
Caçyparis M près de la montagne que l’on appelle
Âcri-monü.
Hcrbijfu fut la première colonie que les >yra-
cufains envoyèrent dans ce lieu. Elle fut bâtie
environ foixante ans après qu’Archias eut accru
celle de Syracufe. « A
Hiéron I I , tyran de Syracufe, avoit un chateau
fur le mont Acra, où il yencit refpirer un air
plus frais. A mi-côte, on avoit confirait des forts
pour défendre ce palais. Ces forts engagèrent à
bâtir des maifons à l’entour : de-la s’eft forme le
nom moderne de Pala^uolo': de belles fources qui
s’y trouvent, y fixèrent la population. On abandonna
le Commet de la montagne pour s’y établir.
11 y refie un puits très - curieux. Il eft carré , a
cent vingt pieds de profondeur. On trouva 1 eau a
dix-huit toifes. Un homme peut y defcendre en
plaçant fes pieds dans des trous percés intérieurement
: l’eau s’y rendoit par différentes ruelles
.creufées dans-terre de différons côtés.
On trouve de ce côté beaucoup de grottes où
font des tombeaux & beaucoup de bas-reliefs.
Mais avant de fortir de ce canton de la Sicile,
je vais donner une idée de la difpofition générale
de ces fortes d’habitations. Elles fe trouvent ordinairement
dans de grands efpaces creufés dans
la roche même par les fleuves, & qui femblènt
coupés à pic : on les appelle cavées.
'« A deux milles de Palazuolo, dit M. Hoiiel,
eft la cavée de Spinpinatus, l’une de celles dont
l’efpèce eft fréquente dans le val de Noto ; vafte
cavée I creufée dans la roche par l’aélion des eaux
pluviales, depuis que la mer, en l’abaiffant, a
découvert la Sicile, & l’a livrée aux révolutions
de l’atmofphère ».
Cette cavée tortueufe offre de chaque côté, à
une certaine élévation, des roches taillées à-peu-
près verticalement, & des habitations creufees
dans cette roche. Ces demeures humaines furent
p^pbablement faites à des époques très-voifines de
celles où la Sicile a eu fes premiers habitans. Les
hommes, ignorant toute efpèce de luxe , n’avoient
encore que des ufages tels qu’on ne les peut
‘ comparer à aucun de ceux qu’ont eu les Siciliens
dans les temps dont nous avons les traditions. J’ai
remarqué cependant, ajoute M. Hoüel, au milieu
de ces demeures ruftiques & groflières, des traits
d’induftrie , des idées de bien-être qui décèlent des
hommes intelligens, quoique 4e moeurs infiniment
fimples ( i) . .. b .
Ces habitations font creufées dans des roches
taillées à pic par la nature, au-deffus du terrein
incliné, au fond duquel roulent les ruiffeaux ou
les torrens qui ont creufé cette vafte profondeur. . (i)
( i) Je me permets de donner quelques defcriptions
décès demeures fouterraines, parce qu’elles appartiennent
à la géographie ancienne de la Siole, quoique ce
foit à la géographie moderne que nous en devions la
' ficonnoiffance.
Celle des habitations qui m’a para la plus digne
d’être obfervée, confifte d’abord dans une grande
falle au rez-de-chanffée, & dans une arrière-falle
de murs cintrés, qui feraient croire qu’autrefois
elle a été décorée. A l’entrée de la première pièce
eft un efcalier, dont la première marche eft à
quatre pieds & demi au-deffus du fol. Cet efcalier
tournant a dix marches, & conduit à un petit pallier
étroit & carré. On monté enfuite perpendiculairement
, en mettant les pieds & les mains dans des
trous carrés , pratiqués les uns au - deffus- des
autres dans le roc ; & , paffant au travers d’un petit
puits qui perce l’èpaiffeur du plancher, on arrive
à l’étage fupérieur, & l’on trouve un appartement
de douze pièces de plein-pied.
On communique à la plupart de ces chambres
par une galerie extérieure. Cette galerie eft formée
par une partie avancée du .rocher 5 & elle offre
un point de vue admirable, d’où l’on peut voir
tout ce qui fe paffe dans le vallon, du moins à
une grande diftance.
A l’extrémité de cette petite gal'efie eft un petit
cabinet de latrines, auffi. creufé dans cette partie
avancée du rocher. On y defcend par fépt ou
huit marches. On y voit le fiège, la lunette, une
petite fenêtre, de petites niches deftinées, comine
des tablettes, à recevoir tout ce qui peut être
néceffaire à la propreté. Ce cabinet pouvoir être
fermé par une trape, & être ainfi fouftrait à la
vue.
Je conviens que cette maifon pouvojt avoir été
une retraite contre les brigands ou lès. fatellites
des tyrans: auffi M. Hoüel fait- il la remarque
fuivante.
u J’ai dit que l’efcalier du rez-de-chauffée aveit
fa dernière marche à quatre pieds & demi du fol :
ce n’étoit pas probablement fans deffein. Une
échelle ou quelques marches de bois s’y ajouraient
&s ’enlevoient facilement en cas que l’on fut attaqué.
Un ou deux hommes placés au bas de cet efcalier ,
empêchoient facilement Une multitude d’hommes
d’y monter ; & s’ils étoient tués ou forcés, les
afliégeans ne pouvoient pas pénétrer dans la première
chambre en paffant par ce puits, où on les
eût âifément affommés les uns après les autres, tant
qu’il s’en ferait préfenté. Suppofé que l’on eût
forcé ce paffage, les affiégés fe feraient retirés
dans un fécond*étage , où l’on n’arrivoit que par
un puits femblable au premier, mais d’un abord plus
difficile.
»Ce qu’il y a de remarquable, c’eft que l’on
agrandiffcit fon logement à mefure que la petite
famille augmentoit. On creufoit alors le rocher,
au fond de la dernière chambre, une porte, puis
une autre chambre de la grandeur que l’on vouloit;
ou bien on creufoit dans le plafond, & on fe
faifoit un appartement au-deffus».
N. B. On a trouvé dans ce lieu une multitude
de lances , de flèches Si d’autres inftrumens de
guerre, tous en bronze.
En remontant le fleuve Calfibilï (/c Caçyparis) ,
M. Hoüel a trouvé des ruines qui paroiflent être
celles d’une anciennè ville des Sicaniens : je ne fais
de quelle ville fe peut être, à moins que ce foit
celles ÜAcrillot, affez près du ruifièau appelé
Erincus, qui couloit du nord au fud pour aller fe
rendre dans VAchates ou YÂJînarus.
De cette ville la route conduifoit à Nutum ( i)
(N oto).
Nutum étoit fituée de manière à être imprenable
, dans un temps où l’on n’avoit pas l’ufage
du canon. Elle étoit fur un rocher ifolé, qui n’eft
abordable que par un feul endroit. Mais il n’eft
prefque pas de place qui réfifte à la confiance &
aii courage d’un ennemi puiffant. Nutum fut prife
par les Grecs, par les Romains , par les Sjarrazins,
puis par les Normands. Elle avoit été détruite &
rebâtie plufieurs fois. Mais le tremblement de terre
de 1693 , l’a pour jamais effacée de la furface de la
terre. On ne voit plus, dans le lieu qu’elle occu-
poit, que de triftes amas placés confufément les
uns près des autres.
N. B. Les habitans ayant renoncé à leur rocher,
s’établirent plus au fud, -à quatre milles de la mer,
dans une belle pofition : cette ville eft bien bâtie &
bien peuplée (2).
En fiüvant la côte depuis l’embouchure du Cacy
paris , on trouvoit la petite ville d'Abola (3)
( A vola).
Je m’arrête ici un inftant pour donner une idée
du fleuve Caçyparis, au moins tel qu’il eft aujourd’hui
, & tel probablement qu’il étoit au temps des
Romains; je parlerai enfuite de l ’état de la côte,
jufqu’au cap.
(i)O n trouve fur la carte de M. de la Bordé, Naetium-,
c’eft une double faute. Le grec de l'tolemée porte
Nt»Tov : les Latins ont dit affez communément Netum ,
mais jamais Netium, ‘ni Naetium.
(a) La ville de Noto, dit M. Hoüel, jouir de l’ayan-
tage d’entretenir autour d’elle fix maifons d’herméies,
contenant environ cent hommes voué« à ne pas travailler
•, mais ils fervent à confoler dans les temps
malheureux. M. Hoüel raconte ce qui jtqi fut dit à ce
fujet, dans un cercle où probablement c’étoit l’opinion
générale: il fert à faire connoitre l’état des lum.ères
dans ce pays.
« Ces nermites, me dit un? perfonne de la compagnie,
» ne préfervent pas la ville des calamités , de la grêle,
« des orages, des tremblemens de terre , des hivers tr 'p
» froids ou trop pluvieux ; mais quand nos péchés ont
»» attiré fur nous toutes ces marques de la colère
hcélefte, le fenat ordonne à ces hermites de jeûner &
»de fe donner la dtfcipline^ enfin de faire pénirence
» pour nous. Ils prient avec ferveur, ils fe fouettent
». jufqu’âu fang le fléau c. ffe , alors on leur donne des
» vivres & de l’argent, & le peuple eft caivent».
( 3 )' C'eft au nord de cct.e ville que fe trouve la
grande cavée , l’une des merveilles de la Sicile. Dans
fa partie é'evée, (a larg -eur eft égale à fâ profondeur.
Le fleuve Caflibi'i ( Caçyparis ) , qui l’a creufée', coule
au fond, & la parcourt dans toute fa longueur . qui
eft d’environ cent toifes. Elle eft remplie d’anciennes
habitations & de tombeaux.
Le .fleuve Caflibili ( Caçyparis ) , prend fa four ce
au pied d’u# rocher ; le volume d’eau qui en fort
eft fi confidérable, & fa force eft fi impétiieufe,
qu’il prend la forme d’un champignon ou d'un
parafol, de dix pieds de diamètre ,f au milieu du
vafte baflîn qu’il produit.
C’eft enfuite que ce fleuve traverfe la grande
cavée. Il coule à découvert, & non pas fous terre,
comme quelques auteurs l’ont dit. Il.eft vrai qu’en
été , étant prefque à fec, il fe perd, en quelque
forte, entre des fables & des cailloux, avant de fe
rendre à la . mer.
Trois fources d’une eau douce par elle-même ,
mais un peu falée, ‘parce qu’elle fe mêle avec celle
de la mer, fortentdu fond des flots, & jailüflênt
à leur furface : ces trois fources fout à- cent toifes
du rivage, près de l’embouchure du Caflibili. La
plus voifine, à vingt cinq toifes de l’embouchure
de ce fleuve, forme une convexité de plus de fix
toifes de diamètre au - deflus de la fur race de la
mer quand elle eft tranquille; un bateau n’y peut
refter, le mouvement de l’eau l’écartant fans cefle.
Tout le rivage eft plein de fources de toutes
grofleurs, depuis Syracufe jufqu’à Pachinmn, foit
fous l'eau, foit hors de l’eau. Elles nous font
connoître la véritable origine de celles d’Arérhufe
& du prétendu fleuve Atphée, venu, di&it-on
de l’Elide. ’
M. Hoüel a trouvé dans les environs de ce fleuve
des ruines qu’il croît être celles de l'ancienne Hybla.
Cette pofition n’eft pas celle que lui donnent nos
meilleures cartes. Ce feroient plutôt les ruines de
l’ancienne Abota, que M. d’Anville place dans
^intérieur des terres, à-peu-près où les ruineà
l’indiquent.
( .’eft près de XAfinamcs qu’étoit le château, ou
fi l’on veut, la maifon de campagne de Polizelus’
frère d’Hiéron ; & ce fi.it en ce lieu que Nicks &
Démofthènes, commandant les Athéniens, furent
faits prifonniers, le î6 juillet 413 avant J. C.
Le petit port appelé Phoenicùs portas, étoit au
fud & à l’embouchure du fleuve Eiorüs ou Helorus.
Près de ce fleuve, & pas loin de la mer, étoit
un beau monument triomphal ( on l’appelle aéluet-
lsment la Guglia ) : c’étoit une colonne de onze
pieds fix pouces de diamètre. Chaque aflïfe. de
pierres eft de dix-huit pouces de haut, & il y en
a vingt-trois; ce qui donne cle.haut trente-quatre
pieds fix pouces. Cette colonne fut élevée par
Hippocrate., roi de GJla, en mémoire d’une victoire
qu’il avoit remportée fur les Syracufains.
l’an 461. avant J. C. >
Hclorum étoit tout auprès. Elle avoit pris fon
nom du fleuve auprès duquel elle fe trouvoit.
On vantoit fon territoire ; il n’en refte rien dé
remarquable. Tout près étoit Parlons, oû le château.
des Ha florins.. . .
Eu fuivanr la côte on trouvoit Ichma ou hacha
P.rxt fia lieux peu confidérales, & l’on amvoit
au temple d’Apollon , fimiommé Libytien ^Apollinit