
î y t G É O G R A P H I E
petite Bukarie, le pays de G é té , celui des Calmuks, les Steps dès Cofaques, & viendrait
joindre le V o lg a , en fe prolongeant vers Grembourg , Jajk & Saratow ; de forte
que toute la Sibérie, la Tartarie Ruffe, la Tartarie Chinoife , le Cambofe , Siam, le Pégu;
la plus grande partie du T ib e t, &c. étoient alors réellement inconnus, que l’on n’en
foupçonnoit même pas l’exiftence, puifque l’Océan étoit cenfé occuper tous ces efpaces.
C ’eft donc en-deçà de ces limites que doit fe trouver la Sérique des anciens , & le terme
de leurs connoiffances dans la Haute-Alie. La caufe qui a pu arrêter les progrès de
leurs découvertes, me femble avoir été cette prodigieufe quantité de fables , ces longs dé-
ferts , qui, en ftiivant la direction que je viens d’indiquer} s’étendent obliquement depuis le
cinquante-cinquième degre nord juiqu aux frontières &c aux montagnes prefque inaccefli-
bles du Tibet, Ces fables Sc ces montagnes ont été pendant long-temps des bornes naturelles
que les voyageurs n’ofoient franchir. Ce ne fut en effet que vers le milieu du
treizième fiecle de notre ère, lorfque le zèle des millionnaires , & le délire des croifés
agitoient 1 Europe Sc 1 A llé , que des tnoines Sç des marchands entreprirent de pénétrer
dans la Tartarie, & arrivèrent jufqu’aux frontières feptentrionales de la Chine , en paffant
par l’Eygur. Ces voyages fon t, par rapport à nous , les premiers qui nous ont fait con-
noître les parties orientales de la Jfaitte-Afie ; ce n’eft que de leur époque que nous pouvons
dater nos connoiffances, puifque les relations que les Tartares entretenoient auparavant,
foit entre eu x , fefit avec les autres nations, ainfi que les routes qu’ils fuivoient eu parcourant
ces vaftes contrées, nous étoient alors aulîi inconnues qu’elles l’avoient été aux
anciens.
Le premier itinéraire que les Grecs aient publié pour indiquer la route qiti çonduifoit
à la Sérique, paroît depuis il y a environ dix-huit cents ans ; Ptolémée, en le copiant dans
l’ouvrage de Marin de T y r , ne nous en a confervé qu’une très-petite partie. On y voit
que cette route, à prendre du paffage de l’Euphrate, près d’Hiérapolis, paffoit dans la
Baclriane, ait nord des fources de l’Indus, traverfoit une portion de la Scythie, & abou-
tiffoit à Sera.
Les détails de ce voyage demandent à être fuivis fur des cartes dreffées exprès pour le
repréfenter : elles doivent fe trouver avec le Mémoire dans le Recueil de l’Académie de*
Belles-Lettres.
Pour en donner une id é e , Sc y fuppléer en quelque fo r te , on doit dire ici que les
anciens ont toujours tracé la grande chaîne de l’Alie dans une direûion parallèle à l'équateur
, tandis que fur le globe , cette chaîne de montagnes forme des finuofités confidéra-
bles , fur-tout depuis les fources de l’Indus, oh elle fe replie fur elle-même , en formant
un angle aigu , Sç en defcendant rapidement au midi, à plus de fix degrés du point oh
elle s’étoit élevée. O r , comme le chemin qui çonduifoit à la Sérique fu iv o ït, félon les
cartes de Marin de T y r Sc de Ptolémée, la même direction que les montagnes , il paroît
certain "que, faute d’avoir été inftruits que ces montagnes fléchiffoient tout-à-coup pour
fe prolonger vers le fud, ces Géographes ont continué de placer dans l ’eft , des contrées
qui s’etendoient au midi, Sc qu’ils ont appliqué, à la direction des longitudes, les diflarices
d ’un
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3 ’un itinéraire qui appartenoient au fens des latitudes. On conçoit que cette erreur a dû
influer fur la pofition de Sera, Sc la faire placer plus au nord qu’elle n’auroit dû l’être.
■ On doit dire que, dans Ptolémée , le Gange prend fa fource fur le revers méridional de
la grande chaîne d’Afîe Sc qu’il ne la traverfe pas. On fait précifément le contraire aujourd
’hui ; le Gange a fes fources -à environ trois degrés au nord de cette chaîne Sç la traverfe
près d’Hardonar ; . d’où il faut conclure que Ptolémée n’a eu aucune connoiffance de
■ la partie du Gange , comprife entre Hardonar & le Gangotri..
Au refte, on fe tromperait fi l’on .vouloit s’attacher à comparer, dans les cartes de
■ Ptoléméela correfpondance des parties de l’Afie au-deffus de l’Imaiis Sc des monts
Emodes, avec les parties qui font au midi de'ces montagnes, pour chercher à en tirer
quelques induâions ou quelques rapprochemens ; ces parties n’ont entre elles aucune connexité
, elles ont été faites féparément Sc fur des données fi différentes, qu’ elles n ont pu
eonferver la plus légère liaifon dans leurs rapports. Il eft aife- de s’en affurer, en lifant
dans Ptolémée les Chapitres X I , X I I , XIII Sc XIV de fes Prolegomenes.
On ne peut donc pas objeâer que Hardonar n’étant que par 30 degrés de latitude, &
que Ptolémée ayant placé les fources du Gange par 37 degrés , tient uniquement à l’opinion
qu’il avoit embraffée, d ’après Eratoflhènes Sc Marin de T y r , fur lahauteur a laquelle
la grande chaîne de l’Afie devoit fe foutenir.
En adaptant ces principes à l’itinéraire dont il a été parlé, & en fuivarrt la marche deâ
voyageurs, depuis Baftres jufqu’au petit T ib e t , le citoyen Goffelin indique les lieux qui
fenblent correfpondre à ceux que Ptolémée a donnés dans fes Tables; il faut entre autres
remarquer que le nom êlEskerdon,. capitale du petit T ib e t, fe retrouve dans celui d EJfi-x
io n , ou plutôt d’Efledon, que les anciens lui donnoient.
En fuivant toujours les finuofités de la grande chaîne de montagnes, le citoyen Goflfelîn
arrive dans une vafte contrée de plus de 120 lieues de longueur, nommée Séri-nagar,
dans laquelle il retrouve la Sérique des anciens, comme il reconnoît Sera dans la ville capitale
, nommée aulîi Séri-rtagar. On fait que le nom de nagar, dans l’Inde & dans quelques
contrées qvti l ’avoifinent, efl; un titre donné aux principales villes'de plufieurs provinces,
pour indiquer qu’elles y dominent & y tiennent le premier rang. Ainfi , les dénominations
de Séri-nagar Sc de Scra-metropolis, font ablolument les mêmes ; la ville Sc le pays n ont
pas changé de noms depuis vingt fiècles.
Indépendamment de l’identité de ces noms , qui femble former une grande preuve en"
faveur de l’opinion du citoyen Goffelin, il remarque, i ° . que la province de Seri-nagar
efl environnée par-tout de hautes montagnes, comme le d it, non-feulement Ptolémée ,
mais plus particulièrement encore Ammien-Marcellin ; 20. que le Séri-nagar fe trouve fur
les confins immédiats de l’Inde, comme toute l’antiquité a placé la Sérique , SC qu’il n’eft
féparé de l’Inde que par la grande chaîne de l’Afie, nommée dans cet endroit par Ptole-
m é e , S tri c> montes ; & connue maintenant, fous le nom de S era-lick ; 3 °* que ce canton
réunit, comme je Fai annoncé, la circonftance de n’ê tre , ni dans la Scy th ie , ni dans
l’Inde, & d’ être acceffible par ces deux çontréès.
péographie ancienne. Tome III. Qqqq