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différens endroits ; il donna ordre à Michel, vaî-
vode de Tranfylvanie, & à Simon, fils de Maurice,
de fe faire jour par les frontières de cette
province, & il prit fes mefures pour pénétrer
lui-mèine du côté de la Bulgarie. Tandis que
Lafco faifoit tous fes efforts pour défendre au roi
le paffage du Danube, Nicolas entra par les derrières
avec fes troupes, & campa auprès de la
rivière Ialomuça ; il s’empara de quelques forts ,
attaqua la cavalerie Walaque , commandée par
Dragmer, & la mit en fuite, après un combat affez
long. Mais les ennemis eurent leur revanche;
car Nicolas , après cette v iâo ire, ayant pénétré
dans l’intérieur de la province, & s’étant imprudemment
avancé dans les forêts & les défilés
des montagnes, fe trouva enveloppé dans une
embufeade , où il périt avec la plus grande partie
de fon armée. Les foldats qui échappèrent de cette
défaite, trouvèrent cependant lè moyen d’eolever
aux Walaques le corps de leur général, & le
portèrent à Strigonie , dans le monaftère de la
fainte Vierge , où il fut inhumé, Nicolas Gara
répara cette perte ; il fit paffer le Danube à l’armée
du roi, malgré les efforts de Lafco qui s’y op-
•pofoit ; il attaqua les Walaques fur la rive fepten-
trionale du fleuve , en fit un affreux carnage, &
s’empara de toutes les places voifines. Cette victoire
rétablit entièrement les affaires de Louis. Ce
prince, pour pouvoir à l’avenir contenir plus aifé-
tnent les peuples de Walaquie dans le devoir,
fit réparer la fortereffe de Sevaino, qui étoit entièrement
délabrée ; il fit bâtir aufli fur le bord du
Sierajfus ou du P r t a h , un fort appelé Terk, laiffa
dans l’une & dans l’autre de fortes garnifons, &
après avoir rétabli le bon ordre 8c la tranquillité
dans cette province, il retourna en Hongrie. Si
l’on en croit Bonftnius, ce fait arriva immédiatement
après l’avénement de Louis au trône de
Pologne, c’eft-à-dire, l’an 1370 ou 13 7 1 , ce qui
s’accorde parfaitement avec le paflage de M. de
Fleury, par lequel il eft démontré que Lafco
régnoit l’an 1370. Il eft donc impofiible que ce
pruice ait précédé Eftienne 1, 8c je crois que ces
preuves font fuffifantes. D’ailleurs, dans le fyflême
que j’avance, on retrouve également la fucceffion
des quatre princes que l’auteur anonyme a tranf-
pofés. Ce Lafco ou Laïcus pourroit bien être le
même que Vulcaïcus dont parle Ducange, qui
maria fa fille Slava avec Vrofius.
Bogdan I , fucceffeur de Lafco, devrait, dans
le fyftême de Fauteur anonyme, avoir commencé
de régner en 13x9, 8c cette époque fe rapporterait
au temps de Charles, roi de Hoagrie. Boh-
finius cependant place la tranfmigration de Bogdan
dans la Moldavie fous le règne de Louis, 8c n’en
parle qu’après la guerre de ce prince contre Laïcus
ou Lafco. Michel Ritius rapporte aufli_la réhabitation
de la Moldavie par les Walaques à la fin
du règne de Louis, & après fon avènement au
tfône de Pologne. O qui prouve bien que cet
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événement a été poftérieur à la guerre de ce
prince contre Lafco, & doit être rapporté à la
fin du même règne. Il paroît aufii par-là, que
Bogdan I a été réellement fucceffeur de Lafco.
La Moldavie avoit fans doute été dans ce temps-là
dévaluée par les incurfions des Tartares, oc les
guerres inteftiries excitées par la difeorde des
princes qui fe difputoient la fouveraineté. Bonfinius
rapporte en effet que fous le règne de Louis,
le mauvais voifmage des Tartares avoit obligé
Bogdan, prince des Walaques, d’abandonner la
Moldavie, & de fe retirer à Marmarufia ou Ma-
ramoros. Quelque temps après cependant, il ra-
raaffa de nouveau fes Walaques, & les ramena
dans cette province, dépendante alors des rois
de Hongrie. Louis fut irrité de cette démarche ,
qui avoit été faite fans fa permiflion. Mais comme
il jugea dans la fuite que cette nation multiplie-,
roit à vue d’oe il, & repeupleroit la province qui
étoit déferte, il y donna fon confentement, &
céda à Bogdan le domaine de Moldavie, à condition
que les vaivodes rendroient toujours hommage
, & paieroient tribut aux rois de Hongrie.
L’auteur anonyme parle d’un Pierre Yoda qui
régnoit en 1388, & le croit le même que Pierre I ,
fils d’Eftienne I , qui fuccéda à foiupère ; je. crois
qu’il fe trompe, & je l’appelerai Pierre II. Quoi
qu’il en foit, Cromérus rapporte que ce Pierre ,
palatin, ou duc de Moldavie, fecoua le joug des
Hongrois, & vint avec les perfonnages les plus
diftingués de fa cour à Léopol, où il eut, avec
le roi de Pologne, une entrevue, dans laquelle il
lui demanda la proteâion, & lui promit hommage
& fidélité. C’eft-là le Pierre I I , fucceflèur
de Bogdan I , & le troifième des princes qui ont
été placés mal-à-propos an nombre des prédé—
ceffeurs d’Eftienne I. L’auteur anonyme dit que
Mirzavoda, prince de Walaquie, fuivit fon exemple^
& fe fournit au Toi de Pologne. En effet, Cromérus
nous apprend que l’on trouve dans les archives
de ce royaume un traité d’alliance offenfive & çlé-
fenfive entre Ladiflas, Jagellon, & Mirza, palatin de
Walaquie. Ce traité doit être poftérieur à l’an 13 94«'
L’auteur anonyme eft embarraffé pour placer un
Eftienne , qui, fuivant le rapport de Bonfinius ,
gouvemoit les deux Walaquies fous Sigifmond,'
roi de Hongrie, dans un temps, dit-il, où Pierre
Voda régnoit en Moldavie, & Mirzavoda en
Walaquie. Il ne fait pas attention que cela n’a
rien de contradictoire, puifque Eftienne, dont
parie Bonfinius, gouvernoit les deux états l’art
1390^, c’eft-àvdire , la quatrième année après le
couronnement de Sigifmond , & il n’eft fait mention
de Mifza dans l’hiftoîre, que vers l’an 1394.
Notre auteur croit cet Eftienne le même qu’Eftien»
ne I I , fils aîné d’Eftienne I. Cela n’eft pas impoflible ;
il peut très-bien fe faire que ce prince, chaffe de Moldavie
par fon frère Pierre I , fe fut rabattu fur la
Walaquie, & qu*enfuite, dans quelque favorable révolution
, il eût aufli repris la Moldavie, dont il étoit
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le- légitime héritier. Dans des pays aufli agités
que ceux-là par les guerres inteftines, 8c divifes
en phifieurs partis, les règnes des princes font
ordinairement courts ; les mêmes compétiteurs re-
paroiffent plufieurs fois fur la feene, 8c I on ns
doit pas s’étonner même de voir deux ou trois
princes à la fois, comme cela doit être arrivé
très-Couvent dans ces deux états. Sous le règne
de Marie, reine de Hongrie, cet Eftienne I I ,
fiipportant impatiemment le joug d’une femme,
s’étoit révolté, 8c refofoit de rendre l’hommage
8c de payer le tribut ordinaire. Sigifmond marcha
contre lui en 1390. Eftienne, au bruit de la venue
du roi, raftembia de nombreufes troupes, & s’empara
de tous les défilés. Sigifmond s’avança néanmoins
vers les montagnes, où l’ennemi vint à fa
rencontre. Il y eut une affion trè s -v iv e , dans
laquelle les Walaques furent mis en fuite. .Cette
vitftoire ouvrit le chemin an ro i, qui pénétra
bientôt jufqu’à la ville où Eftienne s’étoit retiré,
dans l’intention de s’y bien défendre. Mais ce
vaivode défefpérant de pouvoir réfifter aux forces
de Sigifmond', eut recours: à la voie de la prière
8c de la foumifiion pour obtenir la paix : il alla
au-devant du r a i , fe profterna à fes pieds avec
les feigneurs qui l’accompagnoieqt, lui demanda
grâce , 8c jura entre fes mains de lui être à jamais
fournis 8c fidèle..Le roi le traita avec clémence,
& retourna à Bude, après avoir fait fentir aux
Walaques les effets de fa puiffance , 8c pacifié
les troubles de cette province. Ce même Eftienne
eut avec Bajazet, empereur des Turcs, de grands
démêlés, dont on.peut voir les détails dans le
premier volume de l'hiftoire de l’empire Ottoman,
par le prince Cantimir. Il faut obferver cependant
que cet hiftorien a confondu cet Eftienne I I ,
apëc Eftienne V , dit le Grand, père de Bogdan I I I ,
qui fe fournit aux Turcs. Il dit, vol. I l , p^t.yca,
que Soliman reçut en 1529, un ambaflàdeur de
Bogdan, qui vint lui offrir les deux Moldavies. Il
dit dans le même volume, page 368, que Bogdan
fit cette démarche la feptième année de fon règne,
8c à la page 363, il fixe la durée du règne d'Ef-
tlenne à quarante-fept ans 8c cinq mois. Voici le
calcul qu’il faudrait faire pour démontrer l’erreur
du prince Cantimir. Si l’année 1529, époque de
la reddition de la Moldavie, était la feptième du
règne de Bogdan , ce prince devoit donc avoir
fuccédé à Eftienne fon père en 1522; c e lu i-c i
ayant régné quarante-fept ans 8c cinq mois, dévêtit
être parvenu à la principauté en 1473. Comment
donc pouvoit-il être le même Eftienne qui-
avoit la guerre avec Bajazet en 1390, quatre-
vingt-cinq ans auparavant,? Je ne crois pas qu’il y
ait aucune répliqué à faire à cette objeftion. D’ail-’
leurs on fait certainement qu’Eftienne - lè - Grand
commença à régner en 1457. cllcül du
prince Cantimir eft faux, même dans d’autres
points; car ce ri’eft pas dans la feptième année
du règne de Bogdan que Solimap reçut l’hopi-
Gcographic ancienne, loir.: HL
T A U
mage de'la Moldavie, comme je le prouverai
ci-après. . - ' - j
L’an 1392 les Walaques fe foule.vèrent de nouveau,
& furent encore punis de cette fécondé
révolte,, malgré le fecours des Turcs avec lefquels
ils, a voient fai ^alliance. Sigifmond défit entièrement
dans une bataille leurs armées réunies, fit un
carnage affreux de Turcs & de Walaques, & les
pourfuivit jufqu’à Nicopoli, où ils s’enfermèrent.
Le roi mit le fiège devant cette place, s en rendit
maître en peu de temps, 'o c fit paffer au fil de
l’épée, ou emmena captifs tous ceux qui s y
étpient retirés.
Après Pierre Voda, on trouve chez l auteur
anonyme un. Gioga Voda, dont les auteurs Pc-
lonois & Hongrois ne font pas mention. Son
règne fut court ; il fit quelque bien au pays ?
bâtit des villes & des villages , fortifia plufieurs
places., & commença à monter une cavalerie
réglée. Mais après deux ans de règne, Mirza,
vaivode de Walaquie , l’attira chez lui, & le retint
auprès de fa perfonne. Je ne fais pas fi l’on doit
s’en rapporter à l’auteur anonyme, & placer ce
Gioga Voda dans la fuite des princes de Mol-
daviè, ou le regarder comme une efpèce d’intrus
dont le règne a été fi court & fi peu remarquable , Ique les hiftoriens voifins n’en ont rien dit.
En fuivant, en effet, le fil de l’hiftoire de
Cromérus , il paroît que le fucceffeur de Pierre II
fut Romain I, le quatrième des princes que je
crois avoir été tranfpofés par l’auteur anonyme ;
j’en ai rapporté déjà une preuve bien forte, quer
j’ai tirée des paroles même de cet écrivain. Il dit-
que ce prince, l’an du monde 6900 , tranfporta,
fon trône au château de R om a h o , airqjiel il donnai
fon nom. Cet événement fe rapporte à 1 année 13y2
de l’ère vulgaire., fuivant le calcul des Grecs-
modernes, qui comptent 7271 ans depuis la création
du monde jufqu’à notre temps ; de forte que
cette époque détruit entièrement Tordre de fue-.
ceffion que cet hiftorien a établi-, dans lequel
Romain I fe trouve prédéceffeur d’Eftienne I ,
mort en 13 58 ; mais elle convient parfaitement au
fucceffeur de Pierre II, que nous favons avoir
régné en Moldavie en 1388. On ne fauroit déterminer
le temps précis auquel Romain I parvint
à la principauté. Ce prince fut fait prifonnier &
emmené en Podolie par tSukrigellor.;, frère de
Ladiflas Jagellon, roi de Pologne * fi- qui ce m-
; mandoit alors dans cette province. Le roi délivra
la Moldavie de l’oppreffion de fon frère, ûc donna
la liberté à Romain I , qui, en reconnoiffano- de
ce bienfait, fe rendit, avec' les principaux fri ;ne; rs
Moldaves auprès de Jagellon, prêta entre les ma ni s
forment de fidélité & d’obéiiance , & fit avec lui
fine ligue offenfive & défenfive, contr ? les Pruf-
fiens oc les Lithuaniens. Ici l’hiftoire perd de vue
Romain I, & ne fait plus mention que d’Alexandre
1 fon compétiteur. * ' ‘ . . ; •
I Alexandre M , dont -qp ignore lYrUiue, profita
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