
inflruit, fi ce n’eff la nation Scythe & Anacharcis.
Les Scythes font donc, de tous les peuples que
nous connoifiions, ceux qui ont trouvé les moyens
fûrs pour fe conferver les avantages les plus précieux;
mais je ne vois chez eux rien autre choie
à admirer. Ces avantages confident à ne point laiffer
échapper ceux qui viennent les attaquer, à ne pouvoir
être joints, quand ils ne veulent point l’être;
car ils n’ont ni villes, ni fortereffes ( t eï%ea).
Ils tiennent avec eux leurs màifons ; ils font habiles,
à tirer de l’arc étan^à cheval ; ils ne vivent point
des fruits de labourage , mais du bétail, & n’ont
point d’autres maifons que leurs charriots. Comment
de pareils peuples ne feroient-ils pas invincibles,
& comment feroit-il aifé de les joindre pour lés
combattre ?
Ils ont imaginé ce genre de vie, tant parce que
la Scythie y eft propre, que par ce que leurs rivières
les favorifent & leur fervent de remparts. Leur pays
eft uni, ■ abondant en pâturages & très - arrofé. il
n’eft en effet guère moins coupé de rivières, que
l’Egypte l’eft de canaux. Je ne parlerai que des plus
célébrés, de celles fur lefquelles on peut naviger en
remontant de la mer. T elles f»nt l’Ifter ( le Danube ) ,
le Tyras ( appelé depuis Danafter, & aétuelle-
ment Dniefter ) ; le Bdfyfth'ent ( appelé depuis
Bogus, actuellement le Bog ) ; le P anticapes ( foup-
çonné , par M. Larcher, être le Samara ) ; le
Gerrhus ( appelé, par M. d’Anville, le Molofyniftt-
W^otii ) ; & le Tandis ( le Don ).
i ° . I? Ifter ( §. 48) , le plus grand de tous fleuves
que nous connoifiions, eft toujours égal à lui-même,
foit en é té , foit en hiver. On le rencontre le premier'en
Scythie, à l’occident des autres; & il efl
le plus grand', par ce qu’il reçoit les eaux de plu-
fieurs autres rivières, rarmi celles qu’il reçoit, il
y en a cinq qui traverfent la Scythie; celles que
les Scythes appellent P or ata, & les Grecs, Pyretos
( appelée par Ptelemée, à ce que l’on croit, le
Hier al fus , actuellement le Prut ) ; le Tiarantus
( l’AÎut, ou Aluta ) ; YArarus ( le Siret ) ; le Ntt-
paris ( félon M. d’Anville, le Proava ) ; & Y Or-
dejfus ( PArgifcha, félon Boyer ), félon M. d’Anville,
Argis. La première de ces rivières ( le Porata ) efl:
grande; elle coule à l’eft, & fe mêle avec YIfter;
la fécondé, c’eft-à-dire, la Tiarente, eft plus petite,
& coule plus à l’occident; les trois dernières,
Y Avants, le Naparis, & VOrdeffus, ont leur cours
entre les deux autres, & fe jettent aufli dans YIfter.
Telles font les rivières qui, prenant leur fource en
Scythie, vont groflir YIfter.
Le Maris ( que je crois, être le Marifus, ou Maros,
qui fe jette dans la Théiffe, mais qu’Hérodote a
cru fe rendre dans le Danube ) ; ce Maris donc ,
coule du pays des Agathyrfes, & mêle fes eaux
avec celles de YIfter ( lelon Hérodote ).
Des fommets du mont Ha.rn.us, fortent trois autres
grandes rivières, Y Atlas ( on ne fait quel nom
moderne porte ce fleuve); Y Auras ( incertain comme
te précédent ) ; 6c le Tibifis ( inconnu de même ).
» Elles prennent leur fource vers le n o rd , 6c fe
perdent dans le même fleuve.
Il en vient aufli trois autres par la Thrace, 6c
le pays des Thraces Crofeyziens, qui fe rendent
dans YIfter. Ces fleuves font, YAthrys ( inconnu ) ;
le Noès ( Peucer croit que c’eft le Sitniz aéluel ) ;
6c YArtanéç (ignoré).
Le Cios ( YEfcker, ou l'ifcha, appelé par Pline,
(S.feus ) , vient de la Phaonée, 6c du mont Rho-
dope ; il fépare par le milieu, le mont Hamus,
6c fe décharge dans le même fleuve.
- UAngrus ( inconnu ) , coule dans l’Illyrie, vers
le nord, traverfe la plaine Triballique, fe jette dans
le Brongus, ( Peucer croit que c’eft la Save ) , 6c
celui-ci dans YIfter ; de forte que YIfter reçoit tout
à la fois les eaux de deux grandes rivières.
Le Carpis ( M. d’Anville l’appelle Vicegrad ) ,
6c YAlpis (ignorée) fortent du pays au-deffus des
Ombriques, coulent vers le nord , 6c fe perdent
dans le même fleuve.
On ne doit pas, au refte, s’étonner que YIfter
reçoive tant de rivières , puifqu’il traverfe toute
l’Europe (1) : il prend fa fource dans le pays des
^Celtes. Ce font les derniers de l’Europe, du côté
de l’occident, fi l’on en excepte les Cynètes (2.).
Après avoir traverfé toute l’Europe, il entre dans
la Scythie par une de fes extrémités.
La réunion de toutes les rivières dont j’ai parlé,
6c de beaucoup d’autres, rend YIfter le plus grand
des fleuves, ajoute Hérodote ( §. 50 ) ; mais fi on
le compare lui feul avec le N il, on donnera la
préférence au fleuve d’Egypte, parce que celui-ci
ne reçoit ni rivières, ni fontaines qui fervent à le
groflir. JJ Ifter, comme je l’ai déjà dit, eft toujours
égal, foit en é té , foit en hiver : en v o ic i, ce me
femble, la raifon. En hiver, il n’eft pas plus gros
qu’à fon ordinaire, ou du moins, guère plus qu’il
ne doit l’être naturellement, parce qu’en cette fai-
fon, il pleut très-peu datas les pays où il paffe, 6c
que toute la terre y eft couverte de neige ; cette
neige, qui eft tombée en abondance pendant l’hiver,
venant à fe fondre en été, fe jette dans YIfter. La
fonte des neiges, 6c les pluies fréquentes 6c abondantes
qui arrivent en cette faifon, contribuent à
le groflir. Si donc en été le foleil attire à lui plus
d’eau qu’en hiver, celles qui fe rendent dans ce
fleuve font aufli, à proportion, plus abondantes * il
(1) Ce qui doit étonpér plutôt, c’eft qu’en difant
que ce fleuve traverfe toute l’Europe, Hérodote ne
nomme réellement que celles de la partie qu’il décrit:
il auroit parlé d’un bien plus grand nombre , s’il eût
voulu nommer toutes celles que reçoit le Danube
depuis fa fource.
(2.,) Hérodote ne connoiffoit pas trop bien les parties
occidentales de l’Europe. A la vérité, les Celtes éfôient
les plus occidentaux ; mais c’étoit à l’eft de leur pays
que l’Ifter prenoit fa fource, que l’on connoît encore
très-bien. Quant aux Cynètes, qui habitoient le Cuneus
au fud de la Lufitanie, fud-oueft de l’Éürope, SU
étoient loin de-là.
en été qu’en hiver. Ilréfulte de cette oppofition, 1
une compenfation qui fait paroître ce fleuve toujours
o U Ifter eft donc un des fleuves qui coulent
’en Scythie. On rencontre enfuite le Tyras ; il vient
du nord, & fort d’un grand lac qui fépare la Scythie
'de la Neuride: les Grecs , qu’on appelle T ynee s ,
i habitent-vers fon embouchure.
3°. VHypanis eft le troifième; il vient de la
Scythie, & coule d’un grand lac, autour duquel,
! ordinairement, paiffent des chevaux blancs fau-
vages : ce lac s’appelle, avec raifon, la mère de
YHypanis. Je remarquerai que Pomponius Mêla a
dit aufli ( L. n i , ch. / ) : Hypanis ex grandi
palude oritur quant rnatrem ejus accola appellant. Cette
'rivière, qui prend fa fource dans ce lac, eft petite,
& fon eau eft douce pendant cinq journées de
navigation; mais enfuite, à quatre journées de la
mer elle devient très-amère. Cette ametume provient
d’une fontaine qu’elle reçoit, 8c qui eft fi
amère, que, quoiqu’elle foit petite , elle ne laiffe
pas de gâter les eaux de cette rivière , qui eft
grande, entre les petites. Cette,fontaine eft lnr les
frontières des Scythes Arotères & des Alazons, &
porte le même nom que l’endroit d’où elle fort.
On la nomme, en langue Scythe, Exampée, qui
fignifie en grec, voies facrées. Le Tyras & YHypanis
s’approchent l’un de l’autre dans le pays des Alazons ;
mais bientôt après ils fe détournent, & laiflent
entre eux un grand intervalle.
4°. Le Borifthène eft le quatrième fleuve, & le
plus grand de ce pays, après YIfter. C’eft aufli, à
mon avis, lé plus fécond de tous les fleuves, non-
feulement de la Scythie, mais du monde, fi l’on
en excepte le Nil, avec lequel il n’y en a pas un
qui puiffe entrer en comparaifon ; il fournit au bétail
de beaux & d’excellens pâmrages. On y pêche abondamment
toutes fortes de beaux poiffons. Son eau eft
très-agréable à boire, & elle eft toujours claire &
limpide , quoique les fleuves voifins foient limoneux.
On recueille fur fes bords d’excellentes moif-
fons, 8ç dans les endroits où l’on n’en fàit point,
[ Fherbe y visent fort haute 6c en abondance. Le fel
■. fe cryftallife de lui même à fon embouchure 6c en
quantité. Il produit de gros poiffons fans arêtes;
©n les fale: on les appelle entacees. On y trouve aufli
beaucoup d’autres chofes dignes d’admiration.
Jufqu’au pays appelé Gerrhus, il y a quarante
!• journées de navigation, 6c l’on fait que ce fleuve
vient du nord; mais on ne connoît ni le pays qu’il
i traverfe, ni les nations qui les habitent. Il y a
néanmoins beaucoup d’apparence qu’il traverfe un
.pays défert, avant de venir fui* les terres des Scythes
agricoles. Ces Scythes habitent fur fes bords pendant
l ’efpace de dix journées de navigation. Ce fleuve
8c le Nil font les feuls dont je ne puis indiquer les
fources ; « 6c je ne crois pas, ajoute Hérodote,
! » qu’aucun Grée en fâche davantage ». Quand
•le Borifthène éft près de la mer, l ’Hypanis mêle
avec lui fes eaux, en fe jetant dans le même
marais. La langue de terre qui eft entre ces deux
fleuves, fe nomme le promontoire d'Hippolaüs : oit
y a bâti un temple à Cérès. Au-delà de ce temple,
vers le bord de 'l’Hypanis, habitent les Boryftlte-
nètes. Ici Hérodote s’arrête, & dit : en voilà affez
fur le Borifthène. Mais ne l’ayant pas mis à l’article
de ce fleuve ; je crois devoir ajouter ici quelques
éclaifciffemens. .
Hérodote traite cette prefqu’île , qui eft encore
connue, d’éperon de navire de la terre ; ce qui indique
la forme avancée & pointue de la prefquile.
Voici ce que dit Dion Chryfoftome, a 1 occafton
du Boryfthène :
« Le Boryfthène a donné fon nom à la ville des
» Boryfthéniens, à caufe de la grandeur & de la
» beauté de fes eaux; mais cette ville eft fur l’Hy-
» panis : elle occupe aéluellement le même empla-
» cernent qu’autrefois, un peu au-deflus du pro-
» montoire Hippolaiis, & vis - a - vis. Cette partie
„ de pays, aux environs de laquelle fe joignent
w-l’Hypanis & le Boryfthène, eft folide, & le ter-
» ' mine en pointe comme l’eperon d un vaiiTeau.
» Ces deux rivières < forment, depuis leur con-
„ fluent jufqu’a la mer, un lac d environ deux cens
55 ftades en longueur, fur autant de largeur. La plus
55 grande partie de ce lac eft remplie de vafe, &
55 tranquille , dans les temps fereins, comme un lac
55 nullement agité. Le fleuve paroit a droite, &
55 la force de fon courant ftit conjeélurer à ceux
55 qui navigent deflus , qu’il eft très - profond a
s. fon embouchure. En effet, fans la rapidité de
55 fon cours, il s’y engorgeroit aifément lorfque le
55 vent du midi vient à fouiller avec violence, à
,55 l’oppofite de cette embouchure 55.
5°. On rencontre enfuite hTPanticapes; tfeli la
cinquième rivière : elle vient aufli du nord, fort
d'ün la c , entre dans l’Hylée, & après l’avoir traverfé
, elle mêle fes eaux avec ceux du Boryfthène.
Les Scythes agricoles habitent entre ces deux
rivières.
6°. La fixième eft l’Hypaciris : elle fort d’un la c ,
traverfe , par le - milieu,' les terres des Scythes
Nomades, & fe jette dans la mer, près de la ville
de Carciniteis, & ferme, à droite, le pays d’Hylée ,
& ce que l’on appelle la courfe d’Achille.
7°. Le feptième fleuve eft le Gerrhus ; il s’éloigne
du Borifthène vers l’endroit où ce fleuve commence
à être connu , depuis le Gerrhus , pays qui lui
donne fon nom. En coulant vers la mer, il fépare
les Scythes nomades des Scythes royaux , & fe
je t* dans l’Hypaciris.
• g». Le huitième enfin , eft le Tanaïs; il vient
d’un pays fort éloigné , & fort d’un grand lac, d’où
il fe jette dans un autre encore plus grand, que l’on
appelle Mentis., qui fépare les Scythes royaux
des Sauromates. L’Hyrgis fe décharge dans le
Tanaïs.
Tels font les fleuves célèbres dont la Scythie a
l’avantage d’être arrofée. L’herbe que produit ce
pays, eft la meilleure pour le bétail ; & la plus