
la Thrace;- & d’après Memnon & Juftin. qu’une
partie de cette colonie étoit paffée dans l’Afte.
Les auteurs, pour le dire en paflant, ne s’accordent
pas entre eux , ni quelquefois avec eux-
mêmes, fur les excurfions' des Gaulois. Juftin en
fait fo i, ainft que je fai 'déjà obfervé. Tite-Iive
raconte différemment la defcente des Gaulois dans
la. Thrace, & leur paffage dans l’Afie. Nous apprenons
de cet auteur célèbre, que dans le temps '
que Brennus étoit en chemin pout l’expédition
qu’il inéditoit, une partie de fes troupes s’ étant .
foulevée dans la Dardanie, vingt mille hommes
fe détachèrent de fon armée. Ils fe retirèrent dans
la Thrace , fous la conduite de Lconorius & de
Lutarius. Après en avoir rendu tributaires les ha-
bitans, ils s’étendirent jufqu’à Byfance , & fur la
côte de la Propontide , dont ils s’emparèrent.
Enfuite, informés de la fertilité de l’A fie, ils ré-
folurent d’y paffer. Dans ce deffein, s’étant rendus
maîtres de Lyfimachie & de toute la Cherfon-
nèfe , ils entrèrent dans l’Helbfpont, où, pour
quelque difpute qu’ils eurent enfembie ', ils fe réparèrent.
Léonotins retourna à Byfance. Cependant,
Lutarius paffa dans l’Afte, où il fit d’abord
quelques incurfiôn.s fur les côtes. Bientôt Léo-
norius y paffa aufli, & s’étant réconciliés, ils
rendirent un ferv tcë ftgnale a Niconiede, roi de
Bithynie. Ils tournèrent leurs armes contre Zybée,
qui avoir entrepris d’envahir les états de ce roi;
& déjà il en étoit maître d’une partie, lorfqu’il fut
défait par les Gaulois. Enfuite ces peuples continuèrent
leurs courfes en^Afte , quoiqu’il ne leur
reftât plus que dix mille eombattans. Ils répandirent
tellement la frayeur en- deçà du mont
Taurus, que toutes les nations vinrent fe fou-
jnettre à leur empire.
Comme cette Colonie étoit compofée de trois
fortes de peuples, favoir , les Toliflobôges, les
Trocmes , & les Teftofàges, ils partagèrent entre
eux les pays de l’Afie qu’ils avoient conquis. La
çôte de l’Hellefpont échut aux Trocmes ; l’Eolide
avec l’Ionie , aux Toliftoboges ; & la partie méridionale
de l’Afte mineure, aux Teélofages. En
un mot, toute cette contrée fituée en - deçà du
Taurus, avoit été rendue tributaire. Il faut obferver
que les bornes de cette province , connue, dans la
fuite fous le nom de Galatie , n’étoient pas fi
étendues -, c’eft-à-dire, que nos Gaulois ne fe main-
purent pas toujours dans la poffeflion <te tous les
pays dont ils s’étoient d’abord rendu maîtres.
Après un établiffement fi confidérable , les Gaulois
ne demeurèrent pas en repos. On les vit
bientôt porter encore leurs armes en diverfes
contrées. Le favant Dom Martin Bouquet place
ici une expulfion des Gaulois d’Afie par Antio-
phus, furnommé Sour. Ceft d’après Appien d’Alexandrie.
Cet ancien auteur n’en dit pas davantage.
Il nous apprend feulement que c’étoient des
Gaulois paifés d’Europe en Afie. Peu de temps
jmrès, b^comède, roi de Bithynie , qui s’étoit
T E C
fait des alliés de nos Gaulois, les appela à foft
fecours contre Antiochus, roi de Syrie. Les Gaulois
marchèrent auffi-têt ; mais ayant livré bataille,
ils furent défaits & perdirent beaucoup de inonde.
On prétend que'Ce fut cette viétoire qui valut à
Antiochus le furnom de Soter, .qui veut dire fau-
veur. Ces malheurs n’empêchèrent pas les Gaulois
d’aller au fecours de Zéilas, que Nicomède fon
père avoit déshérité. Après la mort de ce prince,
Zéilas entreprit de monter fur le trône, dont
on avoit voulu le priver. Ce fut principalement
aux Gaulois qu’il fût redevable de l’heureux fuecès
de fön entreprife. Ils fe retirèrent chez eux
chargés des dépouilles de la ville d’Héraçlée ,
qu’ils avoient mife à contribution.
Les Gaulois recommencèrent enfuite leurs hof-
tilités contre cette ville , & après en avoir ravagé
le territoire plufieurs fois, ils'furent contraints de
fe retirer, ayant perdu .les deux tiers de -l’armée..
C’eft encore à la même année que l’on rapporte
ce que -dit Paufanias ; faveir, que Ptolsmée Phi-
lopator fit venir quatre mille Gaulois dans fes
états, afin de s’en fervir contre Magas, fpn frère
utérin, qui avoit pris les armes contre lui.- Le
roi d’Egypte s’étant apperçu que ces Gaulois ne
méditoient rien moins que la conquête de' fon
royaume, lès fit conduire, fous prétexte de quelque
expédition, dans une île déferte, où ils périrent
tous.
Quelques années après les Gaulois déclarèrent
îa guerre à Antigoinus, fans qu’on en fâche la
raifon. La cruauté qu’ils montrèrent envers leurs
femmes & leurs enfans, en les facrifiant tous ,
immédiatement avant la bataille, fut punie par
la. déroute générale de leur armée.
Antiochus, furnommé Hiéràx, eut aufli recours
aux Gaulois dans la guerre qu’il eut à foutenir
j contre Sélecus fon frère, nommé Callinicus, roi
de Syrie. Celui-ci fut vaincu, & Antiochus dut
cette victoire à la valeur des Gaulois, qui tournèrent
enfuite leurs armes contre lui-même. Ce ne
fut qu’à force d’argent qu’il détourna de defîiis fa
tête les malheurs dont il étoit menacé.
A peine s’étoit-il délivré de ces nouveaux ennemis
, qu’il fut obligé d’implorer derechef leur
fecours. Attale, roi de Pergame, ou, félon d’autres,
Eumène, roi de Bithynie, confidérant l’état déplorable
de la Syrie, épuifée par les guerres de
deux frères, réfolut de s’en emparer , & déclara
en même temps la guerre aux Gaulois, à qui 4
ofa le premier refufer de payer le tribut, qu’ils
avoient impofé fur-toute l’Afie mineure. On en
vint bientôt aux mains. Les Gaulois, contre toute
■ efpérance, furent défaits.
Les Epirotes ayant pris des Gaulois à leur folde ,
en mirent huit cens dans Phénica, Les Illyriens
étant venus afliéger cette ville, les Gaulois, loin
de la défendre contre ces peuples, la leur livrèrent.
Séleiicus, avec une nombreufe armée-, s’étant
avancé jufqu’ciii-delà du Taurus, fut furpris par
Urt corps de Gaulois qui étoit commandé par
Apétuirius ôc Nicanor. Ce prin.ee ayant péri dans 1
l’aélion , Achéus entreprit de venger fa mort. Les
deux chefs des Gaulois furent tués. Deux ans
après, les Gaulois étoient en guerre avec les
jByfantins ; car Polybe nous apprend que Cavare,
lin de leurs rois, fe rendit à Byfance dans le
deffein de la terminer. Prufias & les Byfantins,
qui ne le defiroient. pas moins, y donnèrent
volontiers les mains. (
Achéus ayant manqué de fidélité a Antiochus ,
s’empara de fon royaume, s’unit avec Ptolemee
Philopator, & dévint formidable aux princes d’Afie,
Attale, roi de Pergame, fut attaqué. Celui-ci eut
recours aux Gaulois de Thrace, dont il fit pafler
un grand nombre en Afie. Us le fervirent d’abord
avec zèle & fidélité. Mais un phénomène les
détacha de .fes intérêts. Une éclipfe de lune qui
fwrvint, lorfqu’ils étoient campés fur le bord du
fleuve Mégifie, fut prife pour un-mauvais augure.
Ils refufèrent donc d’aller plus ayant ; ce qui
jetta Attale dans, un grand embarras, parce qu’il
appréhendoit qu’ils ne fe joigniflent à fon ennemi ;
mais les Gaulois ayant pris :le parti de fe retirer
fur la côté de l’Hcllefpont, Attale s’en retourna
dans fon royaume. Cependant ces peuples fe
mirent à ravager les campagnes & à piller les
villes. Après avoir tenté en vain de prendre Ilium ,
ils furent encore chaffés de toute la Troade. En-
fuite ils fe rendirent maîtres d’Arisbe, ville d’A -
bydène, d’où ils firent une guerre cruelle aux
autres villes du voifinage. Prufias ,- roi de Bithynie
, marcha contre eux, & les paffa au fil
de fépée. Les femmes & les enfans ne furent pas
épargnés. Polybe obfi rve ici que Prufias , par
çette viéloire, non - feulement délivra les villes
de PHellefpont, mais apprit encore aux habitans
de l’Afie, que l’on ne devoit pas y appeler témérairement
les barbares de l’Europe.
Antiochus, étant en guerre avec les Romains,
employa à fon fervice des Gaulois d’Afie. Tite-
Live remarque qu’ils confervoicnt encore leur valeur
martiale. On en voyoit entre autres quatre
mille dans l’armée de ce prince, tandis qu’il
afliégeoit Attale dans la capitale de fon royaume.
Ces peuples caufèrent pour 1ers les plus grands
Rivages dans la campagne. Quelques jours après,
mille archers-Gaulois allèrent ihfulter le conful
romain: dans fon cainp. Le-général ayant attaqué
l'armée ennemie auprès de Magnéfie, elle fin entièrement
défaite. Au rapport d’Appien, les Gaulois
qui la compofcient en partie, étoient des Teéro-
fages, des Trocmes & des Toliftoboges. ,
Les fecours que les Gaulois ayoieiit donnés
dans, cette occafion à Antiochus contre les Romains
, furent les motifs dont ceux-ci fe fervirent
pour leur déclarer la guerre. Au refte, il ne
me paroît pas nécelTaire (Centrer dans le détail
de cette guerre ; cela pourroit paroître étranger à
mon fujet, puifqu’on n’y verroit pas proprement
de nouvelles excurfions , mais feulement des
peuples qui vendirent cher la foumiflion qu’on voulut
exiger d’eux. Depuis que la paix eut été conclue,
il eft encore fait mention de quelques'expéditions,
où les Gaulois d’Afie eurent part. Quand le roi
Eumène marcha au fecours des Romains contre
Perfée, roi de Macédoine, il y avoit dans fon
armée des Gaulois d’Afie, & dans celle de l’ennemi
des Gaulois d’Europe; je dis d’Europe, étant
vraifemblable que ceux d’Afie qui veiioient d’èfre
réduits par la force des armes , fou.s la puiflance
de la république Romaine , n’auroient pas olé
fe déclarer contre elle. D’ailleurs, Juftin dit.que
ces Gaulois étoient ceux qu’on appeloit Scordifqu.es..
Or , ceux-ci , ainft qu’on l’a déjà vu , étoient
finies le long du Danube. Quoi qu’il en fo it,
ce fut avec ces Gaulois que Perfée obligea les
Romains de lever le fiège de la ville de Caf-
fandrie ; & on penfe que fi l’avarice de ce. prince
ne l’eût pas empêché d’en faire venir un plus
grand nombre ( il n’en avoit que deux mille ) , il
auroit évité, & fa propre, perte, ék celle de;
fes états. En effet , Çlondic, un des chefs
des Gaulois, qui étoit alors dans l’Illyrie avec
une armée de vingt mille hommes, convint avec
Perfée d’aller à fon fecours, moyennant une
certaine fournie. Ce roi , ayant différé d’exécuter
fa promefïe-, les Gaulois retournèrent fur leurs
pas, après avoir ravagé la Thrace, Eumène, dont
nous venons de parler, étant repafle en Afie avec
les Gaulois, ne laiffa pas d’envoyer mille chevaux
de cette nation à Attale fon frère ,- qui étoit au
fervice des Romains dans la Macédoine. De ces
mille cavaliers , les uns furent tués, & les autres-
faits prisonniers.
. Dans la fuite , les Gaulois eurent encor» affaire
avec plufieurs princes , tels qu’Attale , Eumène ,
Prufias, & Ariarathe. Mais ces différends n’eurent-
pas dè grandes fuites, parce que les Romains é-ni»
ployèrent leur méditation pour les terminer. Tels
furent, pour le dire en peu de mots, les exploits
les plus mémorables des Gaulois, 'dont nous ayons
connoiffance , du moins avant l’entrée des Romains
dans le pays d’où ils étoient originaires, '
Avant que de quitter cette troifrème partie, il
eft à propos de joindre ici quelques courtes obfer-
vations. Dans le récit que je viens de faire; i°. j’ai
nommé rarement les Teélofages, me contentant
de citer les Gaulois. C’eft une méthode que j’ai
cru devoir fuivre , pour éviter, la confufion. Je
ne crois pas que l’on en conclue que les Teélofages
n’eurent peut-être point de part aune partie
de Ces excurfions. Du moins , un tel fen-
timent feroit combattu par prefque tous les anciens
écrivains , qui , pour l’ordinaire , ne font
mention que des Teélofages , quand ils parlent
de ces Gaulois qui allèrent porter leurs armes
dans la Germanie.
a®. Sans m’arrêter à ce que racontent les écrivains
niodernçs des excurfions des Teélpfages ,