
Ithobal fit bâtir les villes de Botrys en Phénicie ~t
& d'Auçates en Afrique. Sous le règne de ce prince
il y eut, félon Ménandre, cité • par Jofeph, une
grande féchereffe en, Phénicie qui dura depuis le
mois d’hyperberotéus jufqu’au même mois de
Tannée fuivante.. Ce prince, ajoute-t-il, fit faire
de grandes prières, & elles furent fuivies d’un
grand tonnerre. On préfume qu’il eft ici queftion
de la, grande fechereffe dont il eft parlé dans
TEcriture, fous le règne d’Achal. Ithobal étoit père
de la fameufe Jézabel. Badezor, ou comme dît
Théophile, Boezor , qui étoit fils d’Ithobal, lui
fuccèda. On varie fur les années de fon règne.
Il en eft de même pour celui de Mettînus fon
fils, qui lui fuçcéda. Ce prince, en mourant, laiffa
deux fils, Pygmalion $c Barca, & deux filles,
EHÇl & Anne.
Pygmalion monta fur le trône de fon père immédiatement
après fa mort. Il étoit très-jeune encore.
Ce fut, dit-on, dans la feptième année de fon
règne qu’Elifa, nommée auflî Didon ( i ) , s’enfuit
de Tyr, & fe retira fur un promontoire de
l’Afrique , où elle bâtit Carthage. Je. ne donne ce
qui fuit que comme les opinions adoptées par le
plus grand nombre des hiftoriens.
Pygmalion, félon eux, convoitoit les richeffes
immënfes de fon oncle Sichseus ou Sichée, prêtre
d’Heretde, & qui avoit époufé Elife. Mais ne
pouvant les lui enlever de fon vivant, il imagina
un moyen de lui procurer la mort. C’eft pourquoi
il l’invita un jour à une partie de chaffe ; & pendant
que tout le monde étoit occupé de l’attaque
d’un fanglier, il le perça d’un coup de lance,
puis le jeta dans un précipice, où l’on dit que
l’avoit emporté fon cheval. Quelques auteurs affûtent
qu’il frit tué au pied des autels ; mais fa veuve
foupçonnoit Tauteur & la véritable caufe de fà
mort. Réfolue de mettre en fûreté fa perfonne &
fes richeffes, elle diffimula; & fous le prétexte
d’un établiffement peu éloigné, elle obtint la per-
mifEon de fe mettre en mer avec fes richeffes. Dès
qu’elle y fut, elle fit voile vers le lieu où étoit
déjà bâtie une citadelle Phénicienne, fous, le nom
de Byrfa. Elle étoit déjà bien loin vers l’oueft,
lorfque Pygmalion fut qu’en effet fa foeur avoit
abandonné fes états fans retour. Si cette hiftoire
étoit. vraie dans toutes fes. circonftances, elle ne
pourront pas fe concilier, cé me femble, avec ce
que Ton rapporte d’ailleurs de Pygmalion; car il
ne feroit guère probable qu’il n’eût pas envoyé
quelque bâtiment à la pourfuite de Didon , ou
qu’apprenant qn’elle fondoit une colonie, pouvant
devenir la rivale de Tyr, il n’ait pas envoyé des
forces pour s’y oppofer. 11 paroît qu’il Tauroit pu
aifément, s’il eft vrai, comme Etienne de Byfance
le dit, qu’il ait fondé la ville de Carpafie dans
( i) Voyez ce que j’ai dit de ce nom de cet événement
à l'article Carthage.
Pile de Cypre, & que dans lin. autré temps il ak
envoyé au temple d’Hercule, fitué à Gadès, ou
très-près, un fuperbe ouvrage d’or maflif repré-
fentant un olivier, dont les fruits étoient d’émeraudes,
imitant parfaitement la nature.
Le premier roi que frit enfuite connoître l’hiftoire
fe nommoit Elulæus : il régnoit du temps de Sal-
manazar, roi d’Aflyrie. Ce prince voyant les Phi-
lifiins extrêmement affoiblis par la-guerre qu’Ezé-
chias leur avoit faite, voulut profiter de cette
oceafion pour fe rendre maître de Geth, qui s’étoit
fouflraite depuis quelque temps à l’obéiffance des
Tyriens. Mais Salmanazar prit la défenfe de cette
ville, & entra dans la Phénicie à la tête d’une
puiflante armée. La paix fe fit peu après ; il s’en
retourna. Il eft vrai que ce ne fut pas pour longtemps
; car plufieurs villes de la Phénicie , telles que
Sidon, Arcé , &c. fecouèrent le joug des Tyriens,
& reconnurent Salmanazar pour leur roi.
Cette révolte entraîna une nouvelle guerre entre
les Tyriens & le roi d’Affyrie. Ce prince ne négligea
rien pour s’emparer de la ville de Tyr.
Outre les forces de terre, il fit armer foixante
navires. Mais les Tyriens, avec douze vaifîeaux
feulement, diflipèrent & battirent cette flotte.
Cette défaite fit craindre à Salmanazar l’iffue d’un
fécond combat. Il convertit le fiège en blocus, &
s’en retourna en Aflyrie. Les troupes réduifirent
la ville à la plus grande extrémité par la difette
d’eau. Ils bouchèrent les aqueducs, & s’emparèrent
des fources. On y fuppléa cependant en crewfant
des puits qui donnèrent de Peau affez abondamment
pour mettre les Tyriens en état de foutenir
ce fiège pendant cinq ans ; encore n*eft-il pas bien
prouvé que la ville n’eût pas tenu plus longtemps
; mais Salmanazar venoit de mourir : Elulæus
régna trente ans.
Ithobal II paroît avoir fuccédé à Elulæus. Il
régna du temps de Nabuchodonfor, ou Nabuchad-
nézar, roi de Babylone. Ce prince mit aufïi le
fiège devant Tyr ; & c’eft un des èvénemens les
plus célèbres de Phiftoire de cette ville. Il dura
treize ans. On trouve dans Ezéchiel une efpèce
de defcription de ce fiège.
Enfin le roi de Babylotie fe rendit maître de
cette ville. Les habitans Pavoient abandonnée ,
après, en avoir ou emporté ou brûlé les richeffes.
La fureur du vainqueur fut à fon comble. Il en
fit tomber le poids fur les édifices & fiir le peu
de malheureux qui n’avoient pu s’échapper. La
ville fut donc abfolument détruite.
Pour concilier ce récit de l’Ecriture avec ce que
difent d?autres hiftoriens , que Baal régna après
Jthobal, il faut fuppofer qu’ils n’ont pas tout
décrit. En évacuant leur ville, les Tyriens s’étoient
retirés, avec tout ce qu’ils avoient pu emporter,
dans une île'éloignée du rivage d’un demi-mille.
Il eft probable auflî qu’ils y bâtirent une ville,
laquelle fut bientôt foumife par Nabuchodonofor.
On croit que ce fut ce prince qui y établit Baal
vice-roi» & que même ce fut lui qui établit à
Tyr des magiftrats nommés fuffètes ou juges.
Le gouvernement changea donc à Tyr après la
mort de Baal. Entre ces juges on trouve le gouvernement
d’un grand-prêtre , qui fut de trois
mois. On ignore la caufe du changement qui furvint
peu après; mais on voit que la royauté fut rétablie.
Balator fut reconnu roi ; mais pendant foixîmte-
dix ans , lui & fes fucceffeurs, demeurèrent_ tributaires
des Affyriens ; & pendant ce temps ort
compte bien des règnes. Baal ne régna qu’un an.
Merbal de Babylone, auquel les Tyriens offrirent
enfuite la couronne, n’en régna que quatre.
Irun, fon frère & fon fucceflèur, régna vingt
ans. Ce fut, félon les annales phéniciennes, la
quatorzième année de fon règne que Cyrus s’empara
de l’empire des Perfes. ( Voye^ /S table des empires
d*AJJyrie 9 de Babylone & de Perfe. Géog.
anc. vo l. /, pag. 2 3 2 ) .
Mapen fuccéda à Irun. Les Tyriens ne purent,
Ce me femble, profiter de la chûte de Babylone
pour recouvrer. leur liberté, & de fujets de cet
empire, devenir alliés de celui des Perfes : car
on Voit dans Hérodote ( L. v m ) , de quelle manière
Xerxès fe comporta avec eux. Mapen fervoit
avec des vàiffeaux de fa nation dans l’armée de
Xerxès, lorfqu’il porta la guerre en Grèce : on
prétend même que ce fut lui qui confeilla d’attaquer
la flotte des Grecs auprès de Salamine ; ce
qui ne donne pas grande idée de fon lavoir en
taélique navale. Mais à peine la bataille de Sala-
fnine étoit-elle perdue, que Xerxès fit couper la
tête aux principaux Tyriens , pour les empêcher,
difoit-il, de calomnier les Perfes & en les accufant
d’avoir perdu la bataille par leur lâcheté. Cependant
on voituans la fuite que lesTyriens fervirent toujours
avec diftin&ion dans les armées navales des Perfes,
& que les rois de cette nation avoient pour eux
beaucoup d’égards.
On préfume que ce fut à-peu-près vers ce temps
que Straton monta fur le trône. Perfonne n’ignore
le trait que rapporte Juftin, relatif à l’élévation
de ce prince. Je ne le rappelerai qu’en deux mots.
Dans une confpirationgénérale, les efclaves avoient
ôté la vie à leurs maîtres ; -Straton feul avoit été
confervé par le fien. Devenus maîtres de l’état, ils
convinrent que celui-là feroit roi > qui, en pleine
campagne, appercevroit le premier la lumière du
foleil.
L’efclave de Straton, dirigé par fon maître, fe
tourna vers Poueft, & ayant apperçu la clârté du
foleil furie fommet de quelques hautes montagnes,
il la fit appercevoir aux autres , qui furent frappés
de la fupériorité de fon efprit. On le foupçonna
de n’avoir pas créé cette idée. Il avoua qu'il là
devoit à fon maître auquel il avoit confervé la vie
à caufe de fes vertus. La convi&i©n de fa bonté
& de fes lumièresréunit tous les fuffrages en
faveur de Straton , que l’on regarda comme fpécia
lement deftiné au trône par le pouvoir des dieux
Plufieurs des fucceffeurs de Straton nous font
inconnus. Celui dont le nom fe trouve après Straton,
eft Azelmic , fous le règne duquel arriva le fiège
& la prife de Tyr par Alexandre.
A l’approche de Ce prince, les Tyriens avoient
envoyé au-devant de lui le fils de leur roi & une
fuite allez nomfcreufe , avec des préfens & des
provifionS pour lui & pour fon armée. Mais, air
lieu de fe contenter de cet hommage , il alla en
avant & prétendit entrer dans la ville. La vifite
d’un conquérant eft , comme On fait, une prife
de poflefliôn. Les Tyriens le craignoient; ils fe
refùfèrent à ce que demandoit Alexandre. Il fit
marcher fes troupes Contre la ville & crut qu’il
alloit l’emporter d’emblée. Il fe trompôit.
11 y avoit entre l’île où elle étoit fituée & le
continent, un efpace d’un demi-mille. Les murailles,
hautes de cent cinquante pieds, étoient fottifiéas
de tours, & toute la ville étoit pourvue de munitions
de bouche & de guerre. Et les Carthaginois,
maîtres de la met, leur avoient promis dés fecours
confidérables.
Mais les fecours carthaginois ne vinrent pas, 4
caufe des diviftons intérieures qui rroubloient cet
état. L’armée d’Alexandre parvint à faire une
chauffée du comment de 111e , aVarjt 200 pieds cfe
largefEnfin, à l’aide de grandes & fortes machines
d’une flotte bien aélive & d’une armée déterminée’
à vaincre ou à périr, Alexandre parvint à s’emparer
de Tyr, apres un fiège de fept mois.
Cette ville fut brûlée jufqu’aux fondemens, &
les habitans ou égorgés, ou emmenés en éfclavage.
Ce prince, que tant d’hiftoriens Ont admiré, fê
conduifit en barbare féroce, puifque deux mille
hommes , épargnés par le fer, furent crucifiés par
fon ordre.
On dit que les Sidoniens en fauvèrent à peu
ptès quinze mille, qu’ils cachèrent fur leurs vaifleaux.
Alexandre maintint cependant le roi dans fa dignité
& renvoya chez eux les Carthaginois qui s’étoièfït
rendus à Tyr, fous prétexte d’un voeu à Hercule.
Il leur donna ordre en même temps de dire à
leur république , que dès ce moment il leur décla-
roit la guerre.
Peu de temps après le départ de ce prince , les
Tyriens, fauvés par les Sidoniens, ainfi que les
femmes & les en fan s envoyés à Carthage pour le
temps du fiège, revinrent dans la ville & en
rebâtirent les principaux édifices.
Alexandre révint à Tyr, 3 fon retour de l’Egypte;
Il y Offrit de grands préfens à Hercule , y fft
célébrer des jeux & donner différons fpéôacles.
Cette ville redevint ,■ en affez peu de temps , auflî
puiflante quavant fa prife; car, l’an 313 elle fut
en état de foutenir un fiègë contre Antigone ,
comme on l’apprend par Diodore de Sicile: Ce rte
frit qu’au bout de quinze mois qué les Tyriens
furent obligés de capituler, & de recevoir garnifon.
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