
dont les-, ancêtres avoient formé une horde qui
habitoit au nord du pays appelé aujourd’hui Cartchin,
YelToiikaï, qui s’étoit rendu extrêmement puiflant,
& avoit fubjugué plufieurs hordes voifines, ayant
eu des démêlés avec les Tartares proprement dits ,
marcha contre eux, les fournit à fon obéiffance,
& ht prifqimie.r leur roi *Temougin. Au retour de
cette expédition il eut un fils , auquel il voulut
donner le nom de prince vaincu, pour perpétuer
le fouvenir de fon triomphe. T emougin étoit fort
jeune lorfque fon père Yeflbukaï mourut ; il fut , ,
fuivant l’ufage , attaqué par fes parens & fes
voifms, entre autres par l’horde desTaïcous, qui
étoisnt de la même famille que la fienne ; mais
il fut affez heureux pour les vaincre, :& rendre;
leurs efforts inutiles. A peine s’étoit-il débarraifé
de ces premiers ennemis, qu’il en vit s’élever de.
nouveaux , encore plus dangereux. Les Naïmans,
horde extrêmement redoutable alors, & dont Te-
mougin étoit vaffal, vinrent, fous la conduite de
Tayamkhan leur chef, ravager les états du jeune
prince, qui les défit entièrement, & Tayamkhan
tut tué dans le combat. Ces nouveaux fnccès
rendirent Temougin encore plus formidable; il fit
des courfes fur les frontières du Tangut, & après j
avoir infiniment étendu fa domination, il raffembla
à la fource du fleuve O n o n toutes les hordes qui
lui étoient foumifes, fe fit déclarer empereur, &
prit le nom de Genghizkhan. On retrouve ici en
détail à-^peu-près la même aventure que M. de
Fleury a. racontée en gros. Des princes de la race
royale de Tartarie m’ont expliqué l’origine du
nom de D ja n g h i£, que je n’ai trouvée nulle part.
Nous prononçons mal-à-propos genghiç , par une
corruption invétérée. Le mot tartare D ja n g h i i ,
fignifie feul, comme J a lig n i£ en turc. Témougin
prit le nom de D j çn g h ig k h a n , ou parce qu’il étoit
fils unique de fon père, qui, en mourant, l’avoit
laiflfé feul, & abandonné à lui-même, ou parce
que , lorfqu’il fe fit déclarer empereur, il voulut
être reconnu pour le feul khan, & l’unique fou-
verain de tonte la Tartarie,
Des Walaques ^
L’origine des Walaques, l’étymologie de leur
nom ne font pas bien connues. Æneas Sylvius,
qui fut pape fous le nom de Pie I I , a cru que
les 'Walaques de la Dacie fupérieure, qui font les
Moldaves d’aujourd’hui, & ceux de la Dacie inférieure
, avoient tiré'leur nom de Flaccus, général
Romain, fans doute le même dont Ovide a parlé
çlans ces. vers ;
Prczfu.it hîs, Grtzcine, locîs modo Flaccus, & ill.o,
Ripa ferax Iflri fub duce tuta fu it,
Hic tenuit Myfas gentes in pace fidtli ;
fîic areu fufos terruit enfe Getas%
. (Ovid. çle Pont, Ele^. 9. )
D’autres auteurs ont prétendu que ces peuples
avoient pris le nom d’une fille de l’empereur Dioclétien,
qui fut mariée à un de leurs: princes. Bon-
finius tire du grec [’étymologie du mot walaque
cctto t u Bcihh.su' kcli r ü ç c tk ta 'o ç , à caufe de leur
adrefle à manier l’arc & la flèche. L’auteur de
l’hiftoire des Huns, dit, d’après Rubruquis, que
les Walaques ont confervé le nom de la rivière
à 'I l i dans le Turqueftan, des environs de laquelle
ils font venus en Europe. Cet écrivain fe'tonde
fur ce que les Tartares ne pouvant prononcer
le b , difent I l a k , au lieu de B la k ; mais j’ofe
croire que cette étymologie n’eft pas exa&e ;
les Tartares à la vérité ne profèrent jamais la con-
fonne b , mais ils la prononcent comme une m ,
& non pas comme un i ; ils difent M e n g ly G u era ï
k ha ,n, au lieu de. Benghly G uerdi K a n , &c, Dail-
leurs le nom que les Tartares & les Turcs donnent
aux Walaques, n’efl: point I l a k , mais W l a k , &
quelquefois I f la k .- -L’auteur anonyme de l’hifloire
de Moldavie regarde l’étymologie tirée de Flaccus,
& toutes les autres , comme rabuleufes. Il affure
que le nom de W alaques eft le même que plu-
fieuss nations donnent aux Italiens, ou Romains,
defquels il prétend que ces peuples font defeendus.
Les Allemands, dit-il, appellent également les uns
& les autres W e l f c h ; il y a même encore en
Italie une contrée que les François appellent
V a l la i s , & les Latins V a lle j ia . Les Polonois donnent
aux Italiens le nom de W o l c h , & aux
Walaques celui de W o lo c h i. Les Hongrois nomment
les Italiens O la c h , & les Moldaves & Walaques
O u la eh^ l’Italie W lo fch a if im e , & la Walaquie
W o lo feh a fem e . Je penfe que l’opinion de ce dernier
auteur eft la plus plaufible. La. plupart des écrivains
en effet font descendre les Walaques des
Romains, & regardent ces peuples comme les débris
des troupes & des colonies Romaines amenées
dans la .Dacie par Trajan & fes Aicceffeurs.
L’auteur anonyme en rapporte une autre preuve
affez. mal fondée, qu’il tire de la conformité des
habillemens, & fur-tout d’une prétendue reflem-
biance des moeurs des Walaques avec celles dès
Italiens. L’origine de ces peuples eft bien plus
folidement prouvée par leur langue, argument in-
conteftable : cette langue eft manifeftement un
idiome latin, qu’une longue fuite de fiècles, & le
concours de tant de Barbares n’ont pii entière-,
ment anéantir. Mais fa corruption extrême, & la
prodigieufe quantité de mots grecs, fclavons,
allemands, hongrois & turcs, qui s’y font glifles,
confirment aufli le fentiment de l’auteur de l’hif-
toire des Huns, qui fait venir les Walaques du
Turqueftan, On doit en effet regarder ces peuples
comme un mélange de Romains & de Grecs,
avec les Daces, les Gètes, les Gépides, les Ja-
zyges, les Sarmates, les Saxons , les Goths, les
Huns, les Avares, les Slaves, les Patzinacites ,
les Turcs , & tous les Barbares orientaux & fepten-
triçttaijx qyi ont fucçeftivenjent occupé 1© pays
que les "Moldaves & les Walaques habitent aujourd'hui.
Depuis la venue de Trajan dans la
Dacie, les Walaques ont eu plufieurs noms ditte-
rens ; fis furent d’abord appelés M y f ie n s , fuivant
le témoignage de Nicétas , enfuite^ Pé[x*voi r t i f
E p S 'eh la f . R o um o u n i tes E rd e lia s . C eft ainfi que
les Hongrois appellent aujourd’hui la Tranfylvanie :
on comprenoit autrefois fous ce nom la Tranfylvanie
& la Walaquie occidentale qui eft entre le
Danube & le Tibifc. Les Walaques fe donnent
encore aujourd’hui le nom de Romains; & en
fortant de F o k c ia m , ville dont la moitié eft du
diftrift de Moldavie , & l’autre de celui de Walaquie
, je fus fort étonné d’entendre un payfan
répondre à un de mes gens, qui lui avoit demande
où nous étions, à v en it domieta la t^ara R oum o u -.
n e fe a , c’eft-à-dire, votre feigneurie eft venue dans
l’empire ou dans le pays romain. Il y a lieu de
croire que ces peuples n’ont quitté que fort tard
le nom de Romain pour prendre celui de W alaques.
Il paroît aufli par l’hiftoire , que le nom de Walaquie
ne febornoit pas à la Daçie Tranfiftrienne,
ou au - delà* du Danube, & que des pays fitués
e.n-deçà de ce fleuve étoient aufli c.ompris: fous la
même dénomination. Nous voyons dans Nicétas,
qjfr’on appeloit grande JH a la q u ie , la partie mônta-
gneufe de la Theffalie. T/? r c i ©s t I clkU ç k u t s ^ cûv
pcsTseopct ci vvv [/.sycihn Bhu.%ict KDthaicrKSTctf, .Les
habitans du mont Hoeaïus, & . les Bulgares ,
étoient aufli nommés Walaques. Nicétas,, depuis
le règne d’Ifaac l’Ange, jufques à la fin de fon
hiftoire, ne défigne plus les Bulgares que par ce
nom, & attribue aux Walaques toutes les opérations
& les faits d’armes que la plupart des écrivains
mettent fur le compte des premiers. C’eft
fans doute parce que le domaine de Walaquie
étoit uai auparavant au royaume de Bulgarie.
Nicétas dit en effet, en parlant de la révolte
d’Afan, qiï! ce rebelle, non content de régner
fur la Myfie ou la Walaquie fa patrie, d’où il
avoit chafle l’armée romaine, voulut la joindre
à h . dynaftie des Bulgares, comme elle étoit autrefois.
C’eft peut-être aufli parce que les Walaques,
unis aux Bulgares, jouoient le principal
rôle dans ces derniers démêlés avec les empereurs
Grecs, tant par-lenr propre bravoure, que par
lefecoursdes Comains & des autres Scythes leurs
voifms, qu’ils entraînoient dans leur parti, &
mettoient de moitié dans toutes leurs ineurfions.
On voit effeâivement les Walaques 'fans ceffe
ligués avec les Scythes dans tout le cours de leurs
diffenfions avec les empereurs de Conftantinople.
Depuis la deftru&ion de la monarchie des Bulgares
par Bafile, la Bulgarie étoit demeurée fourmi
q aux empereurs , & avoit, été; gouvernée par
des ducs , vaflaux de l’empire; Lan 1 ï85 5 deux
Walaques,. frères, appelés Àfan & Pierre , formèrent
le projet de délivrer la Bulgarie & la Walaquie
du joug, auquel elles avoient été affervies
pendant affez " l&ng-temps • ils encouragèrent les
peuples à, la révolte par les prophéties de quelques
prétendus infpirés, & fe fervirent adroitement du
fanatifme & d^.l’enthoufiafme pour favorifer leur
deffein. Ils coff|nencèrent leurs opérations par le
fiège de Preftlabt. Mais n’ayant pu réufiir à s’emparer
de cette, ville , ils defeendirent par le mont
Hoemus dans les terres de l’empire Grec, y. firent
un butin immenfe, <-& enlevèrent un prodigieux
nombre d’hommes & de beftiaux. L’an 1187,
Ifaac l’Ange marcha contre, eux, & les força de
fe retirer dans leurs défilés & leurs retranche-'
mens ; il les, y furprit à la faveur d’un brouillard
épais, & difperfa ces rebelles, qui, ne trouvant
plus de fûreté en-deçà du Danube, paflerent ce
fleuve, & fe réfugièrent chez les Scythes, qui
habitoient la rive feptentrionale. Afari fe ligua
avec ces barbares, en tira de puiflans fecours,
& fe forma une armée d’élite, avec laquelle il
revint à la charge, & chaffa les Grecs de toute
la Myfie.
L’empereur reconnut la faute qu’il avoit faite
de ne pasf profiter de fes premiers avantages ,• & '
d’avoir fur-tout négligé, après la défaite de ces
barbares, de retenir en otage quelques-iuns de
leurs enfans, & de mettre de bonnes garnifons
dans les. fortereffes. Il réfolut de recommencer la
guerre, & fe mit en marche fur des avis.qu’il
' eut, que. ces ennemis avoient quitté leurs montagnes
& formé un campement dans le champ
d'A g a th o p o lis . 11 fe, rendit à Tavrocome , ^auprès
Ü A n d r in o p le , & attendit que toutes fes troupes
fuffent ramaflées dans le lieu où il leur avoit ’
aflignè le rendez - vous. Il fe flattoit' aufli que
l’empereur Conrad viendroit fe joindre à lui y fur
les Inftances qu’il lui en avoit faites ; mais celui-ci
pafla dans la Paleftine avec les c'roifés, & lui
manqua de parole. Ifaac envoya tous fes bagages
à A n d r in o p le , & partit de T a v ro com e , pbur aller
attaquer les ennemis. Les efpions vinrent lui rapporter
que les Walaques pilloient les environs de
L a rd é e , avoient tué un grand nombre d’hommes ,
& enlevé une infinité de captifs, & qu’ils étôicnt
fur le point de fe retirer avec de riches dépouilles#
L’empereur preffa fa marche, & fe trouva en peu
de jours auprès de Berrée, à portée des Scythes
& des Walaques, qui, au bruit de fa venue„
rétrogradèrent pour lui préfenter bataille. Ils confièrent
tout le butin qu’ils avoient fait, à un dé- j tacbement de leurs trpupes, auquel ils ordonnèrent
de continuer la route, & de fe hâter de gagner
les montagnes. Us fondirent avec vigueur fur la
cavalerie des Grecs, combattant à la manière de
leurs ancêtres ; ils firent d’abord plufieurs. décharges
dé flèches'., & en vinrent: enfiiite à la
lancé ; ils feignaient de temps en temps de prendre
la: fuite pour engager lés Grecs à les pourfuivre ,
:& dès'.qu’ils lés voyoient approcher, ils retoiir-
; noient fur leurs pas pour les charger avec plus
de fureur. Ils répétèrent plufieurs fois cette ma—
: uGeuvre, & la victoire commençant » fe déclarer