
<$7o p i g é o g r a p h i e
Les preuves que l’on vient de l i r e , 8c toutes celles qui fe trouvent dans le favant.
ouvrage du citoyen Goffelin, démontrent jufqu’à l’évidence, que les connoiffances de
l ’école d’Alexandrie ne fe font jamais étendues au-delà des limites qui viennent d’être
indiquées. Thinoe ou Tana-Smm , a été la dernière ville de l’Inde, dont le nom foit parvenu
jufqu’aux Grecs d’Afie 8c d’Europe. Au temps d’Eratofthènes 8c de Strabon, les
notions que Ion avoit fur fon exiftence & fur fa pofition , que l’on fixoit au nord du
Gange, étoient li confufes & fi incertaines, qu’il y a lieu de croire qu’elles tenoient
uniquement à une tradition , dont l’origine fe perdoit dans des temps bien antérieurs aux
conquêtes d’Alexandre 8c â celles de Seleucus,
N. B. Je vais placer ici un morceau du même auteur, qui y a très-bien éclairci les
difficultés élevées jufqu’à préfent fur la pofition de la Sérique. -J’y. renverrai à l’article des
Tables, oit il y fera queftion de cette contrée.
D E L A S É R I Q U E .
Dans l ’article cité , j’ai parlé conformément aux idées reçues , & fur-tout d’après
M. d’Anville. Je vais reQifier les erreurs de cet article, ôc préfenter un précis de ce qu’a
écrit le citoyen Goffelin fur ce fujet. Voici l’extrait qui s’en trouve dans le Journal des
Savans, du 17 Ayril 1791.
Le defir de débrouiller un point intéreffant de Géographie ancienne, dit-il, m’a fait
entreprendre de nouvelles recherches fur la Sérique. J’ai penfé qu’il étoit d’autant plus
utile de bien déterminer la pofition de cette contrée, qu’elle a été , pour les Grecs 8c les
Romains, le terme de leurs connoiffances dans la Haute-Afie.
Depuis près de deux mille ans, les Géographes n’ont ceffé de parler de la Sérique ;
pependant fa fituation eft encore inconnue, du moins, il m’a paru, continue le citoyen
Goffelin, que les divers fentimens des modernes, ne pouvoient fe foutenir contre un
examen fuivi des circonftances, dont les anciens ont accompagné leurs récits.
Il eft vrai que la plupart de ces récits font obfcurs ; quelques-uns même femblent
çontradiftoires. Il en faut rejeter la caufe fur le grand éloignement de la Sérique, 8c fur
le peu de relations que les Européens y ont toujours entretenues. Les difficultés, les fatigues
d’un v o ya g e , qui n’a jamais offert d’autre but que celui du trafic , étoient abandonnées
à l’avidité des marchands ; 8c ceux-ci intéreffés à ne pas faire connoître la fource
oh ils alloient puifer leur fortune, s’efforçoient d’en exagérer la diftance, pour mieux
cacher la vraie, route qui y conduifoit.
Les principaux objets que l’on tiroit de la Sérique, étoient du fe r , des étoffes, des
pelleteries, du coton , 6c fur-tout une laine précieufe, connue des Romains, fous le nom
de Smca-materies, que les Serès çordoient d’abord, 8c que les femmes européennes filoient
enfuite pour s’en faire des vêtemens légers 8c prefque diaphanes, félon les expreffions de
Pline,
C H E Z L I S G R E C S , g7 I
Cette laine ne doit pas être confondue avec la foie ( Sericum ) , qui fe tiroit auffi de la
Sérique , mais d’un canton particulier que j’indiquerai.
On voit donc que le citoyen Goffelin diftingue deux parties dans la Sérique ; l’une affez
favorablement fituée pour que les vers à foie puiffent y vivre ; l’autre, plus avancée dans
le n o rd, qui ne produifoit pas de fo ie, mais qui a pu fervir d’entrepôt pour le commerce
de cette matière précieufe.
La divifion propofée par le citoyen Goffelin , ne s’éloigne pas du témoignage des anciens
, puifqu’ils ont placé la Sérique , tantôt dans l’Inde , tantôt dans la Scythie ; mais le
plus fouvent dans une contrée intermédiaire , -entre la Scythie 6c l’Inde. Auffi, le climat,
le caraâère des Serès a-t-il été peint diverfement par les auteurs, fuivant les places qu’ils
leur affignoient : les uns ont parlé des Serès comme d’un peuple le plus d o u x , le plus
heureux ; les autres en ont fait des efpèces de fauvages. qui fuyoient à la vue des autres
hommes.
Cette contrariété , entre les écrivains , s’ expliquera, fi je puis , dit le citoyen Goffelin ,
faire v o ir , t° . que la Sérique s’étendoit à la fo is , ôc dans l’ Indé, 8c au nord de cette
contrée ; z°. que par la difpofition du terrein de la Sérique, fa partie méridionale jouiffoit
d’une température égale à celle de la Perfe, tandis que là partie feptentrionale étoit ex-
pofée à des hivers rigoureux ; 30. que l’on arrivoit également dans la Sérique, foit en
paffant au nord des fources de l’Indus, 6c en traverfaàt une portion de la Scythie, fans
entrer dans l’Inde, foit en traverfant la Perfe 6c une partie de l’Inde, fans entrer dans la
Scythie.
Enfin, je croirai avoir préfenté toutes les preuves que l’on peut exiger dans ces fortes
de recherches, fi je puis' indiquer un pays qui réuniffe les principales circonftances que
les anciens nous ont tranfmifes ; 6c retrouver dans le nom aftuel de la contrée oh je m’arrêterai,
ce nom de Sérique qu’elle portoit autrefois.
Les principaux auteurs anciens qui ont placé la Sérique entre l’Inde 6c la Scythie, font
Pomponius-Mela , Pline, Solin, Paul Oro fe , Æthicus, Martianus Capella, l’Anonyme
de Ravenne ôc Ifidore de Séville. Ils ont ajouté, en même temps , que la Sérique étoit fur
les bords de l’Océan oriental ; 6c ces affertions mal combinées, mal entendues ont fait
penfer à un grand nombre de Géographes modernes, que les connoiffances des anciens
s’étendoient jufqu’aux extrémités de l’Afie , 6c que les Serès avoient occupé la Tartarie
Chinoife .jufque fur les bords de la grande mer Pacifique.
Mais, ni les Grecs, ni les Romains , n’ont jamais eu çonnoiffance des mers qui bai-
gnoiént ljes côtes de l’Afie , depuis la prefqu’île Malayeine jufqu’au Kamtchatka. J’ai
déjà foutenu , ajoute le citoyen Goffelin, que l’Océan oriental des anciens , n’étoit autre
chofe que le golfe de Bengale. Cette opinion avoit d’abord étonné,. mais ce favant l’a
démontrée vraie dans un Mémoire; inféré dans les Mémoires de la ci-devant Académie
des Belles-Lettres ; on y voit que les connoiffances géographiques des anciens étoient
circonfcrites en Afie par une ligne , qui, peu après la bouche orientale du Gange, pafferoit
paHa partie orientale du grand T ib e t , laifferoit à droite le défert, nommé Cofy, la