
de villes & d’églifes chrétiennes, de même que
des croix taillées dans le tuf. C’étoit apparemment
les débris des monaftères. que les premiers millionnaires
envoyés chez les Goths & chez les Scythes
nomades, avoient fait bâtir fur les côtes du Pont-
Euxin.
La frtuation des Patzinacites engageoit les empereurs
de Confrantinople à rechercher leur amitié,
parce qu’ils pouvoient s’en fervir utilement contre
les Ruffes, les Turcs 8c les Bulgares. On verra
dans la fuite combien les Ruffes avoient à craindre
de leur part, & combien ils. fe prècautionnoient
contre eux dans leur navigation du Boryfthène &
du Pont-Euxin , jufqu’à ce qu’ils fufl'ent arrivés
aux bouches du Danube. Ils étoient la terreur de
tous leurs voifins, à caufe de leur multitude 8c
de leur valeur ; on les voÿoit toujours prêts à fe jeter
fur les terres de ceux qui fe mettôient en campagne
pour qiT^lqu’expédition. Us menaient une
vie errante, fuivant les faifôns, tantôt au-delà Sc
tantôt en-deçà du Boryfthène. En temps de paix
ils vivoient du produit de leurs troupeaux, &
fourniffoient aux RulTes des moutons 8c des boeufs ,
&même des chevaux. Ils avoient aufli une’ efpèçe
de commerce de transport & de cabotage, qui
confiftoit à voiturer, tant par terre que par mer ,
moyennant un certain prix , les.denrées, les épiceries
, les pelleteries & les étoffes, que l’on foifoit
paffer de Confiantinople ou de Cherfone dans la
Ruffie , & chez les Chazares 8c les Gircafliens.
Es étoient infidèles, avares & pillards ; on voit
que les Ruffes, quand ils venoient négocier dans
la Bulgarie & la Romélie, les évitaient comme
des bandits 8ç des voleurs. Lorfque l’empereur
ou d’autres princes envoyoient des émiffaires pour
traiter avec eux, ceux-ci avoient la précaution
de fe rendre d’abord à Cherfone,. d’où ils donnoient
avis aux chefs des, Patzinacites’de leur arrivée, & de
la commiflion dont ils étoient chargés ; & ils ne
manquoient pas, avant d’efftrer en négociation ,
de fe faire remettre quelques perfon nages diftingués,
en garantie de la bonne - foi de ces barbares.
C ’étoit-là la manière dont on traitoit avec ceux
qui habitoient au - delà du Boryfthène. Quant à
ceux qui demeuraient entre ce fleuve & le Danube,
on s’abouchoit avec eux fur la côte de la
mer Noire, & on les obligeoit pareillement de
donner des. otages , que l’on retenoit dans les
navires jufques à ce que la négociation fût terminée.
Les Patzinacites étoient libres & indépen-
dans, idolâtres & fuperftitieux ; ils foifoient des
fkcrifices_ati pied des chênes., 8c immoloient des
oifeaux ; mais ils mettôient auparavant, tout à
l’entour des victimes, des flèches garnies de pain
ou de viande, & ils tiroient au fort, pour favoir
s’ils dévoient lés tuer, les manger, on leur
donner la liberté: on nous raconte à-peü-près la
même chofe des Tartares Oftiaques , 8c des autres
peuples feptentrionaux. Leurs.habits étoient courts
ü ne veapient qu’aux genoux, ils étoient même
fans manches, & c’eft à-peu-près l'habillement des
payfans Bulgares d’aujourd’hui.
A la, mort de Léon-k-Sage, les Bulgares recherchèrent
férieufemçnt l’amitié des Romains, 8c
envoyèrent à Alexandre fou frère, qui lui fuc-
céda l’an 9 1 1 , des ambaffadeurs, pour lui' pro-
pofer de vivre en paix & en bonne intelligence.
Mais ce prince répondit avec beaucoup de fierté
& de mépris à ces avances, & témoigna une
ferme réfolution de fe rendre redoutable aux Bulgares.
Siniéon leur roi, fut outré de la réception
qu’on a voit faite à fes ambaffadeurs, & médita
dès-lors des projets de vengeance, dont Alexandre
ne put pas voir l’exécution, parce que la mort
l’enleva l’an 912.
Conftantin Porphyrogénète fut à peine fur le
trône, qu’il éprouva les effets du reffentiment de
Siméon, 8c eut à foutenir contre les Bulgares,
cette guerre pour laquelle leur roi avoit foit fes-
préparatifs pendant le règne d’Alexandre. A n
mois d’août de la même année, Siméon fe pré-
fenta devant Conftantinople, 8c ouvrit la tranchée
du côté des Blaquemes , jufques à la porte Dorée.
Mais défefpérant de fe rendre maître de cette
place , il ne tarda pas d’en lever le fiège, 8c fit
des propofitions de paix qui furent rejetées. Offenfé
de çe refus 7 il fondit fur la Thrace, 8c s’empara
de la ville d'Andrinople, qui fut rachetée par l’impératrice
Zoé. Cette guerre dura encore longtemps
; Léon Phocas, général de l’armée impériale
, ayant voulu entrer dans la Bulgarie l’an 9,17,
fut battu au bord du fleuve Achetons, 8c obligé
de fe retirer en déroute à Mefémbria. L’empereur
méditoit une alliance avec les Patzinacites, qu’il
vouloir appeler à fon fecours ; mais cette négociation
échoua par la mal-adreffe de ceux qui en
étoient chargés. Ces peuples., cinq années auparar
vant, étoient entrés pour la première fois dans la
Ruflie : leurs aéies d’hoftilités finirent par la paix
qu’ils, conclurent avec Igor, qui venoit de fonder
un royaume dans les régions feptentrionales. L’an
920, ce même Igor leur livra bataille, 8c après
les avoir défaits, fe ligua avec eux pour venir
ravager les terres des Romains.; ils paffèrent en-
femble le Danube, 8c l’on ne put s’en délivrer
qu’à force de préfens 8c de foumiflions. Ce fut
alors que l’empereur penfa inutilement à contrarier
une alliance avec eux, pour en tirer des fecours
contre les Bulgares. Siméon, animé par fes premiers
fuccès, marcha de nouveau vers Conftantinople
mais Léon Phocas prit fa revanche, 8c remporta
fur ce prince une Viâoire fignalée, qui rendit le
calme à la capitale. A la fin de l’année 927 9
Romain, qui partageoit le trône avec Conftantin
Porphyrogénète, tetmina cette guerre par le mariage
de Marie, fille de l’empereur Cnrifrophle,
ayec Pierre , fils de Siméon.
Quelques temps après les Turcs Hongrois fe
répandirent dans les terres de l’empire, ravageant
la Tfirace, 8c s’avancèrent même jufques à ConG
fontinople. Les empereurs Conftantin,& Romain
envoyèrent contre eux le général Théophanes,
qui les repouffa, Si conclut avec eux une trêve
de cinq ans. L’an 944, un capitaine turc, nommé
Boutogud, vint à Conftantinople, 8c y embraffa
la religion chrétienne. L’empereur Conftantin Porphyrogénète
le fit patrice; mais il ne perfifta pas
long-temps dans, la foi de Jéfus - Chrift, il retourna
dans fon pays, 8c reprit fon ancienne
Créance. Il fit depuis diverfes incurfions fur les
Romains 8c fiir les Saxons ; mais l’empereur Othon
l’ayant foit prifonnier , le fit pendre. Un autre chef ■
des Turcs, nommé Gilas, qui avoit accompagné
Boulogoud, 8c reçu avec lui le baptême à Conftantinople
, fut plus ferme dans fa converfion ; il
emmena avec lui un moine nommé Hiérothée,
que le patriarche avoit focré évêque de Turquie,
& qui fit dans ce pays-là un grand nombre de
profélytes.
Le règne de Romain-Ie-Jeune, fils de Conftantin
Porphyrogénète, fut court 8c obfcur. Ce
prince, fi indigne de fon père, monta fur le trône
au mois de novembre de l’an 759 , 8c mourût au
mois de mars de l’année 963. On ne voit point
dans l’hiftoire qu’il ait eu rien à démêler avec les
Barbares.
Sous le règne de Nicéphore Phocas, fon fuc-
Ceffeur, les Turcs Hongrois recommencèrent leurs
courfes dans l’empire , & commirent d’affreux dé- v
fordres dans la Thrace. Les Bulgares étant alors
en paix avec les Romains, Nicéphore écrivit à
Pierre, leur ro i, 8c le follicita de foire tous fes
efforts pour défendre aux Turcs le paffage du
Danube. Mais ce prince confervoit un v if reffentiment
contre l’empereur, de ce qu’il avoit refufé
de le fecourir lorfqu’il s’étoit trouvé dans le même
cas avec ces Barbares. Il répondit en effet qu’il
ne vouloit pas violer les traités qu’il avoit conclus
avec eux. L’empereur réfolut de fe venger de
Pierre, & envoya Calocyr, fils du prince de
Cherfonèfe, chez Swiatoflaw, roi des Ruffes,
que les hiftoriens Grecs ont appelé Splendojllabe,
pour négocier avec lu i, 8c fondre fur la Bulgarie.
Ses propofitions furent écoutées favorablement;
les Ruffes, avides de butin, 8c ne cherchant
que des occafions de piller, ne manquèrent
pas de fervir les deffeins de Nicéphore, 8c vin-,
rent défoler cette contrée.
Mais les Romains fe repentirent bientôt de les
avoir mêlés dans leur différend ; 8c la guerre qu’ils
furent obligés de foutenir Contre eux , eft un des
événemens les plus remarquables du règne de
Jean Zimifcès. Les Ruffes, après avoir vaincu les
Bulgares, 8c foit prisonniers leurs chefs, Romain
& Borifès, formèrent le deffein de s’établir eux-
mêmes dans la Bulgarie qu’ils avoient fubjugéë.
Pour y parvenir plus facilement, ils crurent devoir
eprrompre Calocyr, 8c ils lui promirent de
l’aider à monter fur le trône . impérial ; celui - ci
s’engagea .de fon côté à leur céder à perpétuité la
Bulgarie. Dès que les Ruffes eureflf conclu cette
convention, ils commencèrent de traiter avec
mépris les ambaffadeurs de l’empereur, 8c pouffèrent
les mauvais procédés à un tel excès, que
Zimifcès pénétra leurs vues, 8c fe mit en devoir
de s’y oppofer. Il affembla fes légions, 8c en
donna le commandement à Bardas Sclerus. Swiatoflaw
fe hâta de prévenir par des traités les obf-
tacles que fes voifins auroient pu mettre à fes
entreprifes. Il étoit alors en guerre avec les Patzinacites,
qui , l’an 968, avoient afliégé Kiovié,
après la mort de fon père Igor. Il fit la paix avec
les Bulgares, les Patzinacites 8c les Turcs; il
s’allia même avec eux , 8c ne fongeant plus qu’à
tourner toutes fes forces contre les Romains , il
paffa le mont Hoetnus, entra dans la Thrace avec
une armée de 308 mille hommes, 8c menaça de
venir mettre le fiège devant Conftantinople. Mais
la première campagne lui fut fùneftç. Bardas Sclerus,
qui vint à fa rencontre l’an 970, lui livra bataille,
8c le vainquit. Jean Zimifcès ne voulut pas laiffer
à fon général la gloire de terminer entièrement
cette guerre ; il marcha en perfonne l’année fui-
vante, força les Ruffes dans leurs retranchemens ,
8c en fit un carnage effroyable. Cet avantage fut
fuivi de la prife de Prefllabe , qui eft aujourd’hui
Jambôly, ville de la Bulgarie, fitiiée à vingt-deux
lieues au nord d’Andrinople, fur la rivière-de
Tondja. Calocyr, qui y étoit enfermé, prit la
fuite, 8c fe fouva dans le camp des Ruffes. L’empereur
trouva dans la ville Borifès, roi des Bulgares,
8c fils de Pierre, avec toute fa famille, 8c
d’autres grands de cette nation ; il les traita avec
bonté, proteftant toujours qu’il n’avoit point pris
les armes pour fubjuguer les Bulgares, mais pour
les délivrer de l’oppreifion des Ruffes, qui étoient
fes feùls ennemis. Zimifcès fàtisfoit de tous ces
fuccès, ne crut pas devoir pouffer à bout un
ennemi aufli redoutable que Swiatoflaw , & lui
fit offrir la paix , à condition qu’il retourneroit
dans fes états. Mais ce prince obftiné refufa fes
propofitions, 8c perdit une fécondé bataille, qui
fut fuivie du fiège de Dorojio $ où il s’étoit réfugié,
avec les débris de fon armée. Il voulut enfin
rifquer une dernière aérien, dans la vue de délivrer
cette place,* Sc de fousfaiie fes foldats, ré-
folus de vaincre ou de périr. On en vint aux
mains le 25 juillet de l’an 973. Mais l’empereur
eut encore le deffus , 8c Swiatoflaw n’eut plus
d’autre reffource que de fe mettre à la diferétiort
de fon vainqueur , qui lui accorda la paix. C e
malheureux prince , en retournant dans fes états ,
fut maffacré par les Patzinacites , qui taillèrent eff
pièces le peu de troupes qui lui étoient reliées de
cette funefte expédition. Zimifcès, comblé de
gloire, rentra en triomphe dans Conftantinople
l’an 9/4. Il étoit fuivi de Borifès, roi des Bulgares
, 6c de Romain fon frère ; tous les ornement
des rois •de Bulgarie étoient dans un char à quatre
chevaux qui précédait l’empereur- ; Sc au haut- cie