
ment parlaient fyriaqiie ; mais la copie de la fen-
teticè fot donnée aux Bulgares en grec, qui fans
doute ètoit alors leur langue, puifqu’ils étoient'
Scythes Pontiques comme ceux qu'ils avoient
conquis, Sr ne différoient d'eux que par la religion.
Ceci concourt à juftifier encore ce que j’ai dit
ci-devant, que la langue fçlàvonne n’étoit point
originairement la langue dés Bulgares;, & qu’ils
ne l’ont adoptée que par le: commerce ‘qu’ils Ont
eu d’un «ôté avec les Sdavons méridionaux,'
& de l’autre avèc les occidentaux. En effet,.il
vint avec les légats du pape deux moines nommés
Conflantin & Méthodius, qui traduifirent les livres
faints en fclavon , & ' inventèrent des caràéières
pour cette langue. Cela ne fin pas fait pour les
Bulgares, mais feujément pour les Sdavons établis
dans la Morayié, dont lé prince avoit demandé
des miffîonnaires à l’empereur Michel, 8c qui ne
connoiffoient point encore l’art de l'écriture : ce
qu’on ne peut pas dire des Bulgares; puifqu’ ils
avoient déjà écrit des lettres ,au pape & à Louis-
le - Germanique. Conflantin & Méthodius, dans
le féjour d’environ cinq ans qu’ils firent en Moravie '
traduifirent en langue fclavonne tous les livres pour
Fufage de l’égllfe, dont les Sclavons 'fè'ifefvent
encore aujourd’hui ; ce qu’ils aüroient fait tout de
fuite pour les Bulgares chez lefquels ' ils avoient
été envoyés, fi le fclavon eût été là langue de
ces peuples. Il faut obferver bien plus que Çonf-
tantin ne l’apprit lui-même que dans le voyage
qu’il fit à Cherfonc, en allant, par ordre de l’empereur
Michel, chez les Sclavons feptentrionaux
fur la demande qu’en avoit faite le prince des
Chazares.-Ce ne fut qu’à fon retour qu’il.fe trouva
en état d’exercer l’apoflolat chez les Sclavons occidentaux
dans la Moravie; & les Bulgares n’eurent
rien de commun dans aucune de ces deux mif-
fions ; au contraire, en vertu de la fentence des
légats dont j’ai déjà parlé, on leur donna un
archevêque & des évêques tous Grecs, qui établirent
entièrement le rit grec dans cette églîfe ;
tous les efforts que firent les papes pour recouvrer la
jurifdiâion fur la Bulgarie furent inutiles. Cônf-
tantin & Méthodius, qui avoient leur million du
pape, n’auroiént pas même été foufferts dans ce
pays-là; & en effet’, quand le pape les appela à
Rome pour les faire évêques, Conflantin ém-
kraffa la vie monaftique, & prit le nom de Cyrille
, fous lequel fa mémoire efl •honorée • &
Méthodius ne fut pas renvoyé en Bulgarie , mais
en Moravie, où il continua.d’exercer les fondions
de l’épifeopat. Le pape lui défendit même d’abord
de faire la lithurgie en fclavon; mais quelque
temps après, l’an 880., il lui écrivit en ces termes :
Nous approuvons les lettres fcla.yonnès inventées
» par le philofophe Conflantin, & il n’eft point
»contraire à la foi d’employer la même langue
»pour célébrer la meffe & lire l’évangile y ou
» char,ter les autres offices de' l’églife. Nous
»voulons toutefois que pour marquer plus de
» refpea aux livres, faints, on life d’abord l’évan-'
” Ç .05I? *atm j pdis en fclavpn, en ’ favéur du
»peuple qui. n’entend pas le latin ». Mais il efl
évident que ceci ne regarde abfoiument que la
Moravie & Ies autres Sdavons des environs,
puiimi alors les Bulgares étoient entre les mains
des Grecs, ne connoiffoient abfoiument qtîe leur
m , & navoient^dàufre langue que la grecque.
nelt-, je le répété,encore, que par leur com-
merçe avec les Sclavons,'établis dans la Moravie
et la Servie, qu’ils ont dans la fuite adopté la
langue fc avonne. A l’égard.tje la meffe & des offices
divins, ils ont conferve jufques aujourd’hui l’ufaee
de çhapter en grçc .& ep fqlav.on, de forte qu’un
cheettf répété en fclavon ce’qùe l’autre a chanté
en gr^c., Ils indifféremment la meffe dans
lune pu t autre langue;, fuivant que le nombre-des
Grecs fia des Bulgares prédomine dans' l’églife :
& foit que le prêtre célèbre la meffe en grec ou
Iciavon, on y fait, toujours la leaüre de l’éyaneile
dans les deux langues.
. Premières incwfiojvs des RuJJks yers le midi,
Ce fut foiis le règne ije l’eïnpereur Michel III ;
qqe Ion commença à entendre parler des Ruffes;
lan S61 tls fe montrèrent, à ' l’entrée du Pont-
Euxin, & même dans lès .îles les plûsVoifines de
Conftantmopk; ils s’avancèrent de-là jufques dans
la 1 hrace. Leurs courfes paflàgères fe changèrent
bientôt en une navigation annuelle & réglée qui
avoit le commerce pour objet, & commença de
porter chez les Bulgares la langue fclavonne qui
peu a peu leur devint commune. La navigation
des Kuffes commençait à Kiovie, & finiffoit à
Mejembna ville frontière, entré la Bulgarie & la
1 , r?,c.e’ Leurs fréquens voyages dans ces régions
méridionales, donnèrent bientôt lieu à leur con-
verfion: l’empereur Bafile, fucceffeur de Michel
ayant gagné leurs chefs par des préfens, leur
perfuada de fe faire chrétiens., & d’accepter un
archevêque & des prêtres pour les inflruire Ce
qui augmenta toujours de plus en plus les liaifons
& le commerce des Ruffes & des Sclavons feptentrionaux
avec les Bulgares, & mit infenfiblement
ces derniers dans la néceflité d’apprendre leur
langue. Nous voyons en effet que le pape Jean XIII
Pernfis en 950 l’établiffemeht d’un couvent
en Boherne , dont les peuples, de même que les
1 olonois, etoient Sclavons, ce pontife leur détendu
de fuivre le rit des Bulgares Sc'des Ruffes
& meme de fe fervir de la langue fclavonne pour
1 office divin. Ce qui indique, dès-lors, la con-
fufion des Ruffes avec les Bulgares, par l’unifor-
mite du rit grec, que le pape, ne vouloit pas laiffer
établir dans la Bohême, qui étoit fous fa-juifdiâion.
Baille etoit né dans un bourg auprès i'Andnnople,
de parens pauvres; il avoit été élevé en Bulgarie
ou il fut tranfporté l’an 813, après la prife d’An-
drmople. On peut voir dans Zonare les préfages
fabuleux de fou élévation pendant qu’il étoit chez
les.Bulgares ; avec lefquels il n’eut aucun démêlé.
L’an 890, fous le règne de Léon-lë-Sage, fon
fils & ion fucceffeur, les Bulgares déclarèrent la
guerre aux Romains, & prirent pour prétexte
les levées injuftes que les miniftres de l’empire.
avoient voulu faire fur eux. Léon affembla pour
les repouffer une nombreufe armée, qui fut entièrement
mife en déroute ; les Bulgares firent un
^rand nombre de prifonniers, & les .renvoyèrent
a Conftantinople, après leur avoir fait couper le
nez. Le defir de tirer vengeance de cet affront,
fit concevoir à l’empereur le deffein de fe liguer
avec les Turcs Hongrois, qui, fous la conduite
de leur chef Arpad, nabitoient alors dans la Beffa-
rabit & la Walaquie, fur les bords du Danube. Il
fit avec ces Barbares toutes fortes d’avances, &
leur envoya même des préfens afin de les mettre
dans fes intérêts, & de les engager à faire une di-
verfion fur les Bulgares. En attendant, pour tromper
6c amufer ces derniers, il leur envoya un émif-
faire avec une commiflion fuppofée, & pendant
ce temps-là il affembla fes troupes, & en donna
le commandement à Léon Phocas. Mais les Bulgares
ne prirent pas le change ; ils retinrent l ’émif-
faire, & fe mirent en campagne. Les Turcs exécutèrent
le projet qu’ils avoient concerté avec
l’empereur ; ils tombèrent en effet fur les Bulgares ,
& les pouffoient avec tant de vigueur, que ceux-çi
fe virent obligés de quitter les Romains pour aller
s’oppofer à ces nouveaux ennemis. Ils leur livrèrent
bataille fur lé bord du Danube ; mais ils
furent défaits, & contraints de fe retirer en dé?
route à Diflra. Cet échec ’ les obligea de faire a
l’empereur des propositions de paix. Mais ayant
eu avis enfuite que les Romains étoient difpofés
à abandonner l’alliance des Turcs , & que ceux-ci
Fe trouvoient dépourvus d’armes & de provifions,
üs faifirent line conjon&ure fi favorable pour fe
venger de ces Barbares ; ils entrèrent dans leur
pays, & firent un affreux carnage des habitans.
C ’eft, je penfe , au règne de Léon-le-Sage
qu’il faut rapporter la première incurfion dés Turcs
Madgjars ou Hongrois dans la Moravie ; quoique
des écrivains de l’hiftoire de Hongrie prétendent
que cet événement arriva l’an 744, fous Conf-
tantin Copronyme. L’empereur Conflantin Por-
phyrogenete, qui écrivoit l’an 949, parle de
l’invaiion des Turcs comme d’une affaire arrivée
cinquante ans auparavant. Il faut donc fixer cette
époque à l’an 898 ou 899. Le témoignage de
Rheginon confirme cette opinion. Cet abbé de
Prum, dans le diocèfe de Trêves, a compofé
line chronique qui s’étend depuis la naiflance
de Jéfus-Cnrift jufqu’à l’an 908. Il rapporte cet
événement à l’an 889, qui revient toujours au
règne de Léon-le-Sage, puifque ce prince monta
fiir le trône l’an 886, & mourut l ’an 011.
Michel Ritius, Napolitain ; Abraham Bakcshay,
Hongrois, & quelques autres auteurs, prétendent
que les Turcs Hongrois dont je parle a&uellenient,
étoient les mêmes que les Huns 9 qui avoient
envahi la Pannonie du temps de Valens,~& commis
tant "de défordres fous le roi Attila. Suivant le
témoignage de ces deux écrivains, après la mort
d’Attila, Chaba.6c Aladarius, fes fils, fe difpu-
tèrent long - temps la royauté. Arderic, roi des
Gépides, profita de leur diviflon pour faire la
guerre aux Huns conduits par Aladarius, qui fut
entièrement défait, & périt dans un combat.'
Chaba, avant cette -déroute, étoit retourné dans
fon ancienne patrie, avec foixante de fes frères,'
& une grande partie des Huns, dont il ne refla
qu’un petit nombre dans la Pannonie. Ces Huns,
au rapport des mêmes hifloriens, revinrent en
Occident l’an 744 ; ils étoient conduits par fept
chefs, dont le principal.étoit Arpad, qui fe ligua,
comme on l’a déjà v u , avec l’empereur Léon-le-
Sage contré les ^ Bulgares. Ces niftorîens, pour
prouver la vérité de leur fyflême, font defeendré
cet Arpad de la racé des premiers Huns ; ils le
fuppofent fils d’Almus, fils d’Eleud, fils d’Ugek,
fils d’E d , fils de Chaba, fils d’Attila, & joignent
'cette généalogie à celle de ce prince, que fort
trouve chez prefque tous les écrivains de l’hifloiré
de Hongrie, & qui n’a pas plus de fondemenr.
Bônfinius en effet fé moque de l’une & de l’autre,
& protefle qu’il ignore où ces auteurs peuvent
les avoir puifées ; il paroît même perfuadé que
les Huns n’ont jamais quitté la Pannonie. C ’efl:
^l’opinion la plus probable. Les Turcs peuvent bien,
à la vérité, avoir la même origine que lés premiers
Huns ; mais il faudroit en chercher la fùurce
dans les temps les plus reculés; & dans l’époque
dont je parle , il paroît que ces deux nations
étoient tout-à-fait différentes; il n’en faut pas
d’autres preuves que la diverfité des langues qu’elles
ont portées dans la Pannonie. Les Huns, peuples
Sclavons , y ont introduit la langue fclavonne, &
les Turcs y ont porté & y parlent encore la
hongroife, qui n’a aucune affinité avec la première.
Les Turcs Madgiars ou Hongrois , qui partirent
de la Sarmatie, & envahirent dans la fuite la Moravie,
étoient fitués alors fur la côte feptentrionale
du Palus Moeotidé, entre le Tanaïs & le Boryf-
thène , dans le pays où efl aujourd’hui l’jlorde
des Nogaïs de l’Ianboïlouk, fujets du khan des
Tartares de Crimée, dans le pays où coule lë
Chydmas,_ appelé aufli Chingilus. Ce fleuve doit
être le Berda-major, que M. de l’Ifle place effectivement
dans cet endroit-là. On appeloit alors,
ces Turcs Sabartcè Afphali ; ce nom leur étoit
venu d’un lieu appelé Sabaria, que les géographes
placent fur la rive feptentrionale du Palus Moeotide.
Ils avoient été long-temps amis, alliés des Cha-
zares, & les accompagnoient même dans toutes
.leurs courfes. Le cagan des Chazares, pour les
récompenfer de leurs fervices, donna fa fille en
mariage a Lebidias leur chef. Le nom de Hongrois
leur vient de «elui d'Ongour, que les hifloriens de