pour eux, ils voulurent terminer l’a&ion le fabre
à la main. Le carnage fut horrible, & la défaite
des Grecs auroit été entière, fi l’empereur n’avoit
donné lui-même avec fa cavalerie délité. Ce prince
arracha aux mains des Barbares plufieurs captifs' ;
il fut néanmoins forcé d’abandonner le champ de
bataille, &.de fe retirer à Andrinopk. Nicétas
l’avoit accompagné eu qualité de fcribe dans cette
yialheureufe expédition. On retrouve ici dans la
plus grande exactitude la manière dont les Tar-
tares ,- les Nogaïs & les Calmouks fe battent encore
aujourd’hui. Ils commencent toujours la bataille
par des décharges de flèches qu’ils décochent
avec une adrefle infinie; & lorfqu’ils font
allez près de l’ennemi pour en venir à la mêlée,
la lance & le fabre décident le combat; Leurs
lances font extrêmement longues ; il y en a qui
ont plus de. vingt pieds : elles font armées d’un
fer triangulaire <k délié, de deux ou trois pieds
de longueur ; ils les appellent S u n g u . Les Tar-
tares proprement dits, ont prefqu’entiérement
abandonné cette arme, qui eft plus familière aujourd’hui
aux Nogaïs, aux Çircafliens & aux
Calmouks. .
; Malgré ee revers, l’empereur ne négligea rien
pour s’oppofer aux progrès des Barbares, & engagea
fes plus habiles généraux féconder fes
efforts. Mais comme il ne pouvoir pas fe trouver
par-tout, fa vigilance, & la célérité avec laquelle
il .fe..portoit d’an. lieu dans un autre, n’empêchèrent
pas'que ces dangereux ennemis ne fiffent
un extrême ravage. Afan pilla tous les villages
aux environs d’A g a th o p o lis : & de P h ilip p o p o lis .
L’empereur voulut, s’emparer de X a g o r a , pour
tenter encore de. faire rentrer la Myfie fôiis fon
obéiflànce ; dans cette intention il partit de P h i -.1
lip p o p o lis , pour fe rendre à T r id ia ^ a , qui eft la
S o p h ie d’aujourd’hui. Cette ville a. été-bâtie par*
Juftinien des ruines de Sa rdiqu e. Le nom de S o p h ie
lui a été donné à caiife d’une églife de Sainte
Spphie, qui y 'fut conftruite autrefois fur le modèle
de celle de Conftantinople, & qui eft aéhielle-
ment une mofquée des Turcs. La rigueur de la
fâifon empêcha ïfaac l’Ange de pénétrer dans le
mont H oe m u s , & le força de. retourner à Conftan-.
tinople. Il fe remit en campagne au printemps,
afliégea inutilement pendant trois mois le fort de
L o k iç e^ & revint encore après bien des fatigues •-
fans avoir rien fait de remarquable.
L’an 119.0, les affaires de l’empire Grec étoient
en aflez mauvais état. Tes Walaques & les Co-r
mains défoloient toutes les provinces. L’empereur,
fe mit encore en marche,, s’avança au-delà d'An-
-ch#ile, & entra dans le mont H oe m u s. Mais if ne
vit rien qui exigeât fa préfence. Il trouva les
fortifications des places réparées, & beaucoup
mieux gardées qu’aaparavant. La crainte d’une in-
çurfion des Scythes, & la faifon qui étoit déjà
propre à leur faciliter le paflàge du Danube,, ne
permirent point à ce. prince de faire cettQ cam-*
pagne plus longue, & elle fut terminée en deus!
mois. Il ne jugea .pâs- à propos Cependant de retourner
parle même chemin par lequel il étoit venu ,
& voulut chercher une route plus' courte & plus,
agréable pour fe rendre à Berrée. Il s’enfonça avec
fon armée dans, les défilés-’étroits des montagnes
où coule un petit torrent. C’étoit-fans doute les
vallées étroites &- profondes que forme lé TchcnA
ghé-Balcan, ou. le mont Hoemus, du côté Choumla ,
& dans lefqùélles’ on voit ferpenter une petite rivière
, qui fe replie eu divers contours fi tortueux
, que l’on eft obligé de la pafler plus de
trente fois en traverfant la chaîne de çés montagnes,
Les "Walaques furprirent l’emperètir dans ces
dangereux partages ; l’avant-garde de; l’armée né
fut point attaqueê, parce que les Barbarës ^arrivèrent
pas à temps, ou peut-être parce qu’ils- vou-
loient réunir toutes leurs forces pour fe-jeter fur la
phalange du milieu , où fe trouvoit l’empereur
avec fes miniftres, & tous les officiers de marque.
Ils fondirent en effet fur cette phalange avec
beaucoup d’impétuofité ; l’infanterie grecque fe
défendit pendant quelque temps; mai§ fe voyant
accablée par lés flèches', par les pieries énormes
que les Barbares faifoient rouler du haut des
montagnes, elle fe battit d’abord èn retraite avec
quelque ordre, & fut bientôt entièrement dif-
perfée. L’empereur enveloppé dans cette embufeade,
échappa avec beaucoup de peine au péril qui le
ménaçoit ; il fut redevable de fon falut à un
nombre de valeureux çombattans, qui fe facrifièrent
pour lui, & foutinrent le choc des ennemis aflez
long-temps pour-lui donner le moyen de fe fauver.
Il fe rendit par la route de Crênus à Berrée, où
il rejoignit l’avant-garde de fon armée, qui avoir
déjà défëfpèré de le revoir, parce qu’on avoit répandu
le bruit qu’il étoit péri dans le combat.
L’année fuivante les Walaques enorgueillis St
animés par tant de.fuçcês, ne coanurent plus de
frein, & commirent les plus grands défordres ;
ils ne fe bornèrent pas à ravager les campagnes ,
& à piller les villages, ils s’emparèrent: <f|s
places fortifiées. Ils faccagèrent Anchiale, prirent
Varna, & détruifirent prequ’entiérement Tria—
dhtfa. L’empereur s’efforça de réparer, les maux
qu’ils ayoient faits, & fit remettre èn état 'les
places qu’ils âvoient ruinées.. Tes e'xploits^de Cenf-
tantin l’Ange , que -l’empereur avoit1 choifi pour
fon général contre les Servieiis, iinpofèrént
aux Walaques, & retinrent Pierre & Afan, qui
s’étoient propofés de venir ravager lé territoires de
Berrée & de Philoppopàlis. Berrée doit -être la petite
ville de Br a dans la Bulgarie, fitïiee à dix ou
douze lieues de Philoppopolis, fur là rivière de
Brocha j qui fe jette; dans la Marit^ti. Gonftantin
ayant voulu ufurper. l’empire, fut aveuglé ; les
Walaques , charmés de n’avoir plus rien à craindre
du feul général qu’ils croyoient pouvoir s’oppofer
à eux, recommencèrent leurs incurfiotis, & s’avancèrent
, joints à une immenfe troupe de Scythes,
fat les terres de l’empire. Us mirentPhilippot
polis à feu & à fang, furprirent Sardtqm, (St
pénétrèrent' jufqu’à An'drinople. Les Grecs com-
battoient foiblcmemrdans les diverfes rencontres,
& mettoient peu d’obftacles aux progrès des Barbares
, qui profitoient de plus en plus de leur découragement.
, r ,
Dans le cours de l’annee 119 3, le lort des
armes fut également favorable aux Walaques et aux
Scythes. L’empereur avoit envoyé contre eux une
armée uombreufe, fous la conduite de deux généraux
Alexis Gui & Bafile Batatzês , dont le premier
commandoit les légions d’orient, & 1 autre celles
d’occident. Us livrèrent aux Barbares une bataille
fanglante & malheureufe ; Gui, apres avoir perdu
la plus grande partie de fes troupes, prit la fuite
avec le refte, & Batatzês -périt dans le combat
avec pelles qu’il avoit fous fes ordres. L empereur
fe préparoit à marcher en perfonne pour faire un
dernier effort, lorfqu’il fut dépofledé par fon
frère Alexis Comnène, qui lui fit crever les
yeux.
Alexis monté fur le trône, euvoya, 1 an 1195,
des ambaffadeurs à Afan & à Pierre, pour leur
foire des propofitions de paix ; mais les Barbares
répondirent avec tant d’infolence , & offrirent des
conditions fi dures & fi honteufes, que l’empereur
ne crut pas devoir les accepter. Tandis que
par Pîerrè* frère d’Afan; il fit pendant quelque
temps une aflez vigoureufe refiftance, avec des
fecours que l’empeieur lui avoit envoyés; mais
voyant que Pierre fe renforçoit tous les jours par
le concours des troupes qui lui venoient de toutes
parts, & s’appercevant aufti que les Grecs ne fe
défendoient que bien foiblement, il prit le paru
■ de la fuite, & fe réfugia auprès de l’empereur.;
Ce prince l’accueillit avec bonté, & lui offrit en
mariage J a fille d’Ifaac Sebaftocrator ; mais on croit
qu’il préféra fa veuve, appelée Anne, qui étoit
encore dans la fraîcheur de l’âge , & dont il devint
amoureux. Cet Ibancus fervit utilement 1 empereur
contre les Scythes, qui commirent d affreux de-,
fordres dans là Thrace & la Macédoine. Quelque’
temps après la mort d’Afan, Pierre fut aufîi maf-
focré, & un troifième frère, nomme Jean , lui
i fuccéda. , ,
ce prince étoit occupé en Orient, ces deux frères
firent une incurfion dans le territoire de Serres 3
battirent les troupes impériales, s’emparèrent de
plufieurs places, & retournèrent chez eux avec
un immenfe butin. L’empereur détacha Ifoac Se-
baftocrator, fon gendre, avec un certain nombre
de troupes, pour aller prévenir de nouveaux de-
fbrdres ; niais ce général encore jeune, & peu
expérimenté, ayant eu avis que les ennemis etoient
venus de nouveau ravager les environs de Serres ,
fe mit en devoir de les attaquer. Sans examiner
quelles étoient leurs forces, & s’il étoit lui-même
en état de leur foire foce, il donna le fignal du
combat, & fit foire à fa cavalerie une marche
forcée de trente'ftades à bride abattue; il fatigua
par-là fi fort fa cavalerie, & , fon infanterie qui
fa fuivoit, que l’une & l’autre arrivèrent en pre-
fence de l’ennemi prefque hors d’etat de combattre. I
Il chargea fur le champ les Barbares, fans donner
à fes foldats le temps de fe repofer. Afan avoit
eu le foin de diftribuer une partie de fes troupes
dans des embufeades, ou 1 armée des Grecs fe
trouva enveloppée ; ïfaac lui-même, après avoir
perdu beaucoup de monde, fut enlevé par les
Scythes, demeura captif entre leurs mains, & mourut !
dans les chaînes quelque temps avant le meurtre
d’Afan. Celui-ci fut tué par un nommé Ibancus,
ou Jean, qu’il avoit accwfé d’un commerce criminel
avec fa femme, & qu’il vouloit faire périr.
Cet Ibancus, après avoir mis a mort le tyran , fe
fit un parti, & s’empara de la ville de Ternobe,
gui eft la Temova d’aujourd’hui ; U y frit afîiègé
' Géographie ancien**. Tome UL
L’an 1198, les Scythes, açcompagnes dune
armée de Walaques, paffèrent le Danube, &
vinrent le jour de la fête de S. George piller;
plufieurs villages de la Thraee, dans le voifinage-
de Mefen, & de Zurule. Cette ville eft la meme'
que les Turcs appellent aujourd’hui Tchiorlouj'
Ces Barbares âvoient projeté de fe rendre k Cape-
rium , lieu voifin de Zurule, où il y avoit ce jour-là
. .un prodigieux concours de monde pour célébrer
la fête de S. George ; mais un grand brouillardÿ
qui s’éleva dans la matinée, leur fit changer de
route ; ils fe répandirent dans d’autres endroits ,
& s’avancèrent même jufqu’a la ville maritime
appelée Radoejlus, aujourd’hui Rodojlo. Quelques-
uns d’entre eux cependant pafferent à Cuperium ;
les gens aflemblés pour la célébration de la fête j
réfolurent de fe défendre ; ils fe retranchèrent
derrière leurs chariots, qu’ils rangèrent autour de
FégÜfe, & réfiftèrent par-là à la première attaque
des Barbares, peu accoutumés a former des lièges ,
ni à forcer des retranchemens. Ceux-ci fe retirèrent
en effet, & enlevèrent feulement tous les
Grecs, qui, ayant pris l’épouvante , âvoient
abandonné l’églife, pour tacher de fe fauver a
Zurule. Cet événement avoit été prédit par Théodore
Branas, qui, ayant prévu l’irruption des
Scythes , avoit inutilement défendu , pour cette
année, la célébration de la fete. Les Baibares
retournant chez eux charges de dépouilles , furent
attaqués par les Grecs de la garnifon de By(ia,
qui eft la ville de Vtl^é d’aujourd hui ; ils furent
mis entièrement en déroute, & perdirent la plus
grande partie de leur proie. Mais 1 avidité des
Grecs les empêcha de profiter de cet avantage %
tandis qu’ils étoient en effet occupés à arracher
des mains des vaincus tout le butin qu’ils âvoient
j enlevé, les fuyards fe rallièrent, revinrent à la
charge, & battirent les Grées, qui fe virent forcés
à leur tour de prendre la fuite. v
L’empereur fe rendit l’année fuivante a T h e jja—
Io n iq u e , pour porter de - là fes armes contre un
nouvel ennemi, nommé Chryfus, Walatjue de
N n %