribu de Patzinacites, qui s’établit dans-la
partie méridionale de la Crimée, lorfque cette
nation defeendit vers le Pont-Euxin Cette tnbu
y fubfifte encore. Les Tartares 1 appellent Tat-Ely,
& le khan, dans fes titres, prend cëlui de fou-
verain des Tats. Ils font aujourd’hui chrétiens du
rit grec, & habitent plufieurs villes & villages
dans la partie montagneufe de la Crimee.
Les Bulgares contenus par leurs ducs n avoient
pas‘ remué depuis allez long-temps- Les troubles
qui agitoient l’empire, & l’occupation que don-
noit à l’empereur la guerre contre les Turcs , leur
fournirent une occafion de révolte, dont ils crurent
devoir profiter. Ils élurent pour roi Conl-
tantin Bodin, fils de Michaelitza, roi de Servie.
Mais l’empereur envoya Nicephçre finenne eu
Bulgarie pour remédier à ces défordres ; Bodiif
fut pris & amené à Çonftantinople. Les Vénitiens
le rachetèrent enfuite, & il fut fait roi de Servie.
L’empereur Michel Ducas eut pour femme Marie,
fille du roi des Alains & des Ibériens, qui font
les Circafliens d’aujourd’hui. Cette alliance, & le
nom de la princefle, prouvent que ces peuples
avoient alors reçu les lumières de la fo i, & fai—
foient profeffion du chriftianifme. Ils font aujourd’hui
mahométans en apparence, mais ils n’çnt
dans le fond d’autre créance qu’un amas de ftV
perftitions honteufes, paifées dans toutes les reli-*
gions, & au travers defqtielles on découvre encore
des veftiges du chrifiianifme. Il y a entre
autres dans le centre de la Circaflie, où babitoient
autrefois les Alains, un arbre fameux auquel ces
peuples rendent un culte à la manière des anciens
Scythes ; ils l’appellent Panadgiafan. Ce nom efif
vifiblement une corruption du nom de Panaghia ,
que les Grecs donnent à la fainte Vierge, & par
extenfion à certaines chapelles , ou lieux de dévotion
qui lui font dédiés. Il y avoit fans doute
dans le temps des empereurs Grecs quelques-unes
de ces chapelles auprès de cet arbre célèbre, dont
les Circafliens n’ont pas encore fi fort défigure le
nom, qu’on ne puifle bien clairement le recon-
noître. L’abus que le vulgaire fait toujours de la
piété, a changé infenfiblement le culte de la mère
•de Dieu en une idolâtrie complète, que ces peuples
allient aujourd’hui avec le mahométifme.
Nicéphore Botoniate, fuccefletir de Michel
Ducas, fut inquiété par les Patzinacites, qui côn-
traâèrent une alliance avec Nicéphore Bafilacè ,
gouverneur de Duratfo ou Dyrrachium, & ils
l’aidèrent à fe faire proclamer empereur. Ce fut
le feul mouvement que firent les Barbares occidentaux
fous ce règne.
Alexis Comnène monta fur le trône en 1081. Il
eut de grands démêlés avec les Normands d’Italie,
les François, & tous les croifés pour la conquête
de la 'terre - fainte. Un hiftorien qui n’auroit ni
religion, ni patrie, pourrait peut-être avec une
forte de juftice ranger ces peuples au nombre dés
Barbares qui font-le fujet, de cet ouvrage. Une
multitude ramaflee de toutes parts, des hommes
igorans & indifeiplinés, n’ayant pour toute vertu
qu’une bravoure Féroce, quittant leur pays, parés
du prétexte fain't de la religion, pour porter1 la
défolation & le carnage chez des nations auxquelles
ils n’avoient aucune raifon légitime de déclarer la
guerre, fe livrant à une licence effrénée après la
viâoire, violant les traités les plus faints, & les
engagemens les plus folemnels ; de tels hommes
différaient bien peu des Goths, des Huns, des
Avares, & des autres Barbares qui ont ravagé
l’empire Romain.
Démétrius Suinimir, roi de Croatie & de
Dalmatie, que les hiftoriens Hongrois appellent
Zélomir, étoit mort, & n’avoit point eu d’enfans
d’Hélène fa femme , fille de Bêla I , roi de
Hongrie,'
Hongrie.’ Cette princefle, opprimée par les ennemis
de Suinimir , qui vouloient ufurper le
trône, demanda du fecours à fon frère Ladiflas I ,
qui régnoit alors en Hongrie. Celui-ci fe mit en
marche avec une nombreufe armée , pafla la Drave
& la Save, entra en Dalmatie;- mit en fuite les
ennemis d’Hélène., reprit tomes les places dont
ils s’étoient emparés, 8c remit fa foeur en poflefîion
de fes états. Celle-ci, en reconnoifîance, lui céda
fés droits fur là Croatie 8c la Damaltie, & ces
deux états demeurèrent depuis fous la domination
des rois de Hongrie.
L’an 1091, Ladiflas établit roi de Croatie &
de Dalmatie fon neyeu Almus, fils de Geyza fon
frère, aîné 8c fon prédécefleur. Dans le meme
temps Alexis Comnène ayant befoin du fecours des
Vénitiens .pour fe défendre contre Robert Guif-
card & les Normands, donna à Vital Falier,
doge de Venife, le titre de duc de Dalmatie.
Quelques auteurs prétendent même que Ladiflas
n’avoit que la Croatie méditerranée, & que les
Vénitiens étoient déjà en poflefîion de toute'la
côte maritime de la Dalmatie, & des villes de
P o l a , de B e lg ra d e , $te J a d r a , de S u b in ico 8c de
S p a la tro i ’ ' ‘ ' " '
• Almus aÿaiit abdiqué la couronne de Hongrie
e& faveur de Coloman fon frère, celui-ci defeendit
-dans la Dalmatie avec des troupes formidables ,
pour conquérir les villes que Ladiflas fon pncle
n’avoit pu réduire. Ce pays étoit alors infefte par
les Normands, fous la conduite de Robert Guif-
card. Coloman, pour réuflir pins facilement dans
fon deffein, s’allia avec les Vénitiens, qui firent
une divetfion dans la Pouille ; mais apres avoir
engagé fes alliés avec les Normands , il eut^plus
de liberté pour fes opérations en Dalmatie. Il
attira tous les grands dans fon parti, & ils lui
promirent de rentrer fous fon‘obéiffance. Coloman
prolongea encore quelque temps fon alliance avec
les Vénitiens contre les Normands, jufqu’à ce qu’il
fe fût bien aflùré des difpofitions des grands &
dû peuple ; mais peu de temps après il rompit la
ligue , il défit, & tua dans une bataille près du
mont M é d r u f e , appelé aujourd’hui Péte rg a ^ d , un
nommé Pierre , qui s’étoit fait reconnoître roi de
Dalmatie; l’an 1105, 1a ville de Jadra fe donna
à lui, & reçut garnifou ; & Tes Dalmates commencèrent
de montrer ouvertement leur prédi-
lè&icn poiir la domination hongroife. La ville de \
Jad ra ne 'demeura pas long-temps au pouvoir de
Coloman. Le doge Grdefalo Falier la reprit par
famine. S e b in ico fe donna aux Vénitiens, qui
pâffèrent l'es monts , pénétrèrent dans la Croatie ,
8i prirent même alors le titre de ducs de Croatie.
Ils s’en retoiirnbient glorieux , chargés de butin,
& emmenant avec eux un grand nombre de pri-
fonniers ; mais Coloman rafleinbla fes troupes|
forma le fiège de J a d r a , & battit Ordefàlo, qui
étoit venu au fecours de la place. Cette viâoire
rèmit Coloman en poffeflîon de la ville de Jadra
Çéograpfiie ancienn e. T om e I I I |
& de toute la Dalmatie ; il retourna en Hongrie,
traînant en triomphe un nombre infini de captifs ,
& les Dalmates furent entièrement délivrés du
joug des Vénitiens. Ceux - ci envoyèrent peu de
temps après des ambaffadeurs à Coloman pour lui
demander làpaix, & obtinrent une trêve dë cinq ans.
Après la mort de Coloman, l’an 1114 , les
Vénitiens reprirent« une partie de ce qu’ils avoient
perdu dans la Dalmatie ; leur doge, Ordefàlo
Falier, fit, l’an 11i 5 , une alliance avec Alexis
Comnène, entra dans la Dalmatie, & s’empara,
des villes de Jad ra 8 c de B iograde , mais il ne put
fe rendre maître de la citadelle de J a d r a , ^ qui fit
encore quelque réfiftance. Au mois de mai de la
même année, cette citadelle, & les villes de
S v a la tro 8c de Tragurittm , fe donnèrent à Falier,'
& l’année d’après B iograde fuivit leur exemple.’
En 1117 les fuccès des Vénitiens obligèrent les
Hongrois de rentrer dans la Dalmatie. Falier, au
bruit de leur venue, y accourut avec une flotte ,
& leur livra une bataille dans laquelle il perdit
la vie. Ducange rapporte ces derniers événemens
au règne de Jean Comnène ; mais je croirais qu’il
fe trompe , puifque ce prince ne monta fur le
trône que l’an 1118.
Alexis fut aflez heureux dans une guerre qu’il
foutint contre les Patzinacites ; il perdit à la vérité
la première bataille, mais, la viâoire qu’il remporta
dans la fécondé, lui fournit entièrement ces
barbares, & il en tranfporta un bon nombre dans
le territoire des Mogleniens.
Les Bulgares étoient tranquilles, & île firent,’
fous le règne d’Alexis, aucune tentative pour fe-
couer le joüg. L’empereur leur donna pour duo
Nikitz ou Nicétas, qui fut pris dans un combat
contre les Hongrois, & recouvra enfuite fa liberté».
Le même Nikitz défit une partie de l’armée chrétienne
qui marchoit à la conquête de la Terre-
Sainte , fous la conduite de Pierre l’Hermite. II
fut remplacé par un autre duc appelé Guzh , qui
continua de contenir les Bulgares fous l’obéiflance ,
& ces peuples ne firent plus aucun 'mouvement
jufques au temps d’Ifaac l’Ange.
Alexis Comnène mourut en 1118, & laifla
l’empire à fon fils Jean Comnène. ’Le règne de ce
prince commença par des démêlés avec les Vé-'
nitiens , qui avoient refùfé de faire confirmer par
une bulle d’or la pofleflion de la Dalmatie, & les
privilèges anciens qu’ils tenoient des empereurs
de Confîantinople. Leur doge, Dominique Mi-
cbielé, à fon retour de l’expédition de la Terre-
Sainte , enleva aux Grecs plufieurs îles. Les Hongrois
avoient mis à profit le. temps où les Vénitiens
étoient occupés à la croifade, & avoient
repris plufieurs places dans la Dalmatie. Michielé
pafla dans ce pays-là, reconquit les villes de
T ragurium, de Sp alatro & de B iograde ; il fe rendit
de-fà à Jad ra , dont les habitans le reconnurent 8c
le reçurent comme leur fouverain.
I L’an 1221, Jeaij Comnène marcha contre les
M in