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Ce .Tableau offre la bsfe des plus grandes .connoiffances que l’on eût en longitude ; mais
il préfente, en même temps , la maffe la. plus c.jiifidérabie .d’erreurs que l’on puiffe commettre
en Géographie,; la Méditerranée y prend; en longueur,, io ° de plus qu’elle ne doit
avoir ; & cela, dans un temps où elle étoit le mieux conaue des Grecs &c des Romains,
qui la parcouraient fans relâche. Les bouches du Gange y font reculées vers l’orient de
plus de 46° au-delà de leurs véritables pofitions ; lefquelles réduites en mefures modernes,
donnent près de douze cents lieues, ou la huitième partie de la circonférence du
globe. Ainfi, l’on voit ; "que quoiqu’il eût eu tous les fecours que les auteurs précëdens &
les voyages enflent pu lui fournir,, cependant il tombe dans de plus grandes erreurs
qu’Eratofthènes. Le. citoyen Goffelin en a recherché & favamment expliqué les caufes.
Qn a v u , à l’article d’Eratofthènes, qu’en cçnfidérant fes grandes mefures, comme
étant prifes à l’ouverture du .compas fur une carte à projection fla tte , les principaux points
de fon fyfîême venoient fe ranger fous une. graduation très-approchante de celle qu’on
lëur connoît aujourd’hui. On a enfuite confidéré la carte de Strabon fous le même
a fp e â , ainfi que la longueur de la Méditerranée , donnée par Agrippa, & nous n’avons
ceffé d’y trouver des approximations , qui toutes indiquaient que ces mefures émanoient
d’un type primordial, qui avoit ie rv i à établir & .à fixer les opinions géographiques des
Grecs. On a vu de plus que ce type ou cette carte , qui leur indiquoit, avec une préci-
fion aflronomique, la fituation de certains p a y s , dont ils ne pouvoient d’ailleurs avoir
aucune connoiffance particulière , que cette carte , dis-je, avoit pour bafe une ftade de la
fept-centième partie du grand cercle. '
Nous ne trouvons pas que Ptolémée ait eu d’autres fecours pour former.fes Tablés ;
que le relevé d’une.carte faite fur les mêmes principes, puifqu’il ne rapporte aucune
obferyation importante qui ait. pu le faire changer d’opinion fur les grandes, diftances de
l’Europe & de,l’Afie jufqu’au Gange. Il eft donc néceffaire que la carte de Ptolémée,
préfente, à quelques légères modifications près, les principaux élémens de celles d’Eratofthènes.
Si'on ne les y découvre pas au premier a fp e â , c’eft parce qu’ils y font voilés
par une graduation, doublement vicieufe : ,
■ i°..Par. la. manière dont il. a ,en vif?,gé 'a conftruction de la terre ;
2.0..Par la fanffe évaluation qu’il a faite du degré de longitude, en le fixant à yoo
ftades, au lieu de 700 qu’il, aurait dû lui conferver.
Ptolémée établit les bafes de fa graduation fur le parallèle de Rhodes, cfansl’hypothèfè
que le degré, de longitude devoit y être réduit à environ 400 ftades de celui.de l’équateur
, qu’il ne,comptait que 500 ; cette évaluation eft proportionnelle à celle d’Eratofthènes
„ qui comptant ce degré à 709 ftades, n’en; admettait. que 555 au degré fur le
parallèle de Rhodes. L’opinion de cet ancien avoit donc prévalu dans l’école d’Atexanr
drie : les diftances que préfentoient les autres, continuant à y être prifes pour des diftances
réelles, quoiqu’elles fùffent toutes fauffes. Le citoyen Goffelin penfe , avec bien de
la jufteffe , que. cette erreur eft la principale caufe pour laquelle les Grecs & les Romains
ont tant varié dans l’eftimation des mefures itinéraires, parce qu’ils cherchoient fans ceffe
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a ie s ramener, tantôt• aux mefures géodefiques , tantôt aux mefures hypothétiques
-établies fur Tes cartes.
Indépendamment de la fauffe évaluation que Ptolémée a faite de l’étendue du degré de
longitude, la graduation de fa carte fur le parallèle de Rhodes, doit offrir les mêmes
incorivémèris que dans eèîle d’Ëriitbfthènesé L’mtèrvalfe:<iè' chaque 'degré -doit y repré-
fenter un nombre de ftades plus'grànd qfife Ptolémée né1 l ’a cru ; ■ parce qu’il ignorait, ainfi
qu’Eratofthèrfes ; - fur quels principes là carte qu’il vouloit graduer avoit été conftruite. On
a cru que cette ancienne cafte étoit projetée fuivant 'la méthode des cartes-plattes, & que
les méridiens devant y être toujours parallèles entre eu x , renfermoi’ent nécèffairement,
dans toutes les latitudes, le même intervalle qu’cSnleur avo it'fix é fous l’ équateur. O r ,
Ptolémée donnant ;Ychaque degré de-ce cercle 500 ftades d’étendue -, le degré.du parallèle
de Rhoclés-doit.-être compté auffi à raifon de 500 ftadés , pour y retrouver les diftances
hypothétiques qu’il a employées. • .
■ Un exemple rendra ceci plus fenfible.
Ptolémée comptait 146 degrés pour la différence en longitude, entre le,cap Sacrum
dé l ’Ibérie , & l’embouchure orientale dû Gange. Si Ton conyertiffoit ces degrés en ftades ,
à raifon de; 400, comme il le ’veut , on n’auroit’ que 5 8,400 ftades pour -l’intervalle
.compris entré-ces deux points; & cela même-ne s’accorderait avec aucune de celles que
l’antiqnité a connues. '
S i, au contraire, on compte les 146 degrés à 5.00 ftades chacun , ainfi que le propofe
le citoyen Goffelin , ils produiront alors 73,000ftades, qui repréfentent bien certainement
•la tïiefnré d’Eratofthènes', à une légère variation près, que l’on doit confidérer comme
■ usé' erreur particulière à Ptolémée. ’
; Telle, eft donc la; méthode qu’il-faut-'employer pour retrouver, dans la graduation de
cet auteur-, la fource des mefures que préfentoit la'carte qu’il vouloit copier. La quantité
& là valeur de ces mefures étant, connues, il deviendra facile de rétablir l’ancienne graduation
que cette carte préfentoit-', Sc-d’en ôter les erreurs que Ptolémée y à répandues. •
Il fuftk, en effet, de confidérer que c’eft pour avoir méconnu l’étendue qu’il devoit
donner ait degré de longitude , qu’il a commis toutes-ces erreurs, féduit par l’autorité de
Pùfidoniiis ; Ptolémée a rejeté l’ancienne évaluation, confervée par Eratofthènes & oui
convenoit uniquement à là carte qu’il confultoit : il en a enlevé la graduation, qui em-
braffoit 70 0 -ftades' par dègré , pour y fiibftituer celle-qui lui donnoit fadement 500
ftadès ; il a donc corrompu par-là 'toutes fes longitudes de deux feptièmes, puifque lés
degrés-, occupant un moindre efpace fur le terrein, ont dû fe multiplier en- proportion
fur fa carte; les longitudes apparentes ont dû toutes pécher en excès, & dévenir de plus
en plus excefliyes', à mefure qu’elles av-ançoient vers l’orient ] ce qui eft arrivé , comme
on le peut voir dans te Tableau précédent, & fur-touf-dans l’ouvrage du citoyen Goffelin.
Pour faire difparoîtré1 cette1 fécondé méprife' dé' la carte de Ptolémée , & y rétablir la
‘graduation -cjiii lui étoit propre avant qu’il l’eût altérée, il ne finit donc que divîfer les
mefures obtenues par la méthode précédente, comme on a diviië celles d’Eratôfthënes &