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Le fénat de la ville aflîgna le terrein où la ftatue
fi.it placée.
L O C Y M o r d o c i v i t a t i s
^VIDVC. L IB E N T E R D E D . P. X V I I I .
A N . P IO E T P R O C V L O C O S .
Ce confulat eft de l’an 2.3.5 de ï* C. fous l’empire
de Maximin.
M. Foucault & M. Galland envoyèrent à l’académie
la relation des découvertes', qui a été imprimée
dans le premier volume des mémoires de
l’académie des belles-lettres, hiß. p. 290. Ils y
joignirent leurs réflexions fur cette grande & ancienne
ville des Viducaffes, que l’on trouve ainfl
nommée dans Ptolemée , & dont Pline fait mention
, Viducaffes, èn les diftinguant de Vadicaffes,
ou plutôt, félon d’anciens manufcrits, Vadiocajfes,
que Pline nomme immédiatement après, & qui
font ceux de Bayeux.
Es effet, l’ancienne ville des Viducaffes dont
on a découvert les ruines à Vieux , & que M. Huet,
auteur des origines de Caen, a prifes pour un
camp romain , étoit la ville capitale du peuple
ou de la cité. Tous les mouumens qu’on y a
trouvés font des témoignages' irrécufables d’une
yille principale ; le marbre de Torigny en particulier
le prouve démonflrativement. Les inicrip-
îions dreffées en l’honneur de Titus Sermius Solemnis,
grand-prêtre de la cité des Viducaffes, étoient
gravées fur lé piédeflal de la ftatue qui lui
fut érigée par le décret des trois provinces de la
Gaule , dans la ville & dans la place qui fut
afiîgnée par le fénat de cette ville. O r , la ville
indiquée par l’aflemblée générale des Gaules, la
ville où réfidoit le fénat, ne pouvoit être que la
ville capitale, qui renfermoit un ou plufieurs
temples confacrés à Mercure, à Mars & à Diane,
dont Sennius étoit le grand-prêtre. . . . . . . .
V IR ERAT SENNIÜS MERCURI, MARTIS
A TQ U E DIANAE PR. SACERDOS. Cette
ville avoir le goût de la magnificence romaine.
Après la mort de ce. grand-prêtre, elle donna en
fon honneur toutes fortes de fpeétacles : OMNE
GEN VS SPECTACVLORVM, & fit célébrer
des jeux confacrés à Diane : TAVRINICIA
DIANAE RECEPTA. Pendant quatre jours de
fuite elle dépehfa pour cette folemnité vingt-fept
mille fefterc.es, millia nummum x x v n , qni feraient
de notre monnoie environ cinq' mille quatre cens
livres.,
Ces faits curieux, & intéréflans font tirés de.
l’édition du marquis de Maffei ( Gall. antiq. ftleEl.
p. 77 ) , comparée avec une ancienne copie de
Tinfcription- qui a été prife fur le marbre avant
qu’il fut autant^ déparé qu’il l’a été depuis. M. l’abbé
Lebeuf a vu c e , marbre en 3 7 4 6 & a copié exactement
ce qui eft encore apparent de cette inf-
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cription. On peut voir dans fon mémoire plufieurs
faits importans. pour l’hiftoire & le gouvernement
politique des Gaules. M. l’abbé Belley a traduit
ces mots de Tinfcription, IN SUA CIVITATE ,
dans fa ville, d’après MM. Foucault & Galland ;
en parlant de Tére&ion d’une ftatue dans un lieu
déterminé, on ne peut pas traduire autrement. Le
nom de civitas, dans les commentaires de Céfar,
exprime prefque toujours un peuplé ; mais ce mot
a encore d’autres fignifications dans les auteurs
anciens; il fignifie le droit de bourgeoifie, tout
le peuple d’une ville , la ville même. Varrius
Flaccus , cité par Aulugelle ( L. x v i n -, c. 7 ) ,
dit: civitas & pro loco, & pro. oppido, & pro jure
quoque omnium,. & pro' hominum niuliitudine. Douze
villes célèbres de l’Afie,. fuivant Tacire ( Ann.
L. //, c. 4 7 ) , furent renverfées par un tremblement
de terre: Duodecim célébrés A fis. urbes, con-
lapfa noâurno motus terra. Tibère fit rebâtir ces
villes par fes libéralités : Urbium damna, dit
Velleius Paterculus (X. c.iaô-), principis munifi-
centia vindicat, rtffitua Afia urbes.
Le fénat fit graver fur les monnoies, en l’honneur
de l’empereur, Tinfcription CIVITATIBUS
ASIÆ RESTITUTIS. Ce monument démontre
qu’au fiècle d’Augufie le mot civitas avoit quelquefois
la même fignificarion que le mot urbs ;
Tinfcription des Viducaffes eft du milieu du IIIe
fiècle : il eft certain qu’avant la fin du même
fiècle on employoit dans la Gaule le mot civitas
pour défigner une ville. Le rhéteur Emmenius 5
dans le difcours qu’il prononça Tan 297, en
préfence & en l’honneur de l’empereur Confiance ,
père de Conftantin, fur" le rétabliffement de la
ville d’Autun, qui avoit été ruinée, dit : civitas.
Æduorum. . . . . . . nunc jextrùélione veterum domorum,
& refcftione ôperum publicorum, & templorum inflau-
ratione cànfurgit. On a donc pu & on a dô traduire
ces mots de Tinfcription in f u â civitate, par
ceux-ci, dans fa . ville , où la ftatue du grand-
prêtre fut érigée, & dans les ruines de laquelle
îe piédeftal a été trouvé.
On eft curieux de connoître le nom primitif
& celtique de cette ville magnifique, capirale des
Viducaffes ; nous en devons la connoiflance à
Ptolemée (X. 1 /) , qui a donné les noms anciens
de plufieurs autres villes- de la Gaule. Ce géographe,
en décrivant la côte feptentrionale de la
Lyonnoife, parle de trois peuples , & de leurs
capitales, dans Tordre fuivant, d e sViducaffes ,
Arigènus, des Vendit, Crociatonum ; des Lexubii
Naomagus ; B/<Tovy^ctiatav , A’piyévas; Ovevéhav y
KpoKictrovav ; AefyQteov , Noipiccyoç. Ptolemée ne
met point, fuivant les anciens manufcrits connus,
avant le nom de ces villes-, © aroïac, ou kcu vrôhiç 9
qu’il emploie ordinairement ; mais il omet également
ces expreflions à l’égard d’autres villes capitales
de peuplés, de Lugdunum des Batavi; d’Antipolis
des Deciates. Cette omiflion ne peut donc pas faire
de difficulté à l’égard d! Arigènus. des Viducaffes 9
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Vieux * comme elle n’en fait aucune à l’égard de
Crociatonum de Venelli, Valognes; de JSoeomagus
dés Lexubii, L i f i e u x d e s autres capitales de
peuples, déjà citées?
La découverte des. deux capitales , .faites fous
les ordres & par les. foins.de M.. Foucault, répand
un grand jour fur l’ancienne, géographie de
cette partie des Gaules, & fixe Tuieertitude de
nos auteurs. La pofition de Crociatonum étant déterminée
aux ruines qui font yoifines de Valognes,
& celles $ Arigènus à Vieux, M. l’abbé Belley a
confulté la.table de Peutinger,. qui décrit ,des voies
romaines dans ce même pays : il a perifé qu'Ars-
geme, repréfentèe comme une ville capitale, étoit
la meme ville qu’Arigènus, comme c’eft effeélivemen
t le même nom ; & ce qui Ta confirmé dans
fon opinion, c’eft que les diftances des mefures anciennes
répoadent exaftement aux diftances réelles
& pofitives ;. favoir , vingt-une lieues gauloifes
depuis Crociatonum jufqu’à Auguflo-durum , au paf-
fage de la rivière de Vire, près de Saint-Fromond,
& de-là vingt-quatre lieues gauloifes jufqu’à Ari-
genus ou Arægenne, Vieux, C’eft une chaîne itinéraire
dont les extrémités font attachées aux ruines
de deux grandes villes, qui font deux points fixes
& indubitables.
On ne peut tranfporter à Bayeux la pofition
d'Arigcnus ou d'Arægenne, fans rompre cette chaîne ;
ce qui rendrait la découverte des deux villes inutile
, puifqu’elle ne répondroit plus à la diftance
donnée par les anciens. La table de Peutinger eft
un monument refpedable & précieux, auquel on
ne doit rien changer légèrement, & fans y être
forcé par des circonftances locales. Dans le cas
préfentfces circonftances demandent qu’on ne falfe
aucun changement. Le pâflage de la ligne itinéraire
, qui partage en deux le nombre x xm i , n’eft
pas une' raifon fuftÙantejon a montré précédemment
par plufieurs exemples femblables , que le
paflage de cette ligne ne doit opérer aucun changement
dans le monument.
On dira que, fuivant la traduclion latine du
texte de Ptolemée Argents fluvii. offia, la ville
d’Arigcnus devoit être fituée fur une rivière qui
fe décharge dans l’Océan ; & que Vieux étant
fituée près d’une petite rivière qui tombe dans la
rivière d’Orne, à quatre lieues de l’Océan , ne
peut être VArigenus de Ptolemée. On répond que
le texte original de Ptolemée, foit dans les manufcrits,
foit dans les imprimés connus, ne donne
point.après Aplysvovs, çes mots ’TroTopta sKCohcu ;
&, que par . cela n:êmè la traduélion latiné devient
fulpeâe. Le tradüéleur a pu avoir fous les
yeux un/maniifcrit qui portoit ces mots ; mais ce
pouvoit être la faute d’un copifie* qui, ayant ’lu dans
la ligne précédente tôt. ixCohcLt, & voyant
le mot A piyevus feul, aura ajouté par inattention
ou p^r. ignorance, les móts tot. . skCôkcli.
La faute: vient peqt-êtrè aüffi du tr^duéiêur, qui
^oyant }ç. nom' Arigenus dans le texte grec , &
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croyant que c!étoit le nom d’une rivière, on a
ajouté ces mots, fluvii offia. Mais ce qui montre
que c’eft une faute , foit du copifte, foit du tra-
duéleiir, c’eft qu’on ne voit aucun exemple dans,
la Gaule de, Ptolémée, que ce géographe, après
le nom d’un peuple , ait employé feulement le nom
dune rivière, & qu’il ait omis le nom de.la ville
capitale. On ne peut donc oppofer cette traduction
latine au texte original, loit des manufcrits
foit des imprimés.
Quand même le texte original porterait ces mots f
Aptysvisç vtot. .■ skCoKcli , on n’en pourrait pas
conclure certainement, que là ■ ville d'Arigenus fut
fituée fur une rivière qui fe décharge dans l’Océan.'
Ptolemée donne avec afiez d’exaéiittide. la notice’
des provinces & des villes de la Gaule ; mais il
n eft pas auffi exaél lorfqu’il dérermine la pofition
des lieux; on en a déjà offert plufieurs exemples;
il n’eft pas plus exaét fur cette partie de la Gaule
dont il s’agit; il décrit deux fois la côte feptentrionale
de là Lyonnoife dans cet ordre. i°. D ’occi«
dent en orient, depuis le promontoire. Gobtum
le port Staliocari, l’emboiichure du fleuve Têtus.
des Biducéfiens, des Viducaffes Arigenüs, des Vendit
Crociatonum, près l’embouchure de la rivière d’Orne,
des Luxubii, Naomagus ; l’embouchure de la Seine.
2,^. Je reprends la même côte d’orient en' occident
dans cet ordre ; depuis la Seine, les Caleta, dont
la capitale eft Juliobona^ enfuite , les Lexubii, enfuite
les Venelli ; après ceux-ci les Biduceffii ou Viducaffes;
& ces derniers peuples, jufqu’aupromontoire Go-
beum, les OJifmii^ dont la capitale eft Vorganium*
On voit par cette defeription répétée , que
Ptolemée n’eft point exa& dans la pofition des
peuples & des lieux : les Ofifmii occupaient la
partie occidentale de la côte jufqu’an cap Saint-
Mahé. en Bretagne, & il place immédiatement après
ces peuples , les Biduceffii ou Viducaffes ; il place;
ceux-ci à l’occident de Venelli, peuples du Cotentin;
pendant que les Viducaffes ,■ d’après des preuves
indubitables, font à l ’orient, du côté de Caen. Le
même géographe étend les Vmelli jufqu’aux Lexubii, .
peuples de Lifieux : on voit un déplacement dans
toute la defeription de cette côte. Quand même
ce géographe aurait dit dans fen texte original,
Arigenüs eft fitué. fur une rivière qui tombe dans
l'Océan , ce qui ne fe trouve que dans la traduction
latine, pourroit-on oppofer cette expreflion
' incertaine, fufpecfe, & même fauffe , aux preuves
réuniês & indubitables tirées des momunens découverts
à Vieux & des diftances données par la
table de Peutinger ? Enfin, fi Ton veut défendre
la leçon Argents fluvii offia, de la verfion latine,
on ne peut pas dire que cette rivière à’Argenus eft
la petite rivière d’Aure qui paffe à Bayeux. Ptolemée
place les Biducàffii entre les Ofifmii, peuples fitué?
en Bretagne, 8c les Vsneli, peuples du Cotentin ;
la rivière d’Argenus ferait placée , fuivant ce i-éo-
graphe , aux environs de Dînant , en Bretagne , à
i trente lieues de Bayeux; & par une conféquencc