
le monde vouloir abandonner le continent pour aller habiter cette île. Le roi Harold
fut obligé de défendre ces émigrations. Comme les plus puiffans étoient auffi les plus
difficiles à contenir, on ne permit les émigrations qu’aux plus riches , & cette richeffe
confiftoit en un marc d’argent.
Dès ce temps, les îles qui font au nord & à l’oueft de l ’É coffe, étoient connues :
Les VeUernes portoient le nom de Sodoroé, ce qui lignifie île du fu d , parce q u e ,
par rapport à eux , elles étoient au fud. On obferve que Sedor lignifiait le fu d , Sc
Qar, île.
Dans la fuite, Harold fe rendit maître de ces île s , autant -pour étendre fa puilîance
que pour empêcher qu’elles ne ferviffent plus de retraites à des pirates q u i, s’y rendant
indépendans, ravageoient auffi bien les côtes de fon pays que celles de France & d’Allemagne.
Je ne veux pas omettre de faire connoître un perfonnage de ces temps reculés, dont
l’exiftence a influé fur le fort.de la France , Si qui y a porté une colonie dont la race
y fubfifte encore : c’ eft ce chef connu fous le nom de Rollon.
Iletoit fils de Rongwald qui avoit le titre de Comte des Orcades & fe nommoit Hrod
ou Herold. Mais ayant fait le métier de pirate & ayant infefté les côtes delà No rvèg e ,
avec laquelle Rongvald avoit des liaifons, il y eut des plaintes ; Herold fut banni des
Orcades; Il fe retira aux îles Sodoroé oh vivoient une foule d’hommes auffi brigands que
lui. Sa réputation de bravoure & ’ une certaine élévation d’efprit les rangèrent bientôt
fous fes ordres. Avec eux, & par eux, il ravagea les côtes de l’Angleterre & celles de
France! Il arriva à l’embouchure de la Seine en 876.
On lui céda une partie de pays appelé alors Neuftrie : cette partie, d’après fes nouveaux
habitans, prit le nom de Normandie ; Herold reçut le baptême en 912 & prit le nom de
Rollon.
En 981 & 983 un de ces normands, établis en Iflande, nommé Er ic, en fut exilé pour
'un meurtre : fon exil devoit durer trois ans. Il en profita pour faire des courfes fur mer ,
& ces courfes donnèrent lieu à une nouvelle découverte. Il reconnut à l’oueft de l’Iflande une
terre, dont à fon retour, il 'fit une affez belle defcriptiôn. Il y avoit trouvé de belles forêts
& en général beaucoup de verdure. D ’après cet avantage, ce nouveau pays fut nommé
■ Groenland ou Terre-Verte. Les côtes offroient en outre une pêche très-abondante.
En io o x Leif découvrit une autre terre au fud de Groenland, & s’avança à -p e u -p r è s
jufque fous le 49e degré de latitude : malheureufement dans ces temps d’ignorance, on ne
conftruifoit pas de cartes, on ne rédigeoit pas de deferiptions. Les traditions orales fe per-
pétuoient de l’un à l’autre, jufque fur le continent, où elles étoient recueillies par une
curiofité ignorante & écrites fans critique & fans examen. On voit cependant par le peu de
notions qu’ils ont la'iffé, & par la géographie d’Alfred , remplie de noms qui nous font totalement
inconnus, que les habitans de Groenland s’avancèrent fouvent fur cette terre nouvellement
découverte , & même qu’ils y trouvèrent des habitans de petite ftature.
Ce nouveau pays eft appelé Winland dans Alfred. D ’après la direction que prennent les
voyageurs,
voyageurs, ce doit être ïïle de T e r re -N eu ve , iou une partie du pays des Êxqttanâux.
Ainfi, l’Amérique feptentrionale eût donc été connue des ce temps, & fa première découverte
, par les Normands 1 o o x , auroit précédé de près de cinq fiècles ta fécondé découverte
par Colomb en 1494.
Je reviens aux Groërilandois qui eurent des églifes & un évêque.
En 1376 les Exquimaux commencèrent à fe faire connoître aux navigateurs.qui alloient
en ÙViland. Autant que l’on en peut juger, à caufe de l’obtcurité des récits ,■ ils eurent guerre
avec les Normands, & ceux-ci furent détruits; car depuis le quinzième fiècle, il n’eft plus
parlé d’eux.
Il faut remarquer, avec les Hiftoriens du nord,que les glaces s’augmentèrent toujours
depuis ce temps au nord & à l’oueft de l ’Iflande , interrompirent le paflage entre cette île
& le Groenland, & déterminèrent, par leur préfence, une caufe de froid encore plus confi-,
dérable : c’eft ce qui fait, fans doute, que le blé ne croît plus à Calons, dans l’Iflande.
Depuis l’an 1401 jufqu’à l’an 1404, il régna dans le Groenland une maladie pefti-
lentielle qui le dépeupla prefque entièrement
Cependant les parties feptentrionales de l’Europe commençoient à prendre une forme un
peu plus folide. La religion chrétienne qui y pénétroit, y adoucifloit les moeurs, & y apportait
le flambeau dés lettres. Quoique les prêtres aient fouvent commis de grands excès ,
& que cette religion, telle qu’on la prêchoit, renfermât de grands abus, on ne cherchera
point à fe diflimuler qu’en pénétrant les coeurs d’une morale plus douce elle détruifit
l’amour du pillage Si ce'penchant brutal à lafférQcité.
En Danemarck Harald ou Herald I I , furnommé B la a ta n d , ou à la dent bleue, fut le premier
roi qui reçut le baptême.
Après , lui fon fils Suenon , ou SuendI, furnommé Tinfguskieg ou à la barbe farouche
retourna à la religion de fes ancêtres, Si à leur manière de vivre : il permit de vivre-
& vécut lui-même de pillages Si de rapines. Il fit plus mal encore, ij perfécuta les
chrétiens.
Enfin en 1016 Canut ou Knut le Grand , monta fur le trône & adopta le chriftianifme. Il
appela des moines, ( mal peut-être alors néceffaire) pour éclairer fa nation; il fondâmes
églifes , & le Danemarck commença à mériter d’être compté au rang des autres Etats
de l’Europe.
Cependant la nouvelle religion introduite en Danemarck, .ne put d’abord infpirer aux
Danois la pratique des vertus chrétiennes, ni calmer la fougue de leur caraâèrc. Un penchant
invincible les entraînoit à la guerre & à la piraterie. Cette nation faifoit fon idole d’un
héroïfme fauvage qui la port oit à affronter les dangers, mais qui lui fermoit le coeur à tous
fentimens dé compaffion Si d’humanité.
L’envie de fe fignaler S i l’avidité du butin, engageoient les Danois à former des entreprifes
hardies, Si elles etoient fouvent fuîvies de fuccès. A la vérité'ils perdoient fréquemment
leurs conquêtes avec la même facilité. Dans l’efpace de foixante & dix ans, ils fubjuguèrent
trois fois la Norvège (e n 9<jz , 983 & 10 16 ) Si deux fois l’Angleterre, (en ïo i î
Géographie ancienne. Tome I I I . S s s S