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fofle palifTadé, aflez conforme au fyflême de
fortification qu’on fuivoit en Europe avant l’invention
de la poudre à canon. Du côte de l’Hélef-
poht, ils avoient laifié entre le camp St la mer,
un efpace fufEfant pour y affembier, au befoin,
les principaux officiers. Homère détermine ex-
preflément l’étendue de ce camp , à gauche, par
les deux promontoires bien connus de Sigée &
de Rhétée. Achille étoit campé du côté du premier,
& Ajax du côté du fécond/ Ulyffe occupoit le
c en tre com m e la partie la plus propre à tenir
confeil, quand on avoit befoin de Ion éloquence
ou de fa fagefie.Si Agamemnon veut ralfembler les
chefs de 1 armée grecque» ii fe .rend au vaiffeau
d’ü ly ffe , vis-à-vis la tente de ce héros, & de-là
il éleve la voix le plus qu’il lui efl poffible, pour
fe foire entendre dans les tentes d’Ajax & d’Achille,
aux deux extrémités du camp. Selon plusieurs mo-
. numens de l’antiquité, l’une de ces extrémités n’étoit
pas éloignée de moins de fix milles de 1 autre.
Ainfi le monarque grec qui fe trouvoit au milieu
de cet efpace,fe faifoit entendre à fix milles de
chaque côté ; ce qui efl incroyable. Il y a donc de
l ’exagération poétique dans les expreffions.
Il n’efl pas aifé-de déterminer quelle fut la
{ituation précife de Troy e; & il ne relie pas aujourd’hui.
le moindre monument qui puixTe nous
en in&ruire. Les tremblèmens de terre & les ino-
dations rapportée« par plufieurs écrivains , ont
entièrement bouleverfé la furfoce de ce pays. Les
poèmes, les hifloriens & les diflèrtations composées
en l’honneur de Troye , nous apprennent
quelle vénération on avoit pour cette ville. Le
temps de fa prife fut regardé comme une des principales
époques de la Grèce ; elle avoit déjà été
fuccagée trois fois, fi l’on en croit les meilleurs
auteurs de l’antiquité. Lycophron, dans la per-
fonne de Caffandre, déplore ainfi fes malheurs.
k O ma chère patrie, ton malheureux fort m’af-
ïj flige : ni -as éprouvé trois fois l’invafion des ennemis
; tu as vu tes édifices renverfés , & tes
j> biens font devenus la proie des flammes » !
Le poète veut dire que Troye fut prife par
Hercule, par les Amazones, & enfin par les Grecs,
fous la conduite des Alcides. Homère fait allufion
à l’invafion des Amazones ; mais il n’ajoute pas ,
comme d’autres auteurs, que la ville tomba entre
le* mains de ces héroïnes. Charydemus Orytès s’en
empara auffi, ainfi que nous l’apprenons de Plu-
. tarque & de Polyen : & enfin C. Fimbria , quef-
teur fous Valérius Flaccus, dans la guerre de Mi-
thridate, s’en rendit encore le maître.
On a remarqué que le cheval fut toujours fotal
aux Troyens , dit M, Woçd, Ils furent d abord
fubjûgués par Hercule/ lors de la difpute for les chevaux
de Laomédon. Les Amazones fervoient toutes
dans la cavalerie, & la figure du cheval décoroit leur
bannière ; &. les Grecs furprirent la ville au moyen
du cheval de bois, inventé par Vlyfîe. Enfin elle
tomba entre les mains- de Charidémus, parce qu’un
cheval s’abattit à l’entrée là ville & empêcha de
fermer les portes. Il nous refie une vieille épfi-
granime latine foite fur un homme dont le nom
lemble avoir été Açellus, & qui ne montroit pas
un grand refpeél pour les ouvrages d’Homère. Elle
renlerme une allufion aux hifloires vraies ou faufles
que je viens de rapporter.
Carmints lliaci Libros confunipjit ACdlus ,
Hoc Jatum Trojoe ejl ; aut Eqiuis , aut Afdlus.
Charydémus & Fimbria ne prirent pas l’ancienne
Ilium, mais la nouvelle T ro y e , fituée à quelque
diflance de remplacement de la première , 0. qu’on
croit avoir été bâtie ou du moins agrandie par
Alexandre-le-Grand & par Lyfimaque. Il fubfifle
encore de beaux refies de cette dernière ville ; mais
depuis bien des fiècles on ne trouve aucune trace
de la véritable & fameufe Troye. Il n’y a pas
une feule pierre qui puifi'e attefler fa pofition. On
la cherchçit déjà en vain du temps de Strabon. Et
Lucairi , après avoir rappelé qu’on fit là même
tentative avec auffi peu de fuccès fous Jules-Céfar,
remarque que les ruines elles-mêmes de cette ville
célèbre ont été anéanties.
En foce de Troye étoit l’île de Tenedos, éloignée
de la côte d’environ deux lieues. Cette île
avoit été d’abord nommée Leucophrys. On croit
que l’autre nom lui vint d’un certain Ténès ou
Tennès qui y conduifit une colonie. Ce prince
étoit fils de Cycnus, roi de Colonne, ville fituée
fur la côte prefque en face de l’île. Il eft repré-
fenté par Diodore de Sicile (Z. v ) , comme un
prince bienfaifant & jufle , qui, après avoir été
les délices de fes fujets pendant fa vie , en fut
adoré après fa mort. Les-anciens habitans de l’îlé
rapportoient, concernant Ténès , quelques particularités
que Diodore traite de fables , nvAs que
Suidas & Paufanias femblent regarder comme
vraies. *
Selon eux , Ténès étoit fils de Cycnus & dé
Proclée, fceùr de Caletor. qui fut tué par Ajax ,
en voulanfbrûîer les vaifFeaux de Prorefilas. Cyc-
nus, après la mort de fa*femme Proclée , époufo
Philonome,qui,étant devenue amoureufe de Ténès,
& n’ayant pu l'engager à fa paffion _,,fe plaignît
à fon mari que ce prince avoit voulu lui faire
violence. Il produifit en témoignage , un homme
qu’elle avoit gagné & qui étoit joueur de flûte.
Cycnus , perfuaclé par les difeours de fa femme ,
fit enfermer Ténès dans une caille de bois que.
l’on jeta à la mer. Ce fut précifément ce qui fit
fon bonheur. Car les flots portèrent la caifîe fur
la côte de l’île de Leucophrys , ou ii fut reçu
comme un préfent des dieux.
Quelque temps après, Cycnus, convaincu de
l’innocence de fon fils, fe rendit à Ténedos pour lui
marquer lès regrets que lui caufoit la conduite qu’il
avoit tenue à fon égard. Mais Ténès , s’étant porté
au rivage, ne vit pas plutôt le -vaiffeau amarré,
qu’il
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fiu*il coupa l’ancre .avec une hache : cette hache
fut portée par Péricliyte , citoyen de Ténédos , à
Delphes, où elle fut dépofée dans le temple. Les
Ténédiens en firent faire deux autres pareilles , qu’ils
dépofèrent dans un temple de leur ville.
On prétend que des faits que l’on vient de lire , il
étoit réfulté deux expreffions proverbiales. L’une ,
c’efl que quand on difoit d’un homme, TevsS'toç
a.vhmnç'3 c’efl. un fluteur Ténédien ; c’étoit comme
fi l’on eût dit c’efl un feux témoin , ou au moins c’efl
ùn menteur. Comme auffi quand on vouloit exprimer
urte réfolution inébranlable, on difoitTevéé'ioç
•vrshsKvs ; il efl comme Ta hache de Ténédos.
Il efl vrai qu’Arifiote donne une autre origine à
ce dernier proverbe.^ Il dit qu’un roi de Ténédos
ayant fait une loi par laquelle l’adultère étoit défendu
fous peine de mort , le premier qui viola
cette loi fut fon propre fils , auquel il fit couper
la tête avec une hache qui fut tranfportée à
Delphes. Peut-être la petite hifloire fut-elle inventée
dans un temps- où l’on ne pouvoir plus
expliquer une ancienne médaille de l’île-, qui re-
préfentoit d’un côté cette hache , & de l’autre,
les têtes des deux amans. On dit auffi que la hache
étoit l’inflrument ordinaire du fupplice dans cette
lie , & que toutes les fois que les juges fiégeoient,
ris avoient derrière eux un homme portant une
hache, tout prêt à exécuter leurs jugemens. Delà
les expreffions Tsv&f'ioç civ^pcûoroç, & TeveS'ios
ë-vvnyopofj un homme ou un juge de Ténédos, pour
dire un homme ou un juge févère.
Ce fut dans l’île de Ténédos , félon Virgile,
que les Grecs fe cachèrent , quand ils feignirent
de lever le fiège de Troye. Après la deftruélion
de cette ville-, les habitans de Ténédos fe fournirent
aux Ioniens. Cette île fut une des premières
conquêtes des Perfes, après la défaite des Ioniens,
Elle fut fubjuguée par les Athéniens , ou du moins
elle fe' joignit à eux contre les Lacédémoniens.
Cette alliance lui devint funefle. Nicolochus , général
de Sparte , la ravagea , & la mit à contribution
, malgré les fecours que vouloient y
porter les Athéniens.
Les Romains à leur tour devinrent maîtres de
Ténédos, & ce fut encore un nouveau malheur-
pour cette île. Le temple fut pillé par Verrès,
qui, au grand regret de tous les habitans, emporta
la flatue de Ténès.
Cette île peut avoir dix-huit milles de tour. Elle
contenoit une ville , deux ports, un temple dédié
à Apollon furnommè Smynthius.
N. B. Il n’y a d’autres ruines à voir aétuelle-
ment à Ténédos, que celles des magafinsque Jufli-
ïiien y avoitfoit bâtir, pour y conferver le bled que
l’on tranfportoit d’Alexandrie à Conflantinople ,
& qui auroit rifqué de fe moifir à bord, lorfque
les vaifleaux étoient arrêtés trop long-temps au
«étroit, par les courans ou par les vents contraires.
Ces magafins , au rapport de Procope ,
avoient 280 pieds dé long & 90 de large.
Géographie ancienne,.. Tome III.
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Levin mufcatde Ténédos efl le plus délicieux
de tout le Levant; 8c quoiqu’il n’ait pas été célébré
par les anciens, comme celui de Scio & de Lesbos,
on peut démontrer cependant par plufieurs médailles,
que Ténédos a toujours produit une grande
quantité d’excefâens vins , par cela même que le revers
de quelques médailles de cette île a une branche
de vigne garnie de plufieurs grappes de raifin.
Habitans de la T roade. Origine. Les peuples
de la Troade étoient certainement un très-
ancien peuple; mais on n’èfl pas d’accord fur
leur origine. Gn en peut juger par la diverfité
d’opinions qui exiflent à ce fujet. Les uns prétendent
qu’ils defeendoient des Samothraces ; d’autres
» des Grecs. On ajoute que Teucer, le premier
roi de Troy e , félon quelques auteurs, étoit
Athénien de naiffance, & feigneur d’un village
nommé Axomus ; d’autres croient que les premiers
• Troyens vinrent de Crète ; mais ils difent que
Dardanus étoit leur condu&eur. Virgile , adoptant
les préjugés des Romains , ou voulant flatter leur
vanité , les foit venir d’Italie.
Bochard ( Pholeg. L. n i , ch. 9 ) , qui ne
s’en tient pas ordinairement à des origines fi modernes
, foit defeendre les Phrygiens , dont les
Troyens firent partie, d’Afcenez ou Ashkenas »
fils aîné de G orner , & trouve les traces de fon
nom dans celui du lac Afcanius, de la ville d'Af*
cania , du fils de Virgile, Afcagne, &c. Je fup-
prime la quantité d’autres preuves qu’il apporté
de fon fentiment. Il efl plus finiple de les lui accorder
que de difeuter chacune d’elles..
Gouvernement. Le gouvernement fut d’abord monarchique
& héréditaire. Car depuis Dardanus juf-
qu’à Priam , on voit conflamment le fils fuc-
céder au père , & lç frère cadet fuccéder à
fon frère aîné. Ce pays fut au commencement,
comme beaucoup d’autres, partagé, ou plutôt fub-
divifé en divers petits royaumes , puifque l’on
trouve Cycnus , Pandarus , Eurypile, & d’autres
petits fouverains de petits territoires , entre les
limites de la feule Phrygie mineure. Mais tous ces
princes difparurent, foit qu’ils aient été battus &
leurs états démembrés, foit au moins qu’ils foient
devenus tributaires des rois de Troye. C ’eïl fans
doute ce qui fait que Strabon ( L. x m ) compte juf-
qu’à neuf petits royaumes dépendant des Troyens ,
fans compter l’île de Lesbos, qui en dependoit
auffi. Ce fut probablement la caufe qui fit tr’aî-*
ner en longueur la prife de Troye. Il falloit fubr*
juguer chacun de ces petits états avant de parvenir
à réunir toutes fes forces conti;e cette vil}ê.
C ’étoit une hydre dont il s’éîevoit continuellement
quelque tête.
Diodore affiire que ries Troyens furent fournis
par Ninus. Mais on voit par ce que dit Philofi*
trate, qu’ils étoient alliés des Aflyriep? /Bc pbjnLtty
tout leurs tributaires. Il paroît que le^ roivayqienC
fur leurs fujets, une autorité deipotiqpé. Au reAeL
on ne fait rien de. leurs-lôïx;
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