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Religion, La religion des Troyens ne différoit ■
guère de celle des habitans de la grande Phrygie.
Leur principale divinité femble avoir été Cybele ,
qu’ils nommèrent la grande Déeffe, ou mieux encore
, la grand-mère des Dieux. Elle étoit particuliérement
adorée fur les monts I & , Dindymus,
Bcrecynthus. Apollon avoit un temple dans la citadelle
de T ro y e , que l’on appeloit Pergame : ce fut
dans ce temple , félon Homère, q.u’Apollon cacha
Enée jufqu’à ce que les bleffures qu’il avoir
reçues de Diomède, fuffent guéries par les foins
de Latone & de Diane, l’une mère , l’autre foeur
d’Apollon . . . . Minerve ou Pallas : Caffandre s’é-
toit réfugiée dans fon temple ; elle en ‘fut arrachée
par les Grecs viâorieux, pendant que la ville étoit
en flammes. Le fameux palladium étoit une fia—
tue de bois , repréfentant cette déeffe, tenant en
main un bouclier , & de l’autre une lance : elle
étoit faite par un travail tout divin ; de forte qu’en
agitant fa lance , elle tournoit en même temps
les yeux d’une manière menaçante. La chute de
la fainte ampoule , ou du ciel en terre , apportée ,
félon quelques-uns, par un ange , n’étoit qu’un
réchauffé de rhifoire du palladium des Troyens.
Selon eux, la ftatue de Minerve étoit tombée du
ciel : puis elle alla fe placer elle-même dans le temple.
Un oracle, confulté à ce fujet, répondit que la
ville ne feroit jamais prife tant qu’elle conferve-
roit ce préfent célefte. Cette réponfe ne fut pas
ignorée des Grecs ; delà leur ardeur à s’en emparer.
Ce fut à la prudence & à la valçur des
Grecs qu’ils durent cet avantage. Diomède &
Ulyffe, étant parvenus^ s’introduire dans la citadelle
& dans le temple , y tuèrent les gardes ,
& en emportèrent le palladium. Aufïi la ville fut-
elle prife, comme l’on fait. Par une autre folie du
même genre, les Romains étoïent perfuadés que ce
palladium avoit été apporté chez eux, & qu’il y
etoit confervê dans lé temple de Vefla. Je ne fâche
rien d’auffi abfurde que de voir une foule de fa-
vans , tels que Selden , Rofmus , rechercher gravement
l’origine de cette ftatue, 8c comment elle
avoit pu être apportée en Italie par Enée , qui ne
fortit de Troye qu’à la prife de la ville; tandis
que la ftatuè miraculeufe en avoit déjà été enlevée.
Ou ils ii’avoient.pas lecoup-d’oeil bien pénétrant
, ou ils craignoient donc bien de s’expliquer
fur les fourberies des prêtres. Venus étoit
auffi une divinité des Troyens. On révéroit de
plus Apollon avec l’épithète de Sminthien, mot
formé de fminthos , qui, en phrygien , fignifie
iine fouris champêtre. Strabon ( X. x m ) , &
Ælien (X . IV ) nous racontent que cette efpèce
de fouris avoit' tellement ravagé les champs de la
Troade, que les habitans, après avoir tenté vainement
toutes fortes de moyens pour les détruire ,
eurent recours à l’oracle de Delphes , qui leur répondit
que popr être délivrés de ce fléau, ils n’a-
vbient ’qu’àJ‘facrifier à Apollon Sminthien. Ils le
lurent l'yt'jf dé plys, érigèrent un temple dans
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Afflàxïto " à léiiV puiffant libératenf. L’authenticité
de cette hiftoire n’étoit pas cependant tellement"
reconnue, que l’on n’en eût pas une autre à lui
oppofer. Car quelques autetrrs ont prétendu que
ce culte d’un Apollon fourisI venoit de ce que, dans,
une occafion où les Troyens fe trouvoient près
d’en venir aux mains avec un ennemi redoutable ,
des fouris parvinrent en une nuit à ronger toutes
les cordes des arcs, 8c fournirent ainfi aux Troyens
l’occaflon d’une vi&oire aifée.
CaraElère, coutume, commerce. Les Troyens étoient
un peuple vaillant & guerrier. Ils paroiffent avoir
été de zélés adorateurs de leurs dieux , & très-
refpeéhieux envers leurs princes. On manque d’ailleurs
de détails fur la plus grande partie de ce
qui les concerne. Ils pafloient pour un des peuples
les plus civilifés de la terre ; & fous les règnes de
leurs derniers rois , ils fe diftinguèrent par une
grande magnificence ; ce qui fuppofe une connoif*
fance affez étendue de plufieurs arts. .
Il eft probable que leur, langue étoit celle de
toute la Phrygie. On peut croire qu’ils connoif-
foientle commerce, tant par les richeffes qu’elle
renfermoit , que par les productions du pays , 8c
la pofition même de la v ille, qui leur en présentoir
la poffibilité.
Hiftoire. L’opinion la plus accréditée fait Commencer
l’hifloire de Troye à Teucer,né en Phrygie
; ce que l’on vouloir probablement faire entendre
, en difant qu’il étoit fils du fleuve Scamandre
8c de la montagne Ida. Virgile étoit dans une autre,
opinion, foit qu’il eût eu de meilleurs mémoires ,
foit qu’en fa qualité de poète, il traita ce point
d’antiquité un peu légèrement. Quoi qu’il en foit,,
il fuppofe que Teucer étoit Crétois d’origine, i l
eft en cela de l’opinion de Bérofe ; 8c voici conr-
ment il s’exprime à ce fujet ;
Creta Jovis magni medto jacet infula Punt&y
Mons Idetus ubi & gentis cunabula nofirtz ,
Centum urbes , habitant magnas , uberrima regrue
Maximus indè pater, f i rite audita recordor); «
Teucrus Rhceteas primum efL ad refais in oras
Optavitque locum regno nondum Iliumg & arcù-
Pergametz fieterant, habitabant vallibus imis,
Hinc mater cultrix Cybele , Corybandaque <zra y
ldtzumque nemus ; hinc fida filentia fixeris ,
Et junEli currum dominât fubiere leones.
Æn. L. iii, v . 104, &c.
Ainfi Teucef, félon Virgile , étoit fils dé Sca>
mandre , natif de Crète. Teuçér , dans un temps dé
famine , ayant quitté cette île avec le tiers de
fes habitans , pour aller au loin chercher un autre
féjour , arriva dans cette partie de la Myfie, fur les
bords de PHélefpont. On voit encore ici repa-
roître une petite hiftoire de fouris. L’oracle lui
avoit preferit de s’établir dans un lieu où un ennemi,
forti de terre,« vïendroit l’attaquer pen-
n dant la nuit n. Ce fut en effet dans ce lieu qu^
l ’oracle s’accomplit. Car à peine étoit-i! defeendu
à ferre, près du promontoire Rheuzum, qu’il fut incommodé
toute la nuit par un nombre prodigieux
de fouris. Eclairé par cet événement fur le fens
de l’oracle, il réfolut de s’établir en ce lieu , 8c
d’abord éleva un templé à Apollon Sminthien. Il
donna à la montagne la plus prochaine le nom
d'Ida, montagne de Crète , 8c au fleuve , le nom
de Scamandre, que port oit fon père. Jufqu’alors
ce fleuve avoit été nommé Xanthus ; ce qui fait
dire à Homère que ce dernier nom étoit celui que
lui donnoient les dieux , au lieu que l’autre lui
•étoit donné par les hommes. Ce même prince
introduifit aufîi dans fa nouvelle v ille, le culte de
Cybele.
On dit qu’il fut très - heureux dans toutes fes
entreprifes. Il donna fa fille en mariage ,à Dardai?
us , en le défignant pour fon fuccefleur.
Dardanus étoit dit - on , fils de Corythe 8c
d’Eleélre. Corythe étoit roi de Samothrace, 8c
Dardanus, en lui fuceédant, avoit montré fur le
-trône toutes les vertus d’un prince religieux 8c
.père de fon peuple. Ce fut ce qui engagea Teucer
à lui faire épôufer fa fille. Devenu roi de Troye ,
il fit la guerre heureufement contre fes voifins, &
agrandit fon état naiflànt. On dit qu’il bâtit les
villes de Dardanus 8c de Thymbra. On donne à
ce prince un règne de 64 ans.
Erichthon, fon fils , lui fuccéda. Son règne fut
heureux ; 8c l’amour de fes peuples fut le prix des
biens qu’il leur avoit procurés : il régna 40 ans.
Tros, fon .fils monta fur le trône ; on fixa le
commencement de fon règne à l’an 1368 avant notre
ère. Ce fut lui qui jeta les fondemens de la ville
célèbre dont le génie d’Homère a pour jamais éternifé
la mémoire. Dès que ce grand ouvrage fut achevé
il invita les princes voifins à en célébrer avec lui la
dédicaCe. Tantale feul fut excepté. On ne fait pas
la caufe de cette exclufion ; mais on rapporte que
Tantale s’en vengea en enlevant Ganimède, fils
de Tros. D’autres difent que ce jeune prince fut
tué : Tros déclara la guerre au raviffeur ; mais
cette guerre fut malheureufe, 8c ce prince en mourut
de douleur.
Ilus , fon autre fils, lui fuccéda , 8c continua la
guerre commencée par fon frère , 8c parvint à
chaffer Tantale de PAfie. Après le départ de fon
ennemi, Ilus s’occupa du foin de fon état, 8c le
rendit heureux.
A la mort d’Ilus , Tithon, fon fils aîné, étoit ab-
fent ; Laomédon, fon frère , monta fur le trône.
Ce fut ce prince qui bâtit la citadelle de Troye.
Les mythologues ont prétendu qu’Apollon Pa-
voit aidé dans cette noble entreprife. On explique
cette fable, en difant qu’il employa en travaux
1 argent confacré à ce dieu. Plufieurs événemens
fâcheux affligèrent fon règne. De grandes inon-
dations'souvrirent les terres., la pefte emporta un
grand nombre de fes fujets : malheurs que les
prêtrés lié manquèrent pas d’attrîbuér à la témérité
d’avoir touché aux tréfors facrés.
A ces malheurs , dont le fapatifme 8c la fourberie
lui imputoient la caufe, il en fuccéda d’autres
que fon peuple encore partagea avec lui, 8c que
feul il auroit dû fupporter, parce que lui feul en
etoit l’auteur. Les Argonautes pafloient dans leurs
bâtimens ; ils mouillèrent devant Troye , 8c demandèrent
des rafraîchiffemens. Laomédon les leur
refufa , 8c menaça même- de les attaquer , comme
ennemis , s’ils ne fe hâtoient de fe rembarquer.'
Ce fut pour venger cet affront, qu’après l’expédition
heureufe de la Colchide, Hercule ( ou quelque
autre guerrier, car je n’ai pas trop foi à l’exif*
tence de l’Hercule des mythologues), revint devant
Troye avec douze galères , Pafliégea 8c la
prit : ce même héros combattant contre le roi,
il lè tua.
D’autres# difent pour plus grande merveilleV
qu’Apollon 8c Neptune avoient été engagés par
Laomédon , pour un prix convenu , à lui aider
dans la conftruétion des murailles de Troye. Il
avoit enfuite refùfé le paiement : de-là l’épidémie 9
qui vengeoit Apollon , 8c l’inondation , qui ven-
geoit Neptune.
On ajoute que l’oracle lui avoit ordonné, pour
apaifer les dieux , 8c fe délivrer de ces fléaux
d’expoferfa fille Héfione à la fureur d’un monftre
qui défoloitla plage. Cette princeffe fut délivrée par
Hercule, Mais Laomédon , que les malheurs n’a -
voient pas changé , fe permit encore un aéle de
mauvaife foi , 8c refufa de donner à Hercule la
récompenfe dont il [l’avoit flatté. La conduite
d’Hercule prouve ;au moins contre lui qu’il n’a-
voit pas^eu la générofité de faire une belle aélion
pour la belle atftion en elle - même ; car il fut fi
irrité du refus de Laomédon , qu’il afliégea 8c prit
T ro y e , en tua le roi, &. donna la belle princeffe
en mariage à Télamon, qui l’emmena en Grèce.
Des cinq fils qu’avoit Laomédon au commencement
du fiège, il n’en réftoit plus qu’un ; c’étoit
Priam : il fuccéda à fon père ; mais il reftoit deux
filles , qui toutes, ou à-peu-près, ont une petite
place dans Phiftoire.
Héfione avoit fuivi Télamon ; mais elle n’occu-
poit pas la première place dans fa maifon: il y avoit
au-deffus d’elle une femme grecque, époùfe de T é lamon.
Priam Payant appris, la fit demander ; on la
refufa ; 8c ce fut, ait-on, une des caufes de la guerre, -
Cilla 8c Aftyoche font à peine connues.
Mais Antigone eft repréfentée comme une femme
hautaine 8c acariâtre ; ce qui donna lieu à la fable
de dire qu’elle avoit voulu difputer de beauté avec
Jiinon, 8c que cette déeffe irritée , l’avpit changée
en cigogne.-
Proche époufa Cycuas, dont elle eut Tenus 8c
Hemithée.
Euthrie , prife 8c devenue captive des Grecs
qui l’avoient mife dans un de leurs bâtimens, fut fi
indignée de cet. état 8c de la fervitude à laquelle;
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