
erite, dirent chaâes par leur mets , & allèrent
s’établir en d’autres pays. Scythès, le plus jeune
des trois, fit ce que ion père avoit ordonné, &
relia dans fa patrie. C’eft de ce Scythès, fils d’Her-
cule, que font delcendus tous les rois qui lui ont
fucCédé en Scythie ; &jufqu’auj ouf d’hui les Scythes
ont toujours porté, au bas de leur baudrier, une
coupe, en mémoire de celle qui etoit attachée a
celui d’Hercule. En finiflant ce récit, Hérodote
. a foin d'ebferyer que ce récit efl celui des Grecs
du Pont-Euxin.
H ajoute aufli-tôt ( L. iv , ch. » } « On raconte
une autre hiftoire, à laquelle je foufcris volontiers.
Les Scythes Nomades, qui habitoient en A fie ,
accablés par les Meffagètes, avec lefquels Us étoient
en guerre, paffèrent l’Araxe, & vinrent en Cimmé-
rie; car le pays que poflèdent aujourd’hui les Scythes,
aupartenoit autrefois, à ce que l’on dit,aux Cimmériens.
Ceux-ci, les voyant fondre fur leurs terres,
délibérèrent entre eux fur cette attaque. Les fenti-
mens furent partagés, & tous deux forent extrêmesjjt
celui des rois étoit le meiUeur. Le peuple étoit
d’àvis qu’U falloit fe retirer, & ne point s’expofer
au hafard d’un combat centre une fi grande multitude:
les rois, de leur côté, vouloient qu’on
livrât bataille à ceux qui vendent les attaquer. Le
peuple ne voulut jamais ceder au fentiment de fes
rois , ni les rois fuivre celui de leurs fujets. Le
peuple étoit d’avis de fe retirer fans combattre, &
de livrer ce pays à ceux qui vr noient l’envahir. Les
rois, au contraire, avoient décidé qu il falloit mieux
mourir dans la patrie, que de fuir avec le peuple.
D ’un côté , ils envifageoient les avantages dont ils
avoien t joui jufqu’alors; & d’un autre, ils prévoy oient
les maux qu’ils auroient indubitablement à fouffrir,
s’ils ahandonnoient leur patrie.
» Les deux partis perfévérant dans leur première
rèfolurion , la difeorde s’alluma entre eux de plus
en plus. Comme ils étoient égaux en nombre , ils
en vinrent aux mains. Tous ceux qui périrent dans
cette occafion, furent enterrés par le parti du
peuple, près du fleuve T yras, oS l’on volt encore
aujourd’hui leurs tombeaux. Après avoir rendu les
derniers devoirs aux morts, on fortit du pays; &
les Scythes le trouvant défert & abandonné, s’en
emparèrent.
» On trouve encore aujourd’hui, dit Hérodote,
dans la Scythie, les villes de Cimmerium, & de
Porthmies Cimmériennes ( i) . On y voit aufli un
pays , qui retient le nom de Cimmérie , & un
Eofphore appelé Cimmérien. D paroît certain que
les Cimmériens', foyant les Scythes, fe retirèrent
.en Afie , & qu’ils s’établirent dans la prefqu’île
où l’on voit maintenant une ville grecque, appelée
. Synope. Il ne paroît pas moins certain que lès
Scythes s’égarèrent en les pourfuivant, & qu’ils
entrèrent enMédie. ( Je parlerai ci-après de cette
( t ) Voyt\ la note de M. Larcher fur ces deux villes,
fume rrj , j'it.
irruption des Scythes ). Les Cimmériens, dans
leur fuite, côtoyèrent toujours la mer; les Scyther-,
au contraire, avoient le Caucafb à leur droite, jufqu’à
ce que, s’étant détournés de leur chemin, & ayant
pris par le milieu des terres, ils pénétrèrent en
Médie ».
Cette autre manière de raconter la chofe, efl:
également reçue des Grecs & des Barbares. Mais
Ariftée (2) de Proconèfe, fils de Cayftrobius, écrit
flans fon poème épique, qu’infpiré par Phébus, 1
alla chez les Ifledons ; qu’au-demis de ces peuples,
on trouve les Arimafpes, qui n’ont qu’un oeil;
qu’au-delà font les Gryphons ( 3 ) , qui gardent
l’or; plus loin encore demeurent les Hyperbo-
réens (4), qui s’étendent vers la mer ; que toutes
ces nations, excepté les Hyperboréens, font continuellement
la guerre à leurs voifins, à commencer
par les Arimafpes; que les Ifledons ont été
chaffés de leur pays par les Arimafpes ; les Scythes
par les Ifledons, & les Cimmériens, qui habitoient
les côtes de la mer, au midi, l’ont été par les
Scythes. Ainfi Ariftée ne s’accorde pas même avec
les Scythes, fur cette contrée.
Comme c’eft à l’occafion des Scythes qu’Héro-
dote rapporte ce qu’il fait des peuples feptentrio-
naux ; que ce fera furement aufli à cet article de
ce Diéliqnnaire que l’on aura recours, lorfque l’on
voudra favoir ce qu’en difoient les anciens , je vais
fuivre encore l’auteur grec pour quelques détails,
que je ne pourrois placer également bien ailleurs.
Après le port des Boryfthénites ( L. i v , ch. ly ) ,
qui occupent juftement le milieu des côtes maritimes
de toute la Scythie, les premiers peuples
que l’on rencontre font les Calcipides ; ce font des
Greco-Scythes.: Au-defliis d’eux font les Alazons ;
ceux-ci & les Capcides, obfervent , en plufieurs
chofes , les mêmes coutumes que les Scythes ; mais
ils fèment du bled , & mangent des oignons ,
de l’a il, des lentilles & du millet. Au - defliis des
Alazons, habitent les Scythes laboureurs ( Scythe,
agricole ) , qui fèment du bled, non pour en faire
leur nourriture, mais pour le vendre. Par-delà ces
______!______________m______________
%
(7 .) Cet Ariftée avoit écrit les A r im a fp ie s , _ poëme
épique en trois livres-, fur la guerre des Arimafpes
& des Gryphons. Il vivoit cinq cens quatre-vingts ans
avant i’ère vulgaire.
(3) Quelques auteurs avoient cru que ces Gryphons
étoient des peuples. Je n’ai pas déshonoré ce Diétion-
naire d’une femblable opinion.... C’étoient des animaux
fabuleux. Paufanias en parle dans fon voyage de l’At-
tique , vers la fin de ce livre. Selon lui, ©n voyoit
de chaque côté du cafque de Minerve des Gryphons,
& il ajoute : « Ariftée de Proconèfe dit.qu’ils font toujours
en guerre avec les Arimafpes, qui demeurent au-
n deflïis des Ifledons ; que l’or que gardent les Gryphons
» pouffe de la terre -, que les-Arimafpes font des hommes
»> qui n’ont qu’un oeil depuis leur naiffance ; que les
„ Gryphons font des animaux reffemhlant aux lions,
>* avec un bec & des ailes d’aigle >♦ .
(4) Olen , de Lycie , poète & devin, eft le premier
qui ait fait mention de ces peuples.
Scythes, on trouve les Neures ( Neuri). Autant
que nous avons pu le favoir, la partie feptentrio-
nale de leur pays n’eft point habitée, v oila les
nations fituées le long du fleuve Hypanis, à l’oueft
du? Boryfthène. Mais comme PHypanis n’eft autre
que le Bonis , ou le Rofu, on croit qu’Hérodote
parle ici des Scythes de l’Europe.
Quand on a paffé ce fleuve , on rencontre
d’abord l’Hylée ( petit pays de la Scythie, à l’eft
du Boryfthène ) , vers les côtes de la mer. « Au-
» defliis de ce pays, dit Hérodote ( ibid. ch. 18 ) ,
j) font les Scythes agricoles. -Les Grecs qui ha-
,» bitent les bords de l’Hypanis / les appellent
» Boryfthénites ; ils fe donnent eux-mêmes le nom
» d’Olbiopolites (1). Le pays de ces Scythes^ agri-
» coles a , à l’eft, trois journées de chemin, & s’étend
» jufqu’au fleuve Paitticapes (2) ; mais celui qu’ils
» ont au nord, eft de onze jours de navigation,
» en remontant le Boryfthène. Plus avant on trouve j
» de vaftes déferts, au-delà defquels habitent les
» Androphages ( ou Andropophages ) , nations
» particulières & nullement Scythes. Au - defliis
» des Androphages, il n’y a plus que de véritables
»'déferts, du moins n’y rencontre-1-on aucun
» peuple, autant que nous avons pu le favoir ».
Il faut obferver, à l’avantage d’Hérodote, cette
expreflion, ocov tS'o[xev. Ainfi il n’affirme pas
ce qu’il ignore ; il dit fimplement que c’eft tout ce
qu’il a pu apprendre ; c e , qui eft très - différent.
J’infifte fur ce point & fur cette qualité du père
des hiftoriens, parce que je fuis révolté , à la
le&ure de plufieurs ouvrages modernes, de voir
par-tout attaquer la véracité de cet hiftorien, &
le taxer d’une crédulité abfurde.
A l’eft de ces Scythes agricoles, & au-delà des
Panticapes, on trouve les Scythes Nomades, qui
ne fèment ni ne labourent. Ce pays entier, fi
l’on en excepte l’H ylée , eft fans arbres (3). Ces
Nomades occupent, à l’eft, une étendue de quatorze
jours de chemin, jufqu’au fleuve Gerrhus ( le
Molooznija-wodi, félon M. d’An ville ).
Au-delà du Gerrhus eft le pays des Scythes
royaux (4) : ces Scythes font les plus braves & les
plus nombreux ; ils regardent les autres comme 1 2 3 4
( 1 ) De la ville d'Olbia ou Boryfihenes à l’embouchure
d'Hypanis dans le Boryfthènes, c’eft-à-dire , du
Bog dans le Dniéper.
(2) M. d’Anville a nié l’exiftence de cette rivière ,
parce qu’il ne fe trouve pas de rivière précifément
fur la route du Dniéper à la Crimée. Mais M. Larcher
penfant que ce fleuve étoit un peu plus loin, eft peut-
ffie lç Samara, qui fe jette dans le Bog, au-deflus de
Poruffis.
(3) Hylée ou ffylea, vient du grec uXm, qui fignifie
foret.
(4 ) Il y a dans le texte grec, Tlipr,v S~J th yippov
‘Tetv'lci S’il t » XeiXtvp/utvei B«t0-(X>tï«t sV-rt , . XH «rxuCxf 01
aptrroi re y.» ntXtifftroi. Quelques écrivains ont cru que
cela • vouloit dire que c’étoit le féjour des rois de
Scythie. M. Larcher a mieux rendu ce texte.
leurs efcjaves; ils s’étendent, du côté dù fud,
jufqu’à la Taurique; à l’eft, jufqu’an fofte (5) que
creuferent les fils des aveugles , & jufqu’à Cremnes,
ville commerçante fur le Palus Meotis. Il y a meme
partie de cette nation qui s’étend jufqu’au 'Fanais.
Je m’arrête un inftant pour faire obferver que
le pays décrit ici par Hérodote , qui lut fon hiftoire
aux jeux olympiques, vers l’an 466 avant
notre è re , eft celui que Ptolemée appelle Sarmatie, <
& il écrivoit dans le fécond fiècle de notre ère ; ce
qui peut donner environ 700 ans de différence.
Alors ce pays étoit plus connu ; les peuples appelés
Scythes, étoient plus reculés ; oc d’autres ,
appelés Sarmates , leur avoient fuccédé.
Au nord des Scythes royaux, Hérodote dit
qu’étoient les Melanchlænes (6 ), peuple qui m’étoit
pas Scythe. Au-de là des Melanchlænes, ajoute
Hérodote , il n’y a , autant que nous pouvons le
favoir, que des marais & des terres fans habitans.
Le pays d’au-delà du Tanaïs ( ibidem, ch. 25 ) /
n’appartient pas à la Scythie ; il fe partage en plu-»
fieurs contrées. La première eft aux Sauromates ;
ils commencent à l’extrémité du Palus Meotis , &
occupent le pays qui eft au nord : on n’y voit ni
arbres fruitiers, ni fativages. La fécondé contrée ,
au-deflus des Sauromates, eft habitée par les Bu-
dins; elle porte toute forte d’arbres en abondance.
Mais au-deflus des Budins , en tirant vers
le nord, le premier pays où l’on entre, eft un
défert de fept jours de chemin.
Après ce défert ( ch. 22 ) , en détournant vers
l’eft, vous trouvez les Thyflagètes ; c’eft une nation
particulière & nombreufe, qui ne vit que de
la chafle. Les Iyrques ( quelques auteurs ont cru
que dans le grec, au lieu de lupxut, il falloir
lire Tvpxoi ; mais puifque l’on trouve ce nom
dans Pomponius Mêla & dans Pline , il -çft probable
qu’il étoit celui d’un peuple, plus ancien que
les Turcs, appelés d’abord Turcomans ). Les
Iyrques donc , félon Hérodote, leur étoient contigus
; ils habitoient le même pays, & ne vivoient
aufli que de gibier, qu’ils prenoient de cette manière.
« Comme tout eft plein de bois, dit Héro-
» dote, les chafleurs montent fur un arbre pour
» épier & attendre la bête ;. ils ont chacun un cheval
» drefle à fe mettre ventre à terre, afin de paroître
j » plus petit ; ils mènent aufli un chien avec eux.
» Aufli-tôt que le chafleur, du haut de. l’arbre,
» apperçoit la bête à portée , il l’atteint d’un coup
» de flèche, monte fur fon cheval, & la pourfuit
» avec fon chien, qui ne le quitte point ».
Au-delà des Iyrques, en avançant vers, l’e ft,
on trouve d’autres Scythes, qui, ayant fecoué le
( 5 ) Je parlerai de ce foffé en rapportant l’expédition
des Scythes.
(6) Ce nom fignifie les noirs manteaux : c’étoit fans
doute une épithète grecque, qui avoit rapport à le.uï
habillement, formé de peaux noires.