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rent fatales qu’aux villes & à leurs habitafis, Elles
furdÉ d’ailleurs paflàgères , & les: conféquences |
n’en pouyoien't être de longue duree. La conquête
des AtTynens ne fut qu’une expédition de pillage. J
Les Babyloniens étoient, après les Egyptiens, le
peuple le mieux policé. L’Egypte fouffrit de. leur
rapacité , non de leur ignorance j au lieu qu elle
eut à fouftiir horriblement de l’ignorance des'pal-
.teurs pendant tout le temps .de leitrsi conquêtes. ■
Après la defïrucHon de 'Xlhèbesj le,commerce, j
& 'probablement les arts, s’enfuirent, de l’Egypte -
pendant un certain temps, & fe retirèrent à Ldom . ;
ville dont l’hiftoire nous eft très-peu’ connue, mais j
qui étoit. pourtant à cette époque , ainfi que fou j
territoire ,• le pays le plus riche du monde. David,
qui régnoit dans le voifinage de Sidon & de T y r ,
appelle Edont la cité forte. « Qui me . portera
oj dans la "citèiforte f-qui me conduira dans Edom ».
Y Pf. i x , v. & pf. c vm .
. David, jà,1a fuite d’une ancienne:quereUe,
fans doute auffi , à; l’inftigatiou .des/Tyriens , fes
anciens amis, s’empara d’eulom ,1a démiifit & en
difperfa les habitans, il étoit a tors’ Je .guerrier le
plus. puilTant .du continent.: îy ï : .& , Edom étoient
rivales ; St- le prince Hébreu , en fàifant la con-
. quête de cette dernière ville, qu’il imit a fon royaume
, aiïroit anéanti" le, commerce -par les meutes
moyens qu’il employoît pour Je cultiver, & 1 approprier.,
Ci T y r n’avoit pas ete. en etat-de fuc-
céder à Edom , & ,de.raffembler fes marins & fes
ouvriers que la ,conquête avoit difperfés.
David prit poffeflion de deux ports, Eloth ou
Elath, & Afion on Ezion Gaber, d’où, il fit avec
beaucoup de fuccès , jufqu’à la fin de fon règne ,
le commerce à Ophir & à Tarshish. Nous demeurons
frappés d’étonnement, quand nous réfiechif-
fons aux femmes immenfes que ce prince reçut
en fi peu dé temps des mines .d’Ophir. Ce qui
oft rapporté, que David & fes fils fournirent pour
ïédificarion-du temple de Jérufalem , excède huit
cens millions de notre monnoie , fi toutefois le
talent dont parle l’écriture en cet endroit, étoit
Je talent hébraïque & non un poids, qui eût la
même dénomination, dont la valeur fût moindre,
& qu’on réfervât Spécialement pour le commerce
de ces métaux précieux , l’or & l’argent s mais
je laide à difeuter ce point d’antiquité au favant
auteur du dïffionnaire d’Antiquités.
Salomon, qui monta fur le trône après David,
fon pere , fuccéda également à l’amitié que David
avoit contraflée avec Hiram, roi de Tyr. Salomon
yifita en perfonne Elath & Afion-Gaber,
& les fortifia, 11 raffembla un grand nombre de
pilotes & de gens de mer qui s’éroient enfuis d’E-
dom, lorfçpe fon père en avoit fait la conquête,
& dont la plupart s’étoient retirés à T y r & à
Sidon , les deux feules villes commerçantes de
la Méditerranée. Hiram lui . fournit beaucoup de
matériaux ; mais les matelots, de. T y r n’étoieflt
pas capables d’exécuter les projets de. Salomon ,
s’ils n’eufient pas été : dirigés par des pilotes 8 c
des marins accoutumés'à- la navigation du golfe
d’Arabie & de l’Océan Indien ; des hommes enfin
tels qu’étoient ceux qui vivoîent autrefois.à Edbm ,
■ & que le roi des Hébreux venoit dé' recueillir à
Éïath & à Afion-Gaber.,
La navigation de la mer des Indes étoit bierf
différente à tous égards' de celle de la Méditer-»
ranée ; car la Méditerranée peut, être regardée,
en comparaifon de la. mer des Indes y comme un
paifibïe étang, dont les rivages font ’ très - peu
écartés l’un de l’autre. D’ailleurs, cette petite étendue
de mer eft fi remplie d’îles, que le pilote avoit
befoin de plus d’art & d’habileté pour éviter la
terre ,. que pour l’aborder. El-Ip eflr de plus fujette
à des vents variables ;■ puifqu’elle fe trouve aa
nord du 50e degré de latitude, limites que la
nature a données à . ces vents fur toute la circonférence
du globe. La 'navigation de l’Océan Indien
eft gouvernée pur des loix plus- régulières & plus
cqmmodeSppour les marins, & tres-diffèrerites de
celles auxquelles la Méditerranée eft fournie. Peut-
être ne fera-t-on pas fâché de trouver ici un mot
fur ce : phénomène.- -
Tous ceux qui connoi fient un peu l’hiftoire
d’Egypte, fa vent que les vents du nord y régnent
pendant les fix mois de la plus grande chaleur,,
& qu’on les y nomme, vents E th èfien s , ou vents
d’été. Ces vents balaient la- vallée du nord au
fud , qui ; eft la direéîion de l’Egypte, ainfi que
celle du Nil, qui la partage dans faLlongueur. Les
deux chaînes de montagnes qui bordent l’Egypte
; à l’orient & à l’occident, forcent le vent defuivre
cette direéîion précife.
Il eft natnrel de penfer qu’il en feroït de même
pour le golfe Arabique, fi cette mer avoit une
direéîion parallèle à la terre d’Egypte, c’eft-à-dire
du feptentrion au midi. Cependant le golfe d’Arabie,
ou ce que nous appelons la mer Rouge ÿ
s’étend prefque du nord-oueft ou fud-eft, depuis
Suez jufqu’à Moka. Là elle tourne, & va prefque de
l’eft à l’oueft , jufqu’à fa jonction avec fOcéan
Indien par le détroit de Bab-el-Mandeb.
Ainfi les vents Ethéfiens , gui font direélement
nord en Egypte , prennent ici la dire&ion diï
golfe, & foument avec force dans cette direéîion
pendant tout l’été, c’eft-à-dire, que depuis le mois-
d’avril jufqu’au mois d’oélobre, le vent règne der
nord-oueft fur toute l’étendue de la mer Rouge 9
en defeendant jufqu’au détroit ; & que de novembre
en mars , il eft direéfement contraire, & remonte
le golfe Arabique, depuis le détroit de Bab-el-»
Mandeb jufqu’à l’ifthme de Suez.
Ces vents font appelés par quelques perfonries ,
les vents alifés ; mais c’eft par erreur qu’on leur
à donné ce nom, qui peut fervir à répandre de la
confufion dans les relations , & à les rendre inintelligibles.
Le vent alifé eft un vent qui foufHe pendant
tout le cours de l’année, & qui a toujours fouiff«
& même point de l’horizon j tel eft le Vônt du
fud-oueft, au fud de la ligne nègre, fur l’Océan
Pacifique & fur l’Océan Indien.
Mais , au contraire , les vents dont je parle, actuellement
s’appellent mouffon s. Chaque année ils
foufflent régulièrement fix mois du nord, & fix
mois du fud fur le golfe Arabique , tandis que
fur l’Océan Indien , au-delà du détroit de Bab-el-
Mandeb , leur direéîion eft précifément oppofée
pendant le même temps, c’eft-à-dire , que pendant
l’été-ils viennent du fud 3 & pendant Fhiver ils
viennent du nord avec une légère inclinaifon à
l’eft; ou' à l’oueft.
■ On obfervêra donc, qu’un vaifieau partant de
Suez ou dii golfe d’Elath, dans quelque mois de
l’été que ce foit, rencontrera un vent.de nord-
oueft très-violent,: qui le portera direélement du
golfe à Moka. A Moka, la côte va de l’orient à
l ’occident jufqif au détroit,de Bab-el-Mandeb ainfi
lei vaifieau parti de Moka , aura, pendant.un court
efpace de chemin, des vents variables, mais la
plupart du temps fouillant de l’oueft, & ces vents
le conduiront bientôt au détroit. Il n’a donc plus
befoin de la moufibn du golfe qui venoit du
nord ; & quand il a pafie dans l’Océan Indien, il
* rencontre une autre moufîon direélement oppofee,
pendant les fix mois,d’été, à celle qui l’avoit fa-
vorifé fur la mer. Cette moufibn ne lui eft pas
moins favorable. Elle foufHe du fud-oueft, & le
porte à pleines voiles, fans -aucun délai , fans
aucun obftacle, dans quelque port de l’Inde qu’il
veuille aller. ■
A fon retour, il a le même avantage; il fiiit
voile pendant les mois d’hiver avec la moufibn
propre à cet océan, qui foufHe alors du nord-eft,
& qui le conduit au détroit de Bab-el-Mandeb. Le
détroit franchi, il trouve clans le golfe un vent
de fud-eft direélement oppofe à celui qui eft dans
l’Océan ; mais la route qu’il a befoin de faire eft
également contraire à celle qu’il a faite d’abord ; &
ce vent de fud-eft fuivant la direéîion du golfe ,
l e mène à Suez, ou dans le golfe d’Elath ou d’Elan ;
enfin en quelque endroit qu’il ait befoin. Jufques-là
tout eft fimple, clair, ailé;à comprendre, & c’eft
la raifon pour laquelle, dans les premiers âges du
monde , le commerce de l’Inde fe fit fans aucune
difficulté.
Cependant il s’eft élevé beaucoup de doutes fur
le port appelé O p h ir , d’où l’on tira Fimmenfe
quantité d’or & d’argent qui étoit néceffaire dans
le temps où l’on voulut fe préparer à bâtir le
temple de Jérufalem. On n’a pu encore s’accorder
fur la partie du monde, dit M. Bruce,.où éteit
fituécet Ophir. Quant à moi, j’ai adopté l’opinion
de ceux qui le placent à Sofâla, fur la côte d’Afrique.
V o y e { le mot O ph ir . Mais continuons à
yoir ce que dit M. Bruce.
Avec le voyage d’Ophir on en faifoit un à
Tarshish ou Tliarfis. On a vu que j’ai adopté
l’opinion ••que quelquefois ce nom, «dans l’écriture,
défigne la mer ; mais je ne la regarde' pas
comme exciufive. La même flotte , dit M. l’ ru^e,
alloit dans ees deux endroits pendant la meme
faifon.
Pour reconnoître , ajoute-t-il, avec cerfltnde le
lieu où étoit Ophir, il eft néceffaire d’examiner
ce qu’en dit l’Ecriture, & de rafiembler tout ce
qui le décrit précifément, fans permettre que notre
imagination nous emporte trop loin.
Premièrement, pour aller faire le commerce à
Ophir, on partoit du golfe d’Elan , ou Elamithe,
& l’on iraverfoit l’Océan Indien.
Secondement, les retours étoient en o r , . en
argent & en ivoire; mais principalement en argent.
Troifièmement enfin, les flottes demeuroient,
pour aller & pour revenir, précifément trois ans ,
& elles ne relièrent jamais ni plus ni moins de
temps dans çe voyage.
Or fi les 'flottes de Salomon ’ partoient du
golfe Elamithe pour l’Océan Indien , leur voyage
exigeoit de toute nécefiité qu’elles fe ferviffent des
mouffons, parce qu’il ne règne point d’autres-
vents fur ces mers ; & ce qui prouve indubitablement
qu’elles en profitoient, c’eft le terme précis
de trois ans qu’elles mettoient pour fe rendre à
Ophir, & revenir à Ezion-Gaber ; car il eft clair,
de manière à n’avoir befoin ni de preuve, ni de
l’appui d’aucun raifonnement, que fi ce voyage
avoit été fait avec des vents variables , on n’auroit
jamais dû obferver qu’il falloir un terme déterminé
pour l’allée & pour la venue. Les flottes auroient
pu retourner d’Ophir dans deux,-trois, quatre ou
cinq ans ; & le terme fixe de trois années auroit
été impoffible à obferver, dans quelqu’endroit du
globe qu’eût pu être fitué Ophir.
Ni rHifpanier^^tii le Pérou ( qui probablement
n’étoit pas alors connu), n’ont point été l’Ophit'
des anciens. Pendant une partie du voyage qu’il
eût fallu faire pour s’y rendre, on auroit trouvé
des vents variables, & conféquemment le retour-
eût été incertain. L’ile. de Ceylan (autrefois T a-*
prbbane)-, ne .peuvoit pas non plus être Ophir.
On s’y rend & on en revient à la vérité avec les
mêmes mouffons ; mais un an eft tout ce qu’il
faut pour un-, pareil voyage. En outre, Ceylan a
de l’ivoire, il eft vrai ; mais elle n’a ni argent
ni or : & quant aux îles de l’Amérique, elles n’ont
ni or ni ivoire.
. Quand les Tyriens découvrirent l’Hifpanie ,
ils y trouvèrent une immenfe quantité d’argent en
maffes énormes ; mais ils le portèrent à Tyr* par
la Méditerranée, & ils l’envoyèrent enfuite par
terre jufqu’à la mer Rouge, . afin de payer les
marchandifes qui venoient des Indes.
Tharfis n’eft pas non plus un port que l’on eût
ru trouver dans aucun de ces voyages ; ainfi cette
partie de la defeription pèche ; & d’ailleurs il n’y
avoit pas non plus des éléphans dans l’Hifpanie.
Ce furent les mines d’Ophir qui fournirent probablement
de l’or en Orient, dans les premiers