
fait aucun mal aux Romains ; & l’on doit conclure
qu’ils paflerent pour la première fois le
Danube larfqu’ils réfolurcnt d’envoyer à Ce prince
l’ambafiade dont-je viens de parler;-ils n’eurent
même des pcfleffions en-deçà de ce fleuve que
fous le règne de l’empereur Maurice. Ce fut en
effet du temps de ce 'prince, lcrfque Prifcus
gouveriioit l’Iliyrie, & qu’Heraclius j depuis empereur
, commandoit les armées en Perfe en qualité
de fimple général; ce fut alors, dis-je, que
les Avares , connus auffi fous le nom de Slaves
ou Sclavons, commencèrent à s établir dans les
provinces Cififfriènnës.
Conffantin Porphyrogénète femble vouloir rapporter
les premières incurfions des Avares au temps
de Dioclétien. Je rappellerai encore à ce fujet un
pafl'àge de cet auteur, que j’ai déjà cité..« L’em-
».pereur Dioclétien , dit - i l , aima beaucoup la
» Daîmatie ; c’eft ce. qui l’engagea à y amener
» des colonies romaines.- Ces peuples étoient ap-
„ pelés Romains, parce qu’ils yenoient de Rome,
t> & on leur donne encore le même nom aujour-
33 d’hui. Ds tentèrent un jour de palier le Danube,
33 julqu’auquel s’etendoient leurs limites. Ils trou-
33 vèrent les Sclavons, qu’on appeloit auffi Avares,
33 gens fans armes, qui habitoient le pays qu’oc-
33 cupent aujourd'hui les Turcs ( c ’e ft-à.-d ire , la
3> Hongrie ). Tous les ans les Romains prenoient
33 les armes à Salone, & alloient garder les bords
33 du fleuve. Ceux d’entre eux qu’ils envoyèrent fur
33 l’autre rive, tombèrent dans une embufeade. des
33 Sclavons, qui, après les avoir tués, semparerent
33 de leurs armes, paflerent le fleuve, battirent les
33 Romaius qui y faifoient la garde , envahirent
>3 Salarie, & fe rendirent maîtres des lieux élevés
33 où les Romains s’étoient réfugiés. Ceux qui
13 échappèrent à leur fureur, fe retirèrent fur les
33 côtes de la mer Adriatique, où ils bâtirent Ra~
ngi$e nouvelle, Afpalatum, Teirangurium, Dia-
33 dora , Arbé , Sida & Opfarn , dont les habitans
,, portent encore aujourd’hui le nom de Romains 33.
( Coafl. P0rph. chap. 2p & 30 ) 33. Cet auteur
ajoute en pariculier , au fujet de Raguze, que les
«anciens Raguzois Pa.ucra.ioi habitoient autrefois la
ville A’Epidaure; mais que cette place ayant été
rife par les Sclavons, les citoyens qui fe déro-
èrent à'la barbarie des vainqueurs, allèrent chercher
leur lùreté dans des lieux eicarpés où ils
S’établirent, & fondèrent enfliite la nouvelle Ramure,
l’an 449, fous le.règne deThéodofe-le-Jeune.
jte nombre des habitans de cette ville fut con-
fldérablement augmenté par la tranfmigratidn de
ceux de Salone, & l’on fut obligé jufqu’à quatre fois
d’étendre le circuit des murailles. Cette fondation
a donné lieu aux lavantes recherches de Banduri ,
que l’on trouve dans fes notes fur Conflantin
Porphyrogénète.
Il çft évident, par le témoignage de la plupart
des hiftoriens, que les Avares n’ont commence de
pafçîtrs fous ce nom que vers le milieu du fixième
fiècle, à la fin du règne de Juftiniefi , Sc au côrttf
mencemcnt de celui de Juftin II. Ce qui me pa-
rcît avoir donné lieu à l’erreur de Conflantin
Porphyrogénète, & de divers auteurs plus modernes
, c’efl qu’ils ont confondu les Avares avec
les Slaves ou Sclavons, nom générique de ces
Barbares; mais les Sclavons, qui commencèrent
leurs courtes fous le règne de Dioclétien, & les
fondateurs de Raguze & de toutes, les autres
villes dont je viens de parler, n’avoient point
-encore pris le nom d’Avares , fous lequel ils n’ont
été connus que quelque temps après des empereurs
de Conflantinople, & qui n’a été donné , je pente ,
qu’aux dernières'nations fclavonnes qui ont défolé
l’empire Romain. Mais comme les Avares étoient
venustde la Pannonie, & du même pays que les
Huns &les Slaves, peuples folavcns comme eux,
plufieurs écrivains ont dit que les Huns & les
Sclavons étoient Avares,, au lieu que ces derniers
n’étoient qu’une tribu / fclavonne, dont le nom
particulier a été confondu avec le nom générique
de toute la nation.
L’hiftoire nous apprend que les Avares, dans l’in—
curflon qu’ils firent fous le règne de l’empereur Maurice
, s’avancèrent de la Daîmatie dans la Thràce, &
vinrent jufqu’aux portes de Conflantinople, On
n’auroit pas pu même les amener à une paix fans
le ravage que la pefte fit dans leur armée. Maurice
ayant rompu cette paix, fans aucun fujet
légitime, fut battu ; S c le refus qu’il fit de payer
au cagan des Avares la rançon des prifonniers |
fut caufe que ce barbare les fit tous mourir*
Maurice fe reprocha la dureté de fon refus, qu’il
expia par la réfignation avec laquelle il flibit fon
fupplice, après avoir foutenu le fpeéfacle du,
meurtre de tes enfans, que Phocàs fit tous dé->
capiter à tes yeux, l’an 602.
C’eft, à ce que l’on préfiime, au règne de
Phocas que l’on doit rapporter l’époque de l’in-j
curflon des Clirobates ou Croates\ dans la Sclavonie
S c la Croatie. Si l’on en croit Conflantin Porphyrogénète,
les Avares avoient à peine chafle
les Romains de la Daîmatie, qu’ils y furent fuivis
par les Croates qui les en dépossédèrent eux-,
mêmes. Ces Croates non baptifés demeuroient,
comme je l’ai déjà dit, au-delà des monts Crapaks,
& faifoient partie des Sclavons, Baftarnès d’origine ,
qui occupoient la Ruflie Polonoite, la Siléfie Sc
la Bohême. Ils confinoient avec les "Francs, qui
font les Saxons, auxquels ils étoient fournis. « Ils
»habitoient, dit Conflantin Porphyrogénète, vers
» la France , que l’on appelle aufli la Saxe, Sc
» obéifloient à Othon-le-Grand , roi de France »,
Une de ces tribus fclavonnes paflà en Daîmatie S c
y trouva les Avares, avec lefquels die foutint une
guerre qui dura plufieurs années ; ces derniers
furent vaincus & fe trouvèrent aprçs leur défait q
confondus avec les Croates. C’eft pour cela que.
i’on trouvoit encore, du temps de Conflantin
Porphyrogeijçte, dans 1a npuyçliç Croatie x de$
fefles de ces Avares, dont on diftinguoit parfaitement
l ’origine. Les Croates, victorieux des Avares,
fe divifèrent en deux tribus. L’une pafla dans la
Pannonie, & y demeura encore pendant quelques
années fournîtes aux Francs ou Savons; mais elle
tecoua bientôt le joug, reçut le baptême, vécut
libre, & fut divifée en onze ç u p a n ic s o 11 feigneuries,
mot dont les Walaques & les Moldaves ont tiré
celui de ç i ip o u n i , qui lignifie en leur langue fieu r
ou feigneur. Conflantin Porphyrogénète a donné
.rénumération de ces onze diflriéts, qui me meneroit
trop loin. Il fuffit d’obferver l’époque de Fétablif—
Cernent des ces Sclavons dans le pays qui a retenu
leur nom de S c la v o n ie entre la Save oc la Drave.
La fécondé tribu de ces Sclavons mêlés avec les
.Avares qu’ils avoient vaincus, s’avança, fous le
nom de Croates, dans le pays auquel elle a donné
le nom de Croatie.
Ces'Croates ayant fait des progrès vers l’occident
, abandonnèrent infenfiblement ces terres d’où
ils avoient chafle les anciens- habitans-, & que
nous appelons aujourd’hui là Se rv ie , du nom des
ServienS qui vinrent' y fixer leur demeure fous le
règne d’Héraclius. Ces derniers étoient aufli du
nombre de ces Sclavons établis au-delà des monts
Crapaks, mais plus vers l’occident que les Croates,
& du côté de la Bohême. Le chef de cette nation
eut deux fils, dont l’un vint avec une nom-
breufe troupe de Sclavons offrir fes fervices à
Héracliiis. Cet empereur leur donna d’abord des
terres dans la partie de là province de Teflalo-
nique, qui, depuis ce temps-là, s’appela S e r v ie ,
du nom de ces Sclavons qui furent appelés S e r v icn s ,
parce qu’ils fervoient les empereurs. Quelque temps
après, ces nouveaux venus voulurent retourner
dans leur pays ; mais dès qu’ils eurent pafîe le'
Danube, ils changèrent de réfolution, & par le
conteil du gouverneur de Belgrade ou de Tau ru-
TLiitn, ils écrivirent à Héracliiis pour lui demander
la permiflion de s’établir dans les terres qui bordent
le Danubb & la Save. Elles étoient demeurées
inhabitées depuis que les Croates, mêlés avec les
Avares, ayant chafle les anciens habitans vers la
mer Adriatique, s’étoient retirés eux-mêmes dans
la Sclavonie & la • nouvelle Croatie. L’empereur
Héracliiis leur concéda ces terres; iis s’y établirent,
& y retinrent le nom de Serviens. Ils étoient
fournis aux empereurs d’Orient , pour l’intérêt
defquels ils firent depuis plufieurs diverfions fur
les Bulgares, qui s’étoient rendus indépendans.
Conflantin Porphyrogénète entre dans divers détails
fur les guerres des Serviens contre les Bulgares
; mais je me borne à indiquer ici l’origine
des Sclavons qui font venus occuper la Sclavonie,
la-Croatie & la Servie. L’hiftoire nous apprend
que vers la fin du douzième; fiècle , en 1199 ,
Etienne Ztipan, de Servie, voulut te fouftraire à
la dépendance des rois de Hongrie, dont cet état
relevoit alors., & prendre, lui-même le titre de
roi. Il envoya des ambafladeurs au pape pour le
prier de le lui conférer. Cette demande irrita le
roi de Hongrie, qui le dépofleda, & mit à fa
place V o u le ou V 'u lc a n , auquel il confentit que lé
pape donnât la couronne royale Sc le titre de roi
de Daîmatie; ce qui fut exécuté; & la Servie,
par-là, fut érigée en royaume.
La vicloire des. Croates fur les Avares. & leur
retraite vers l’occident, doivent être rapportées à
un temps poflérieur au ,fiège de Conflantinople,
que les Avares firent en 627, d’intelligence avec
■ les Pertes. Ceux-ci, l’année, précédente, s’étoient
emparés de C a lc éd o in e 'dans, l’Afie mineure. Constantinople
fut délivrée par une réîiftancè extraordinaire
des habitans , qu’on regarda .comme un
miracle, Sc qui fut fuivie des victoires d’Héraclius
fur Chofrôès, roi de Perfe.
D e s Chazares.
Sons le règne de cet empereur, les Romains
commencèrent à cônnoître les Chazares,; qu’ils
déiîgnoient par le nom de Turcs orientaux. Ces
peuples étoient des Scythes qu’on doit regarder
tomme une tribu de Turcs. L’auteur de la Bibliothèque
orientale prétend qu’ils tiroient leur nom
3 e K h o z a r ou K h .a 3 .1 r , fils de Japliet & frère de
Turc. Ce Knazar fe fépara de fes frères établis
dans diverfes contrées du rafle pays connu aujourd’hui
fous le nom de grande T a r ta r ie , & vint fur
les bords du fleuve E d e l , qui efi le V o lg a d’aujourd’hui;
il y fonda une ville, à laquellell donna
fon nom, & fit femer dans fon territoire du miliet
le feul grain qui croît dans cette région. Les habitans
de ce pays retinrent le nom. de la nouvelle
ville, & forent appelés'K h o y i r ie n s . Leur territoire
embraffoit le nord de la mer Cafpienné depuis le ,
Volga vers l’orient; & c’eft d’eux que cette mer-
a pris le nom de B a h r -K h o ^ a r ou mer de Khozar
que les Perfans & les Turcs lui donnent encore
de nos jours. Ces Ivhozariens font les mêmes que
l’on trouve cités dans les hiftoriens Grecs &
Latins qui ont écrit fur J es démêlés d’Héraclius
& de Chofroès. Us ont auffi donne origine aux
Khozariens, qui, vers le fécond & le troifième
fiècle de l’hégire, ont fait, diverfes irruptions en
Afie. Le pays de Khozar eft voifiu de celui de
K a p f c h a k , & ces deux noms font même fouvent
confondus dans les hiftoires. Quelques auteurs
croient que les Chazares avoient établi leur demeure
dans la Cherfor.èfe Taurique, aujourd’hui
la Tartarie-Crimée, & que leur domination s’éten-
doit jufques dans le nord de la Ruffie ; ce font
probablement les Huns de Crimée dont parle
Procope. Conflantin Porphyrogénète les place fur
la côte méridionale de la mer de Zâbaclie, depuis
le Couban jufqu’à Azoph, dans, le pays’ qui eft
aéiucllement habité par l’horde des Nogaïs du
Couban, fujets du khan dé Crimée; ils occupoient
auffi les neuf régions , liovim. regioncs , qui étoi-ut
;I vraifl-mblablement les îles formées par le détroit