
ce char étoît l’image de la vierge, protectrice de
•cette capitale. L’empereur dépouilla publiquement
Borifès de tous les attributs de la royauté, il lui
donna le titre de général dé l’empire, 8c la couronne
des rois de Bulgarie fut portée dans le
temple de fainte Sophie.
Zimifcès mourut empoifonné l’an 976. Sa mort
fut immédiatement fuivie de la défection des Bulgares
, qui rappelèrent Borifès. Ce prince s’étant
échappé de Confrantinople habillé à la grecque
avec fon frère, fut tué dans une forêt, par un
Bulgare, qui le prit pour un grec. Son frère Romain
arriva fain & fauf ; mais il ne tarda pas de
retourner à Confrantinople ; il avoit d’ailleurs été
fait eunuque pendant fa captivité p a r le chambellan
Jofeph. La poftérité de Borifès fe trouvant
éteinte, les Bulgares confièrent le gouvernement
de leur pays à quatre frères appelés David,
Moïfe, Âaron & Samuel. Ils étoient fils d’un
comte très-puiffant, & qui jouiffoit d’un grand
crédit dans la nation. Les trois premiers de ces
frères étant morts bientôt après, -Samuel régna
feuli II profita des guerres civiles qui occupoient
l’empereur Bafile contre Bardas Sclerus, pour
ravager & conquérir même plufieurs provinces
romaines. Il envahit la Thrace, la Macédoine ,
la Grèce, & une partie du Péloponnèfe. Il faut
ohferver que lors de cette expédition, les Bulgares
étoient indifféremment défignés par le nom
de Sclavons , comme on le voit dans plufieurs
auteurs, qui parlent de leurs incurfiôns dans les
provinces occidentales & méridionales de l’empire.
Ces pays rie demeurèrent pas long-temps fournis
à leur domination, puifqu’ils ne changèrent point
de nom , & qu’ils n’ont jamais été connus fous
celui de Bulgarie, ni de Sclavonie.
L’an. 979, fuivant le calcul de Dodwel, ou l’an
9 8 1 , félon le rapport de Zonare, l’empereur
Bafile marcha en perfonne contre les Bulgares, &
fit le fiègé de Sardique, qu’il leva inconfiderément,
parce qu’on lui donna un faux avis que Léon
Mélifrene, à qui il avoit confié la garde ' des
pafiages, étoit retourné à ' Confrantinople, pour
s’y faire, proclamer empereur. Samuel tira parti
de la précipitation avec laque le Bafile fe mit en
marche, pour entrer dans la capitale ; il le peur-
fuivit, lui préfenta le combat, & l’obligea de fe
réfugier en déroute à PhilLppopcHis, où il reconnut,
mais trop tard, la fidélité de Léon, qui n’avoit
pas quitté fon pofte. Le mauvais fuccès de cette
campagne , donna lieu à la révolte de Bardas
Phocas, neveu de l’empereur Nicéphore'. Celui-ci
fe mit à la tête de plufieurs mécontens, & parvint
à fe faire proclamer empereur l’an 987. Mais la
mort fubite & imprévue de ce rebelle, arrivée
l’an 989, rendit la tranquillité à.Bafile, & lui
permit de travailler férieufemerit à châtier les
Bulgares.
La même' année fut marquée par un* événement
mémorable, Wolodimir, prince des Ruffes,
qüi avoir ép#oufé Anne-, foeur des empereurs
8c Conftantin, embraffa la religion chrétienne a
la follicitation de cette princefle. Il eft regardé
par les Rudes comme l’apôtre de la nation ; quoique
l’empereur Bafile I , fucceffeur de Michel III, eût
déjà jeté parmi eux les premières femences du
chriftianifme dans le fiècle précédent. Il eft vrai-
femblable qu’ils étoient depuis retournés aux erreurs
du paganifme, puifque long-temps après la prin-
ceffe Olga ou Hélène, vint à Confrantinople fous
Conftantin Porphyrogénète, ou fous Jean Zimifcès,
& s’y fit chrétienne. Cette Olga étoit femme d’Igor,
mère de Swiatoflaw , 8c aïeule de Wolodimir..
Elle gouverna quelque temps après la mort de
fon mari, 8c fe vengea des Dreflians , qui en1
avoient été les auteurs; elle remit enfuitê les rênes
du gouvernement à fon fils Swiatoflaw , dès qu’il
fut en âge de majorité. Depuis la cohverfion de
Wolodimir , les Ruffes ont toujours confervé le
rit grec dans les cérémonies de la religion-. Ce
prince, qu’ils honoroient comme un faint, eft
enterré à Kiovie. Il étoit fils naturel de Swia.-
toflaw, 8c avoit deux frères légitimes, Jatoploë,.
duc de Kiovie, & Oglas,. duc de Pereaflaw; ce
dernier périt par la trahifon de fes foldats ; Wo-
lodimir fit mourir l’autre dans une entrevue qu’il
eut avec lui : il demeura par-là feul & paifible
poffeffeur dés états de fon père. Il fubjugua, &
rendit tributaires fes voifins les Bulgares, les Croates*
les Viatiques 8c les Jazyges, & enleva: aux Romains
la ville de Cherjone. Il fit la paix avec eux *
& cette paix fut fuivie de fon mariage 8c de;
fa converîion.
Samuel, roi de Bulgarie, avoit fu tirer tous,
les avantages poflibles des guerres inteftines qui
jlécliiroient l’empire; il étoit temps que Bafile
penfât à mettre obftacle à fes ufurpâtions & à
fon agrandiffement. L’an 995, dès que la guerre
civile fut terminée , T empereur confia à Grégoire
Taronite le commandement d’une armée qu’il envoya
dans la Thrace. Il lui donna ordre de mettre
bonne garnifon dans Theffalonique, & de contenir
Samuel. Ce général détacha fon fils Afor pour
aller reconnaître l’armée ennemie ; celui-ci donna
dans une ambufcade, & fon père en ayant eu
avis, vola pour lui donner du fecours ; mais pendant
qu’il faifoit des efforts pour l’arracher des-
mains des Bulgares, il fut enveloppé lui-même,.
& périt en combattant. Sa mort entraîna la perte
de la bataille que ce combat avoit engagée. A
la nouvelle de cette défaite, Nicéphore Uranus
fut envoyé pour fe mettre à la tête de l’armée,.
dont il raffembla les débris. Il atteignit Samuel *
qui avoit déjà paffé la vallée de Tempé 8c le fleuve
Pénée, dans la ,Thcjpilk, & alloit entrer dans le
Péloponnèfe ; il le furprit fur le bord du fleuve
, Sptrchius, 8c tailla fon armée en pièces. Le -roi
lui-même & fon fils Romain ne purent fe fimver
qu’en fe tenant long-temps cachés fous les morts y
oc ils retournèrent dans la Bulgarie,
Les Turçs Hongrois, après avoir long-temps
inquiété les Grecs, avoient tourné leurs armes
vers l’occident. Ils avoient foutenu des guerres
fanglantes contre les François, les Saxons, &
tous les autres peuples occidentaux ; 8c ils étoient
devenus la terreur de l’Europe. A la fin de, ce
fiècle ils commencèrent de fe policer. Ils eurent
des demeures fixes & devinrent cultivateurs ; le
germe de la religion- chrétienne, que Charlemagne
avoit jetté chez eux, frucfrfioit de jour en
jour; Geyza., leur dernier duc, contribua beaucoup
à la propagation de la foi chez ces peuples ;
faint Eftienne fon fils , mit la dernière main à
leur converfion, & acheva de répandre le chriftianifme
dans toute la Hongrie. Geyza fon père
ne pouvant plus foutenir le poids de la fouve-
raineté, lui remit en 997, les rênes du^ gouvernement
, avec l’agrément de toute la nation, qui
lui prêta ferment de fidélité, & lui donna le titre
de .roi. Après la mort de Geyza, faint Eftienne
envoya un ambaffadeur au pape Benoît V i l , pour
lui demander le diadème roy al, qui lui fut accordé,
quoique les Hongrois prétendent que ce diadème
defcendît du ciel. Le pontife refufa la même grâce
an roi de Pologne Miciflas, qui l’avoit demandée
dans le même temps. On n’a jamais trop bien
pénétré les raifons de ce refus.
Samuel, roi de Bulgarie, étoit à peine retourné
dans fes états après fa défaite,' que fa foîblefle
pour fa fille le plongea dans de nouveaux malheurs*
Cette princefle, devenue éperdument amoureufe
d’Afot Taronite, demeuré captif chez les Bulgares
depuis la mort de fon père, menaçoit de fe tuer
fi on réfufoit de le lui donner pour époux. Samuel
confentit à ce mariage, & donna à Afot la pré-
fefture de Dyrrachium. A peine ce prince y fut-il
arrivé, qu’il détermina fa femme à le fuivre. Il
retourna chez l’empereur, 8c après avoir livré aux
Grecs la ville de Dyrrachium, il entra dans la Bulgarie
par Philippopolis, 8c ravagea plufieurs places
.dans le territoire de Sàrdique. L’an 1000, l’empereur
affembla de nouveau une formidable armée ,
& l’envoya contre les Bulgares, fous le commandement
de Théodoracan 8c de Nicéphore Xiphias,
qui, dans cette campagne, prirent les villes de
Prejllabe 8c de Pliskow. L ’année fuivante, l’empereur
fe mit lui-même à la tête de fes troupes, &
les mena en Bulgarie. Il vint à Theffalonique,
après avoir conquis les villes de Benêt, de Servit
oc d’Z/dine. L’an 1002, il enleva d’aflaut Viddin ,
après un fiège de huit mois, & mit en fuite l’année
de Samuel au-delà du fleuve Àxius. Il tenta enfuite
inutilement le fiége de Pernik, & retourna à
/Confrantinople.
Dans la même année, des peuples qui habitaient
au-delà 8c en-deçà du Danube, dans la Moefie inférieure
, jufques au Pont-Euxin , & que Bonfinius
prend pour des Bulgares, vinrent, ffeus la conduite
de leur chef Céas, ravager la Pannonie 8c la
Hongrie. Saint Eftienne raffembla des forces confidérables
pour attaquer ces ennemis redoutables
par leur nombre, leur valeur, 8c la nature du
terrein ou ils étoient fortifiés. Il entra dans la
Myfie, 8c y trouva beaucoup de réfiftance ; il livra
plufieurs combats, dans lefquels la vi&oire demeura
indécife. Les Barbares furent enfin forcés de céder
8c de prendre la fuite ; leur chef Céas fut tué ,
leur camp fut pillé, 8c tous les foldats Hongrois
retournèrent chargés de butin. On y trouva une
fi grande quantité d’or, d’argent 8c de pierreries,
qu’il eft à croire que ces Barbares perdirent dans
une feule journée le profit de toutes leurs guerres
précédentes. Je penfe que Bonfinius. fe trompe ,
en attribuant aux Bulgares un événement qui me
paroît regarder les* Patzinacites, qui habitoient en
effet alors au-delà du Danube, vers le Pont-Euxin.
Les Bulgares étoient dans ce temps-là trop occupés
avec les Grecs pour fonger à inquiéter leurs voifins.'
D’ailleurs on ne voit pas qu’ils aient eu aucun
roi, ni chef appellé Céa s ; Ducange, qui en donne
une fuite très-exaéle, n’en fait pas mention. Il me
paroît donc qu’il convient de mettre cette incur-
fion fur le compte des Patzinacites. Quelque temps
après la deftruâion du royaume de Bulgarie par
Bafile, les Bulgares frirent tranfplantés vers le
Pont-Euxin, dans les provinces cififtriennes, qùi
prirent alors le nom de Bulgarie. C’eft ce qui a
fait dire à Albertus Aquenfis * vers l’an 1106, que
la Bulgarie étoit habitée par les Patzinacites ; 8c
c’eft peut-être- aufli ce qui a donné le change à
Bonfinius.
Chaque année étoit marquée par de nouvelles
entreprifes des Romains contre les Bulgares. Mais
la plus glorieufe des campagnes de Bafile fut celle
de 1014. Samuel, informé de fes préparatifs, garda
fi bien tous les paffages, que l’empereur défefpéra
de les pouvoir forcer. Mais Nicéphore Xiphias
alla paffer le mont B a la b i f lé , 8c fondit par les
derrières fur l’armée Bulgare, qui fut taillée en
pièces ; Samuel lui-même fe fàuva avec beaucoup
de peine, par le fecours de fon fils, qui le mit
fur un cheval, 8c le conduifit à Pre jlla b e. Bafile fit
dans cette afrion quinze mille prifonniers.; il les di-
vifa par centaines, 8c les fit tous aveugler, ne ïaiffant
qu’un oeil à un feul homme par centaine, pour
ramener les autres à Samuel. Ce malheureux prince
fut pénétré d’une fi vive douleur, à la vue d’un
fi effroyable fpeéfable , qu’il mourut deux jours
après. Il eut pour fucceffeur fon fils Gabriel, appelé!
aufli R om a in ou Radomire . »
Ce prince avoit autant de Valeur 8c de grandeur
d’ame que fon père, mais beaucoup moins de
prudence. Il fit avancer Neftoritza avec une armée
vers T h e ffa lo n iq u e ; mais ce général fut battu par
Théoplîiiaéte Botoniate, préfet* de cette ville.
Pendant ce .temps-là Bafile travailloit à forcer les
défilés de Bulgarie ; à la nouvelle de cette victoire
, il donna ordre à Théophila&e de charger
de nouveau les ennemis.; mais celui-ci tomba dans
' un piège ou il laiffa la yie, 8c foii armée futmife
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