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N o é , au Heu que l’autre ne fait que &$. dcfigner
d’une manière générale.
Tel eft ,- ce me fembîe , le fenîioeent le- plus
fûr que l’ on puifle fuivre touchant l’origine des
premiers habitons de la Gaule. Tous les autres,
ainfi que je l’ai montré, font vifiblement faux ,
& répugnent quelquefois avec les faits même,
qui en font la baie ; tandis que celui-ci , outre les
fortes raiforis qui lui fervent d’appui , peut s’accorder
avec tous les points de Fhiftoire facrée &
profane. Et pour en citer un exemple, quiconque
l’embraftera, fera-t-il étonné de trouver les Gaules
remplies d’une multitude d’habitans , lorfque Hercule
les parcourut ? Mais il eiT temps de mettre
fin à nos difcuifions fur l’origine des Gaulois ou
des Teclofages. Voyons à préfent quel fut le caractère
de ces mêmes peuples.
I I.
Du caractère -des TiElofaçts.
Il en eft du cara&ère des Tecfcfages comme de
leur origine ( i ) , c’eft-à-dire, que l’on ne peut
fe former une jufte idée de leur caractère, que
par la connbififance de celui des Gaulois. Nous
allons recueillir ce que l’hiftoire nous en apprend.
C’e ft, fans doute, à caufe de la grande célébrité
que les Gaulois fe font acquife autrefois,
qu’il eft fait mention d’eux dans une multitude
d’auteurs anciens. Mais, la manière dont ils parlent
de ces peuples, varie, pour ainfi dire, à l'infini.
I l paroît qu’ils les ont dépeints avec des couleurs
plus ou moins vives, félon qu’ils étoient affeâés
à leur égard. La plupart des écrivains Romains
fur-tout, dans le portrait qu’ils tracent de nos premiers
pères, montrent une partialité qui eft trop
fenfible, pour ne pas jeter quelque foupçon que
le portrait n’eft pas tiré d’après nature.
Tite-Live, par exemple, nous repréfente partout
les Gaulois comme un peuple barbare, féroce
, furieux dans fa colère, endurci au froid ,
mais incapable de fupporter les chaleurs & les
travaux-, dont les armées nombreufes fans difci-
pline, & plus propres à répandre de vaines ter-
reprs qu’à donner des batailles, remplifloient
tous les lieux d’alentour de leurs chants barbares ,
de leurs cris & d’un bruit épouvantable. S’ils font
(i) Je ne penfe pas qu’il fait néceffaire de m’étendre
ici pour prouver cette aiTertion. Ce que j’ai allégué
pour montrer l’origine des Tediofages & des Gaulois,
d o it, ce me fembla , fuffire pour montrer auffi l’identité
d; leur çsraâère.' J'ajouterai feulement une nouvelle
preuve , qui ne doit rien laiffer à defirer , même fur
les deux propofirions que j’ai avancées. La voici : Juftin
pariant des Gaulois qui.s’étoient établis en. A fie, dit <
) dits qui italiam occupaverant, fedibus tai
igïncm quidam ac yirtutem, gemtfçue pugnoe
moque his fagaciora ej'e, quam iUis ingénia. IL. x x x y i i ï ,'-
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victorieux h la journée d’Aîlhr, félon Titc-Live,
ils ne doivent la viélcire qu’a la colère des dieux -,
qui répandeut l’efprit de vertige fur les généraux
de Rome, & une terreur panique dans toute
l’armée. « Que cette multitude, fait-il dire par
» Camille aux Ardéates', ne vous étonne pas. Ces
» grands corps n’ont que l’apparence; leur courage
» n’eft qu’une fougue qui s’éteint en un inftant.
» Au premier choc, ils font plus que des hommes;
” mais dans la mêlée, ils font moins que des
« femmes. Qu’ont-ils fait depuis la bataille & la
» prife de la ville qui leur a été abandonnée ? Ils
» ont voulu attaquer le capitole qui fe défendoit,
» Sc une poignée dç foldats Romains les a repoufles
» & renverfés jufqu’à deux fois. Déjà même re~
» butés par la longueur du ficge, ils s’éloignent
» & fe répandent dans la campagne. Avides de
» viandes & de vin, dès qu’ils s’en font remplis.
» Sc que la nuit approche, ils fe couchent par
» terre étendus comme des bêtes le long des ruif-
» féauxépars çà. & là, fans retranchement, fans
» corps-de-gardes ni fentinelles ». Et pour achever
ce portrait, Tite - Live fait encore dire par Camille
, dans un autre endroit, « que cette nation-,
» lâche & infolente dans la prospérité, eft encore
» d’une avarice infatiable, & qui ne refpe&e rien. Les
» traités, la foi jurée, les fermefos folemnels, tout
3? cède, dit-il, au plus vil intérêt».
Strabon, plus équitable, ce me femble, que
l hiftorien Romain, nous donne les Gaulois pour
une nation féroce ? mais beliiqueufe, ftmple par
caraéfère, mais fans malice. C’eft pourquoi, quand
on vient les attaquer, ajoute Strabon , on les voit
auffi-tôt fe réunir & voler au combat. Leur extrême-
ardeur ne leur permettant pas de prendre toutes
les précautions néceffaires, on les furpend facilement,
fi pour les vaincre on emploie la rufe &
l’artifice. Il n’eft pas non plus difficile de les attirer
au combat Jorfqu’on le veut, & pour quelque
raifon qu’on le veuille , & ils n’y apportent d’autres
armes que la force Sc la hardieftbe. On n’a point
de peine à leur perfuader d’embrafîer le meilleur
parti qu’on leur préfente. Ils aiment les belles-
lettres. Leur force vient en partie de la' grandeur
de leurs corps. Ils peuvent aifément s’aflemblcr
en grand nombre à caufe de la fimplicité & de
la liberté qui régnent parmi eux. Ils' prennent
toujours la défenle de leurs voifins / qui fe croient
injuftement attaqués. Aujourd’hui, continue Strabon,
ils vivent en paix fous les. loix des.Roumains
qui les ont aflujettis. Mais ils ont été dans les
temps.pafles tels que nous venons de les préfenter.
C’éft ce qu’atteftent les coutumes des. Germains,
lefquelles fe maintiennent encore dans toute leur
vigueur. Non-feulement ces deux peuples fe reflem-
blent pour le ciraétère & pour les moeurs, mais
ils font alliés les uns aux autres, leurs pays n’étant
féparés que par le fleuve du Rhin.
Que l’on mette préfentement ces deux portraits
en parallèle, on reconnoîtra bientôt Finjufti.ee de
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l'un & la juftlcé, ou plutôt, s’il eft permis Remployer
cette expreffion, la finemte de 1 autre.
Au relie, on fera moins frappé du p&rtrait des
Gaulois que Tite-Live nous a laiflé, fi l’on fait
attention que cet hiftorien , d’ailleurs l’un des plus
excellens dont les ouvrages foient parvenus jufqu’à
nous , étoit, fans doute, alors occupé,de la pnfe
de Rome par les Gaulois , c’eft-à -dire , que poitr
flatter la vanité des Romains, il a cherché à couvrir,
ou du moins à diminuer leur honte, au préju-
dice de leurs ennemis. ' ■
. Cél'ar, à-peu de chofe près, fe joint à lite -
Live dans le jugement qu’il porte des Gaulois.
Ils font prompts, dit-il, à prendre les aimes,,
mais ils perdent coeur au premier defavantage ,
Sc manquent de -force Sc de réfolution dans l’ad-
verfité. Le témoignage de ce dernier me femble
suffi fufpeà que celui dé Tite-Live. Gomme Romain,
il étoit egalement intéreflé à rabattre du mérite
de fes ennemis, qui lui donnèrent à lui-même bien
de l’exercice., avant que d’être fournis. Selon
Appien d'Alexandrie, jufqu’à l’époque de leur
fourmilion, le peuple Romain les avoir tellement
appréhendés, que dans la loi qui exemptoit les
prêtres & les vieillards du fèrÿice militaire, il y
avait une exception pour la guerre des Gaulois.
Auffi étoient-ils, ait rapport de l’empereur Julien,
regardés par les anciens Romains , comme une
nation invincible; en forte-qu’ils ordonnoient des
prières publiques , & offraient des facrificés, dès
qu’ils fe croyoiêut menacés de leurs armes.
Ce n’eft pas néanmoins que je veuille Contenir
que Iss Gaulois n’ont mérité aucun des reproche s
que leur font T ite -L iv e & Céfar. Strabon lui-
même , qui, à ce que je crois, a prétendu leur
rendre toute la juftice qui leur étoit due, & qui
n’avoit point d’interet a agir autrement, ne laifte
pas , ainft qu’on vient de le voir, de les charger,
& de leur imputer en particulier une certaine férocité.
De-là vient, fans doute, ce que Diodore
de Sicile raconte des Gaulois , qu’ils pendoient
au cou de leurs chevaux , les têtes des foldats
qu’ils avoient tués à la guerre ; que leurs ferviteurs
portoient devant eux les dépouillés toutes couvertes
du fang des ennemis qu’ils avoient défaits,
Si qu’ils les fuivoient, en chantant des chants de
joie & de triomphe ; qu’ils attachoient ces trophées
aux portes de leurs maifons, comme, ils le fai-
foient à l’égard des bêtes féroces qu’ils avoient
prifes à la chafl’e ; mais que pour les têtes des
plus fameux capitaines qu’ils avoient tués à la
guerre, ils les frottoient cl huile de cedte, 8i les
confervoient foigneufement dans des caiffes; qu’ils
fe glorifîoient aux yeux des étrangers, à qui ils
les montraient avec oftentation , de ce qui ni eux
ni aucun de leurs ancêtres n’àvoient voulu changer
contre des trèfors ces monumens de leurs viéloires ;
qu’on dit .enfin qu’il y en a eu quelques-uns qui,
jar une, obfiination Barbare, avoient refiifé de
es rendre à ceux même qui- leur en oiïroient
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le poids en or. Diodore ajoute cette réflexion :
« Si ’d’un côté une ame généreufe ne met point
» à prix d’argent les marques de la gloire, de
» l’autre , il eft contre l’humanité de faire la guerre
» à des ennemis morts »,
Le même' hiftorien dit ailleurs des -Gaulois,'
qu’ils * étoient terribles à voir ; qu’ils ayçient la
voix groffe & rude.; qu’ils parioient peu dans les
Compagnies , & toujours d’une manière fort obf-
curê‘, affieiftant de laiïïer - à deviner une partie-
. des clîôfes qù/ils .voüloiént dire ; que l’hyperbole
étoit la figure au’ils eraployoient le plus fouvent,
foit pour s’exalter eux-memes, foit pour rabaifîer
hurs adverfaires ;, que leur foii de voix éteit menaçant
& fier ; quîiîs aimoient dans leurs difeours,
l’enflure & l’exagéraiion jufqu’au tragique ; qu’ils
étoient cependant fpirituels & capables de toute
érudition. ,
Si nous confultons de nouveaux écrivains, il
s’en trouvera qui ne garderont pas plus de ménagement'
que la plupart de ceux qui viennent
d’être cités, & qui feront pafler les Gaulois pour
des gens timides , légers, infolëns ?_rufés, fourbes,
cruels, inhumains, aimant à boire & à manger
jufqu’à l’excès, d’un caractère dur & fee, à charge
à ceux qui les gouvernent, & incapables de fupporter
la moindre févérité. D’autres, au contraire,
leur donneront de la nobleife & du courage, &
plufieurs autres belles qualités ; mais comme l’on
ne finiroit pas fi l’on vouloit rapporter en détail
tout ce que "les anciens racontent des Gaulois ,
foit en bien, foit en mal, je bornerai ici mes
recherches fur cette matière. Je crois en avoir dit
afîez pour montrer quel fut *le cara&ère de nos
'premiers pères, qui n’étoient pas, à beaucoup près,
tels'qu’on fe l’imagine pour l’ordinaire , parce qu’on
n’en juge que d’après des auteurs intérefles à les
dépeindre de la forte. S’ils ont fait paroître de la
férocité dans certaines occafions, ils ne laiffoient
pas d’avoir des fentimens d’humanité. Si on les
a vu porter l’avarice jufqu’à vouloir dépouillée
des temples, on les a vu auffi montrer une ame
noble & généreufe. J’en appelle à leur conduite
après la ruine de Rome. Devenus ies'arbitres
du fort des Romains, ils rendirentv comme l’a
très-bien prouvé hC Melot, de l’académie des
belles-lettres , contre le fentiment de Tite-Live ,
ils rendirent, dis-je, la liberté & la ville à ce
peuple fameux. S’ils ont ufé quelquefois de rufe
& d’artifice à la guerre, ils l’ont fouvent faite en
gens de coeur. La timidité & la lâcheté, que quelques-
uns leur reprochent , étoient cômpenfées par la
hardiefle & le courage , que d’autres leur donnent.
Leur candeur & leur fimplicité tempéroient la fé-
cherefle & la dureté qu’on' remarquoit en eux.
En un mot, l’empreflement avec lequel ilsvoloient
au fec'ours de leurs voifins injuftement opprimés,
fera toujours un témoignage non fufpeft de cette
bonté qui fut le fond de leur cara&ère, & qui