
de Oppidum j c’eft-à-dire , bourg ou petite ville ; &
Scylax la met au nombre des ville grecques -de la
Cherfonèfe. Je n’en trouve abfolument point les
veftiges , non plus que de Hermifium rapporté par
Pline & par Mêla.
Strabon détermine fi bien la place du village
Parthenium, v.âp.it Tîeip^sviov , qu’il eft împoffible
de le méconnoître. Il l’indique à 60 fiades an-deffus
de P anticap ceum dans l’endroit le plus étroit du
Bôfphore , vis-à-vis à’Achillcsum en Afie. C’èft pré-
cifément la place où fe trouve aujourd’hui le village
de Kapmdip. A- hilloeum, félon cette indication
, auroit dû le trouver fur la pointe de Tcko-
ehckha - Bournou ou le cap du Cochon, qui efi
v is - à -v is la pointe de Kapandip, à l’embouchure
feptentrionale du détroit ; mais je ne fais pas fi les
anciens n’ont pas placé cet Achillceum trop près
de l’embouchure. Le fort dVAchou, qui efi environ
à huit lieues plus à l’orient fur le Palus Moeotide,
ne feroit-ii point le véritable Achillceum dcst les
.Tartares auroient corrompu & abrégé le nom ?
Ptolemée place après Parthenium, en allant d’orient
en occident, le' long de la- côte occidentale
du Palus Moeotide , les villes à'Heracleum & de
Zrnonis Cher no ne fus, fur lefquelles il y a quelques
observations à faite. Ce géographe, le feul'qui
fa fie mention de- ces deux villes, pourroit bien
s’être trompé an fujet de cette Cherfonèfe de
(Zenon. Je crois que ce n’étoit peint line ville ,
mais réellement une Cherfonèfe, & je ne doute
pas que ce ne fût cette langue de terre extrêmement
longue & étroite qui s'avance du fud au
nord entre la mer de Zabache & la mer Pourrie
jufqu’au niveau de lïfihme de Perecop ; les Tartares
P-appellent aujourd’hui Zèniské^ qui efi vifibiement
•une abréviation du mot Zcnonis Cherfonefus. Dans
cette hypotkèfe la ville à’Heracleum devait' fe
trouver où eft à préfentle fort de Ribat, à l’entrée
de .cette petite prefqu’fie. La- mer Pourrie efi in-
conteftabJemerit le lac Bicé, Bvkh Kipvn de Ptolemée
, & le Bures de Pline, qui efi joint au
Palus Moeotide ( comme dit très-bien cet auteur ) ,
par un canal ou un foffé , lacus Buges fojfd cmijjiis
in mare. Cette mer aveit déjà , du temps de
Strabon , le même nom qu’elle porte aujourd’hui ;
cet ancien géographe l’appelle IZcborpa hip.vn, ou
l'étang Pourri, & les Tartares Tchuruk - Degniç,
ou la mer Pourrie : il lui donne une étendue de
4000 fiades, qui embarraffe avec raifon Celîarius,
& lui fait psnfer que Strabon a voulu parler d«
toaSHe Palus Moeotide ’ auquel cette mer efi jointe
par un canal ; mais Celîarius n’a pas. fait attention
à un pacage fuivant, dans lequel Strabon dit quo
le Palus Moeotide a 8000- fiades de circuit, & par
. conféquent les 4000 fiades qui précèdent, & la
defcription qu’il dorme, ne peuvent appartenir
qu’au lac Bycé, ou la mer Pourrie. Il la dépeint
extrêmement marécageufe, & afilire qu’on peut
à peine y naviguer avec de petits, bateaux , parce
que.les vents defièchent aifément fon Ët bourbeux
, & la rendent par-là impraticable à cîe pJffè
gros bâtimens. L’étendue de 4000 fiades eft fans
doute le tour ; cette mer, fort étroite, n’à pas
. plus de trente lieues communes de longueur; &
en calculant toutes les diverfes finuoûtés quelle
forme, on pourroit tout au plus lui donner quatre-
vingt-dix lieues de circonférence, ce qui revien-
droie au compte de Strabon , en fupppfant la
ftade de 76 toifes.
Il me- refte à parler des villes Méditerranées de
la Cherfonèfe Tauriqae , dont le plus grand
nombre n’eft connu que de Ptoleraée : Strabon
en cite quelques-unes, & Pline n’en parie point.
Voyons fi , à l’aide dés veftiges d’antiquité qui
refient encore en Crimée, & avec le fçccurs cite
l’étymologie des noms, il ne feroit pas pcffible.
d’en trouver un certain nombre.
La ville de Satarcha devoir être le chef - lieu
des Satarches, qui kabitoient, comme nous l’avons
déjà dit, dans la partie Septentrionale de la pref-
qivîle, au-de-flous de Taphra, qui efi à préfent
Perecop. Le village de TcJwaiik d’aujourd’hui, &
le difirift qui en dépend, font fitués précisément
aii-deifous du territoire de P crée ope, dans la place
que les géographes donnent à l’ancienne Satarcha.
L’étymologie du nom eft une preuve incontestable.
La -racine de Tcheterlik efi T cher ter, qui
devoit être le nom de cette ancienne nation
Scythe & de fa ville capitale dans fon exaéle prononciation.
La fylîabe lik n’eft qiAin affixe, qui ,
en turc 8c en tartare, change le fubfiantif.fimpfe
en un nom de lieu, de propriété ou d’aérion ;
comme orman, forêt; ormalik, pays de boisfhadi,
juge; kadilik /judkature ; ddi.,- fol ; deliiik ,
folie, &c. Les grecs' n’ont jamais eu dans leur
langue ni le tché', ni le dgé, nTle ché, ni le m des.
Orientaux ; & les Grecs modernes qui cohabitent
& ne font pre fque qu’un même peuple avec les;
Turcs depuis plufieurs fiècles, ne peuvent pas
encore exprimer ces cordonnes, même en parlant
la langue turque, & les prononcent comme une S
ou comme un Z. Il efi manifefte que du nom de
Tchcter ils ont fait fêter & fatar 8c fatarcha, comme iis
ont fait fat an du mot chcitan, qui lignifie le diable.
A l’égard du changement de la voyelle e en a ,
e’eft une faute que font prefque tous ceux qui
étudient le turc, le tartare, l’arabe, le perfan
dans les livres , fans acquérir l’ufage.dela langue,
parce que dans les caraéfères qui font communs
à ces quatre langues, Vclif, qui eft la première
lettre de l’alphabet, & répond à- notre a , eft
prifë ordinairement pour un a ; mais elle exprime
cependant auffi Ve, Vi & Vu, fuivant l’exigence
des mots. Il n’y a que. l’nfage de la langue. qui
puiffe enfeigner cette différence ; auffi voit - on
que dans prefque toutes les grammaires 8c les dictionnaires
où lés mots de ces quatre langues font
exprimés en caraâères latins la plupart des Jyl-
labes qui doivent être prononcées e," font écrites
par un a. L’on ne doit plus s’étonner, après ces
divers èclairciffemens,. que le mot tchcàr ait été .
converti en fnar. _
La place qu’Ortélius donne a rancienne larona.
répond au village & au diftriâ de Tchongar, a n
; fud-eft de Perecop, & à l’eft de Tcheterlik bu Sa-
tarcha. Les villes de Parafa 8c de Pofligia de
’Ptolemée font fi obfcures, qu’il eft impoffible den.
découvrir la: trace. Dans les places qui leur font
affigneés on ne trouve aujourd'hui ni les plus légers
veftiges d’antiquité, ni aucun nom moderne epu
ait le moindre rapport avec les anciens; fi Jaut
. donc s’en rapporter uniquement aux indications
de Ptolçmée, &. le croire fur fa parole..
Après ces deux villes , ce géographe indique
■ Cimmerium, que Mêla & Pline ont cependant placée
. én Afie fur le bord orientai du Bofphcre, en
; face de Panticapoeum ; mais ie fentiment de Ptolemée
eft confirmé par celui cle Strabon,, & fi
n'y a pas lieu de douter que cette ville étoit fittiee
.dkns l’intérieur de la prefqu’île. Ce dernier, dit
.que dans la partie montiigneufe: de la Cherfonele
,on trouve le mont Cimmerius, qui a tire fon. nom
.des Cimmériens, peuples qui commandôient an-
.ciennement à tout le Bofphcre. La ville appelée
'aujourd’hui par les Tartares Eski-Krim , pft_cer-
-takiement lancienne Cimmerium de Ptolemée; elle j
-eft reconnue traditionnellement pour la plus ancienne
, & celle, qui a donné le nom à la Cher-
rfonèfè ; elle eft fituée au pied d’une haute mon-
■ tagne ifolée, qu’on appelle Aghirmiche-Daghi ; fon
nom de Krhn, '.qui efi auffi celui de la prefep île
-.de Crimée, eft vifibiement le mot Cimmerium ,
XipipÀpicv défiguré par les Tartares. Cette ville, qui
ai’efi plus qu’un miférable bourg, paroît avoir été
.autrefois vafte & flôrîffante. 11 y a encore plufieurs
monumens des fiècles reculés du moyen âge &
:du temps des Génois.
. La ville de Portacra, que Ptolémée place à
,5.0 minutes à .Foccident de Cimmerium, peut être
.la ville- de Kara-Sou, qui fe trouve à huit lieues
3 l’oueft d’Eskikrim. C’eft aujourd’hui la place la
:plus confidérahle de Crimée après Cafd, tant
par fa grandeur que par fon commerce. 11 y a
quantité de Grecs & d’Arméniens', & ils y ont des
■ églifes bien bâties. L’armée Mofcovite entra dans
cette ville en 17374 elle y fit beaucoup d’cfclaves
& peu de dégât.
Je ne fais où retrouver Chavus 8c NcapoUs de
■ Strabon, ni Eoeum 8c Jluratum de Ptclemée, &
-j’en abandonne volontiers la decouverte à quelqu'un
de plus éclairé que moi. ( '
Argoda 8c Tapis pourreient bien avoir été où fe
Trouvent aujourd’hui les villages *d’Arghun & de
■ Tachtly , qui' fèmblent avoir retenu leurs noms ,
8c dont la fituation répond aux places qiï’Ortéîius
a données à ces ancieianes villes; la première au
•midi , .& la féconde à l’erient de Portacra, que
j’ai dit-être K ara-Sou: Arghun .peut fans difficulté
être dérivé d’Argoda; -8c 'Tache ou Tachely , avec
1 affixe ly y peut très-bien venir de T s . Beut-^
être que les anciens Scythes appeloient réellement
cette ville Tache ou la Pierre, que les Grecs,
qui, comme j’ai déjà dit, n’ont jamais pu prononcer
le che que comme une ƒ ou un £, l’ont
appelée Ta^ 8c enfuite Tapas, avec la terminaifon
grecque.
Badatium , citée par Ptolemée, paroît, fuivant
la carte d’Oriéliiis, avoir été fituée à-peu-près où
eft aujourd’hui Bakchefardi, capitale.de la Grimes,
„auprès du mont Trapezus, qui efi la chaîne des
montagnes de Jachclow , de Bakchefaraï & de
Kptchi. Le nom de cette ancienne ville a été
défiguré par Ptolemée ou fes éditeurs ; le véritable
‘nom efi Palati/im , U o-KcI tiov , que lui donne
Strabon.- O11 lit en effet aux’ notes marginales
de Ptolemée dans le théâtre de Bcrtius ; Badatium
Palatium Strabonis. Je,.hafarderai à ce fujet un.e ■
cpnjeéîfare. Le mot Bakchejaraï ne feroit-il pas la
traduction tartare du Ylcchclnov des Grecs ? Le
mot fàraï fignifie. palais'; on y a ajouté le mot
bakche, qui veut dire jardin, .parce .qu’ayant que
h ville de Bakchefardi fût bâtie, les khans a voient
un jàrdin dans. cet ençk;oit-là, qui .^toit,jîeut-^tre
la place de l’ancienne Palatium, 6c ,eu avoit retenu
le nom. Dans cette liypothèfe, cette ancienne
ville devoit fe trouver à l’extrémité occidentale
du vallon de Bakchefardi, fur une roche fort
élevée, où eft actuellement Tchifout - Kalejfi, ou
le château des Juifs , qui par fa pofition reïiemble
beaucoup à une place de défenfe des anciens.,
quoique les murs du château aCtuel, qui font encore
en affez bon état, paroiffent avoir été bâtis
par les Génois ou par les Grecs ' du plus bas empire.
Il eft habité par des’ Juifs Karaïres, .qui y
jouiffent d’une infinité de privilèges. L’ancienne
Palatium pouvoit être auffi dans l’endroit que les
Tartares appellent Tcpekirman , ou le château de
la Cime, à une demi-lieue de-Bakchefardi, vers
l’extrémité feptentrionale de la vallée de Ratchl.
Ori v o it, dans cet endroit-là une montagne ifolée
8c affez haute, en forme de pain de fucre,. fur le
fommet de laquelle on trouve encore les veftiges
d’une forterefle & d’une ville de l ’antiquité la plus
reculée. Il y a fur - tout une infinité de cavernes
creufées dans le roc avec beaucoup d’ordre, à-peu-
près comme les Colutnbaria des anciens, & qui
dévoient être des "tombeaux. En defeendant de-là
vers,le midi, jufques à environ demi-lieue, une
montagne fort haute 8c taillée perpendiculairement
en précipice, qui forme le flanc occidental
du v a llo n e ft toufe.percée de ces mêmes cavernes,
rangées dans le même ordre, depuis le milieu de
la montagne jufques au fommet.
L’ancicnue Tabana peut avoir été la ville de
Mankoup d’aujourd’hui, dont la place répond exac-
. te ment à celle que Ptolemée, & Ortélius • après
lui , ont affignée à’ cette ancienne ville. Mankoup
eft une tortereffe prefqu’entiérement ruinée ,
mais qui paroît ■ avoir été autrefois importante.
I Elle eft fituée fur une roche d’une prodigieufe
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